La raison et la croyance
Imprimé le 05/04/2016
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Problématique : la croyance s’oppose-t-elle à la raison ?
Analyse conceptuelle :
1. Raison :
a. faculté de juger (et donc d’associer les concepts), qui permet à tout
homme de construire des raisonnements et des démonstrations. Cette
faculté permet donc de distinguer le vrai du faux, et le bien du mal
(Descartes, Discours de la méthode, I, § 1-2). Cette raison définit
l’homme. Elle est égale en tout homme, mais on peut plus ou moins
bien l’utiliser. Même si une personne est atteinte de graves troubles
mentaux (psychotique) se situe en marge de la raison, il est bien capa-
ble de penser.
b. Les principes de la raison (principe de non-contradiction, principe
d’identité, de tiers-exclu) rendent possibles toute connaissance, toute
argumentation, tout raisonnement. Ils sont mis en œuvre plus particuliè-
rement dans la science de la logique et les mathématiques, mais aussi
dans les autres sciences.
2. Croyance :
a. C’est un jugement vraisemblable, qui bénéficie plus ou moins de notre
adhésion, et dont on reconnaît le caractère incertain et subjectif. C’est
une prise de position subjective, fondée sur ce qui nous paraît vraisem-
blable. De nombreux jugements relèvent de la croyance, mais nous sa-
vons qu’ils sont incertains : « demain, je crois qu’il va pleuvoir ». Pour-
tant dans la vie quotidienne, ils sont absolument nécessaires : nous ne
pouvons pas attendre d’avoir la preuve (ou les preuves) de ce que nous
affirmons pour agir.
b. Il y a un second sens. La croyance religieuse atteint le plus haut degré
de certitude, et pourtant, il n’y a pas de preuve scientifique ou de dé-
monstration possible.
Conclusion provisoire :
1. La croyance semble inférieure à la raison car faute de pouvoir démontrer ou
faute de pouvoir prouver, on se contente de croire. D’ailleurs, elle devrait être
supprimée par la croyance.
2. Il faut donc la supprimer. Par exemple, dans les religions, il faut croire même si
les dogmes s’opposent à l’usage le plus habituel de la raison.
I. La raison s’oppose-t-elle à la croyance religieuse ?
On pourrait aller jusqu'à affirmer que la philosophie contient en puissance une certaine
forme d'athéisme (l’affirmation que Dieu n’existe pas). En effet, la philosophie se refuse de
croire sans réfléchir. La philosophie est par définition l'exercice de la raison. Elle veut donc
se libérer des ordres et des interdits des différentes religions. La philosophie est donc parfois
considérée comme suspecte : Par ex., la Sainte Inquisition condamne le théologien et philoso-
phe Giordano Bruno à être brûlé en 1600.
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La philosophie ne considère pas que les questions relatives à la religion seraient un
domaine réservé à des spécialistes, par exemple, des théologiens. Elle exerce son pouvoir de
libre-examen sur tout objet, considérant que la capacité de découverte de la vérité s'exprime
par la seule puissance de la raison.
Certes, on peut supposer que la philosophie analyse le discours théologique comme
possédant un sens plus ou moins rationnel mais pour autant sans pouvoir déterminer si ce dis-
cours est vrai. Donc, si le philosophe cherche à établir un discours vrai, il lui faut faire preuve
de prudence pour ne pas se tromper dans l’étude de la religion.
Remarquons par ailleurs que les rapports entre les sciences expérimentales et les
croyances religieuses sont parfois aussi tendus. Par exemple dans le procès de Galilée : celui-
ci montre que la terre tourne autour du soleil, elle tourne aussi sur elle-même. C’est en oppo-
sition avec la Bible : il est donc condamné par l’Église catholique.
Avec le développement des sciences, on peut savoir si l’enseignement d’une religion
est en opposition avec la connaissance scientifique qui porte sur le monde ou l’existence des
hommes. On peut prendre deux autres exemples :
La création de monde en six jours d’après la Bible : ce qui est maintenant im-
possible à accepter.
La croyance en l’existence de l’âme. Depuis Descartes, on associe âme et
conscience. En neurologie, on montre que c’est le cerveau qui pense : la cons-
cience n’est pas séparable du corps. N’est-ce pas la même chose pour l’âme ?
