Qu’est-ce qu’une variation génétique?
Les gènes sont des fragments d’ADN qui sont
transmis d’un parent à ses enfants. Chaque brin
d’ADN est un enchaînement des quatre bases
suivantes : adénine (A), guanine (G), cytosine
(C) et thymine (T). Chaque gène comprend une
séquence formée de ces bases et contient l’infor-
mation nécessaire à la formation d’une protéine
donnée qui a une fonction particulière dans l’orga-
nisme.
Prenons, par exemple, une protéine ayant fait
l’objet d’études approfondies dans le domaine de
l’obésité appelée leptine. La leptine est produi-
te par l’estomac et joue un rôle critique dans la
régulation du poids corporel en réduisant la ration
alimentaire et en augmentant la dépense énergéti-
que. Voici un segment de la séquence de ce gène
qui produit la leptine :
...AGCTGTGCCCATCCAAAAAGTCCAAGAT...
Lorsqu’on procède au séquençage du gène codant
pour la leptine chez toutes les personnes minces
et obèses, on retrouve chez certaines d’entre elles
une différence en ce qui concerne une paire de
bases dans ce segment.
Par exemple, lorsque la séquence normale du gène
codant pour la leptine est :
...AGCTGTGCCCATCCAAAAAGTCCAAGAT...,
certaines personnes pourraient avoir la séquence
rare suivante :
...AGCTGTGCCCATCCAGAAAGTCCAAGAT...
Cette séquence rare substitue une guanine (G)
pour une adénine (A). C’est ce que l’on appelle
variation dans le gène (les termes mutation et
polymorphisme sont également utilisés). Dans la
majorité des cas, les variations n’ont aucun effet
particulier, toutefois, dans certains cas, la variation
est associée à un trait spécifique. Les variations
dans le gène codant pour la leptine, par exemple,
sont souvent associées à l’obésité.
Comme la littérature médicale contient très peu
de renseignements sur les variations associées
aux gènes qui nous intéressent, nous aimerions
les étudier plus en détail. Ainsi, lorsque nous
décelons une variation dans une séquence généti-
que d’un sujet, nous essayons de recruter autant
de membres de sa famille
que possible pour obtenir
un échantillon de leur
ADN. Nous pourrons ainsi
repérer les membres de la
famille qui portent cette
même variation et créer un
arbre généalogique pour
en retracer l’origine. Nous
pouvons aussi recueillir des données comme le
poids et la taille, les antécédents médicaux, les taux
de cholestérol et de glucose, les comportements
alimentaires, l’appétit, entre autres, de chaque
membre participant pour déterminer s’il existe
une corrélation entre la variation repérée et un
trait physique particulier.
Certains participants de l’Étude du gène de
la minceur ont déjà été approchés et d’autres
pourraient l’être à l’avenir lorsque nous étudie-
rons plus en détail les variations décelées. Dans
ces cas, la participation de membres de la famille
est cruciale pour nous permettre de déterminer
si ces variations sont fonctionnelles. Elle contri-
buera également à approfondir nos connaissances
sur les causes et la prévention de l’obésité et de ses
complications.
À ce jour, nous avons publié deux articles sur
les variations décelées. La première variation est
présente dans le gène codant pour la protéine
appelée MEF2A et la deuxième dans le gène
codant pour la protéine appelée PYY. Les résumés
scientifiques de ces articles figurent un peu plus
loin.
Selon la littérature médicale, les variations du
gène MEF2A sont à l’origine de la cardiopathie
précoce. Nous avons procédé au séquençage du
gène codant pour cette protéine et avons cherché
sa présence au sein de notre population de sujets
minces et obèses. Trois personnes portaient une
variation. Nous avons communiqué avec les
membres de leur famille et aucune de ces person-
nes (y compris les personnes plus âgées) n’avait
de troubles cardiaques. Cet article a eu d’énormes
répercussions dans la communauté scientifique
puisqu’il réfutait des travaux antérieurs.
