ARTICLE ORIGINAL
Histoire naturelle de l’hépatite B chronique
Natural history of chronic hepatitis B
F. ZOULIM*, C. TREPO
Inserm U 271 et Hôtel Dieu, Service d’hépatogastroentérologie, Lyon
Épidémiologie de l'hépatite B
Malgré la disponibilité d’un vaccin efficace contre l’hépa-
tite B, cette infection virale demeure un problème majeur
de santé publique à l’échelon mondial [1]. On estime que
350 millions de personnes sont porteuses chroniques du
virus de l’hépatite B dans le monde. On estime que, aux
États-Unis, environ 1,25 million de personnes sont porteu-
ses chroniques de l’antigène HBs (pendant plus de 6 mois)
et que, en Europe, 4 millions de personnes seraient
porteuses chroniques du virus. La prévalence du portage
chronique de l’antigène HBs est inférieure à 0,5 % dans
les pays développés. Cette prévalence augmente dans les
pays du bassin méditerranéen (environ 5 %), en Europe
de l’Est, en Asie et en Afrique (jusqu’à 10-20 %) où les
programmes de vaccination de masse ont débuté seule-
ment récemment. L’incidence de l’hépatite B est en forte
diminution dans les pays où une vaccination de masse est
réalisée de façon efficace. Ceci est particulièrement vrai
en Italie, mais aussi dans les pays d’Asie comme Taiwan
où la vaccination à la naissance a permis de faire baisser
le portage chronique de l’antigène HBs de 10 % de la
population à 0,8 % en l’espace de 10 ans et de diminuer
les complications de la maladie [2, 3]. En effet, on estime
que 15 à 40 % des porteurs chroniques du virus de
l’hépatite B développeront des complications liées à cette
maladie pendant leur vie. Le virus se transmet par voie
sexuelle, par voie sanguine et par voie verticale de la
mère à l’enfant. Ainsi, l’hépatite B demeure la maladie
transmissible la plus fréquente après transfusion, malgré
les tests de dépistage. Il s’agit d’une infection fréquente
chez les usagers de drogue. Un risque nosocomial a bien
été documenté. La transmission horizontale peut être extrê-
mement efficace. Le risque de transmission sexuelle aug-
mente avec le nombre de partenaires sexuels. La transmis-
sion mère/enfant est à l’origine d’un taux de chronicité de
l’infection chez le nouveau-né extrêmement important.
Ainsi, on estime que le risque de développement d’une
infection chronique après une exposition est de 90 %
chez les nouveau-nés de mère positive pour l’antigène
HBe, de 25-30 % chez des enfants de moins de 5 ans et
moins de 10 % chez l’adulte. Ceci explique la très forte
prévalence dans les zones d’endémie comme l’Afrique ou
l’Asie où les programmes de vaccination à la naissance
n’ont pas encore pu être mis en place de façon large [1].
Le virus de l'hépatite B
Le virus de l’hépatite B appartient à la famille des hepad-
navirus. Il comporte un génome à ADN relâché circulaire,
partiellement double brin, d’approximativement 3 200
paires de base. Ilya4gènes chevauchants codant pour
les protéines d’enveloppe, les protéines core, la polymé-
rase virale et la protéine X. Le virus de l’hépatite B
s’apparente aux rétrovirus puisqu’il utilise une transcrip-
tase inverse pour la réplication de son génome. Cepen-
dant, l’intégration du génome viral dans le génome de
l’hôte n’est pas nécessaire à la réplication virale. La
persistance virale est assurée par le caractère non cytopa-
thogène de l’infection et par la persistance dans le noyau
d’un minichromosome viral appelé ADN superenroulé ou
CCC DNA. Le taux d’erreur spontanée de la transcriptase
inverse associée à l’absence d’activité de correction est à
l’origine de l’apparition et l’accumulation de mutants au
cours de l’infection virale. Ces mutants peuvent être sélec-
tionnés en fonction des pressions thérapeutiques ou immu-
nologiques exercées au cours de l’histoire de la maladie
[4].