Toutefois la question de l’existence de Dieu ne relève pas de la science. Il faut noter
que des philosophes - à la fois des théologiens qui ont fait oeuvre de philosophie et des au-
teurs reconnus comme spécifiquement philosophes1, tels que Aristote, Descartes - ont donné
une ou plusieurs preuves de l'existence de Dieu.
Par exemple, selon Aristote et Thomas d’Aquin, Dieu est cause première de toute cho-
se : il faut une cause qui soit première, autrement, on remonte de manière indéfinie de cause
en cause, et non peut pas déterminer l’existence du monde. Ce qui pourrait être conforté par
Leibniz. Lorsqu’il rappelle qu’en énonçant le principe de raison suffisante, tout effet a une
cause qui précède. Cela signifie que toute chose a une raison d’être, rien n’existe sans raison
(au sens de cause et de rationalité).
II. La raison n’est-elle pas elle-aussi fondée sur une forme de croyance ?
Nous devons remarquer qu’il n'est pas possible non plus de prouver que Dieu n'existe
pas, sauf à supposer que la notion même de Dieu est impensable, parce qu'elle serait contra-
dictoire.
Dans les premières définition, nous avions admis que la foi est une certitude immédia-
te, cette notion qualifie habituellement l'expérience religieuse. La raison elle-même ne peut
critiquer facilement la foi religieuse. En effet, la raison repose elle-aussi fondamentalement
sur la croyance en sa propre légitimité, comme la religion croit en la légitimité de sa démar-
che.
Qu'est-ce qui peut rendre raison de la raison, si ce n'est la raison elle-même ? Il fau-
drait donc croire en la raison elle-même. Pourquoi alors la foi religieuse ne pourrait-elle pas
revendiquer elle-aussi d’être légitime ?
1 On pourrait ajouter le scientifique Newton.
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III. Faut-il limiter l’usage de la raison ?
Le rationalisme, le fait de croire qu’on peut rendre compte de tout ce qui existe ou tout
ce qui est pensé (plus particulièrement au XVIIe et XVIIIe siècles) affirme une réelle confian-
ce en la raison (on retrouve donc le thème de la croyance), cela devait permettre à l’homme de
pouvoir distinguer le vrai du faux. L’être humain a donc la capacité de connaître progressi-
vement par le développement des sciences toute chose. Cela signifierait que ce qui est donc
inexplicable actuellement ne relève donc pas du paranormal ou du surnaturel. C’est simple-
ment un défaut (provisoire) de nos connaissances.
Il faut cependant préciser que l’usage du principe de raison suffisante ne concerne que
ce qui relève de l’expérience humaine : c’est dans notre existence qu’on expérimente la rela-
tion de cause à effet. Peut-on légitimement extrapoler l’expérience de la relation cause/effet à
Dieu lui-même ? N’est-ce pas le réduire à un comportement humain ? Il est donc contestable
d’affirmer que Dieu est cause première, parce qu’on attribue à Dieu ce qui relève de ce que
nous expérimentons dans notre monde (la relation de causalité) alors que nous ne pouvons pas
avoir l’expérience de la divinité.
Ainsi il faudrait envisager les limites de la croyance et aussi de la raison . Pascal
(philosophe / mathématicien / physicien / théologien) affirme que croire en Dieu suppose
qu’on ne peut pas parvenir à démontrer son existence : s’il était possible de le démontrer quel
serait le mérite de croire en Dieu ?
Conclusion
La raison est certes ce qui définit l’homme, mais encore faut-il ne jamais oublier les
limites que la raison doit se fixer à elle-même. Elle est ce qui libère l’homme de la supersti-
tion grâce aux lumières de la connaissance.
La raison entretient elle-aussi un rapport à la croyance : elle croit en sa propre légiti-
mité. Sa légitimité se justifie par son universalité pour tout homme, son domaine
d’application (connaissance scientifique, argumentation, réflexion morale et philosophique),
mais l’être humain doit sans doute réévaluer le projet cartésien de devenir « comme maître et
possesseur de la nature ».
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