Le peptide YY (PYY), toujours selon la littéra-
ture médicale, jouerait un rôle important dans la
régulation de la ration alimentaire. Le PYY est une
protéine sécrétée par l’intestin après un repas, qui
induit une sensation de satiété. Deux personnes
obèses de notre population portaient une variation
quant au gène codant pour cette protéine et un
membre de la population de sujets minces portait
une variation différente. Nous avons approfondi
nos recherches en recrutant des membres de leur
famille pour déterminer si une variation quant à
cette protéine entraînait un poids anormal. Parmi
les membres de la famille des deux participants
obèses, ceux qui avaient la variation avaient un
poids supérieur à ceux qui avaient le gène normal
parce qu’ils avaient une moins grande capacité de
ressentir la satiété après un repas! Ces résultats
sont novateurs puisqu’il s’agit de la première étude
à démontrer que les variantes quant au gène PYY
peuvent avoir une incidence sur la susceptibilité
d’une personne à l’obésité.
Les membres de la famille du sujet mince, qui
portaient la deuxième variation produisaient
moins de PYY après un repas que ceux qui ne
présentaient pas la variation. Toutefois, il n’y
avait aucune différence de poids entre les deux
groupes. Nous avons conclu que comme le PYY
était encore produit après le repas, les participants
ressentaient quand même un sentiment de satiété
et que la faible concentration de PYY causée par
cette variation n’avait aucun effet sur le poids.
PROCHAINE ÉTAPE
Comme nous l’avons déjà mentionné, la collecte
de données dans le cadre de l’Étude du gène de la
minceur se poursuit :
• Nous continuons d’inviter des membres de la
famille immédiate à participer à cette étude;
• Nous procédons au séquençage des gènes sur
place et effectuons un suivi sur les variations
repérées en recrutant des membres de la famille
étendue;
• Nous recueillons et analysons encore les données
de la deuxième partie qui nous permettront de
décrire en plus de détail le mode de vie des person-
nes ultraminces (ration alimentaire, activité physi-
que, comportements alimentaires, etc.).
Une quantité énorme de données a déjà été
recueillie. Nous continuons d’amasser des données
et avons l’intention de continuer à publier nos
résultats en temps et lieu. Tous les résultats publiés
seront affichés dans la section « Media & Publica-
tions » du site Web www.thingene.ca.
Le niveau général d’activité physique des parti-
cipants et leurs habitudes alimentaires ont été
évalués, mais nous estimons que cette évalua-
tion n’était pas assez précise. En vue d’obtenir
des renseignements plus détaillés sur les facteurs
associés au mode de vie, un questionnaire sera
envoyé aux participants. Étant donné que l’acti-
vité physique et la consommation de nourriture
peuvent avoir une incidence énorme sur le poids
et le taux de lipides, nous devons recueillir ces
renseignements correctement. Nous vous remer-
cions d’avance de bien vouloir nous aider à cet
égard en remplissant ce questionnaire.
AUTRES ÉTUDES
La Dre McPherson mène actuellement une autre
étude de grande envergure intitulée Étude sur le
cœur (Heart Study). Cette étude a pour objectif
d’identifier les gènes associés aux cardiopathies
ainsi que ceux qui offrent une protection contre
ces maladies (crises cardiaques, angioplasties ou
pontages aortocoronariens). Nous aimerions
recruter plus de 20 000 personnes de plus de 70
ans qui n’ont aucun antécédent de cardiopathie ou
qui avaient 55 ans ou moins au moment où elles
ont eu des problèmes cardiaques. Les participants
ne peuvent pas avoir participé à l’Étude du gène de
la minceur, mais si vous connaissez quelqu’un qui
pourrait vouloir participer à cette étude, veuillez
lui recommander de consulter le site Web www.
heartstudy.ca ou d’appeler Heather Doelle au 613-
761-4769 pour obtenir plus de renseignements.
MERCI!
