Rééducation Orthophonique

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46e Année
Mars 2008
Trimestriel
N° 233
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Fondatrice : Suzanne BOREL-MAISONNY
Les désordres
phono-articulatoires
chez l’enfant et l’adulte
Rééducation
Orthophonique
Rencontres
Données actuelles
Examens et interventions
Perspectives
Fédération Nationale des Orthophonistes
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Sommaire
Page 1
mars 2008
N° 233
Rééducation Orthophonique, 145, Bd Magenta, 75010 Paris
Ce numéro est dirigé par Laurence Demanet, Pierre Dessailly et Dominique
Mean, Membres du Comité scientifique du Congrès Fédération des Ecoles
de Logopédie de Belgique, Institut Supérieur de Logopédie (HEPMBC)
LES DÉSORDRES PHONO-ARTICULATOIRES
CHEZ L’ENFANT ET L’ADULTE
Laurence Demanet, Pierre Dessailly et Dominique Mean, Logopèdes
C
1. Rappels théoriques : les différences entre la dysphasie et la dysarthrie Les étapes du développement du langage chez l’enfant,
Nicolas Deconinck, neuropédiatre, Bruxelles
2. Neuroanatomie fonctionnelle de la parole.
Définition et classifications des dysarthries,
Bernard Dachy, neurologue, Bruxelles
3. Neuroanatomie des troubles articulatoires chez l’enfant IMOC,
Nicolas Deconinck, neuropédiatre, Bruxelles
1. Le bilan logopédique dans le cadre d’une dysarthrie,
Anne Daumerie, logopède, Bruxelles
2. L’infirmité motrice d’origine cérébrale.
Le bilan logopédique comme apport à l’évaluation diagnostique pédiatrique,
Marie De Bie, logopède, Bruxelles
3. Les enjeux de l’oralité,
Catherine Thibault, orthophoniste, Paris
4. Le Dyspraxia Programme : une méthode de rééducation
des troubles phonologiques pour la dyspraxie verbale de développement,
Chantal Mahaux, logopède, Dion-le-Val
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5. Les troubles phono articulatoires dans les paralysies faciales périphériques,
Peggy Gatignol, orthophoniste, Paris
6. Diagnostic et prise en charge de l’apraxie de la parole chez l’adulte cérébro-lésé,
Viviane Deschrijver et Marlène Caty, logopèdes, Charleroi
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Ces articles reprennent le contenu des interventions prononcées lors du Congrès de la Fédération des
Ecoles de Logopédie, à l’Institut Supérieur de Logopédie (HEPMBC), qui s’est tenu le 7 mars 2008 à la
Haute Ecole Provinciale de Saint-Ghislain - Belgique
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Laurence Demanet,
Pierre Dessailly
Dominique Mean
Membres du Comité scientifique
Congrès Fédération des Ecoles de Logopédie
Institut Supérieur de Logopédie (HEPMBC)
A
r-ti-cu-lons… (!) : « Des blancs pains, des bancs peints, des bains
pleins », « Son chat Sacha chante sa chanson sans son », « Je veux
(z’) et j’exige d’exquises excuses », « Patrick pratique » …
Pourquoi certaines personnes, ne présentant aucun trouble articulatoire avéré,
prononceront-elles plus facilement (ou difficilement) l’une de ces phrases tandis
que d’autres locuteurs ne partageront pas le même vécu ? L’une de ces phrases
est-elle ressentie unanimement comme plus facile à énoncer ? Dans ce cas,
pour quelle(s) raison(s) ?
Ecoutons des échantillons de productions verbales de spécialistes confirmés de
la parole :
… « Des contrats (l’orateur se reprend)…. constats contrastés… »
… « Le vingt-sept march prochain… »
… « Térie sé (l’animateur radio, orateur confirmé, se corrige spontanément)…
série télévisée… »
Ou encore : « Une sorse (reprise)… une sorte de force… ».
Autant d’exemples, parmi de nombreux autres, de dérapages phono-articulatoires, conscients ou non, produits par des professionnels de la radio ou de la
télévision !
Pourquoi ? Comment ? Que nous révèlent - au-delà de la référence au mot
« assimilation » à valeur purement descriptive - ces difficultés ponctuelles
quant à la complexité du fonctionnement du système nerveux central et périphérique (la frontière entre centre et périphérie n’étant pas si évidente à fixer du
point de vue fonctionnel !) ? L’explication de leur survenue relève-t-elle de la
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compétence du neurologue, de l’anatomo-physiologiste, du phonéticien, du phonologue, du psychologue, ou de l’orthophoniste-logopède supposé avoir intégré
les connaissances utiles des uns et des autres ?
N’est-il pas interpellant de constater avec quelle aisance, la grande majorité des
enfants, sur base de dispositions innées (de quelle nature ?), acquièrent si naturellement les ensembles complexes de mouvements (et les ensembles d’ensembles complexes !) sous-jacents à la production de phonèmes dont la plupart,
parce qu’ils sont intra-buccaux, offrent peu d’indices de nature proprement musculo-articulatoire. Quelle réalité recèle la fameuse notion de « boucle audiophonatoire » ? Qu’est-ce qui, profondément ancré en nous, autorise si aisément
l’établissement de l’association étroite entre l’image auditive d’un phonème (ou
d’un groupe de phonèmes) et l’appropriation de son schéma proprioceptif et
kinesthésique ?
Pourquoi, par contre, certains enfants éprouvent-ils tant de difficultés à acquérir
les consonnes, même celles supposées (!) les plus faciles par le fait qu’elles
offrent des points de repère visuels (occlusion et désocclusion bilabiales,
constriction labio-dentale, par exemple) ? Quels niveaux de désorganisation
reflètent, dans le champ de la pathologie adulte, les expressions « anarthrie »
(pure), désintégration phonétique, dysarthrie, « apraxie verbale ». Est-il toujours aisé de distinguer, dans les aphasies de Broca (souvent dites « motrices »)
ce qui relève du désordre phonologique (« pré-moteur ») ou du désordre moteur
(« post-phonologique ») ? Quelle est la frontière exacte - si elle existe - entre
les troubles dits de programmation et d’exécution phono-articulatoires ? Pourquoi, question délicate (!), bon nombre de candidats orthophonistes-logopèdes
éprouvent-ils tant de mal à ressentir leur schéma corporel buccal ?
Pourquoi, régulièrement dans la littérature, les mots « constrictive » et « fricative », ou « occlusive » et « explosive », et bien d’autres encore (comme spirante, sonante, liquide, glide, etc.), sont-ils allègrement confondus ou définis
différemment selon les auteurs ?
Toutes ces questions passionnantes n’épuisent pas l’éventail des interrogations
auxquelles est souvent confronté l’orthophoniste-logopède. Paradoxalement, si
l’orthophoniste est encore largement perçu par le grand public comme étant
d’abord le spécialiste des défauts de « prononciation » (Le Petit Larousse,
Grand Format, 2005), il nous faut bien constater que cette expertise spécifique
qui s’est nourrie du savoir-faire inhérent à la pratique orthophonique/logopédique quotidienne, ne repose pas encore, du moins dans l’espace francophone,
sur un large corpus étayé de savoirs et d’expériences complémentaires visant à
l’émergence d’un cadre théorique plus ou moins unifié.
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C’est pourquoi, il nous a semblé intéressant d’amorcer un petit pas dans cette
direction, en organisant, le 7 mars 2008, une première journée d’études 1 réunissant les contributions de plusieurs spécialistes provenant d’horizons différents
mais professionnellement concernés par les troubles du fonctionnement phonoarticulatoire et des fonctions associées susceptibles d’affecter l’être humain à
tout âge de sa vie.
Notre objectif était de présenter aux étudiants et aux professionnels en orthophonie/logopédie un éventail actualisé de données théoriques, d’expériences cliniques et de réflexions critiques focalisé sur différentes composantes (neurologiques, anatomiques, psycho-cognitives, acoustiques, etc.) intervenant dans la
réalisation normale (intention, programmation, réalisation, contrôle, rétroaction)
et pathologique des gestes articulatoires liés à la parole.
Les thèmes développés par les auteurs portent sur les troubles développementaux de la sphère oro-faciale (dyslalies incluses), sur les dysarthries chez l’enfant et dans les maladies neuro-dégénératives de l’adulte, sur les troubles
arthriques chez les patients cérébrolésés (patients aphasiques notamment), avec
un accent particulier mis sur l’apraxie verbale, ainsi que sur les troubles liés aux
paralysies faciales.
Nous ne doutons pas que cet ensemble de données et questionnements rapportés
par chacun des spécialistes (deux neurologues et sept orthophonistes et logopèdes) invités, que nous remercions chaleureusement, contribuera à la constitution d’un corps d’informations convergent, utile, sinon indispensable, aux formations initiale et continuée des logopèdes/orthophonistes concernés par la
problématique des troubles articulatoires.
1. « Les désordres phono-articulatoires chez l’enfant et l’adulte ». Congrès organisé le 7 mars 2008 par la
Fédération des Ecoles de Logopédie et l’Institut Supérieur de Logopédie (HEPMBC) dans l’auditoire de la
Haute Ecole Provinciale de Saint-Ghislain (Belgique).
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Rappels théoriques : les différences entre
la dysphasie et la dysarthrie - Les étapes du
développement du langage chez l’enfant
Nicolas Deconinck
Résumé
L’auteur passe en revue quelques étapes importantes du développement du langage chez
l’enfant : la perception, les progrès articulatoires, l’acquisition de la grammaire et des compétences pragmatiques.
Mots clés : phonologie, vocabulaire, morphosyntaxe, pragmatique, relations parents enfants
Stages of language development in children
Abstract
The author reviews several essential stages of language development in children: perception, the development of articulation, the acquisition of grammatical skills and of pragmatic
habilities.
Key Words : phonology, vocabulary, morphosyntax, pragmatic functions, parent-child relationships
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Nicolas DECONINCK
Neuropédiatre
Médecin résident à l’Hôpital Universitaire
des Enfants Reine Fabiola (HUDERF)
Hôpital Universitaire des Enfants Reine
Fabiola
Avenue J.-J. Crocq 15
1020 Bruxelles
Courriel : [email protected]
♦ Les différences entre la dysphasie et la dysarthrie
S
ur les plans neurologique et neuropsychologique, ce qui définit le champ
des dysphasies et fonde la distinction majeure d’avec les autres catégories
de pathologies du langage, c’est la responsabilité des structures cérébrales
spécifiquement impliquées dans le traitement de l’information linguistique.
Il s’agit d’un groupe de pathologies, ressortant toutes de dysfonctionnements de ces processus cérébraux. A l’intérieur de cet ensemble, comme nous le
verrons en décrivant la symptomatologie, nous distinguons des tableaux très
diversifiés dont le pronostic et les modalités de prise en charge diffèrent sensiblement.
Les termes dysphasie et trouble spécifique du développement du langage
(TSDL, plus récent) peuvent être considérés comme synonymes. Le terme de
dysphasie est cependant plus communément utilisé par les professionnels « en
francophonie ». Nous appelons donc « a- ou dys-phasie » tout désordre langagier en lien avec un dysfonctionnement (secondaire à une lésion, ou non) des
structures cérébrales (réseaux, modules) spécifiquement mises en jeu lors du
traitement de l’information langagière.
Nous considérerons l’expression « troubles structurels du langage »,
souvent employée, comme un synonyme de « dysphasie ».
Cette définition des dysphasies comme trouble spécifique des compétences linguistiques est restrictive, dans la mesure où elle exclut de nombreux
désordres communicationnels et/ou cognitifs qui diffusent dans le secteur langagier, sans y prendre leur source : logorrhée ou au contraire mutisme psychogène, incohérences discursives, syndrome « cocktail-party », troubles envahissants du développement, autismes, etc. Ces troubles, qui traduisent une
pathologie fondamentale de l’acte de communication, n’affectent généralement
pas les compétences strictement linguistiques (phonologiques, lexicales, mor-
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phosyntaxiques, grammaticales). Les surdités de transmission ou neurosensorielle, bien que s'accompagnant souvent de difficultés des compétences linguistiques, sont exclues du champ des dysphasies.
Au contraire, dans les dysphasies, la communication est préservée, les
aspects relationnels et sociaux du langage sont investis de façon adéquate
(intentionnalité, interactions), le contenu est cohérent et adapté (à l’interlocuteur
et à la situation), mais la forme linguistique du message (de l’énoncé, du discours…) est pervertie, distordue : l’enfant parle de façon pertinente et à propos,
mais il dit « mal » car il ne peut respecter (construire, appliquer automatiquement) les règles constitutives de sa langue (ni d’aucune autre).
