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Dr M.C. JASSON - Avril 2007
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MIEUX CONNAÎTRE ET DIAGNOSTIQUER LA FIBROMYALGIE
PAR L’ETUDE DE LA SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE
ENQUETE DIRECTE AUPRES DE 1993 PATIENTS FIBROMYALGIQUES
Dr Marie-Claire JASSON
Chef de Service honoraire d’Anesthésie-Réanimation
du Centre Hospitalier de Saint-Germain-en-Laye (78)
RESUME - La symptomatologie clinique de la fibromyalgie est encore insuffisamment connue. Une
enquête épidémiologique anonyme a été effectuée auprès de 1993 patients fibromyalgiques (dont 91 % de
cas féminins). Elle a mis en évidence certains points particuliers. Il existe notamment une longue période
d’errance médicale (de 2 à 15 ans et plus), durant laquelle les patients peuvent consulter jusqu’à
10 médecins et plus. D’autre part, dans 85 % des cas, il ressort que les patients ont présenté des signes
précurseurs, jusqu’alors non étudiés, avant la fibromyalgie déclarée. Dès la période d’état, on constate une
aggravation de ces signes, en plus des symptômes connus (douleurs, fatigue et troubles du sommeil) et
d’autres signes collatéraux. On note en outre une association fréquente (dans 45 % des cas) de symptômes
du Syndrome Sec de Gougerot Sjögren. Il existe un grave retentissement sur la vie familiale et socio-
professionnelle. Les thérapeutiques médicamenteuses sont décevantes, on obtient quelques succès avec les
thérapeutiques non médicamenteuses et la réadaptation fonctionnelle. Enfin, il s’avère que le profil
psychologique des patients fibromyalgiques est plus positif que généralement admis.
PRESENTATION DE LA MALADIE ET DE L’ENQUETE
La fibromyalgie, maladie douloureuse, chronique et invalidante, touche de larges tranches d’âge de la
population, féminine surtout. Sa fréquence est importante (de 1 à 2 %). Elle se caractérise par des douleurs
musculo-tendineuses diffuses, associées à une fatigue et à de nombreux symptômes collatéraux affectant
diverses fonctions, cités dans les publications, mais mal connus du corps médical.
Bien qu’officiellement classée par l’Organisation Mondiale de la Santé (n° M 79.0) depuis 1992,
la fibromyalgie est encore considérée dans notre pays avec réserve.
Cette méconnaissance, le scepticisme - et parfois le rejet - du corps médical conduisent à une situation
complexe, car le seul examen vraiment caractéristique est la recherche des points musculo-tendineux
douloureux (test de l’American College of Rheumatology) ; les malades ne présentent pas de perturbations
physico-chimiques ou d’examens médico-techniques caractéristiques. Pour ces raisons, on observe souvent
une inflation de bilans lourds, d’interventions chirurgicales inutiles, de traitements inappropriés.
Le diagnostic est donc soit retardé (parfois de plusieurs années), soit erroné, soit tourné à tort vers la
psychiatrie. De plus, il n’existe pas de thérapeutiques vraiment efficaces actuellement, seulement des
palliatifs.
Dans le but d’améliorer les connaissances cliniques sur la fibromyalgie, et donc la prise en
charge, une enquête épidémiologique massive a été menée entre 2001 et 2005 par le Dr Marie-
Claire Jasson, Chef de Service honoraire d’Anesthésie-Réanimation, directement auprès de
fibromyalgiques tous diagnostiqués par un médecin (1993 cas). Ces patients ont été recrutés soit
grâce à des médecins rhumatologues, soit avec l’active collaboration des associations de
fibromyalgiques sur l’ensemble du territoire métropolitain, soit à la suite d’informations diffusées
par les médias.
Issu d’une collaboration entre médecins et malades, un questionnaire long et détaillé
(327 réponses « à cocher ») a été conçu afin d’établir des statistiques sur les fibromyalgiques en
France actuellement. Il permet de mettre en évidence : les caractères socio-démographiques, les
habitudes de vie, les antécédent médico-chirurgicaux, l’activité physique, les signes « précurseurs »
(non recherchés, mais souvent évidents), le nombre de praticiens consultés, l’établissement du
diagnostic, l’état des patients, les résultats des traitements médicamenteux et non médicamenteux,
les répercussions (souvent très importantes) sur la vie professionnelle et familiale, l’évolution de la
maladie, les difficultés de la prise en charge médico-sociale.