toute la région de l’Afrique de l’Est qui est désormais placée sur la sellette par les
États-Unis, qui soupçonnent Al-Qaïda de vouloir en faire sa nouvelle place forte11.
En effet, il est établi qu’on retrouve des « routes communes » entre le contexte du
terrorisme en Asie du Sud-Est et celui dont a été victime ces dernières années
l'Afrique orientale. Depuis longtemps, le Soudan est perçu comme un sanctuaire
pour les fondamentalistes islamistes, désireux d'essaimer dans les pays voisins12.
On sait aussi que Ben Laden y a séjourné entre 1992 et 1996 avant de repartir
pour l’Afghanistan. En effet, à la fin de l’année 1992, l’influence des mouvements
islamistes sous la conduite d’Hassan Al-Tourabi, éminence grise du régime issu du
coup d’État de 1989, était prépondérante. C’est dans ce contexte le pays avait
renforcé ses relations avec l'Iran, autres parrain du terrorisme international en vu
d’étendre les réseaux islamistes en Afrique noire et dans le Maghreb. Leur
coopération s’inscrivait alors à divers domaines : formation militaire, échanges
commerciaux, entre autres13. Le contexte de la guerre mondiale contre le terrorisme
et la mise à l’écart, à partir de fin 1999 et l’arrestation, en février 2001, d’Hassan
el-Tourabi, ouvrent de nouvelles perspectives pour ce pays.
Parallèlement des mouvements intégristes avaient vu le jour en Éthiopie, en
Érythrée ainsi qu'en Somalie avec le soutien de Téhéran et de Khartoum. Les
Comores et l'île tanzanienne de Zanzibar sont aussi devenues des plaques
tournantes pour ces réseaux intégristes importés. Dans les différents attentats
commis en Afrique de l’Est, la responsabilité du groupe islamiste somalien Al-
Ittihaad, connu pour ses liens avec le réseau d'Oussama ben Laden a été
singulièrement mis en cause. Cette organisation serait, selon un rapport du
Département d'État américain sur le terrorisme, responsable des attentats d’Addis-
Abeba (Ethiopie) en 1996 et 1997. Elle serait également coupable d'une série
d'enlèvements de travailleurs humanitaires. Fort de quelques 2 000 hommes ayant
reçu un entraînement en Afghanistan et des armes en provenance du Soudan, elle
viserait l'instauration d'un strict régime islamiste en Somalie. Al-Ittihaad était placé
aussi au premier rang des suspects après les attentats du 11 septembre 2001 aux
États-Unis. Selon le quotidien israélien Haaretz, le responsable des attentats de
Mombassa, Fazel Abdallah Mouhamed, un Comorien de 30 ans avec la complicité
de six Pakistanais et de quatre Somaliens, serait membre de cette organisation. Il
figure actuellement sur la liste des 22 terroristes les plus recherchés par la police
fédérale américaine (FBI).
C’est compte tenu de ces liens connus ou supposés entre Al-Qaïda et certains pays
de la Corne de l'Afrique que les États-Unis ont opéré un retour en force après leur
retrait précipité de 199314. L'opération internationale menée en novembre 2001
contre Al-Barakat, une société de transfert de fonds entre les émigrés Somalis et
leur pays, la mise en cause de la banque Al-Shamal Islamic de Khartoum, ainsi que
publication de la liste d'organisations terroristes montrent que la Corne de
l’Afrique, après l'Asie centrale est devenue une source de préoccupation majeure
pour les États-Unis. Même si ces dernières années, on remarque une relative
régression de l'islamisme radical, particulièrement dans ses courants
internationalistes et terroristes, les autorités américaines continues de croire que
la région demeure une source d’insécurité élevée pour les États-Unis. En effet, Al-
Ittihaad pèse moins aujourd'hui en Somalie méridionale qu'il y a cinq ans15, alors
qu’au Soudan le Front National Islamique du Soudan (FNSS) a éclaté en deux
factions dont la plus modérée est solidement installée au pouvoir. On peut ainsi
s’interroger, si les Américains maîtrisent parfaitement la complexité des situations
locales, dont le trait principal, en Somalie comme au Soudan et à un moindre degré
11 Kevin J. Kelley et Faustin Rwambali, « The East African », in <www.courrierinternational.com>
12 Gandour I., 2002, op.cit.
13 Le président Rafsandjani s'était même rendu en visite officielle au Soudan en décembre 1991.
14 En octobre 1993, une mission de routine des Rangers et du commando Delta, des forces spéciales américaines
chargées de capturer des chefs de guerre dans un quartier de Mogadiscio dans le cadre de l’intervention Restor
Hope, avait tourné au désastre : deux hélicoptères lourds avaient été abattus, et dix-sept soldats avaient été tués, le
corps de l'un d'eux avant été traîné dans les rues derrière un « technical » véhicule de miliciens. Cet épisode a fait
l'objet du « film La Chute du faucon noir ». Voir aussi Alain Deschamps, Somalie 1993 : première offensive
humanitaire, l'Harmattan, 2000 ; et Stephen Smith, Somalie : la guerre perdue de l'humanitaire, Calmann-Lévy,
1993.
15 Al-Ittihaad al-islamiya est la plus connue des organisations islamistes somaliennes armées. Formée au début des
années 1990, elle est liée depuis 1993 au réseau Al-Qaïda. En 1997, les troupes éthiopiennes avaient envahi le
territoire somalien pour détruire plusieurs de ses bases.