Cette définition englobe sous un même concept les a-phasies et les dysphasies. En effet, c’est la date de survenue du trouble qui distingue les deux
termes. L’aphasie désigne la perte d’un langage antérieurement construit et
organisé ; par opposition, les dysphasies concernent les pathologies initiales du
langage, survenues très précocement dans le développement (pré-, péri- ou postnatal) et ayant d’emblée interféré avec l’ensemble de la dynamique développementale de l’enfant.
Figure 1 : Les troubles structurels du langage
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La définition de dysphasie ou TSDL implique une démarche qui peut prendre
deux aspects :
– la forme d’un diagnostic négatif, par élimination : ayant éliminé une
carence psychoaffective et/ou linguistique, une pathologie relationnelle
et/ou psychotique (troubles envahissants du développement), une déficience auditive et enfin (ou surtout ?) un déficit intellectuel sévère, il
sera alors légitime d’envisager que les difficultés de langage de l’enfant
soient d’origine dysphasique.
– la forme d’un diagnostic positif, par la mise en évidence de symptômes
spécifiques, pathognomoniques d’un trouble structurel langagier : il
s’agit de déviances caractéristiques, qui constituent l’ensemble du répertoire des anomalies langagières secondaires à un trouble du traitement
cérébral de l’information linguistique. Ils concernent des anomalies de la
phonologie, d’une pauvreté de la syntaxe. Ces symptômes (les déviances)
sont d’autant plus évocateurs que nous ne les rencontrons à aucun
moment du développement ou de l’évolution normale du langage.
Nous appelons « retard » de parole et/ou de langage, tout décalage chronologique dans les acquisitions de l’enfant, répondant simultanément à trois
critères :
– la pathologie n’est affirmée qu’au regard de normes, c’est-à-dire au vu
des résultats de tests étalonnés à des tests langagiers et non langagiers,
– le(s) déficit(s) concerne(nt) de façon à peu près homogène tous les
aspects du langage : afférent/efférent, phonologie/lexique/syntaxe….,
– le langage ne comporte ni anomalies structurelles, ni déviances majeures.
Enfin, sous le terme de dysarthrie, nous désignons toutes les pathologies du
« module de sortie » de la parole, pathologies de la sphère bucco-phonatoire
qui permettent la réalisation du langage sonorisé.
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♦ Les étapes du développement du langage chez l’enfant
De la perception à la production de la parole
De nombreux travaux ont montré que le nourrisson était capable d’une
perception auditive élaborée de la parole. Eimas, Siqueland, Jusczyk et Vigorito
(1971) ont utilisé une technique de succion non nutritive, par laquelle le réflexe
de succion est associé à l’audition d’une syllabe isolée, et ont montré que les
nourrissons de 4 mois étaient capables de discriminer les syllabes à faible
contraste phonétique (/pas/ vs /ba/). Cette capacité de perception catégorielle a
été retrouvée par la suite chez des nouveau-nés âgés de quelques jours (Jusczyk,
1985) et plus récemment chez des fœtus de 36-40 semaines (Lecanuet, GranierDeferre, 1993). Cette aptitude de l’être humain à percevoir dès la naissance les
contrastes phonétiques semble être universelle.
Si le nouveau-né est capable de percevoir de subtils contrastes phonétiques, il est aussi capable d’identifier les mots dans le flot de paroles. Pour ce
faire, l’enfant exploiterait les marqueurs prosodiques, comme l’intonation, qui
servent à délimiter les frontières entre les mots. Christophe, Dupoux, Bertoncini et Melher (1994) ont montré que des nouveau-nés, âgés de 4 jours, discriminaient plus facilement les mots inventés (/mati/) évoqués dans un contexte
de phrase (« panorama typique ») que dans un contexte de mot isolé (« mathématicien »).
Il est également admis que l’identification des mots se réalise à partir des
connaissances, certainement implicites, qu’ont les bébés des propriétés phonotactiques de leur langue maternelle.
Le fait que le nouveau-né ne soit pas très bavard s’explique par l’immaturité de ses organes phonateurs. La configuration du conduit vocal est radicalement différente de celle de l’adulte. Le pharynx est plus court, le volume de la
langue important et la courbure en angle droit de l’espace bucco-pharyngé n’est
pas observée.
Progressivement les organes phonateurs vont se mettre en place, de même
que le contrôle respiratoire de la phonation qui va permettre aux réalisations
articulatoires de s’enrichir :
• Vers le 5ème mois, le babillage est dit canonique. Le nourrisson émet des
syllabes simples de type consonne-voyelle (« ba, pa, ma ») qu’il est
capable de regrouper pour produire des suites répétitives « bababa… ». A
cet âge, nous notons une préférence pour les consonnes occlusives /p/, /b/,
/t/, /d/ et nasales /m/.
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• Vers le 10ème mois, le nourrisson émet des suites polysyllabiques en faisant varier les consonnes et les voyelles « ayé a tatouyé ». Ces productions témoignent des aptitudes qu’ont les nourrissons à sélectionner un
répertoire de phonèmes, en particulier les consonnes, qui sont le plus
fréquemment retrouvés dans la langue adulte (de Boysson-Bardies et
Vihman, 1991). Les syllabes émises par les nourrissons de 10-11 mois
véhiculent aussi un sens qui, souvent à cet âge, se généralise à plusieurs
objets qui ont des caractéristiques perceptives communes. Les animaux
sont des « wawa » tandis que « tchétché » peut à la fois évoquer le passage d’un train comme celui d’un adulte qui marche vite (voir Le Normand, 1996).
• Pendant toute la période pré-scolaire, le jeune enfant va apprendre à articuler les mots de sa langue maternelle. Progressivement, les duplications
de syllabes qui s’observent vers 2 ans (auto → « toto ») vont disparaître,
de même que les omissions de consonnes finales (madame → « mada »),
les assimilations (culotte → « kukot »), les labialisations des consonnes
dentales (pame pour dame) et les occlusifications (assi → « ati »). Les
consonnes deviendront aussi de moins en moins nasalisées (madame →
« maname »). Même s’il est admis que l’ordre d’acquisition des phonèmes
peut varier d’un enfant à l’autre, l’articulation des consonnes (/m/, /p/, /b/)
est généralement acquise vers 3 ans, 3 ans 1/2, c’est-à-dire plus tôt que l’articulation des phonèmes /d/, /t/, /n/, /g/, /k/, /j/, // acquise, elle, vers
4 ans, 4 ans 1/2.
• Vers 6 et 7 ans, l’enfant maîtrise l’ensemble du tableau articulatoire, en
particulier le contraste qui oppose les phonèmes /s/ et /z/ (voir Genouvrier, 1992 ; Monfort et Bishop, 1993).
L’acquisition de la grammaire
Vers 2 ans, l’enfant est capable de combiner les mots, mais les marqueurs
grammaticaux sont absents et les articles, prépositions et pronoms sont rarement
employés. Les inflexions sur les verbes et les marques du genre pour les noms et
adjectifs sont souvent absentes. Toutefois, si nous considérons les énoncés produits par les jeunes enfants, comme « papa pati », nous admettons qu’à cet âge,
les mots sont syntaxiquement ordonnés et reliés sémantiquement pour définir
des phrases. Les phrases produites sont le plus souvent de type « action-agent »
(Bloom, 1973).
Par la suite, les productions phrastiques des enfants vont s’enrichir et
contenir plus de mots. La forme syntaxique Sujet-Verbe évolue vers une forme
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de type Sujet-Verbe-Objet (ex : papa é pati travail) et l’emploi des pronoms personnels apparaît. Le « moi » est produit vers 2 ans, suivi un peu plus tard du
« je, tu, il… ». Vers 3 ans, l’enfant énonce les articles « elle, le, la » et les prépositions « à, dans, sur… » (Rondal et Bredat, 1982).
L’accès à la grammaire se manifeste également dans les surgénéralisations morphémiques émises par les jeunes enfants. Le « glandier » évoque
l’arbre sur lequel poussent les glands par analogie aux noms d’arbres fruitiers
connus de l’enfant qui se terminent majoritairement par la syllabe « ier »
comme dans pommier, cerisier, poirier. « Elle est toute nute », « il a perdé » sont
des expressions qui contiennent des erreurs morphologiques si l’on se réfère au
langage adulte, mais elles témoignent des connaissances grammaticales qu’ont
les jeunes enfants sur les genres et les inflexions verbales qui servent à situer les
actions dans leur contexte temporel.
L’évolution des compétences syntaxiques pendant l’enfance a aussi été
étudiée dans les activités de compréhension des phrases. Les enfants de 3 ans 1/2
environ, dans leur grande majorité, comprennent les phrases du type « le cheval
blanc renverse la barrière jaune », mais éprouvent des difficultés à comprendre
les tournures passives « la barrière jaune est renversée par le cheval blanc ».
Certains psycholinguistes suggèrent que la compréhension des phrases est tributaire de la connaissance qu’ont les jeunes enfants des objets qui composent leur
environnement quotidien.
Vers 2 ans, l’enfant comprend des énoncés comportant les prépositions
locatives (dans, sur, derrière, sous) à condition que les objets à manipuler permettent de reproduire une situation familière : si l’enfant de cet âge comprend
la phrase « le bol est sur la table » sans difficulté, il lui sera difficile de comprendre la phrase « l’armoire est sur la chaise » du fait que cette dernière
situation n’est pas familière. Ainsi, il faut parfois attendre l’âge de 5 ans,
voire plus encore, pour que l’enfant comprenne des énoncés évoquant des
situations non familières. Ainsi, il pourra comprendre la phrase « l’enfant renverse le camion » qu’il ne comprenait pas quelques années auparavant puisque
dans la vie courante ce sont les camions qui sont plutôt aptes à renverser les
enfants.
Le développement du langage oral ne peut pas se concevoir en dehors
d’un système de communication défini dans la relation mère-enfant qui s’instaure dès la naissance. Nous savons en effet que les enfants ayant souffert précocement d’un isolement profond présentent, longtemps après leur retour dans la
vie sociale, des troubles importants du langage oral (Skuse, 1993).
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L’émergence des compétences pragmatiques
La relation qui existe entre la mère et le nourrisson permet l’instauration
du dialogue qui va se manifester dans les tours de parole et dans le « face à
face » (Butterworth et Grover, 1988) :
• Vers 8-10 mois, le nourrisson peut accompagner ses vocalisations de
gestes pour montrer ses intentions, comme montrer du doigt l’objet
convoité situé hors de son espace de préhension. Il s’agit de l’apparition
de la première fonction pragmatique du langage: « Je veux ça ». D’autres
se mettent en place pendant la petite enfance, comme les fonctions interactionnelle et heuristique qui se manifestent dans les questions « c’est
quoi ? » « à quoi ça sert ? ».
• Un certain nombre de travaux ont montré que les jeunes enfants sont
capables d’exprimer certaines requêtes et d’adapter leurs productions
orales aux réactions de l’adulte. Par exemple, les enfants, dès 2 ans 1/2,
peuvent modifier leur demande en fonction des réactions de l’adulte. Pour
obtenir un bonbon, au lieu de dire « je veux un bonbon », les enfants de
cet âge sont capables de formuler leur requête en demandant « tu me
donnes un bonbon », éventuellement en ajoutant « s’il te plait », voire
encore, pour minimiser la portée de la demande, ajouter « un petit bonbon… un tout petit bonbon ». Les jeunes enfants sont aussi capables de
comprendre les formes indirectes de requêtes « peux-tu fermer la
porte ? », de même que les allusions.
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Neuroanatomie des troubles articulatoires chez
l’enfant IMOC
Nicolas Deconinck
Résumé
L’infirmité motrice d’origine cérébrale (IMOC) est la conséquence d’une lésion cérébrale
incurable mais non évolutive sur un cerveau en pleine maturation. Cette lésion va entraîner
une multitude de troubles moteurs dont les troubles articulatoires et les troubles de l’alimentation. La lésion peut être plus ou moins diffuse et par conséquent toucher des territoires distincts. L’atteinte peut se marquer soit par un trouble de la commande motrice (dysarthrie paralytique), soit par un trouble du contrôle et de la régulation du mouvement
(dysarthrie cérébelleuse) ou encore se marquer par la présence de mouvements parasites
anormaux au niveau de la sphère oro-faciale.
Mots clés : infirmité motrice d’origine cérébrale, dystonie, bavage, dysphagie.