Nous aimerions profiter de
cette occasion pour remer-
cier tous les participants
de l’Étude du gène de la
minceur. Votre précieuse
contribution à ce projet de
recherche sur la minceur,
l’obésité et ses complications nous a permis de
mieux comprendre les fondements génétiques de
ces maladies courantes.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à commu-
niquer avec moi : Sybil Hébert
Coordonnatrice de l’Étude du gène de la minceur
Tél. : 613-761-4684
www.thingene.ca
RÉSUMÉS SCIENTIFIQUES
J Clin Invest. 2005 Apr;115(4):1016-20
Lack of MEF2A mutations in coronary artery
disease.
Weng L., Kavaslar N., Ustaszewska A., Doelle
H., Schackwitz W., Hebert S., Cohen J.C.,
McPherson R., Pennacchio L.A.
Absence de mutations dans le gène MEF2A chez
les patients atteints de maladies coronariennes
Des mutations dans le gène MEF2A ont été mises
en cause dans une forme autosomique dominante
de la maladie coronarienne (adCAD1). Cette
étude avait pour objectif de déterminer si des
mutations importantes dans le gène MEF2A
pourraient également expliquer les cas spora-
diques de maladies coronariennes. À cet effet,
nous avons reséquencé la séquence codante et
les sites d’épissage du MEF2A chez quelque 300
patients atteints de maladie coronarienne précoce
et n’avons pas trouvé les mutations causales dans
la cohorte atteinte de maladies coronariennes.
Toutefois, nous avons identifié les 21 paires de
bases manquantes de la séquence codante origi-
nalement impliquée dans l’adCAD1 chez 1 des
300 sujets âgés non atteints de maladies corona-
riennes. Un dépistage plus approfondi d’environ
1 500 sujets additionnels sans maladie corona-
rienne a révélé 2 autres personnes portant cette
mutation avec délétion de 21 paires de bases du
gène MEF2A. Le génotypage de 19 membres de
la famille des 3 proposants ayant cette délétion
de 21 paires de bases sur le gène MEF2A n’a pas
révélé une coségrégation de cette mutation avec
la maladie coronarienne précoce. Ces études
montrent que les mutations dans le gène MEF2A
ne sont pas une cause courante de maladie corona-
rienne chez les Caucasiens et semblent infirmer le
rôle de la délétion de 21 paires de bases du gène
MEF2A dans la forme autosomique dominante
de la maladie coronarienne.
Hum Mol Genet. 2006 Feb 1;15(3):387-91. Epub
2005 Dec 20.
A PYY Q62P variant linked to human obesity.
Ahituv N., Kavaslar N., Schackwitz W., Ustas-
zewska A., Collier J.M., Hebert S., Doelle H.,
Dent R., Pennacchio L.A., McPherson R.
Une variante de PYY Q62P liée à l’obésité chez
l’humain
Le peptide YY (PYY) a été impliqué dans la
régulation de la ration alimentaire dans des études
fonctionnelles d’un gène chez les rongeurs et
l’humain. Pour déterminer si des mutations de ce
gène entraînaient un poids corporel anormal, nous
avons réalisé le séquençage de ses exons codants
et de ses sites d’épissage dans une large cohorte
de sujets extrêmement obèses (n = 379; IMC
moyen, 49 kg/m2) et de sujets minces (n = 378;
IMC moyen, 19,5 kg/m2). Au total, trois varian-
tes non synonymes rares ont été identifiées, dont
une seule, le PYY Q62P, a été associée à la masse
corporelle par des études de ségrégation familiale.
Par un heureux hasard, les études antérieures se
basant sur la culture de cellules ont révélé que
cette variante précise avait modifié la sélectivité de
liaison in vitro. Nous montrons, à l’aide d’expé-
riences faisant appel à des injections de peptides
dans les rongeurs, que bien que le peptide PYY de
type sauvage soit responsable de la régulation de
la ration alimentaire, la forme mutante du peptide
PYY 62P réduit également de façon importante
la ration alimentaire in vivo. Pris ensemble, ces
résultats sont les premiers à corroborer le fait que
de rares séquences variantes dans le gène PYY
peuvent avoir une incidence sur la susceptibilité
de l’humain à l’obésité.