Saxons, les Polonais et les Anglais ont été influencés par la prédication de saint Bernard et des
cisterciens, il n’y eut jamais de plan d’une offensive générale chrétienne sur les trois fronts
simultanément. La prédication pontificale de la guerre sainte et la promesse de l’indulgence accordée
aux guerriers qui y prennent part sont le seul lien entre les campagnes menées en Syrie, en Espagne
et dans les régions baltiques.
Cette conclusion est-elle confirmée par les différents auteurs de l’ouvrage? Ane Bysted, en examinant
deux lettres sur les thèmes de la croisade et de l’indulgence, montre que saint Bernard a lié
l’indulgence de croisade au concept de jubilé, en faisant de la croisade un temps de grâce très
spécial, une nouvelle année biblique de rémission des péchés, aussi bien pour ceux qui prennent la
route de Jérusalem que pour les guerriers partant combattre les Wendes. L’»Historia Nicaena vel
Antiochena«, un texte écrit vers 1145, permet à Deborah Gerish d’éclairer l’identité des premiers rois
de Jérusalem, la fantastique cohésion chrétienne dans la croisade et la légitimité des gouvernants de
Jérusalem, guidés par Dieu. Dans un second texte, Jason Roche critique les versions byzantines de
la seconde croisade, telles qu’elles apparaissent dans les œuvres de Nicétas Choniatès et de Jean
Kinnamos, inspirées par deux encomia (poèmes de louange) adressés par Manganeios Prodromos à
Manuel Ier Comnène. Il démontre que si les propagandistes ont insisté sur les intentions hostiles des
croisés et de leur chef, Conrad III, et sur l’indiscipline de l’armée germanique, l’attitude amicale du
basileus envers le souverain du Saint-Empire dément l’hostilité affirmée par les chroniqueurs. En
revanche, la funeste décision des chefs de la croisade d’attaquer Damas, jusque-là alliée des Francs,
suscite la promotion et l’expansion du djihad anti-Franc, comme le montrent les œuvres d’Ibn Asakir,
un Damascène proche de Nur al-Dîn, auteur de trois traités qu’analysent Suleiman Mourad et James
Lindsay: le djihad est un devoir, sont récompensés ceux qui le pratiquent avec une foi solide et une
pureté spirituelle, et sont punis ceux qui le négligent, tels sont les thèmes que diffuse avec succès Ibn
Asakir. Après l’échec des souverains français et germanique en Terre sainte, deux princes nordiques,
le comte d’Orkney Rognval Kale Kolsson et le noble norvégien Erling Skakke prennent le relais en
1151, en organisant une expédition maritime vers la Terre sainte qui, après avoir atteint Acre, rejoint
Constantinople. Janus Møller Jensen rappelle à cette occasion que mainte saga scandinave est
imprégnée de l’idéologie de la guerre sainte.
Mais peut-on pour autant parler de croisade à propos des guerres baltiques du milieu du XIIe siècle?
En août 1147, en effet, deux armées de Saxons partent en guerre contre les Wendes, l’une,
majoritairement Welf, menée par le duc de Saxe Henri le Lion, l’autre favorable aux Hohenstaufen par
Albert l’Ours. Jay Lees rappelle qu’à Francfort, en novembre 1146, saint Bernard avait offert aux
Saxons allant combattre contre les Wendes les mêmes avantages spirituels qu’aux guerriers se
rendant à Jérusalem. Il avait ainsi inclus les pays slaves dans les objectifs de la guerre sainte à mener
contre les ennemis de la chrétienté. L’auteur de l’article relève néanmoins que les Wendes étaient
déjà en partie convertis et qu’en conséquence les motivations politiques des Danois, Saxons et
Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative-Commons-Lizenz Namensnennung-Keine kommerzielle Nutzung-Keine
Bearbeitung (CC-BY-NC-ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum
Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/