Neuroanatomy of articulation disorders in cerebral palsied children
Abstract
Cerebral palsy (CP) is the result of an incurable but non progressive cerebral impairment of
the maturing brain. This lesion results in numerous disorders of motor functions, including
articulation and eating disorders. The lesion may be more or less diffuse and therefore affect
different areas. The impairment may take the form of disordered executive motor functions
(paralytic dysarthria) or of disordered control and regulation of movement (ataxic dysarthria),
or of abnormal involuntary movements involving the oral-facial sphere.
Key Words : Cerebral palsy, dystonia, drooling, dysphagia.
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Nicolas DECONINCK
Neuropédiatre
Médecin résident à l’Hôpital Universitaire
des Enfants Reine Fabiola (HUDERF)
Hôpital Universitaire des Enfants Reine
Fabiola
Avenue J.-J. Crocq 15
1020 Bruxelles
Courriel : [email protected]
♦ Introduction - Les conditions anatomiques et neurologiques de la
production de la parole
L
es sons sont produits par la vibration (mise en tension) du larynx et des
cordes vocales et la modulation (chambres de résonance et articulateurs)
de l’air en provenance des poumons (temps expiratoire). Les cavités de
résonance sont constituées d’une part du pharynx et d’autre part de la cavité
buccale. Les organes articulateurs, qui se mobilisent pour moduler finement les
divers sons, sont : le pharynx, le voile du palais, la langue, les lèvres, le maxillaire inférieur.
Les voies de commande commencent, au niveau cérébral, dans la frontale
ascendante et la première circonvolution frontale ; les aires antérieures, dans la
région operculaire, jouent un rôle décisif dans la commande motrice de la
parole. Des relais au niveau du cervelet et des noyaux gris centraux sont un facteur important permettant, par la mise en œuvre de voies motrices secondaires,
une automatisation importante de ces commandes.
Les voies de commandes volontaires (faisceau géniculé) et les voies automatiques (voies extrapyramidales) empruntent des chemins différents, ce qui rend
compte des habituelles dissociations automatico-volontaires lors des atteintes
cérébrales. Toutes font relais dans les noyaux du bulbe, d’où émergent les nerfs
moteurs :
• nerfs glossopharyngien, pneumogastrique et grand hypoglosse pour la
commande des cordes vocales, du voile du palais, des mouvements de la
langue ;
• nerf laryngé (branche du pneumogastrique) pour les mouvements du
larynx ;
• nerf facial, pour les mouvements des lèvres.
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♦ L’infirmité motrice cérébrale
L’infirmité motrice cérébrale est un groupe d’affections du
développement du mouvement et de la posture, entraînant des limitations des
activités, attribuées à des troubles non progressifs survenus au niveau du
cerveau en développement du foetus ou du nourrisson (incluant un âge jusque
2 ans).
Les anomalies du développement de la motricité sont généralement
classées selon les catégories suivantes : les formes spastiques de l’IMOC
avec l’hémiplégie, la diplégie, la quadriplégie ; les formes dystoniques et
enfin la forme ataxique. Les troubles moteurs de l’infirmité motrice cérébrale
s’accompagnent souvent de troubles sensoriels, perceptifs cognitifs, de la
communication, du comportement, d’épilepsie ou de problèmes musculosquelettiques secondaires.
Les anomalies du développement de la motricité incluent
également les anomalies du développement des aspects moteurs du
langage, qui font donc partie intégrante de l’IMOC (Developmental
Medicine and Child Neurology, Feb 2007).
♦ Conséquences de l’IMOC sur l’articulation
Selon les mécanismes neurologiques qui affectent les organes buccophonateurs, nous distinguons :
a) Des troubles de la commande motrice, avec paralysies et troubles du
tonus (hyper, hypo ou dystonies) ; ce sont les dysarthries paralytiques (et/ou
dystoniques). Les dysarthries paralytiques se traduisent, au niveau des organes
phonateurs, par une commande insuffisante, voire nulle, sur certains muscles,
alors que sur d’autres, c’est l’hypertonie qui constitue la gêne essentielle, avec
même pour certains groupes musculaires (tout comme au niveau des membres)
des risques de rétraction qu’il faudra combattre (en particulier, l’orbiculaire des
lèvres).
La faiblesse, ou l’impossibilité totale de fermeture volontaire de la
bouche est souvent cliniquement le signe le plus évident de la paralysie, engendrant des difficultés de déglutition (encore plus intenses aux liquides) et une
fuite salivaire (« bavage »). Rappelons qu’il n’y a pas de déglutition possible
sans occlusion labiale préalable. La protrusion de la langue, l’insuffisance ou
l’inefficacité des mouvements de la langue (impossibilité d’effectuer des mouvements orientés volontaires, de rejeter le bol alimentaire ou salivaire en
arrière…) ajoutent encore aux difficultés.
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Le bavage est en fait une incontinence salivaire, dont l’intensité est très
variable selon les enfants, depuis le minime bavage « perlé » ponctuel, ne survenant qu’à l’effort, jusqu’aux pertes impressionnantes, de plus d’un litre par
jour, nécessitant des changes fréquents (l’enfant est trempé).
Mais le bavage est également variable chez un même enfant, au cours de
la journée : en particulier, il s’intensifie nettement lors des efforts cognitifs ou
lorsque l’attention de l’enfant est sollicitée (cadre scolaire, mais aussi film passionnant, écoute d’une histoire, etc.).
Le recours à la déglutition salivaire consciente et volontaire, sur injonction de l’adulte (« avale ta salive », « arrête de baver », « ferme ta bouche »),
peut être utile ponctuellement dans telle ou telle situation sociale : en aucun cas
cela ne peut compenser en permanence le geste involontaire normal qui, chez
l’individu indemne, assure spontanément la déglutition automatisée, dans la
mise en œuvre et le résultat, par rapport à la déglutition automatisée (repas).
Cette distinction entre déglutition « automatique » et « volontaire » est
du même ordre que celle qui concerne la tenue de tête : le redressement actif et
volontaire de la tête n’est pas de la même nature, eu égard aux ressources cognitives mises en jeu, que le maintien postural, dont la régulation est normalement
automatique. Chacun, essayant de déclencher volontairement la déglutition (par
exemple, lors de la prise d’un médicament), a l’expérience de cette différence,
dans la mise en œuvre et le résultat, par rapport à la déglutition automatisée
(repas).
En tout état de cause, chez ces enfants, l’occlusion labiale et la déglutition salivaire volontaires ne peuvent être obtenues qu’au prix d’un effort important, incompatible avec un autre effort (intellectuel ou autre) concomitant.
Ce bavage, toujours très pénalisant socialement, encore trop souvent
interprété dans le public comme le stigmate d’une débilité intellectuelle, contribue grandement à la dévalorisation de l’image de soi. Cette blessure narcissique,
d’abord ressentie par les parents lorsque l’enfant est petit, est ensuite douloureusement vécue par le jeune lui-même lorsqu’il parvient à l’adolescence.
La parole des enfants atteints de dysarthrie paralytique montre des traits caractéristiques :
• les simplifications arthriques, les omissions et les élisions dominent la
production ;
• l’indifférenciation arthrique, le flou articulatoire donnent à l’auditeur une
impression de « bouillie dans la bouche » ;
• la stabilité des déformations produites : elles sont constantes, invariables,
prédictibles.
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Ainsi, l’enfant peu intelligible pour un auditeur ponctuel, peut-il être facilement compris de ses familiers, qui repèrent facilement les déformations
arthriques. Cela rend compte des allégations fréquentes de la famille : « je
comprends tout…. », alors que l’examinateur ne comprend rien !
L’intelligibilité en est, selon l’intensité des troubles, diversement affectée, mais cela peut être au point que la communication soit impossible avec
tout interlocuteur, ou limitée à quelques proches qui « devinent » le discours
de l’enfant.
Habituellement, quand la dysarthrie est isolée (sans trouble linguistique
sous-jacent associé), l’enfant est inintelligible, mais il est parlant, et l’interlocuteur perçoit l’enveloppe sonore d’une production phrastique.
Il peut cependant arriver que l’enfant soit mutique, dans l’impossibilité de
réaliser toute modulation sonore. Il peut s’agir alors de dysarthries « pseudobulbaires » massives ou d’exceptionnelles lésions bi-operculaires (une importante dissociation automatico-volontaire est en faveur de ce dernier diagnostic,
attestant que la lésion est corticale). Dans ces cas, la paralysie totale des lèvres,
de la langue, du voile du palais est responsable à la fois de l’absence de parole
articulée et d’un bavage massif. Sur ce tableau, s’ajoute encore l’insuffisance
motrice du pharynx qui engendre des troubles de déglutition, un encombrement
pharyngé chronique et des fausses routes répétées.
Il est possible de différencier la dysarthrie paralytique de la dysphasie
phonologique sur base des caractéristiques de leurs productions orales respectives (cf. tableau 1 ci-dessous).
Langage spontané
Troubles de production phonologique
Dysarthries
Déformations phonologiques.
Jargon phonétique.
Articulation claire, sons complexes.
Bouillie articulatoire.
Flou articulatoire.
Indifférenciation arthrique.
Trouble fixe et stable.
Fluctuations arthriques en fonction
du contexte et du moment.
Répétition
Le trouble est aggravé si :
– logatomes ;
– mots longs ;
– mots de faible fréquence ;
Le trouble est aggravé si
structures syllabiques complexes
(les logatomes ne sont pas plus
rares que les mots).
Elisions, simplifications.
Signes associés
Possible apraxie bucco-faciale.
Déficit fermeture de bouche.
Bavage (troubles de
la déglutition).
Tableau 1 : Diagnostic différentiel entre la dysarthrie paralytique et la dysphasie
phonologique.
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b) Des mouvements anormaux touchant la sphère orale : dystonies,
mouvements athétosiques le plus souvent ; ce sont les dysarthries athétosiques, secondaires à des atteintes des noyaux gris. Ces dysarthries touchent
en général des enfants victimes d’athétose ou dystonie globale, s’étendant à
la tête, à la face et au cou. La parole peut être complètement inintelligible,
mais l’enfant est parlant. S’il produit des phrases courtes, voire des mots isolés, c’est en raison des difficultés de régulation du souffle, par économie, et
pour faciliter la compréhension de son interlocuteur, dont il évalue parfaitement les difficultés.
Lorsque l’atteinte est limitée à la sphère buccofaciale, le diagnostic peut
être tardif, les difficultés initiales d’alimentation de l’enfant puis son retard, et
les anomalies à l’expression orale étant encore souvent interprétées dans un
cadre psychanalytique.
c) Les troubles du contrôle (intensité, amplitude) et de la régulation (dyschronométrie et asynchronisme dans la contraction des divers groupes musculaires impliqués et entre souffle et parole), fonctions dévolues aux centres cérébelleux : ce sont les dysarthries cérébelleuses. Là encore, c’est
l’inintelligibilité, et non l’absence de parole, qui empêche la communication
orale, les autres modes d’échanges étant préservés et riches.
Le souffle, mal coordonné aux velléités de parole, ne permet pas la réalisation de phrases, voire de mots polysyllabiques. La parole est hachée, irrégulière dans son débit, son intensité, entrecoupée de pauses qui ne respectent pas
la segmentation en mots ou propositions et gênent la compréhension.
Dans ces deux derniers cas, comme pour la dysarthrie paralytique, la
rééducation (qui insiste sur la décontraction puis le contrôle analytique des
organes phonateurs et du souffle), la mise à disposition rapide d’un code ou
d’une synthèse vocale, l’apprentissage précoce de l’écrit permettront d’établir
au mieux et au plus tôt une communication efficace.
♦ Conséquences de l’IMOC sur la déglutition
Les pathologies de la parole et celles de la déglutition sont proches et
inextricablement imbriquées, partageant de nombreuses structures anatomiques.
Pour rappel, l’accès à la parole articulée (modulations fines, production
de sons complexes) n’est anatomiquement possible chez le petit enfant (indépendamment de tout aspect langagier) que vers 12-18 mois, quand, au cours de
la croissance, la descente du larynx engendre un espace pharyngé suffisant pour
permettre la modulation fine des sons produits par les cordes vocales.
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Simultanément, la succion (déglutition dite « primaire »), qui permet de
respirer tout en tétant (en avalant des liquides) est progressivement remplacée
par la mastication et la déglutition de type adulte.
Un nouveau risque apparaît alors au carrefour des voies aériennes et
digestives : la fausse route. Cependant, les liquides (y compris la salive) ou aliments qui pénètrent accidentellement dans les voies aériennes déclenchent normalement automatiquement un puissant réflexe de toux.