Le virus de l’hépatite delta est un virus à ARN d’effectif,
proche des viroïdes [5]. Ce virus nécessite les protéines
d’enveloppe du virus de l’hépatite B pour sa propagation
d’une cellule à l’autre dans le tissu hépatique et d’un
individu à l’autre lors de la transmission in vivo. Générale-
ment, la réplication du virus delta inhibe fortement la
réplication du virus de l’hépatite B.
Histoire naturelle de l'infection chronique
Physiopathologie
Le virus de l’hépatite B n’étant pas cytopathogène, les
lésions hépatocytaires sont principalement dues à l’atta-
que des cellules infectées par les lymphocytes T cytotoxi-
ques CD8 positifs reconnaissant principalement les épito-
pes de capside, mais aussi de l’enveloppe virale,
présentés par les antigènes du complexe majeur d’histo-
compatibilité. Les lymphocytes T cytotoxiques, de même
que les cellules natural killer (NK) et les cellules NKT
produisent des cytokines de type TH1 comme l’interféron
gamma qui inhibe de façon puissante la réplication du
virus de l’hépatite B, de façon indépendante de la lyse
hépatocytaire. Ces deux mécanismes conjoints peuvent
être à l’origine de contrôle de l’infection virale par la
réponse immune [6-8]. Lorsque la réponse immune cellu-
*Correspondance et tirés à part : F. Zoulim
ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2005 ; 24 (4) : 233-7
J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 233
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laire médiée par les lymphocytes T CD4 est insuffisamment
vigoureuse, ceci aboutit à la génération d’une destruction
chronique des hépatocytes insuffisante pour éliminer tou-
tes les cellules répliquant le génome viral et permettant
ainsi la perpétuation de la réplication virale et des lésions.
Ceci est donc à l’origine des lésions d’hépatite chronique
qui, par la suite, peuvent évoluer vers la cirrhose.
Les mécanismes de l’oncogenèse hépatique viro-induite
sont plus complexes et comprennent l’intégration du gé-
nome viral dans le génome de la cellule hôte, avec
possibilité de dérégulation d’oncogènes ou de gènes
cellulaires contrôlant la division cellulaire, l’expression de
protéines virales, comme la protéine X ou les protéines
d’enveloppe pouvant activer en trans certains gènes cellu-
laires ou induire des lésions cellulaires directes, le renou-
vellement hépatocytaire lié à la lyse de médiation immune
et la cirrhose [9]. Des cofacteurs de carcinogenèse ont été
parfaitement identifiés avec, notamment, la consomma-
tion d’alcool, l’exposition à l’aflatoxine induisant des
mutations dans le gène suppresseur de tumeur p53, la
co-infection avec le virus de l’hépatite C, le tabagisme
etc...
Les différentes phases de l'infection chronique
On distingue classiquement quatre phases dans l’évolu-
tion de l’infection par le virus de l’hépatite B (tableau 1)
[10, 11].
La phase d'immunotolérance
Cette phase se caractérise par un état de tolérance
immunitaire contre les cellules infectées. Cet état de tolé-
rance immunitaire pourrait être favorisé par l’antigène
HBe. Cette hypothèse est notamment évoquée dans le
cadre de la transmission mère/enfant du virus à l’accou-
chement où le passage transplacentaire de l’antigène
HBe rend le nouveau-né tolérant au virus de l’hépatite B,
lors de son exposition au moment de l’accouchement.
Cette phase se caractérise typiquement par la présence
de marqueurs de réplication virale avec un antigène HBe
positif, un ADN viral sérique extrêmement élevé. Du fait
de la tolérance immunitaire, les transaminases sériques
ont un taux normal. La biopsie hépatique n’est pas recom-
mandée dans cette situation, mais montrerait l’absence de
lésion ou des lésions hépatiques minimes et la présence
de très nombreuses cellules exprimant les antigènes vi-
raux. À cette phase, l’individu est extrêmement conta-
gieux et un dépistage systématique de l’entourage est
nécessaire avant de débuter une vaccination. Aucun
traitement antiviral n’a fait la preuve de son efficacité
durant cette phase de l’infection. Compte-tenu de
l’absence de lésion hépatique il n’y a pas d’indication
thérapeutique.
