
Le passage de relais oui, peut-être, mais quand ? Première question.
Le discours sur l’introduction d’un nouveau partenaire tenu au patient et à son entourage est sans doute aussi essentiel
que le moment: passer le relais à un réseau de soins palliatifs ne pourrait se dire que du côté d’une prise en charge globale
du patient, pourquoi : parce que le patient a à se saisir d’une nouvelle structure. Toute parole d’explicitation, comme ici la
prise en charge psychologique, va produire une inscription qu’il sera difficile de lever ensuite : NEPALE = soutien psy et
ce d’autant, d’autant qu’il s’agit d’un réseau de soins palliatifs donc, et personne ou presque n’est dupe, d’un réseau qui
accompagne jusqu’à la mort. Cela résonne du côté de la séparation.
Nous avons donc à unifier, pour sécuriser, psychiquement. Entreprendre un découpage des fonctions des uns et des
autres, les uns la psy, les autres la maladie SLA, les autres encore, les soins, risque et nous le constatons souvent, de
renforcer les clivages et le morcellement, de produire justement ce à quoi nous avons à faire face, physiquement et
psychiquement, la déliaison. Et les patients qui y sont confrontés dans leur chair nous y poussent, à leur insu, mais nous y
poussent…ils n’entendent que ce qu’ils peuvent et souvent, ils ne peuvent entendre facilement, justement, la séparation,
symbolisée par le passage de relais d’un réseau à un autre, fut-il de proximité, même si tout était dit de la prise en charge
globale à domicile, il n’est pas facile d’entendre et d’accepter le non dit trop dit de ce que cela dit de l’avancée de la
maladie.
Unifier pour sécuriser ne veut pas dire glissement des fonctions, tout le monde ne ferait pas tout, non, mais cela sous-
tend l’essentiel travail de lien entre nous, acteurs différenciés de la prise en charge, amenés à se transmettre l’état de la
situation du patient et son évolution, parfois jour après jour, pour que tous concourent, de leur place, à favoriser un
maintien à domicile de qualité et en sécurité. Quand la patiente ne peut plus parler et à plus forte raison parce qu’elle ne
peut plus le faire physiologiquement, c’est à nous de prendre le relais, de ce que l’on voit (évaluation clinique) et
éventuellement de ce que l’on sent en s’assurant les moyens d’un évitement des projections qu’une prise en charge aussi
« rapprochée » et impliquante ne manque jamais de produire.
La question de la séparation que l’arrivée d’un réseau de soins palliatifs dans une prise en charge ne manque jamais de
laisser entrevoir ne concerne pas seulement les patients et leur famille, elle concerne aussi, et profondément, les
professionnels. La mort « plane »…et il nous faut, ensemble aussi et si possible, en tenir compte. Passer le relais, c’est se
séparer, se séparer du patient et de tout ce qu’il nous apporte. Passer le relais, c’est perdre, du côté du symbolique et de la
réalité…perdre l’illusion d’être certain que tout sera fait au mieux, perdre la relation, perdre la maîtrise elle aussi
symbolique ou réelle, perdre et donc trouver, trouver autre chose qui rendra la perte supportable même si nous ne
sommes que peu conscient de toutes ces choses qui se passent éventuellement en nous, trouver quoi ? La confiance.
La confiance entre partenaires qui devient donc aussi, un objectif de travail entre nous : apprendre à se connaître, à se
reconnaître. La confiance ne peut se décréter, elle doit donc se construire ce qui sous entend quand le temps manque et il
manque toujours cruellement quand on se retrouve confronté à la mort, des espaces et des lieux de travail conjoint, des
espaces, des lieux et du temps de co-construction autour et avec le patient quand la réalité quotidienne dans sa densité et
son exigence, ne nous laisse pas assez de temps. Il faudrait donc le prendre pour pouvoir, in fine, constater qu’il nous fait
gagner de la qualité et donc du temps de qualité.
Deuxième question : Passer le relais en travaillant la perte serait un projet à co-construire en équipe pour le gain
de relations de confiance, confiance comme moyen de rendre supportable la séparation, pour les professionnels
et pour les patients et leur entourage. Est- ce possible ? Est-ce pertinent ?
Réseau régional et réseau de proximité. Réseau spécialisés l’un dans la maladie, l’autre dans le soin palliatif. Un réseau
spécialisé dans la maladie SLA et un réseau de soins palliatifs ont tout pour travailler ensemble, d’autant que l’un est
éloigné géographiquement et l’autre pas, et pourtant…et pourtant cela n’est pas si simple.
La géographie territoriale n’a rien à voir avec la géographie des attachements et du symbolique ! D’autant que pour ce qui
nous concerne aujourd’hui, le réseau régional ne peut pas passer la main, il reste l’expert, l’expert de la maladie, celui avec
lequel le patient, pas encore trop dépendant, a tissé des liens, parfois depuis longtemps, des liens fondés sur l’espoir,
l’espoir de guérir, peut-être, du miracle peut-être aussi, puisqu’on dit qu’on ne guérit pas d’une SLA…le patient est attaché
à sa vie et au premier réseau rencontré.
Il ne fait de doute que la SLA, dans sa complexité et sa spécificité, requiert une compétence que les professionnels de
proximité n’ont pas. Le partenariat est donc utile si ce n’est essentiel. Dans la situation dont nous partons, la rencontre des
enfants et de leur père avec le neurologue a été essentielle mais quid de la plus-value pour le réseau de proximité ? Cette
rencontre n’a pas permis de se voir crédité d’une place auprès de la famille même si la rencontre s’est faite conjointement
et au réseau de proximité. Est-ce un cas particulier ? Aucune de nos nombreuses tentatives vers eux n’ont permis d’établir
un lien durable et global. Peut-être est-ce un cas particulier, il se trouve que la famille n’a plus non plus fait appel au réseau
SLA ensuite…cependant, cet exemple peut nous permettre d’envisager la question de la pertinence, encore une fois, du