L’insuffisance ou absence du réflexe de toux, du fait de lésions neurologiques, peut être à l’origine d’asphyxie si une voie aérienne importante est obstruée ou, beaucoup plus habituellement, de pneumopathies de déglutition si des
fausses routes répétées, à bas bruit, altèrent progressivement mais inexorablement le tissu pulmonaire.
Il faut retenir que, pour parler, il ne faut ni inspirer ni avaler en même
temps : ces trois actions doivent être régulées finement (et automatiquement),
s’enchevêtrer et s’intercaler, sans jamais être simultanées.
♦ Propositions thérapeutiques
La rééducation de la motricité bucco-laryngo-pharyngo-faciale est un
impératif et une urgence. Elle peut être commencée chez le nourrisson et le
jeune enfant. Une rééducation spécialisée, pratiquée par une orthophoniste compétente formée à cette pathologie neurologique, doit être précocement entreprise. Cette rééducation est d’autant plus impérative que l’enfant a des difficultés pour s’alimenter (difficultés à mastiquer, à diriger le bol alimentaire en
arrière, protrusion de la langue, réflexe vif de préhension buccale et de morsure
à la cuillère, difficultés à boire, fausses routes patentes, etc.).
Cette rééducation consiste schématiquement en une « désensibilisation »
de la région hyper-réflexive, par des touchers de lèvres et régions périlabiales,
parois internes des joues, gencives. Le travail de la reconnaissance des différentes sensations issues de la région buccofaciale et des gnosies buccolinguales
s’intègre à ces exercices. La stimulation douce de l’orbiculaire des lèvres
cherche à obtenir ou renforcer l’occlusion labiale. On peut alors tenter d’associer occlusion et déglutition : cette dernière est obtenue par des pressions susglottiques prolongées et répétées (pour en favoriser l’automatisation). Le péristaltisme de la langue est sollicité par l’utilisation d’aliments semi-solides, puis
solides, posés en position de plus en plus antérieure sur la langue ; les exercices
d’aspiration (paille, pipette), de souffle (sifflets, bulles de savon, etc.) et toutes
les praxies buccofaciales complètent cette rééducation..
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En ce qui concerne la nutrition, il ne faudra pas oublier :
• que la bouche doit être fermée pour permettre la déglutition, quitte à aider
manuellement à l’occlusion labiale ;
• que le rejet de la tête en arrière, qui semble, par la pesanteur, « faire couler » les aliments vers l’arrière et limiter les fuites et rejets antérieurs,
libère en fait le canal des voies aériennes. C’est donc dans les poumons
que l’on facilite ainsi « innocemment » la vidange buccale. Il s’agit
d’une pratique très dangereuse qui va à l’encontre de tout le travail de
rééducation, et aggrave (ou décompense) la pneumopathie de déglutition
préexistante, souvent latente ;
• que la fatigue (repas longs, efforts importants demandés à l’enfant) facilite
les fausses routes et aggrave les troubles du (difficile) contrôle volontaire.
Aussi, en accord avec l’enfant, nous choisirons donc, pour commencer la
rééducation de la déglutition de façon ponctuelle, soit le début du repas,
soit le dessert ;
• que pour être efficaces, ces rééducations doivent être régulières, quotidiennes (ou pluriquotidiennes), durant plusieurs mois. Les personnes qui
assurent les repas et les familles doivent donc être formées, ou au minimum informées par l’intermédiaire de l’orthophoniste qui assure la rééducation.
Ultérieurement, chez le grand enfant, la rééducation fait appel à un travail
plus actif nécessitant sa participation, travail un peu « technique » et répétitif,
qui est souvent mal accepté et jugé fastidieux. Pourtant, c’est une rééducation
gratifiante car les progrès sont habituels ; mais les jeunes enfants sont peu sensibles au problème de leur inintelligibilité (encore moins à celui de leur bavage
ou des difficultés nutritionnelles), et ce n’est souvent qu’à l’adolescence que,
s’estimant « défigurés » par leur dysarthrie, ils seront vraiment demandeurs de
rééducation.
En ce qui concerne le bavage, on peut chez l’adolescent envisager, par
une intervention chirurgicale, de réduire la production salivaire et ainsi assécher
(plus ou moins totalement) la fuite salivaire : pour que les résultats en soient
durables à long terme, ces interventions doivent également être suivies de rééducation qui nécessitent la participation active du jeune.
♦ Aides palliatives
Lorsque la dysarthrie est isolée et sévère, les aides palliatives consistent
notamment à proposer un apprentissage précoce de l’écrit. L’enseignement de la
lecture et de l’écriture pourra débuter dès 5 ans.
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En cas d’inintelligibilité totale, une synthèse vocale sera utile pour permettre aux enfants d’élargir le cercle de leurs interlocuteurs, remplir la fonction
d’appel, « se faire entendre », manier les échanges et expérimenter les situations de dialogue. La fonction sociale d’un tel matériel, même chez le sujet
communiquant par écrit, est essentielle.
Si une synthèse vocale ne peut être rapidement mise à disposition de l’enfant (pour des raisons financières ou ergonomiques), un code doit alors être proposé (dès 3-4 ans), qui lui permettra, dans l’attente de l’accès à l’écrit, de compléter, enrichir, préciser son « discours » spontané, toujours riche, fait de
gestes, mimiques, monstrations, etc.
Enfin, certains enfants utilisent des gestes de façon très systématique, et
la question se pose alors pour les professionnels de savoir s’ils doivent encourager cette communication, ou, chez les autres, s’il est licite de tenter de la mettre
en place par un apprentissage volontariste (LSF ou Makaton, par exemple).
Lorsque les enfants ne peuvent pas accéder à l’écrit, l’apprentissage de gestes
conventionnels peut élargir grandement leur champ communicationnel. Les
gestes, dont ils disposent à tout moment, dans toutes les situations, en tous
lieux, leur permettent des échanges souvent beaucoup plus spontanés et plus
diversifiés s’ils vivent dans un environnement qui a appris à les décoder. Il s’agit
d’un moyen d’expression qui peut donc compléter, augmenter, améliorer la qualité des échanges chez ces enfants.
Plusieurs éléments doivent alors guider la décision :
• ces enfants, entendant et comprenant parfaitement le langage oral dans
toutes ses subtilités, sont destinés à vivre et être éduqués en milieu entendant. Ils construisent d’ailleurs normalement l’ensemble de leurs compétences linguistiques, même si leur déficit, localisé sur les « voies de
sortie » de la parole, ne leur permet pas de s’exprimer oralement. Les
gestes et mimiques qu’ils effectuent ne sont pour eux qu’un moyen
d’améliorer l’intelligibilité de leur discours pour leur interlocuteur.
Encore faut-il qu’ils aient des interlocuteurs, non seulement parlants, mais
parlant bien et beaucoup, une langue riche et élaborée ;
• certains, nous l’avons dit, pourront acquérir la langue écrite, qui constitue
un moyen d’expression puissant, non limitatif et partagé par l’ensemble
de la communauté. Il s’agit donc là, chaque fois que possible, d’un « palliatif » à privilégier de façon urgente et prioritaire. Dans cette optique, il
convient donc d’essayer précocement d’évaluer les capacités de l’enfant à
accéder à l’écrit (niveau de développement non verbal, compétences dans
les tâches métaphonologiques, mémoire de travail), et de concentrer toutes
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les actions rééducatives et pédagogiques dans ce but. Cela n’empêche nullement de prendre en compte les gestes, mimiques et signes que produit
l’enfant pour se faire comprendre et communiquer mais nous n’orienterons pas l’enfant et sa famille dans un projet rééducatif centré sur les
gestes ;
• beaucoup, outre le trouble moteur sévère touchant la sphère bucco-phonatoire, sont aussi porteurs de troubles moteurs touchant les membres (paralysies, dyspraxies…), et ne réalisent les signes conventionnels de la LSF
que de façon très approximative. Si, comme le langage oral, les gestes
conventionnels peuvent admettre dans leur réalisation un certain « flou »
sans que leur intelligibilité en soit gravement affectée, il faut, là encore,
évaluer si l’enfant ne risque pas rapidement de rencontrer en expression
gestuelle la même difficulté qu’à l’oral, à savoir une réalisation si déformée qu’elle ne pourra pas être interprétée par l’interlocuteur, et ne pourra
jamais constituer de fait, une réelle communication.
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L’infirmité motrice d’origine cérébrale. Le bilan
logopédique comme apport à l’évaluation
diagnostique pédiatrique
Marie De Bie
Résumé
Le langage oral dans son aspect articulatoire est une compétence dont les structures anatomiques sont identiques à celles de la respiration et de l’alimentation. Aussi, un enfant
infirme moteur cérébral, dont la pathologie est essentiellement motrice, présentera bien
souvent des difficultés dans ces trois sphères. Leur évaluation doit s’effectuer selon une
approche clinique, globale et fonctionnelle. Par ailleurs, la posture est à la base de tout, elle
régit le fonctionnement de la sphère bucco-linguo-faciale. C’est la raison pour laquelle son
évaluation et sa prise en charge sont fondamentales en logopédie/orthophonie.
Mots clés : infirmité motrice d’origine cérébrale, posture, motricité globale, observations de
l’enfant.
Cerebral palsy. Contribution of the speech and language evaluation to
the pediatric diagnostic evaluation process
Abstract
The articulatory component of oral language is a skill whose anatomical structures are identical to those involved in breathing and eating. As a result, cerebral palsied children, whose
pathology primarily involves motor functions, often display impairment in these three areas.
A clinical, global and functional approach must be used in their evaluation. In addition, posture which underlies all other functions, governs the sphere of oral-lingual-facial functions.
For this reason, its evaluation and treatment are essential in speech and language therapy.
Key Words : cerebral palsy, posture, global motor function, child observation.
Rééducation Orthophonique - N° 233 - mars 2008
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Marie DE BIE
Logopède au Centre
Interuniversitaire de Référence
pour l'Infirmité Motrice Cérébrale UlbVub-Ulg
(CIRICU) à l'Hôpital Universitaire
des Enfants Reine Fabiola.
Réalise les évaluations logopédiques
durant les consultations interdisciplinaires
CIRICU.
P
armi les fonctions orales, le langage occupe une place essentielle. La production verbale étant organisée avec les mêmes structures buccales que la
respiration et l’alimentation, le contrôle précoce de toutes ces fonctions
est lié. Comme la plupart des autres fonctions, le langage verbal dépend très largement d’informations afférentes (notamment auditives, mais aussi tactiles et
proprioceptives) et d’activités efférentes.
Il est artificiel de tenter de séparer la production sonore de la communication, tant ces aspects sont intimement liés dans le développement du langage.
Il est tout aussi insensé de vouloir séparer le développement de la fonction
orale, et donc du langage, de l’activité motrice globale (mécanisme postural).
S’intéresser aux troubles articulatoires dans le cadre de l’infirmité
motrice cérébrale de l’enfant, c’est donc avant tout s’intéresser au développement de l’enfant dans sa globalité.
Le développement du langage, et donc des capacités articulatoires, est en
lien étroit et direct avec les expériences motrices et sensori-motrices que l’enfant peut réaliser. Les tableaux présentés en annexe (2004, basés sur A. Wettstein – syllabus Bobath) rappellent les moments clés du développement de la
motricité orale en lien avec la motricité globale et manuelle. Ce tableau du
développement normal de l’enfant est un repère important lorsqu’il s’agit de
procéder à une évaluation logopédique de l’enfant présentant une infirmité
motrice d’origine cérébrale. En effet, un testing en tant que tel n’est pas réalisable. Dans l’approche présentée, selon le concept Bobath, l’évaluation s’appuie
donc principalement sur :
– L’observation de l’enfant : au niveau de sa motricité globale et orale, en
portant également de l’attention aux capacités cognitives et au développement psycho-affectif et social. L’enfant est en effet une unité indivisible et
il s’agit de le comprendre dans sa globalité avant de s’intéresser plus particulièrement à l’un ou l’autre aspect.
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– Le développement normal : il offre des repères. L’attention ne sera pas
portée sur les âges d’acquisition des compétences mais bien sur leur
déroulement, sur l’articulation des diverses acquisitions entre elles (qualité des mouvements et harmonie du développement).
– Certaines échelles : qui peuvent aider à affiner l’observation.