La phase de clairance immune
Durant cette phase, le système immunitaire entre en action
et le conflit entre la réplication virale et la réponse immune
de l’organisme aboutit à la constitution de lésions chroni-
ques nécro-inflammatoires du foie. On retrouve dans le
sérum des marqueurs de réplication virale avec un anti-
gène HBe positif, un ADN viral plus faible, compte tenu de
la destruction de cellules infectées, une élévation des
transaminases sériques, et la présence de lésions d’hépa-
tite chronique active à la biopsie hépatique, associées à
la présence d’un nombre plus faible de cellules exprimant
les antigènes viraux. C’est à cette phase qu’il est néces-
saire de débuter un traitement antiviral pour bloquer
la réplication du virus et induire un contrôle de l’infection
par le système immunitaire afin d’induire une rémission
histologique.
Portage inactif du virus de l'hépatite B
ou phase de rémission
Lorsque spontanément, ou sous l’effet de traitements antivi-
raux, le système immunitaire contrôle l’infection virale,
ceci conduit à la phase de portage inactif du virus de
l’hépatite B. Durant cette phase, les hépatocytes infectés
répliquent le génome viral a minima. La faible expression
des antigènes viraux et notamment de capside réduit donc
l’attaque des cellules infectées par la réponse immune
cellulaire. Le contrôle immunitaire de l’infection virale se
caractérise par la séroconversion HBe avec négativation
de l’antigène HBe, apparition d’anticorps anti-HBe,
diminution de l’ADN viral sérique en dessous de
10
4
copies/mL, normalisation complète des transamina-
ses, l’absence de signe d’inflammation hépatique sur la
biopsie. Il persiste toutefois dans le tissu infecté des
cellules comportant l’ADN superenroulé qui peut être à
l’origine d’une réactivation virale sous la forme d’un virus
sauvage ou d’un mutant pré-core (tableau 2), et des
cellules comportant le génome viral intégré dans le gé-
nome de l’hôte, pouvant être à l’origine de l’oncogenèse
viro-induite. De plus, des lésions de fibrose séquellaires
peuvent être présentes à ce stade. On n’emploie donc plus
le terme trompeur de « portage sain » du virus de l’hépa-
tite B, qui du fait de risque de réactivation virale et
d’oncogenèse hépatique, était porteur de confusion et
surtout faussement rassurant.
Élimination de l'antigène HBs
À cette phase, peut succéder une phase d’élimination de
l’antigène HBs qui se caractérisera par la négativation de
cet antigène viral, et éventuellement l’apparition d’anti-
corps anti-HBs qui pourront parfois diminuer et disparaître
au fil du temps. Très souvent, seul le marqueur de type
anti-HBc reste positif, témoignant d’un contact ancien
avec le virus de l’hépatite B. Parfois, ce marqueur peut
être absent. Il persiste alors des traces d’ADN viral circu-
lant détectables seulement des techniques de PCR ultra-
sensible. À ce stade de l’infection, il persiste dans le tissu
infecté des cellules comportant l’ADN viral superenroulé
pouvant être à l’origine d’une réplication virale a minima
et d’infection virale B occulte, et des cellules comportant le
génome viral intégré dans le génome de l’hôte pouvant
être à l’origine d’une oncogenèse viro-induite, notamment
lorsque cette phase survient à un stade de cirrhose hépati-
que [12, 13].
Les formes cliniques de l'hépatite B
Hépatites fulminantes
L’hépatite fulminante est une forme rare d’hépatite B qui
correspond à la destruction massive et rapide des hépato-
cytes infectés par le virus de l’hépatite B par la réponse
immune T cytotoxique. Il s’agit d’une forme typique d’hé-
patite fulminante évoluant vers l’insuffisance hépatocellu-
laire en quelques jours, indication classique de la trans-
plantation hépatique. Généralement, les transaminases
sont très élevées et les marqueurs viraux peuvent être
indétectables avec les techniques usuelles compte tenu de
la destruction massive des hépatocytes : l’antigène HBs
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peut lui aussi être en-dessous des seuils de détection, des
tests diagnostiques de même que l’ADN viral qui n’est
détectable que par PCR. Les IgM anti-HBc permettent alors
de faire le diagnostic (tableau 3).
