On oppose souvent à tort perf o r -
mance et éthique. Non seulement
cette antinomie n’est qu’apparente
mais l’éthique est en réalité un
facteur d’efficacité et de confort
personnel. Par là-même, elle devient
un levier de performance pour
l ’ E n t r e p r i s e .
Nul ne peut plus l’ignorer : la performance est devenue
le leitmotiv des entreprises. Qu’elles soient des adeptes
néolibérales de l’économie de marché ou fraîchement
converties au développement durable et à la re s p o n s a b i l i t é
sociale, les sociétés à objet économique et/ou but lucratif n’ont
d ’ a u t r e solution que d’être toujours plus performantes.
Cette performance peut se résumer schématiquement en ces
quelques mots : « faire toujours plus et mieux avec autant, voire
moins, de re s s o u r ces». Il en va de la survie pure et simple dans
le nouveau jeu de la globalisation et de la compétition mon-
diale. Dans ce grand Monopoly planétaire, malheur aux
v a i n c u s !
On peut s’en réjouir comme le re g retter ; c’est un fait, une
donnée avec laquelle il faut compter dans le paradigme de
n o t re interaction.
A L’HEURE DE LA PERFORMANCE
La gestion de la performance a donc remplacé lentement mais
s û rement la gestion des coûts, des re s s o u rces ou des compé-
tences. Qu’elle soit re c h e rchée à court, moyen ou long terme,
la performance s’exprime à travers des tableaux de bord, avec
des indicateurs quantitatifs et qualitatifs. Elle traduit le fonc-
tionnement optimum ou non de l’outil de production, le re t o u r
satisfaisant ou non sur l’investissement fait, la valorisation atten-
due ou non du titre en bourse.
Ces indicateurs s’expriment le plus souvent en termes de parts
de marché, de rentabilité et de taux de croissance, et bien plus
r a r ement en termes d’attractivité, de notoriété ou d’exempla-
rité. Pourtant, l’image de l’Entreprise est un élément tangible
de sa performance globale et un actif entrant dans sa valorisa-
tion. Il convient dès lors de tout faire pour en limiter les fre i n s .
LES OBSTACLES À LA PERFORMANCE
Les obstacles à la performance peuvent être extrinsèques à l’En-
t reprise, tels que l’activité économique, les marchés, les évo-
lutions technologiques, la réglementation et même les modifi-
cations politiques ou sociales. Mais ils peuvent aussi être inhé-
rents, comme par exemple l’utilisation d’outils obsolètes, des
re s s o u rces humaines inadaptées (incompétentes ou démoti-
vées), des stratégies erronées ou absentes, une incapacité à
p re n d re des décisions ou à intégrer le changement, etc.
L’éthique est parfois perçue comme un « empêcheur de per-
former en rond », car elle appartient dans l’imaginaire collec-
tif aux deux catégories d’obstacles, extrinsèques et intrin-
sèques.
D’une part, pour beaucoup d’entre nous, l’éthique relève de
l ’ e n v i r onnement externe culturel, religieux et social et dicte des
conduites collectives à l’Entreprise, s’opposant ainsi à la ratio-
nalisation des processus et à l’application de modèles théo-
riques censés permettre l’adaptation à la dure loi des aff a i res.
En agissant d’autre part sur tout un chacun à titre individuel,
elle appartient aussi à la seconde catégorie, les obstacles intrin-
sèques, et peut apparaître comme un frein conscient ou
inconscient à la performance individuelle et collective. En eff e t ,
l’éthique personnelle du collaborateur l’amène à s’autolimiter
dans les options possibles et à s’autocensurer dans les déci-
sions à pre n d re .
Si la veille économique et technologique ou la re c h e rche appli-
quée peuvent limiter les effets des premiers obstacles sur la
performance, la gestion des compétences, la gestion de pro j e t
ou de la relation client et les systèmes de qualité tendent à
f reiner ceux des seconds. Qu’en est-il de l’éthique ?
ETHIQUE, VOUS AVEZ DIT ÉTHIQUE ?
Pour répondre à la question de savoir si l’éthique est un fre i n
à la performance, il convient de revenir sur ce que l’on entend
par éthique, car souvent l’éthique est confondue avec d’aut-
res concepts.
L’éthique n’est pas la morale; la morale est constituée de prin-
cipes transcendants qui s’imposent à celui qui s’y réfère. Dans
nos sociétés occidentales, ceux-ci sont de près ou de loin liés
à deux millénaires de culture judéo-chrétienne mâtinée de phi-
losophie de l’antiquité ou du siècle des lumières. La morale est
alors indissociable du respect. L’éthique est à la fois moins que
cela et plus que cela.
L’éthique n’est pas la déontologie ; la déontologie est asso-
ciée au concept d’obéissance, obéissance aux lois, règlements
et pratiques en vigueur. La déontologie, c’est la soumission
aux règles. De nouveau, l’éthique est plus que cela et moins
que cela.
L E M O N D E D U T R A V A I L
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Performance ou éthique, l’apparent paradoxe…