Cette manière d’évaluer l’enfant met en évidence une notion importante, qui est
celle du « volontaire » et de l’« automatique ». Il s’agit de penser l’évaluation
dans un contexte fonctionnel. Proposer à l’enfant des exercices sur consigne
influence en effet les schèmes de mouvements pathologiques (augmentation de
la spasticité, émergence de mouvements involontaires…). De plus, la pertinence
d’un travail en situation fonctionnelle (l’habillage, le jeu, la relation, la communication, l’alimentation…) est accentuée par le fait que ces situations ont du
sens pour l’enfant et ses parents. Dans ces situations, l’enfant est « acteur », il
s’agit donc de respecter son rythme.
Dans cette manière d’envisager l’évaluation, il est également intéressant de
mentionner que « évaluer, c’est traiter, et traiter, c’est évaluer ».
♦ L’évaluation logopédique (observation de l’enfant)
La première chose qui attire notre attention lorsque l’enfant arrive en
consultation, c’est la manière dont il est installé. Est-il porté par sa maman ou
son papa ? Ou bien est-il dans un buggy (standard ou adapté ?) ou dans une
voiturette (manuelle ou électrique ?) ? Qu’observe-t-on ? Son tonus est-il
élevé ? Ou au contraire l’enfant apparaît-il tout à fait hypotonique ? Peut-il
tenir sa tête ? Peut-il entrer en relation, en contact avec l’environnement ?
Bave-t-il ? Tente-t-il de communiquer ? Verbalement ou non verbalement ?
Apparaît-il anxieux, ou plutôt serein ?
Le sujet qui nous concerne à l’occasion de ce congrès est celui des
troubles articulatoires. Il s’agit donc d’enfants infirmes moteurs d’origine cérébrale qui s’expriment verbalement, mais avec difficultés, et de manière bien
souvent inintelligible pour un « non-initié » (hors contexte familial par
exemple). Pendant l’activité (jeu, livre, images, alimentation, habillage…), notre
observation du langage se porte sur plusieurs niveaux :
– le débit, qui peut être ralenti ou accéléré,
– la prosodie, qui peut être absente ou transformée,
– le rythme, s’il apparaît lent ou saccadé,
– l’articulation en elle-même, avec présence éventuelle d’effacement des
éléments distinctifs du discours, de simplifications des groupes consonan-
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tiques, d’élisions, de déplacement de points d’articulation…, et observation de la fixité ou non du trouble,
– la voix, qui peut être plus aiguë ou plus grave, présentant des variations
brusques, ou une voix soufflée, étranglée ou chevrotée,
– intensité vocale : apparaît-elle faible, ou avec des variations ?
Ces éléments ne peuvent être observés hors de leur contexte mais bien en
lien avec la motricité globale, le tonus et la posture globale de l’enfant, la motricité et le tonus de la zone orale, la respiration, les conduites alimentaires.
Motricité globale
– Tonus postural global : hypotonie ? Hypertonie ? Tonus fluctuant ? Différence entre le tonus axial et le tonus des membres ?
– Capacités de redressement, de contrôle de la tête et du tronc ?
– Triangle œil-main-bouche ?
– Incidences sur les capacités respiratoires ?
– Incidences sur la motricité buccale ?
– Note-t-on des modifications dans le jeu, la manipulation, face à une stimulation visuelle, tactile ou sonore, face à des images (un livre…), à
l’écoute d’une histoire... ? Lesquelles ? Amélioration ou diminution des
capacités ?
– Dans ces situations : comment l’enfant prend-il appui ? Quelle est la
qualité de son redressement du tronc ? de la tête ? Un changement de
position influence-t-il les capacités motrices, respiratoires, orales, alimentaires ?
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La motricité buccale
– Tonus de la zone orale : hypotonie ? Hypertonie ? Tonus fluctuant ?
– Attitude de l’enfant au repos : ouverture buccale ? Capacité d’occlusion
labiale ? déglutition bouche ouverte ? Respiration buccale ? Sialorrhée ?
Protrusion de la langue ? Lien avec le contrôle de la tête et du tronc ?
– Triangle œil-main-bouche : ramène les mains dans la ligne médiane, les
découvre avec la bouche, découvre les objets avec la bouche ?
– Attitude de l’enfant durant le jeu, la manipulation, la lecture d’un livre,
l’écoute d’une histoire, face à une stimulation visuelle, sonore, tactile :
modification toniques ? davantage de sialorrhée ? De protrusion de la
langue ?
– Modifications de la motricité orale / des fonctions orales si l’on modifie
la position (appui des pieds au sol, soutien dans le bas du dos, en position
debout dos contre un mur…) : fermeture buccale ? Mode respiratoire ?
Sialorrhée ? Protrusion de la langue ?
– Présence de mimiques, sourires ? Réactions associées (à la
manipulation ?) ?
Les Conduites alimentaires : Questions aux parents et observation de l’alimentation en séance, dans une position qui permet un redressement de la tête et
du tronc et qui empêche l’hyperextension de la tête en arrière afin d’éviter les
fausses routes.
– Comment l’enfant est-il installé pour manger ? Degré d’autonomie ?
Nécessité d’un contrôle oral « extérieur » pour l’alimentation (positionnement, facilitations…) ?
– Quelles sont les textures privilégiées par l’enfant : alimentation liquide ?
solide ? nécessité de mixer les aliments ? Acceptation des petits morceaux ?
– Comment boit-il ? Les liquides sont-ils épaissis ?
– Présence de fausses-routes, et fréquence ? Réflexe de toux : présent ?
– Sensibilité orale? Déclenchement d’un réflexe nauséeux ? Antérieur ?
Cela va-t-il jusqu’au vomissement ? La sensibilité apparaît-elle dans
d’autres circonstances : acceptation du brossage des dents ? Partie antérieure et postérieure de la bouche ?
– Prédominance de mouvements antéro-postérieurs de la langue (succion
des aliments) ? Mouvements linguaux latéraux ? Mastication ?
Particularités de la respiration
– Respiration buccale, nasale, naso-buccale ?
– Amplification thoracique ? Respiration abdominale ?
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– Observation des modifications de la respiration selon les situations,
– Coordination pneumo-phonique ?
– L’enfant peut-il se moucher ?
Dimension de la relation, de la communication
– Qualité de la relation : constante ? Inconstante ? Contact visuel, tactile
privilégié ? Relation différenciée ?
– Langage verbal réceptif : adéquat ? déficitaire ? Dans quelles
situations ?
– Moyens utilisés par l’enfant pour communiquer : langage verbal ? Non
verbal ? Absence de langage ? Moyen de communication alternatif (langage signé, ordinateur…)
– Capacité à communiquer ses besoins, désirs ? Accepter / refuser / s’opposer ? Interpellation de l’adulte ?
– Remarque : tenir compte de l’état émotif, de la capacité à gérer les émotions (éventuellement à les exprimer).
Le développement normal de l’enfant, un repère indispensable
(Annexe)
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Tableaux 1, 2 et 3 : Dumont, N., Missa, Dan, B. et De Bie, M. (2004).
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Les enjeux de l’oralité
Catherine Thibault
Résumé
La rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère oro-faciale, à partir des
connaissances récentes du développement de la face, s’appuie à la fois sur l’orthophonie, la
kinésithérapie et la psychologie, autour de la langue et du voile du palais, organes clés de
l’oralité. Les fonctions appartenant au monde de l’oralité seront donc capitales dans la
conquête du langage et de la parole. Les anomalies de succion, déglutition, ventilation,
mastication et particulièrement de l’articulation de la parole ne devront pas être considérées
isolément, leur évaluation et leur rééducation devront être une priorité dans la prise en
charge globale d’un trouble de parole/langage/voix de l’enfant.
Mots clés : oralités alimentaires et verbales, prise en charge globale, troubles fonctionnels,
pré-requis articulatoires, praxies articulatoires, rééducation de l’articulation.
Stakes behind oral functioning
Abstract
Remediation of neuromuscular behaviors of the orofacial sphere, based on recent knowledge regarding facial development, involves speech and language therapy, physical therapy
and psychology, focusing on the tongue and the soft palate which are the key organs of orality. Oral functions are therefore essential in the acquisition of speech and language. Anomalies of suction, swallowing, ventilation, mastication and speech articulation cannot be considered separately, and their evaluation and remediation should be given priority in
therapeutic programs for speech/language/voice disorders of childhood.
Key Words : verbal and eating orality, therapeutic plan, functional disorders, articulation
pre-requisites, articulatory praxis, remediation for articulation disorders.
Rééducation Orthophonique - N° 233 - mars 2008
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Catherine THIBAULT
Orthophoniste
DESS Psychologie Conseil
DU Neuropsychologie de l’enfant
Chargée d’enseignement Paris VI et VII
Ex attachée de consultation à l’hôpital
NEM
16 avenue du Maine
75015 Paris
Courriel : [email protected]
L
es troubles fonctionnels d’articulation et de parole sont souvent dus à
l’association d’une immaturité psycho-affective et gnoso-praxique orale
qui se traduit par la persistance d’habitudes nocives telles qu’un tic de
succion, l’usage de la tétine voire la prise du biberon.
Constituée de phénomènes psychologiques, biologiques et fonctionnels, l’oralité
recèle des sens cachés.
♦ Les sens cachés de l’oralité
A - L’oralité est fondatrice de l’être
C’est au cours du troisième mois de l’embryogenèse que l’on peut identifier le réflexe de Hooker : au cours de la déflexion céphalique, le palais se
forme, la langue descend, la main touche les lèvres, la bouche s’ouvre et la
langue sort pour toucher la main.
Cette séquence auto-érotique, première manifestation réflexive d’exploration et de prise de possession de son corps, permet à l’embryon de devenir fœtus.
La succion apparaît donc avant la déglutition.
C’est ainsi la plus ancienne et la plus précoce fonction qui se met en place, qui
s’organise et se manifeste dans le genre humain. C’est un réflexe inné.
Pendant le reste de sa vie fœtale, le fœtus va devoir roder et entraîner le
couple «succion-déglutition », soit en suçant ses doigts ou ses orteils, soit en
déglutissant le liquide amniotique, afin que cet automatisme acquière une efficacité optimale à la naissance.
Ce couple moteur automatique qu’est la succion-déglutition requiert l’intégrité de tous les noyaux moteurs du tronc cérébral.
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Un dysfonctionnement néonatal du tronc cérébral (DNTC) entraînera une
défaillance de la motricité orale et par conséquent des troubles de l’oralité alimentaire et verbale, comme dans la séquence de Pierre Robin.
B – Les deux oralités alimentaires et verbales
L’oralité primaire
A la naissance, l’équipement neurologique assurant la fonction de succion et de déglutition est mature. Le réflexe de succion est déclenché par toutes
les stimulations sensorielles des lèvres, de la muqueuse du prémaxillaire ou de
la langue.
C’est le stade des vocalisations réflexes ou quasi-réflexes, où se mêlent
cris et sons végétatifs (bâillements, gémissements, soupirs, raclements).
Ces vocalisations ont souvent une qualité nasale.
L’émission de ces cris de faim provient de la mise en jeu du larynx, luimême commandé par le nerf pneumo-gastrique localisé dans le tronc cérébral.
C’est également dans cette zone du système nerveux central, nous l’avons vu,
que siège la commande de succion-déglutition.
La bouche est le premier lieu du premier plaisir : « la tétée », comme de
la première expression du Soi : « le cri » (le cri est associé à l’origine à la respiration).
L‘oralité alimentaire et l’oralité verbale sont intimement liées ; cette relation va prendre toute sa signification lors de l’oralité secondaire.
L’oralité secondaire
Le passage à la cuillère se met en place entre 4 et 7 mois. Cette stratégie
coexiste avec l’oralité succionnelle primitive et assure une passerelle entre le
stade oral primaire et le stade oral secondaire ou de mastication.
C’est la période de la double stratégie alimentaire par biberon et par
cuillère. Le nourrisson met en place des mécanismes respiratoires et phonatoires
qui vont lui permettre de contrôler des émissions de plus en plus longues, de
plus en plus semblables à la langue maternelle et de plus en plus compréhensibles ou du moins interprétables.
Soulignons que lors des premières semaines, la ventilation nasale est obligatoire, le tronc cérébral en est le régulateur. Ce n’est qu’à partir du troisième
mois que le nourrisson est capable de se ventiler par la bouche. Cette aptitude
est une praxie, comme du reste la praxie alimentaire à la cuillère.
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Les praxies de mastication, de ventilation buccale et celles du langage
naissent, se mettent en place en même temps, en utilisant les mêmes organes.