Les mutants pré-core du VHB
Cette forme correspond à la sélection d’un mutant de la
région pré-core du génome viral. Il s’agit soit de mutations
dans le promoteur du core qui diminuent fortement l’ex-
pression de l’antigène HBe, soit de mutations de type
codon stop dans la région pré-core et qui arrêtent l’expres-
sion de cet antigène [14, 15, 16, 17]. Classiquement, il
est admis que ces mutants sont sélectionnés par la réponse
immune anti-HBe et émergent lors de la séroconversion
HBe. Ces mutants s’accumulent au cours du temps pour
dominer le virus sauvage après l’apparition d’anticorps
anti-HBe. Le type de mutant dépend du génotype viral, le
génotype D étant plus souvent associé aux mutations de
type codon stop de la région pré-core, alors que les autres
mutations, notamment dans le promoteur du core sont
indépendantes des génotypes viraux [18]. Ces mutations
ne sont pas létales pour la réplication virale in vitro et
in vivo. Sur le plan clinique, l’évolution de cette infection à
virus muté est marquée par trois profils clinicovirologiques
[19, 20]. Dans tous les cas, le patient est porteur de
l’antigène HBs, a des anticorps anti-HBe et l’ADN viral est
détectable en utilisant des techniques ultrasensibles car,
généralement, les taux d’ADN viraux sont plus faibles que
dans le cadre de l’infection par un virus sauvage. Le
premier profil correspond à la présence d’ADN viral à des
taux relativement élevés, détectables par les techniques
d’hybridation classiques avec des transaminases toujours
au-dessus de la norme. Le deuxième profil correspond à
des fluctuations de la réplication virale et des transamina-
ses sans qu’il y ait de phase de normalisation spontanée
des transaminases. Le troisième profil correspond à la
succession de phases d’exacerbation des transaminases
avec normalisation spontanée de celles-ci et reprise ulté-
rieure de la cytolyse. Ce dernier profil est difficile à
distinguer du portage inactif du virus de l’hépatite B
lorsque le patient est en phase de rémission spontanée.
Généralement, les lésions histologiques fibrosantes sont
plus sévères que dans le cadre de l’infection par un virus
sauvage car ces formes sont associées à des infections de
plus longue durée. On peut retrouver ainsi une cirrhose
chez 30 à 40 % des patients.
Réactivation virale
La réactivation virale correspond à la reprise d’une répli-
cation du virus de l’hépatite B et peut s’accompagner
d’une exacerbation cytolytique [11]. On distingue géné-
ralement deux grands types de réactivation :
1) la réactivation d’un virus sauvage qui peut se voir
classiquement dans le cadre d’une réversion en antigène
HBe. Il s’agit d’une réapparition de l’antigène HBe chez
une personne ayant antérieurement fait une séronconver-
sion anti-HBe ;
2) la deuxième situation est celle d’une réactivation d’un
mutant pré-core, la personne infectée par le virus de
l’hépatite B ayant des anticorps anti-HBe, l’ADN viral
remonte sans modification des marqueurs HBe.
Ces réactivations virales peuvent être associées à des
poussées cytolytiques parfois sévères pouvant s’accompa-
gner d’insuffisance hépatocellulaire.
L’exacerbation de la maladie hépatique peut être liée à
une réactivation virale, mais aussi, à d’autres facteurs,
comme une surinfection par le virus de l’hépatite C ou le
virus de l’hépatite delta, et des facteurs intercurrents,
comme l’alcool, la prise de médicaments hépatotoxiques,
etc. (tableau 2).
Manifestations extra-hépatiques liées au VHB
Dans certains cas, l’infection virale peut se manifester par
des symptômes extra-hépatiques. Le plus classique est la
péri-artérite noueuse qui est due à la présence de comple-
xes immuns circulants impliquant des antigènes viraux et
des anticorps spécifiques anti-VHB. Ces complexes im-
muns se déposent sur des artères de moyen et petit calibre
et sont à l’origine de la vascularite. Certaines observa-
tions indiquent que les mutants pré-core peuvent être
associés à des péri-artérites noueuses, suggérant que
l’antigène HBe ne serait pas impliqué dans ces complexes
immuns. D’autres types de manifestations résultant égale-
Tableau 1.Histoire naturelle de l’hépatite B chronique.
