(1) Karantalis V, 2014, Nasseri BA, 2014, Heldman AW, 2014, Hare JM, 2012 (Etude Poseidon)
(2) Fisher SA, Brunskill SJ, Doree C, Mathur A, Taggart DP, Martin-Rendon E., Stem cell therapy for chronic ischaemic heart disease and congestive heart failure,Cochrane Database Syst Rev. 2014 Apr 29;4:CD007888.
doi: 10.1002/14651858.CD007888.pub2.
(3) Nowbar AN, Mielewczik M, Karavassilis M, Dehbi HM, Shun-Shin MJ, Jones S, Howard JP, Cole GD, Francis DP; DAMASCENE writing group, Discrepancies in autologous bone marrow stem cell trials and enhan-
cement of ejection fraction (DAMASCENE): weighted regression and meta-analysis.,m BMJ. 2014 Apr 28;348:g2688. doi: 10.1136/bmj.g2688.
Thérapie cellulaire du cœur :
beaucoup de bruit…
Le cœur, comme le cerveau, attisent sans
surprise l’intérêt des équipes scientiques.
Récemment la perspective de soigner des
cœurs fatigués, victimes d’un infarctus via
des injections de cellules souches a trouvé
un nouvel écho. A l’origine deux publica-
tions quasi simultanées publiées dans la
revue scientique Nature.
La première souligne le fait que les publi-
cations scientiques sur la thérapie cellu-
laire du cœur dont le protocole se base sur
des cellules souches adultes ne présente-
raient pas de bénéce et que si bénéce il
y avait, il serait dû à un biais dans l’étude.
La seconde publication semble présenter a
priori un progrès dans l’utilisation des cel-
lules souches embryonnaires pour soigner
les fatigues du cœur : et plus particulière-
ment le risque lié au développement de tu-
meurs après injection de ces cellules, risque
le plus répandu dans l’utilisation de cellules
souches embryonnaires, semble pouvoir
être contenu. Peut-on en déduire que les
cellules souches adultes, jusqu’alors bien
plus avancées que celles embryonnaires
dans la thérapie du cœur seraient battues
en brèche ? En réalité, non.
L’utilisation des cellules souches adultes
(hématopoïétiques et mésenchymateuses,
donc non-embryonnaires) pour la régé-
nération myocardique après infarctus a
été pratiquée depuis déjà longtemps.
Une amélioration dans la fonction ventri-
culaire, faible, mais réelle, a toujours été
notée après injection de cellules souches
mésenchymateuses dérivées de la moelle
osseuse. Cet eet positif post infarctus -
augmentation de l’éjection ventriculaire,
diminution de la mortalité, et améliora-
tion globale un an après le traitement - est
bien démontré dans les études les plus
récentes(1) et (2).
Les mises en causes des eets des cel-
lules souches adultes sont discutables.
L’article de Nowbar AN et al.(3) qui jette le
doute sur les cellules souches adultes, ne
porte pas sur l’eet de ces cellules dans
le traitement de l’infarctus du myocarde,
chez l’homme, mais sur les inexactitudes
rencontrées dans certains rapports. Face à
des eets, certes modérés, mais réels, pré-
sentés dans le paragraphe précédant, les
conclusions de cet article sont à relativiser.
Deux cas particuliers ont récemment donné lieu à plusieurs publications qui semblent brouiller les cartes en matière d’utilisation de cellules
souches à des ns thérapeutiques : la thérapie cellulaire du cœur et le clonage dit « thérapeutique ». Gènéthique vous propose une plongée
dans ces publications scientiques pour démêler les avancées concrètes des eets d’annonce.
Thérapie cellulaire du cœur & clonage thérapeutique:
l’embryonnaire reviendrait-il dans la course
aux cellules souches ?
G. : Revenons-en à votre position sur la thé-
rapie cellulaire : quels éléments vous per-
mettent d’être aussi catégorique ?
Pr A. P. : D’une part, les médecins utilisent
depuis longtemps des cellules souches hu-
maines adultes, en particulier celles issues
de la moelle osseuse, qui contribuent à des
thérapies ecaces dans certaines maladies
hématologiques, mais aussi dans d’autres
pathologies. Les cellules souches issues
du cordon ombilical constituent également
une source précieuse. D’autre part, les
chercheurs disposent maintenant, depuis
8 ans d’un outil exceptionnel dont je parlais
à l’instant : les iPS. Ces cellules peuvent
être cultivées, multipliées, et utilisées pour
toutes sortes de recherches et de réelles
perspectives thérapeutiques. En particulier,
elles présentent l’avantage décisif sur les
cellules souches embryonnaires d’ouvrir la
porte à la médecine personnalisée. Préle-
vées sur des patients sourant de maladies
génétiques, elles peuvent être utilisées
pour analyser les détails de la pathologie
propre à ce patient et pour élaborer des
thérapies adaptées, pharmacologiques,
cellulaires ou moléculaires. Ceci est évidem-
ment impossible avec des cellules souches
embryonnaires provenant par dénition
d’un individu diérent. Parmi les objections
formulées à l’encontre des cellules IPS, les
plus fréquentes concernaient les risques
de tumorisation, et les risques inhérents à
l’utilisation de virus pour la transformation
de ces cellules.
Dans les derniers travaux publiés, les virus
ont été remplacés par des agents chimiques
sans danger. Par ailleurs, les risques de
tumorisation peuvent être éliminés par des
techniques de tri cellulaire.
En somme, les critiques à l’encontre des
iPS de première génération sont écartées
par la seconde génération de ces cellules.
D’ailleurs, si en France le débat est cade-
nassé, nombres d’équipes scientiques
ne s’y trompent pas: depuis 2006, près de
3000 articles scientiques concernant les
cellules iPS ont été publiés dans des revues
spécialisées. Au cours des trois derniers
mois, les pathologies étudiées vont de la
maladie de Parkinson (Doi et coll., Stem
Cell reports, 2014) au diabète (Holdich et
coll., Transl. Med., 2014), en passant par l‘X-
fragile (Doers et coll., Cell.Dev., 2014) et la
maladie de Pompe (Higuchi et coll., Genet.
Metab., 2014). Par ailleurs, des travaux de
recherche fondamentale concernant par
exemple l’évolution ont pu être conduits sur
des cellules iPS de primates comparées à
des cellules humaines (Wunderlich et coll.,
Stem Cell res., 2014). Enn, des essais
cliniques sont d’ores et déjà en cours au
Japon, concernant une maladie grave de la
vision, la Dégénérescence Maculaire liée à
l’Age (DMLA).
En revanche, depuis vingt ans, aucune ten-
tative thérapeutique utilisant des cellules
souches embryonnaires humaines n’a été
couronnée de succès. L’une des plus ré-
centes, conduite aux Etats-Unis par la socié-
té Geron, a été interrompue après quelques
mois, faute de résultats probants.