Toutes les fonctions appartenant au monde de l’oralité seront capitales
dans la conquête de la parole et dans l’établissement d’une bonne image du
corps : fonction de respiration, de relation, de nutrition (déglutition, mastication) et d’expression (mimique, phonation).
Les organes respiratoires, les organes des sens du toucher et de la peau,
les organes de la phonation vont alors s’inscrire dans un processus dynamique
de maturation gnoso-praxique corticale.
La langue, organe clé de l’oralité
Les fonctions orales se développent autour de la langue dont la programmation maturative défectueuse ou à laquelle elle échappe, peut entraîner des
troubles fonctionnels : de déglutition, de phonation, de ventilation.
L’interaction entre les possibilités de contrôle et de mobilisation des
muscles linguaux et la réalisation des fonctions buccales est très forte.
Une mauvaise position de la langue au repos ne se manifeste pas uniquement par un déséquilibre dento-maxillaire. De par ses attaches à l’os hyoïde,
elle a des répercussions sur la posture et le tonus général de l’enfant.
Notons que toute ventilation buccale est en lien avec une position anormale de la langue ; la pointe n’est pas au palais, sa base bombe à l’arrière, bouchant plus ou moins le carrefour aérien supérieur.
Remarquons que le voile du palais apparaît comme une véritable frontière
entre la bouche et le larynx et que son rôle est essentiel lors de la phonation. Un
bon fonctionnement vélaire doit être rapide (1 à 2 centièmes de seconde).
La rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère orofaciale doit aider au rétablissement d’une image du corps correspondant au
schéma corporel pour un âge donné. Cette rééducation neuromusculaire proprioceptive et psychomotrice a pour objet la structuration du schéma corporel et de
la mémoire kinesthésique dans un équilibre postural normal.
Elle est indispensable avant toute rééducation de l’articulation de la parole.
♦ De la rééducation du comportement neuromusculaire de la sphère
oro-faciale à la rééducation de l’articulation
Avant d’entreprendre toute rééducation d’un trouble articulatoire, il est
nécessaire d’apprendre au sujet à « connaître » sa bouche en lui faisant exécu-
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ter différents exercices lui permettant de trouver les stéréotypes élémentaires
nécessaires à l’articulation des phonèmes. Il faut donc donner des automatismes
corrects en développant une activité neuromusculaire énergique et correcte de la
sphère oro-faciale et de la ventilation nasale (Thibault, 1999- 2007).
Ce travail sera entrepris au début devant un miroir, avec rigueur et application, selon trois directions :
– détente générale de la musculature,
– précision des actions musculaires,
– indépendance des actions musculaires.
Toute « grimace » demandée au patient sera dans un premier temps
effectuée par l’orthophoniste.
Il s’agit de montrer au patient des mouvements, des jeux moteurs buccofaciaux qui, par leur caractère ludique, se prêtent à la répétition dans la vie quotidienne.
Il faut donc développer et affiner la motricité de la langue, des lèvres et
des joues.
De façon à rompre avec les mauvaises habitudes et les mécanismes de
compensations, il convient de tout mettre à plat et de restituer une certaine
dynamique. Toute la fonction musculaire va être exploitée, les différentes zones
feront l’objet d’un travail dissocié dans cette drôle de gymnastique.
Il ne faut pas imaginer pouvoir modifier quoi que ce soit sans cette prise
de conscience des différentes postures et différentes praxies. Le patient va sentir
la forme, la consistance du palais, des rapports qui existent entre langue et
palais, langue et dents.
C’est pourquoi la rééducation comprendra des exercices moteurs. Ce sont
les praxies labio-linguo-jugales et vélaires (ou pré-requis articulatoires), préparatoires aux mouvements qui seront demandés pour la production du nouveau
phonème qui lui-même deviendra conscient. Il sera d’abord demandé isolé,
comme un bruit, sans même donner de modèle auditif pour ne pas faire réapparaître le son erroné (rééducation des praxies articulatoires).
Rééducation des pré-requis articulatoires
1- Les lèvres
Il faut surtout travailler la précision de l’articulation des lèvres et leur
indépendance relative par rapport à la mâchoire, leur avancée sans contraction et
leur souplesse (les lèvres ont tendance à se contracter sur certains phonèmes).
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Il faut apprendre à contrôler orbiculaire et buccinateur, en travaillant
devant un miroir jusqu’à l’obtention de la symétrie.
La musculation des lèvres et le travail des mâchoires musclent, favorisent
la fermeture de la bouche, augmentent les dimensions intérieures du pharynx et
desserrent l’ensemble de l’appareil phonatoire tout en aidant au rétablissement
d’une ventilation nasale. Ces « grimaces » consistent à contrôler le buccinateur
puis à contracter l’orbiculaire.
La mandibule est fixée sans crispation pendant ces exercices ; ils
aident à l’ouverture des ailes du nez en vue d’une meilleure ventilation
naso-nasale.
2- Les joues
Il faut renforcer la musculature jugale, en exerçant une pression sur la
face interne des joues avec un abaisse-langue, en apprenant à gonfler les joues.
3- La langue
La langue par sa forme, modifie le volume de la cavité buccale. Nous
recherchons l’agilité de la pointe de la langue et une sensation de tranquillité du
dos de la langue.
L’indépendance musculaire apex et base de langue est recherchée en vue
de la stabilité du larynx.
Il faut travailler son avancée, l’agilité de sa pointe et la non-contraction de sa racine. La platitude de la langue doit être obtenue dans toute
rééducation de l’articulation. Le sujet doit apprendre à sentir la position de
la langue (apex et bords latéraux) sur la papille rétro-incisive supérieure.
Le clic lingual contribue à sensibiliser l’enfant à une bonne position de la
langue sur le palais, tonifie la pointe de la langue, lui apprend le mouvement
vertical et permet l’allongement du frein.
4- La déglutition
Connaissant les liens qui existent entre la déglutition dysfonctionnelle
et l’articulation au niveau des appuis linguaux, il semble intéressant de
rééduquer la déglutition. Les anomalies de déglutition, de succion et d’articulation ne doivent pas être considérées isolément. Une déglutition correcte
avec une bonne motricité labiale et une position linguale de repos assure le
plus souvent le maintien d’un bon articulé et d’une articulation de la parole
correcte.
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5- La ventilation naso-nasale
Il est important que l’enfant ait une bonne conscience de la différenciation orale/nasale. L’apprentissage du mouchage narine après narine, la stimulation des muscles du nez, le nettoyage du rhino-pharynx permettront de rétablir
une ventilation naso-nasale correcte.
Rappelons qu’une ventilation buccale est la conséquence d’une position
anormale de la langue au repos.
6- Le souffle et l’insuffisance vélaire fonctionnelle
Les exercices de souffle doivent aider à diriger et discipliner le souffle, à
assurer son orientation et sa durée. Ils sont destinés à renforcer la musculature
vélaire et pharyngée. Ils permettent d’établir la distinction entre les deux modes
d’articulation (oral et nasal).
7- Le geste phonatoire
Il est intéressant de favoriser les exercices de détente et de respiration permettant la prise de conscience par l’enfant de son schéma corporel et de sa respiration abdominale de repos.
8- Les massages
Les massages consistent en la palpation et la mobilisation des tissus sousjacents ; ils décontractent les muscles faciaux.
Ces exercices actifs vont assouplir et fortifier la mâchoire et permettre
ainsi une meilleure ouverture du pharynx. Ce travail s’inscrit dans une démarche
de détente et de mieux être puisque cette région réagit particulièrement au serrage et au stress, à l’angoisse, ou à la nécessité de maîtriser une situation ou de
se contrôler soi-même (serrer les mâchoires pour éviter de lâcher l’agressivité).
Notons que lorsqu’on demande à un enfant de serrer les dents, il est fréquent
qu’il présente les incisives en contact, après avoir effectué une propulsion mandibulaire. Il est important de lui apprendre à rechercher le contact molaire. La
mobilisation de la mandibule doit se faire sans craquement, sans douleur, avec
un mouvement régulier et continu.
Rééducation des praxies articulatoires
Puis viennent les exercices pré-articulatoires, où l’on isole le mouvement
à effectuer de la perception du son, où l’on donne des stéréotypes fonctionnels.
Pour chaque phonème sont notés les stéréotypes fonctionnels mis en jeu dans
l’articulation de ce phonème.
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Liste des stéréotypes fonctionnels pharyngo-buccaux mis en jeu dans les praxies
articulatoires
Mouvements des lèvres :
a) Agrandissement de l’ouverture labiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(1)
b) Diminution de l’ouverture labiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(2)
c) Avancée des lèvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(2’)
Mouvements du maxillaire inférieur :
a) Vers le bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(3)
b) Vers le haut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(4)
Mouvements du voile du palais :
a) Relèvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(5)
b) Abaissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(6)
Mouvements de la langue :
a) Protraction (avec ou sans appui) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(7)
b) Vers l’arrière (avec ou sans appui) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(8)
c) Bords latéraux relevés (avec ou sans appui) . . . . . . . . . . . . . .(9)
d) Langue pointue, agilité de l’apex . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .(10)
Mouvements de la glotte :
Activité rythmique rapide – vibration laryngée
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. . . . . . . . . .(11)
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Réduction des praxies articulatoires aux combinaisons de stéréotypes élémentaires
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Rééducation de l’articulation
Les exercices dits d’articulation seront entrepris après s’être assuré de la
bonne intégration des différentes praxies labio-linguo-jugales et des praxies articulatoires. La consonne à obtenir est considérée comme un bruit schématisé, la
voyelle par un point (Thibault, 1999 - 2007).
Schématisation des bruits pour les exercices d’articulation
Dans tout trouble d’articulation, nous observons un double versant :
moteur et perceptif. Or, cette erreur motrice, presque invariablement systématique et constante pour un phonème donné, n’est pas toujours aisée à corriger et
ceci pour plusieurs causes : dans la conscience phonétique du sujet, le son
erroné qu’il émet est généralement substitué au phonème qu’il aurait dû et qu’il
croit produire, si bien que sa boucle audio-phonatoire étant ainsi modifiée, le
sujet ne peut plus entendre la différence entre son phonème et celui de la langue.
Aussi, la rééducation doit non seulement donner au sujet les moyens
moteurs de produire le phonème mais encore de l’introduire dans son système
phonétique, ce qui revient à un véritable travail de « déconditionnement ».
Puis, une fois le phonème ainsi produit, le sujet en aura une représentation perceptivo-motrice suffisante et pourra le reproduire et le reconnaître. Si la
production du sujet n’est pas troublée par la confrontation entre cette nouvelle
représentation et l’ancienne, l’orthophoniste pourra introduire progressivement
le phonème dans des groupes jusqu’à la syllabe où la signification apparaît de
façon évidente, parfois même lorsqu’on s’abstient de donner un modèle sonore.
Sur le plan moteur, on n’oubliera pas que les phonèmes s’écoulent en un
temps fort bref, de l’ordre du dixième de seconde, temps pendant lequel a lieu
l’installation du mouvement, sa tenue et sa décomposition si le phonème est en
position finale ; s’il est suivi d’un autre son, le mouvement du premier phonème se combine avec le second et ces changements de position généralement
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insensibles à l’oreille à cause de leur rapidité sont le moment difficile dans la
réalisation des nouveaux mécanismes d’articulation.
Peu à peu, le sujet modifie sa boucle audio-phonatoire et par conséquent
son phonétisme dont la production est devenue consciente et contrôlée. Il restera, alors à l’intégrer dans une chaîne articulatoire de plus en plus longue,
d’abord au ralenti, jusqu’à ce qu’elle devienne de moins en moins contrôlée et
consciente et par conséquent qu’elle soit automatisée (rééducation articulatoire).
Le sujet devra être capable d’employer les nouveaux mécanismes sans ralentir
ni interrompre le discours émis à la vitesse normale de la parole.
Soulignons la difficulté à intégrer dans le langage courant ces nouvelles
acquisitions et modifications du comportement articulatoire. En effet, une modification du système phonétique bouleverse souvent l’ensemble du système de
communication à travers une image du corps modifiée.
♦ Conclusion
Nous savons que toute rééducation demande une coopération étroite du
patient, une motivation forte et une bonne relation avec le thérapeute. Il faut
donc atténuer la résistance et l’opposition du patient.
A travers cette drôle de gymnastique, le patient prend conscience de ses
possibilités perceptivo-motrices, améliore ses compétences psychologiques face
à son comportement inadapté. Il apprend à s’autocontrôler, à accomplir une
tâche à un certain moment, à respecter un certain contrat, à canaliser son énergie
vers des buts constructifs et ainsi à prendre confiance en lui.