Tolérance immune Ag HBe (+)
ADN-VHB Alat = N
Biopsie : pas d’hépatite
chronique
Clairance immune Ag HBe (+)
ADN-VHB Alat
Hépatite chronique
Portage inactif Ag-HBe (-)
Ac anti-HBe (+)
ADN-VHB < 10
4
copies/mL
Alat = N
Rémission histologique
Clairance de l’Ag HBs Ag HBs (-)
Ac anti-HBc (+)
Ac anti-HBs +/-
PCR VHB (+)
Alat = N
Guérison clinique
ou Alat
hépatite chronique
Tableau 2.Diagnostic d’une exacerbation.
Réactivation virale
Virus sauvage Réversion en Ag HBe = Ac anti-HBe Ag HBe
Mutant pré-core Ac anti-HBe (+), ADN-VHB
Rupture de tolérance
immunitaire
Séroconversion anti-HBe Ag HBe (+) Ac anti-HBe (+), ADN-VHB
Surinfection virale
VHC PCR VHC (+)
VHD IgM delta (+)
Autres causes
Alcool
Auto-immunité
Tableau 3.Tests diagnostiques.
Tests virologiques Ag HBs
Ag HBe / Ac anti-HBe
ADN-VHB : tests quantitatifs sensibles
Tests biochimiques Alat
Alpha fœtoprotéine : dépistage du CHC
Radiologie Échographie abdominale : dépistage du CHC
Tests spécialisés Génotypage
Détection de mutations pré-core
Détection de mutations de résistance aux antiviraux
Histoire de l’hépatite B chronique
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ment de complexes immuns ont été décrits : extra-
membraneuse, syndrome néphrotique, syndrome de
Guillain Barré, etc. Classiquement, le traitement repose
sur l’utilisation d’antiviraux afin d’éliminer la cause de la
vascularite associée initialement à une corticothérapie et
des échanges plasmatiques pour éliminer les complexes
immuns circulants et contrôler leurs conséquences vascu-
laires [21-23].
Cirrhose virale B
La cirrhose virale B est une forme sévère de l’hépatite B
chronique. En effet, celle-ci peut se compliquer d’insuffi-
sance hépatocellulaire, d’hypertension portale, mais sur-
tout de carcinome hépatocellulaire. Ainsi, il a été estimé
que le risque de développer un carcinome hépatocellu-
laire chez des patients cirrhotiques est de 3 à 5 % par an.
Ce risque est augmenté en cas de persistance de la
réplication virale et de l’élévation des transaminases. Ceci
implique une surveillance étroite chez ces patients, pour le
dépistage du CHC, par échographie et dosage de l’alpha
fœtoprotéine au moins tous les six mois [24].
Autres formes cliniques
D’autres formes cliniques sont fréquentes, notamment
dans le cadre des co-infections. Il a été clairement montré
que la co-infection avec le virus de l’hépatite C était
associée avec des maladies hépatiques plus sévères et
probablement à une réponse moindre aux traitements
antiviraux. La co-infection avec le VIH expose à un risque
de maladie hépatique d’évolution plus rapide. Ceci est
par ailleurs rendu plus complexe par les phénomènes
d’hépatites liées à la restauration immune, du fait des
traitements antirétroviraux efficaces, à des phénomènes
d’hépatotoxicité des antirétroviraux, à la sélection de
mutants du VHB résistants aux antirétroviraux. Les hépati-
tes B chroniques chez les patients immunodéprimés, dialy-
sés rénaux, transplantés rénaux, transplantés hépatiques
sont généralement sévères et associées à une morbidité
plus importante. À noter que dans le cadre de la trans-
plantation de moelle osseuse et des chimiothérapies anti-
cancéreuses, des hépatites avec exacerbations parfois
gravissimes, volontiers fatales, sont observées lors de la
restauration du système immunitaire.
