11 Les Paramaka constituent le dernier groupe implanté sur le Maroni en amont de l’estuaire,
proche des villes littorales. Son ethnogenèse intervient vers 1830-1840, peu avant
l’abolition de l’esclavage8, dans un contexte moins conflictuel.
La mobilité comme condition d’adaptation au milieu : structure
sociale et régime agraire
12 Si la mobilité est le vecteur d’une dynamique d’échange, ressource essentielle dans le
fleuve, elle est aussi un facteur de gestion du territoire communautaire. Le régime agraire
9, articulé avec une structure sociale holiste traduit une appropriation dynamique de
l’espace. Il convient d’en préciser les éléments essentiels afin de saisir, ultérieurement, les
mutations territoriales corollaires aux mutations des ressources.
13 Le principe fondamental de l’appropriation de la terre dans les sociétés de Marrons est
défini strictement par les droits réels que détient le lignage10, lequel repose sur
l’indivisibilité de ses membres et des territoires coutumiers. Chaque lignage forme une
unité sociale et territoriale autonome, possédant un culte des ancêtres spécifique,
fondateur du lien sacré à la terre. Malgré une forte mobilité, l’ancrage à l’espace
coutumier est fondamental chez les Marrons.
14 Le lignage est associé au site villageois. Il jouit, à partir de cet établissement ancestral et
territorialisé, de droits exclusifs sur la terre dans une zone déterminée. Le principe de la
coutume est que l’individu qui défriche une parcelle en forêt primaire (ou secondaire
ancienne sans possesseur connu) crée, en même temps qu’un droit d’usage individuel, un
droit imprescriptible pour son lignage, auquel il appartient de gérer la répartition
foncière entre ses membres. L’individu seul ne détient qu’un droit d’usage qui disparaît à
sa mort (Hurault, 1958 : 143). Ces points rejoignent les principes dressés par Pelissier
(1995 : 29-34) à propos des modes d’appropriation de la terre en Afrique subsaharienne :
le défrichement fonde le contrôle du foncier et l’exploitation justifie la pérennité de sa
tenure ; tout membre du groupe a accès à l’utilisation du sol en fonction de sa capacité de
travail et de ses besoins ; les vivants ne sont que les usufruitiers d’un bien
communautaire, incessible à titre individuel.
15 L’implantation des territoires lignagers repose, en fait, sur plusieurs contraintes, dont
l’adaptation au milieu n’est pas la moindre. Dès lors, l’organisation théorique du droit
coutumier, fondée sur l’indivisibilité sociale et l’indivisibilité territoriale, pousse
théoriquement les Marrons à une répartition des terres en un ensemble compact et
continu autour des villages. Toutefois, sur le plan pratique, les contraintes écologiques11,
démographiques, sociologiques12 les obligent à changer de secteur territorial ou à
précipiter le rythme des jachères. De fait, la répartition des terres lignagères s’échelonne
en vis-à-vis sur les rives du fleuve en chapelets linéaires. Le relief contraignant empêche
le transport de lourdes charges, telles que les récoltes. C’est donc dans un mouvement
linéaire parallèle à l’écoulement, sur les bourrelets fluviaux non inondables ou sur les
pentes, que sont établies les exploitations. L’itinérance et la mobilité s’illustrent enfin
dans les formes de mise en valeur agraire de défriche-brûlis, celle de l’abattis13 impliquant
des jachères par période de trois à cinq ans.
16 La mobilité, dimension intégrante de la construction des territoires communautaires et
de leur gestion, mais aussi de leur segmentation, reste un élément fondateur des
structures sociales des groupes de Marrons.
Les recompositions territoriales dans le Maroni : relation mobilité-environne...
Revue européenne des migrations internationales, vol. 18 - n°2 | 2004
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