Le patient trouve un certain équilibre corporel et psychique, acquiert une
certaine autonomie à travers l’attitude responsable qui lui est demandée.
Il devient un véritable acteur actif, passage obligé pour pouvoir accéder
au changement et vaincre les résistances.
REFERENCES
FOURNIER M, THIBAULT C. - Les maux à la bouche. Orthomagazine, 2004 ; 54 : 16 – 19.
THIBAULT C. - Rééducation des troubles de l’articulation (isolés, d’origine perceptive et liés à des déficiences organiques). In : Les approches thérapeutiques orthophoniques en orthophonie, Tome I,
2004 : 9-28.
THIBAULT C. - Orthophonie et oralité – La sphère oro-faciale de l’enfant, troubles et thérapeutiques.
Masson Elsevier, Collection Orthophonie, 2007, 154 p.
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Le Dyspraxie Programma : une méthode de
rééducation des troubles phonologiques pour la
dyspraxie verbale de développement
Chantal Mahaux
Résumé
Cette méthode de rééducation, adaptée de « Nuffield dyspraxia programme » (Connery et
coll., London, 1984, 1990), a été développée par une équipe pluridisciplinaire néerlandophone. (M.Erlings-Van Deurse et coll., 1993).
La dyspraxie verbale avec un langage en développement se manifeste chez les enfants par
une incapacité totale ou partielle de programmer et d’échelonner les mouvements volontaires et complexes des muscles de l’appareil phonatoire en l’absence de déficience motrice
cérébrale, de retard mental ou de perte de l’audition. L’enfant dyspraxique est capable de
réaliser des mouvements fortement automatisés mais les mouvements volontaires posent
problème.
Le « dyspraxie programma » consiste en un programme d’entraînement visant à rééduquer les troubles phonologiques chez les enfants (de 3 à 7 ans) atteints de dyspraxie verbale
de développement. Pour ce faire, seront utilisés les canaux visuel et kinesthésique : chaque
son est représenté par un symbole et sera accompagné d’un geste. L’apprentissage comprend onze étapes très progressives visant un entraînement systématique de la motricité
bucco-faciale (les praxies et les gnosies), l’apprentissage systématique des différents phonèmes et le transfert de ces apprentissages aux syllabes, aux mots et aux phrases.
Mots clés : dyspraxie verbale de développement, motricité bucco-faciale, praxies, gnosies.
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The Dyspraxie Programma : a remediation program for phonological
disorders in developmental verbal dyspraxie
Abstract
This remediation program is adapted from the “Nuffield dyspraxia programme” (Connery et
al., London, 1984, 1990) and was developed by a Dutch-speaking multidisciplinary team (M.
Erlings-Van Deurse et al., 1993).
Verbal dyspraxia in children who are in the process of acquiring language involves total or
partial inability to plan and sequence the voluntary and complex movements of the muscles
that make up the phonatory apparatus, in the absence of any motor brain impairment. The
dyspraxic child is able to produce highly automatized movements but volitional movements
are difficult to produce.
The “dyspraxie programma” is a skills training program aimed at the remediation of phonological disorders in 3 to 7 year old children suffering from developmental verbal dyspraxia.
Both visual and kinaesthetic channels are used. Each sound is represented by a symbol and
associated with a specific gesture. The learning process involves 11 progressive steps geared to the systematic training of oral-facial motor functions (praxes and gnoses), the systematic learning of various phonemes, and the transfer of these new skills to syllables, words
and sentences.
Key Words : developmental verbal dyspraxia, oral-facial motor functions, praxes, gnoses.
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Chantal MAHAUX
Licenciée en logopédie
Logopède au sein de l’école
d’enseignement spécialisé « Les
Coccinelles »
Type 8 et classes de langage
Logopède en cabinet libéral
Formatrice en dysphasie pour la
Communauté française (IFC).
51 boulevard du Centenaire
1325 Dion-le-Val
Courriel : [email protected]
♦ Historique
C
ette méthode a été développée en 1993 par une équipe pluridisciplinaire
néerlandophone qui a adapté le « NUFFIELD DYSPRAXIA PROGRAMME » (V. Connery et collaborateurs, Londres 94) pour les PaysBas et pour la partie néerlandophone du pays.
Elle consiste en un programme d’entraînement visant à rééduquer la production de la parole chez les enfants atteints de dyspraxie verbale de développement.
Dans la seconde moitié des années 1980 apparaît le terme de dyspraxie
verbale de développement.
Plusieurs auteurs anglo-saxons utilisent une terminologie assez équivalente :
– Developmental articulary dyspraxia (Morley, 65).
– Childhood verbal apraxia (Chapelll, 73).
– Verbal dyspraxia (Rosenbeek et Wertz, 72, Rosenbeek et collaborateurs,
74, Yoss et Darley, 74, Haynes, 85);
Moorley définit la « developmental articulatory dyspraxia » par exclusion : dans cette pathologie, il n’y a ni retard mental, ni surdité, ni troubles
moteurs. Il ne s’agit ni de dysarthrie, ni d’aphasie.
Les symptômes de ces difficultés articulatoires sont un nombre limité de
consonnes, une plus grande difficulté à produire des consonnes doubles que des
consonnes simples, des déplacements de phonèmes et de syllabes à l’intérieur
du mot, le remplacement des consonnes sonores par des consonnes sourdes, et
lorsque l’émission de phonèmes isolés est possible, elle ne l’est plus dans la
répétition rapide de mots.
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Darley (65) décrit l’apraxie verbale des enfants qu’il compare à celle des adultes :
c’est la programmation de la production volontaire de phonèmes qui fait défaut.
Rosenbeek et Wertz (72) observent 50 enfants atteints de dyspraxie verbale de
développement et âgés de 2,9 à 14 ans et décrivent les symptômes suivants :
– développement du langage retardé et déviant,
– compréhension supérieure à l’expression,
– parfois troubles praxiques bucco-phonatoires,
– nombreuses substitutions de phonèmes,
– erreurs de mise en séquences des sons à l’intérieur des mots,
– mots isolés meilleurs que les phrases,
– erreurs plus nombreuses pour les fricatives que pour les autres phonèmes,
– erreurs inconstantes,
– troubles de la prosodie.
Williams, Ingram et Rosenthal (81)
Ces auteurs tentent de différencier la dyspraxie verbale de développement
des troubles articulatoires fonctionnels. Ce qui différencie le plus la dyspraxie
verbale des troubles articulatoires, c’est la résistance au changement lors de la
rééducation. Contrairement à Yoss et Darley, ces auteurs ne trouvent pas trace
de signes neurologiques légers dans la dyspraxie verbale.
La dyspraxie verbale n’est pas un trouble du développement phonologique uniquement, il s’inscrit dans un cadre plus large : celui de trouble du
développement du langage.
Si la cause de ce trouble demeure inconnue, bon nombre d’auteurs penchent pour une origine génétique : Salleby et collaborateurs (78), Aram (86),
MacLaughin et Kriegsman (80), Njiokitjien (87) et Prichard et coll. (79). De
nombreuses études familiales corroborent cette hypothèse.
♦ Description théorique de la dyspraxie verbale de développement
La dyspraxie verbale avec un langage en développement (ou DVD) se
manifeste chez les enfants par une incapacité totale ou partielle de programmer
et d’échelonner les mouvements volontaires et complexes des muscles de l’appareil phonatoire alors qu’il n’y a aucun signe de parésie, d’ataxie ou de spasticité, ni perte de l’audition ou trouble de la compréhension du langage.
Le trouble le plus intrigant est la fameuse dissociation automatico-volontaire, qui se manifeste par l’impossibilité de produire certaines unités verbales
volontairement alors que les mouvements involontaires, fortement automatisés
sont préservés.
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Ce trouble du développement du langage se décrit comme suit :
– développement limité de la motricité bucco-faciale,
– troubles phonologiques d’origine neurologique : la sélection et la programmation séquentielle des phonèmes sont perturbées,
– troubles de la perception auditive,
– troubles de la production des mots :
– la sélection et la programmation séquentielle ordonnée des différents sons qui forment le mot sont impossibles ou limitées,
– trouble de la coarticulation,
– trouble de la prosodie.
♦ Description clinique de la dyspraxie verbale de développement
Diagnostic différentiel : les troubles phonologiques versus les
troubles articulatoires
Les troubles phonologiques d’origine praxique (ou dyspraxies) ont une
origine neurologique. La programmation et la mémoire séquentielle font
défaut : l’enfant ne peut mémoriser et reproduire les gestes moteurs nécessaires pour articuler un son donné. Les mouvements involontaires émotionnels, spontanés et hautement automatisés restent possibles (dissociation automatico-volontaire)
Les troubles articulatoires ont une origine organique (dysarthries) ou
fonctionnelle (dyslalies).
Les erreurs sont identiques à celles observées lors du développement normal du système phonologique de l’enfant. Le développement phonologique est
retardé mais pas troublé comme dans la dyspraxie. Ces troubles disparaissent
avant six ans suite à une rééducation réalisée chez un orthophoniste ou un logopède alors que les troubles phonologiques persistent malgré le traitement.
Ainsi, par exemple, pour dire le mot « parachute », un enfant présentant
une dyspraxie verbale pourrait dire successivement : « chute », « rachute »
puis « rapachute » . A contrario, l’enfant présentant un trouble articulatoire
dirait toujours « parasute ».
Description des symptômes
Grâce au feed-back auditif, l’enfant normo-parlant acquiert un système
phonologique stable (= boucle audio-phonatoire). Chez l’enfant dyspraxique,
le feed-back auditif est inexistant ou déficient de même que le « patron articulatoire ».
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Dépistage précoce
– réflexe de succion déficient,
– troubles de l’alimentation (déglutition),
– ralentissement ou arrêt du gazouillis (stéréotypé),
– peu d’émission de sons lors des activités ludiques,
– structure syllabique inexistante ou peu différenciée,
– inspiration et expiration bruyantes,
– manque de mise en séquences des phonèmes dans le gazouillis,
– utilisation limitée de l’intonation,
– difficulté à moduler les caractéristiques suprasegmentales (à régler l’intensité
de la voix ou à moduler les voyelles longues ou courtes),
– automatisation insuffisante,
– défaut de formation des syllabes : les consonnes ne peuvent être formées en
fin de syllabe ou au contraire en début de syllabe.
Pronostic à long terme
Il dépend de la sévérité de la dyspraxie. L’expérience a démontré qu’il n’était
pas impossible d’apprendre à parler à un enfant de sept ans sans langage compréhensible grâce au « dyspraxia programme »
Description des symptômes
– Erreurs inconstantes : les productions articulatoires varient selon le contexte
parce que la production des phonèmes n’est pas suffisamment automatisée.
– Le répertoire phonologique est le plus souvent très limité ce qui limite l’intelligibilité du langage.
– Difficultés à émettre des phonèmes isolés (voyelles ou consonnes). Le plus
souvent les dyspraxiques peuvent émettre isolément les voyelles et un certain
nombre de consonnes et c’est le passage à la syllabe qui est rendu impossible
mais il existe un certain nombre de dyspraxiques qui ne peuvent émettre les
phonèmes isolément.
– Les phonèmes qui apparaissent en dernier lieu dans le développement phonologique sont le plus souvent déformés. (Ex.: les fricatives).
– Le nombre de fautes dépend de la longueur des mots et de la longueur des
phrases. La longueur de l’énoncé allonge le temps entre la programmation du
mouvement moteur et sa réalisation, ce qui entraîne une perte d’information
due au trouble de la mémoire de travail.
– Le langage spontané est nettement moins intelligible que les mots isolés. La
sélection et la mise en séquence des sons ne sont pas automatiques, ce qui
rend la production de mots isolés plus facile que les phrases.
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– Fautes de mise en séquences. Difficultés à ordonner les phonèmes à l’intérieur
du mot.
– Fautes de sélection des caractéristiques du phonème.
– Les mouvements articulatoires doivent avoir une représentation interne auditive, tactile et proprioceptive.
– Difficultés de coordination entre le lever du voile du palais et l’émission
sonore lors de production des voyelles ou des consonnes sonores.
– Troubles de la prosodie : le langage est explosif et haché.
– Rallongement des sons et des syllabes.
Troubles associés
Développement socio-émotionnel : l’enfant est conscient de son trouble langagier et les réactions peuvent être diverses. Parfois, il se réfugie dans son
mutisme. Ce sont des enfants intelligents qui refusent de parler. D’autres se
manifestent par des états dépressifs ou encore colériques.