Prise en charge du diagnostic et du suivi
Évaluation initiale
L’évaluation initiale des patients présentant une infection
chronique par le virus de l’hépatite B devrait inclure un
examen clinique et des antécédents avec une attention
particulière sur les facteurs de risque de co-infection, de
consommation d’alcool, d’histoire familiale d’infection
par le VHB et de cancer de foie. Les tests de laboratoire
pour mieux cerner le stade de la maladie hépatique
reposeront sur les enzymes hépatiques, la numération
formule plaquettaire, le taux de prothrombine, l’électro-
phorèse des protéines. Les tests pour déterminer le niveau
de réplication virale reposeront sur la détection de l’anti-
gène HBe, des anticorps anti-HBe et de l’ADN viral. Les
tests de détection de l’ADN viral ne sont pas bien standar-
disés. Leur sensibilité est variable, de même que leur
linéarité. À l’heure actuelle, l’utilisation de tests de détec-
tion de l’ADN viral ayant des limites de détection à
10
3
copies/mL est appropriée pour l’évaluation initiale
des patients présentant une infection chronique, mais pas
pour le suivi thérapeutique. Le dosage des IgM anti-HBc
peut être positif lors des phases de réactivation virale, de
même que dans le cadre des infections par un mutant
pré-core du VHB où l’utilisation de tests ultrasensibles de
détection des IgM anti-HBc peut être un marqueur alterna-
tif de réplication virale. Des tests doivent être pratiqués
pour éliminer une co-infection avec un virus hépatotrope,
comme le virus de l’hépatite C ou le virus de l’hépatite
delta, et les virus partageant le même mode de transmis-
sion, notamment le VIH. Le dépistage du carcinome hépa-
tocellulaire doit être réalisé avec le dosage de l’alpha
fœtoprotéine et une échographie abdominale.
Le but de la biopsie hépatique est de déterminer le degré
d’atteinte hépatique et d’éliminer une autre cause d’hépa-
topathie. Le diagnostic histologique d’une hépatite chroni-
que doit inclure l’étiologie, le niveau d’activité nécrotico-
inflammatoire, la stadification de la fibrose. Les données
histologiques peuvent aider à déterminer le pronostic. La
biopsie hépatique est recommandée chez les patients
présentant les critères d’hépatite chronique : élévation
des transaminases et présence d’une réplication virale.
Suivi des patients
Chez les patients devant bénéficier d’un traitement anti-
viral, l’utilisation des marqueurs les plus sensibles et
quantitatifs de détection de l’ADN viral est nécessaire
pour s’assurer de l’efficacité du traitement antiviral. Chez
les patients infectés par un virus sauvage, la détection de
l’antigène HBe et des anticorps anti-HBe est nécessaire
pour dépister une séroconversion HBe. La détection des
mutants du gène de la polymérase résistant à la lamivu-
dine peut être utile car elle anticipe l’échappement viral,
c’est-à-dire la remontée des titres viraux qui précède
elle-même l’exacerbation de transaminases.
Chez des patients ne recevant pas de traitement antiviral,
on distingue deux situations :
la première situation est celle du patient immunotolé-
rant, positif pour l’antigène HBe, avec de très hauts
niveaux d’ADN viral et des transaminases normales.
Chez ces patients, un suivi des transaminases tous les trois
à six mois est nécessaire pour dépister une éventuelle
rupture de tolérance immunitaire qui pourrait soit annon-
cer une séroconversion HBe spontanée, soit indiquer le
passage à la phase d’hépatite chronique nécessitant alors
de considérer l’intérêt d’une biopsie hépatique et d’un
traitement antiviral. Le dépistage du carcinome hépatocel-
lulaire doit être proposé, ce d’autant que l’infection est
ancienne ;
la deuxième situation est celle de porteurs inactifs du
VHB. Une surveillance régulière du bilan hépatique est
nécessaire car la maladie hépatique peut redevenir ac-
tive, même après plusieurs années de quiescence. Un
dosage de transaminases tous les six mois paraît néces-
saire et, en cas d’élévation des transaminases, il sera
alors nécessaire de réévaluer l’ADN viral et d’exclure
d’autres causes de maladies hépatiques. Le dépistage du
carcinome hépatocellulaire est aussi nécessaire dans cette
situation.
F. Zoulim, C. Trepo
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