Troubles du langage : l’incapacité à sélectionner, produire et combiner les sons
a pour conséquence une incapacité à ordonner les mots à l’intérieur des phrases.
Le trouble phonologique entraîne donc un trouble du langage. La compréhension est meilleure que l’expression. Quand le trouble de l’« input » est plus
important, il peut y avoir une agnosie auditive.
Troubles praxiques : troubles de la motricité fine en général.
Troubles praxiques de la sphère orale : ils ne sont pas systématiquement associés à la dyspraxie verbale de développement. Ils consistent en des difficultés à
souffler, avaler, mâcher (activité réflexe insuffisante dans la sphère orale).
Troubles praxiques bucco-phonatoires.
Troubles de la motricité globale : pour dessiner, écrire, faire du vélo ou pratiquer certains sports ou simplement s’habiller.
Syncinésies de la face : elles apparaissent de manière incontrôlée lors de mouvements volontaires.
Bégaiement : il est plus fréquent chez les enfants souffrant de DVD, d’une part
parce qu’ils ont déjà des problèmes de rythme et de coarticulation, d’autre part
parce qu’on les pousse à augmenter le débit de parole.
Troubles de la prosodie : les caractéristiques suprasegmentales telles que la
vitesse, le rythme ou les accents à l’intérieur du mot ou de la phrase sont perturbées. Deux courants en donnent des explications divergentes : pour les premiers, les troubles du rythme et de la qualité de la voix seraient en liaison avec
leurs difficultés praxiques ; pour les autres, les troubles de la prosodie sont des
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comportements compensatoires : l’enfant compense ses problèmes de langage
en parlant de manière explosive et scandée et en exagérant les sons.
♦ La réalisation du bilan
Les tests expliqués dans la méthode sont bien sûr applicables à une population néerlandophone. Nous ne nous étendrons donc pas sur ceux-ci.
Le testing se fait en quatre étapes :
1) interview standardisée,
2) check-list des caractéristiques de dyspraxie,
3) examen du langage en vue d’obtenir un profil du langage et un plan thérapeutique,
4) le thérapeute décide en fonction des résultats mais aussi du comportement de
l’enfant lors des tâches d’apprentissage phonologique de l’adéquation ou non
du programme.
Interview standardisée
L’interview des parents se fait en principe en présence de l’enfant parce
qu’il est important pour ce dernier que l’on mette des mots sur ses difficultés,
ce qui aura également un effet bénéfique sur sa thérapie future. L’entretien aura
un aspect libre, informatif.
Il incombera ensuite au logopède ou orthophoniste de noter les données ainsi
recueillies qui serviront alors de base pour le plan thérapeutique.
Le thérapeute remplit une échelle standardisée (+, +/-, 0).
Sont examinés :
–1
–2
–3
–4
–5
–6
–7
–8
–9
: le développement du langage,
: la succion,
: la déglutition,
: la mastication,
: la motricité générale de la bouche,
: les praxies bucco-phonatoires,
: le bavage,
: les difficultés langagières résistant à la rééducation,
: les difficultés d’imitation.
Sont récoltées également des données générales sur la dyspraxie verbale
de développement :
– L’attitude de l’enfant :
– sa collaboration,
– la conscience qu’il a de son trouble,
– son refus éventuel de parler,
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– son comportement actuel par rapport à la communication.
– L’attitude des parents.
– Les facteurs à risque pour les processus d’apprentissage (ouïe, discrimination
auditive, compréhension du langage, production du langage, comportement
général).
« Check-list » des troubles phonologiques
Parce qu’il n’est pas toujours possible de tester de très jeunes enfants surtout avec un langage très déficitaire, les auteurs proposent d’observer l’enfant en
situation de jeu. Une grille d’observation avec 53 caractéristiques à coter +, ou +/- est proposée à l’examinateur. Celles-ci seront examinées lors de l’observation de l’enfant en situation de jeu avec ses parents.
Si 15 caractéristiques au moins ont été cotées +, on peut conclure à une
dyspraxie verbale de développement.
Voici, à titre d’exemple, quelques-unes des 53 caractéristiques à observer :
– difficultés pour les praxies bucco-phonatoires,
– fautes plus complexes qu’une simplification,
– inconstance du système articulatoire,
– difficultés pour la production de voyelles isolées,
– difficultés pour la production de consonnes isolées,
– difficultés pour la production des fricatives,
– difficultés pour la production des consonnes doubles,
– ajout de consonnes,
– persévérations : rajout de syllabes,
– fautes augmentant en fonction de la longueur du mot,
– langage spontané incompréhensible……
Profil langagier
Ensuite, l’examinateur fera passer un test de dénomination. Les résultats
de ce test et les caractéristiques observées dans la grille d’observation permettront à l’examinateur d’établir le profil phonologique de l’enfant en vue de définir son plan thérapeutique.
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♦ La méthode proprement dite
La caractéristique la plus importante de la dyspraxie verbale est la variabilité du pattern articulatoire : il n’y a pas ou peu d’automatisation de l’articulation. Le but du programme est donc d’amener l’enfant à cette automatisation.
L’apprentissage de la sélection, de la mise en séquence (INPUT) et de la programmation motrice (OUTPUT) va se faire de manière progressive.
Description du programme
Cette méthode a pour objectifs :
• l’acquisition de la meilleure motricité possible des organes phonateurs
(par l’entraînement des praxies bucco-phonatoires),
• l’apprentissage systématique des différents phonèmes par la répétition de
séries séquentielles de phonèmes identiques ou non sur un support visuel.
L’enfant apprend à produire un son, le maintenir et l’interrompre,
• le transfert de ces apprentissages aux syllabes, aux mots et aux phrases.
Les canaux visuel et kinesthésique sont sollicités dans cette méthode : chaque
son est représenté par un symbole. L’enfant oralise le son en « lisant l’image »
et il est aidé par un geste qui lui est associé. Les phonèmes, syllabes, mots ou
groupes de mots sont visualisés dans des séries. Les exercices articulatoires doivent être répétés très régulièrement, l’automatisation n’est possible qu’à cette
condition.
La collaboration des parents est très importante car les exercices doivent
aussi être répétés à la maison.
Les niveaux d’entraînement
Le programme est basé sur 11 niveaux d’entraînement. La sensibilité et la
motricité buccales (les gnosies et les praxies) sont entraînées au niveau 0. Du
niveau 1 au niveau 5, la motricité articulatoire, (et plus particulièrement les phonèmes), est travaillée. Du niveau 6 au niveau 9, l’accent est mis sur les syllabes
et sur les mots. Enfin au niveau 10, l’enfant arrive au niveau de la phrase.
Niveau 0 : les gnosies et les praxies : cette phase a pour but de sensibiliser et
entraîner les mouvements des lèvres, de la langue, du voile du palais et des
joues.
Niveau 1 : production d’un phonème isolé.
Après avoir mémorisé les différents symboles, l’enfant apprend à articuler un
phonème isolé par série de huit afin d’automatiser le mouvement articulatoire.
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phonème « n »
Niveau 2 : articulation de deux phonèmes isolés dans des séries régulières
Phonèmes « s » et « ch »
Le but est de pouvoir articuler deux phonèmes de manière alternée, précise et
fluente. A ce niveau, les voyelles et les consonnes ne sont pas mélangées.
Niveau 3 : articulation de deux phonèmes isolés dans des séries irrégulières
Phonèmes « f » et « s »
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Articuler les phonèmes dans des séries irrégulières consiste en une difficulté
supplémentaire pour les enfants dyspraxiques.
Niveau 4 : articulation des trois phonèmes isolés dans des séries régulières puis
irrégulières.
Phonèmes « l, k et s »
Niveau 5 : phase de transition
Phonèmes « i et l »
« au et l »
Cette étape prépare au passage à la syllabe : une petite pause est encore maintenue entre la consonne et la voyelle.
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Niveau 6 : mots monosyllabiques avec structure CV (consonne-voyelle) ou CV
(voyelle- consonne). Ce niveau travaille la coarticulation c’est-à-dire la préparation du mouvement articulatoire du deuxième son après l’articulation du
premier. L’enfant apprend à fusionner deux phonèmes pour former une syllabe.
On commencera par des logatomes avant de passer aux mots significatifs.
« p »-« i »-> pis
« p »-« au »->pot
Niveau 7 : production de mots monosyllabiques à structure CVC (consonnevoyelle-consonne). Les premiers exercices utiliseront des productions non
significatives : logatomes précédés ou suivis de consonnes. Puis, les mots à
structure CVC seront formés à partir de mots monosyllabiques appris lors des
étapes précédentes.
« pot »-ch-> « poche »
« pot »-« m »-> « pomme »
Niveau 8 : production de mots constitués de plusieurs syllabes. A ce niveau,
seuls les symboles des consonnes sont représentés sous le mot.
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chapeau-« ch »-« p »
chameau-« ch »-« m »
bateau-« b »-« t »
ballon-« b »-« l »
Niveau 9 : production de mots contenant des consonnes doubles
« t »-roux->trou
Une consonne est ajoutée devant un mot appris précédemment.
Niveau 10 : production de groupes de mots et de phrases simples. Des
parties de phrases sont proposées à partir des mots appris précédemment. Le travail de l’orthophoniste ou du logopède consiste à les allonger progressivement.
Mais à ce stade, beaucoup d’enfants transfèrent déjà leurs apprentissages dans le
langage spontané.
♦ Conclusion
Les auteurs recommandent cette méthode pour les enfants entre 3 et
7 ans. Personnellement, nous l’avons déjà appliquée à des enfants dyspraxiques
sévères beaucoup plus âgés, et plus particulièrement, à un enfant mutique de
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11 ans. Ce dernier est maintenant compris de son entourage même si son niveau
de langage reste très faible.
Si les résultats sont le plus souvent appréciables, ils dépendent d’abord
bien sûr de la sévérité de la dyspraxie.
Enfin, notre expérience clinique nous a démontré que cette méthode est
inefficace pour certains enfants qui n’arrivent pas à apprendre les praxies.
Les illustrations proviennent en partie de la méthode " Dyspraxie Programma"
et en partie de notre adaptation française en cours de réalisation.
REFERENCES
ERLINGS-VAN DEURSE M., FRERIKS A., GOUDT-BAKKER K., VAN DER MEULEN S.J.,
DE VRIES L. 1993. Dyspraxie programma, Deel 1 : Theorie en programmabeschrijving.
Ed. Swets en Zeitlinger, Lisse(Pays-Bas). Ibidem : Deel II :Handleiding.
GERARD C.L. 1993. L’enfant dysphasique. Ed. De Boeck, Bruxelles.
MAZEAU M. 1999. Dysphasies, troubles mnésiques et syndrome frontal chez l’enfant. Paris, Masson,
deuxième édition.
BRETON S., LEGER F. Mon cerveau ne m’écoute pas. Comprendre et aider l’enfant dyspraxique.
LEPRINCE S. 2004. Dyspraxie programma. Une rééducation de la dyspraxie. Les cahiers de la SBLU,
mai 2004.
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Les troubles phono-articulatoires dans les
paralysies faciales périphériques
Peggy Gatignol
Résumé
La paralysie faciale périphérique, quelle que soit son étiologie, est toujours une pathologie
invalidante et angoissante pour le patient, du fait des déformations esthétiques et des problèmes fonctionnels qu’elle entraîne. De nombreuses données en littérature témoignent de
difficultés d’inocclusion palpébrale, de mastication, de déglutition et d’articulation. Bien que
très fréquemment cités, les troubles phono-articulatoires sont très peu décrits. D’une part,
peu d’études se sont intéressées à ces mécanismes, d’autre part le retentissement majeur
de ces pathologies étant la déformation faciale, la prise en charge de la face paralysée semblait la plus évidente. Or la rééducation de la musculature labiale est essentielle dans la
prise en charge des paralysies faciales y compris et surtout lors de l’utilisation du nerf hypoglosse pour réinnerver une face paralysée lorsque le nerf facial ne peut être réparé et que
ses branches périphériques sont intactes.
Mots clés : paralysie faciale- trouble articulatoire, anastomose hypoglossofaciale.
Phonoarticulatory disorders in peripheral facial paralysis
Abstract
Peripheral facial paralysis is always an incapacitating and anxiety-provoking pathology for
the patient, whatever its etiology may be, because of the esthetic deformities and functional
problems it entails. An abundant literature describes problems with palpebral inocclusion,
mastication, swallowing and articulation. But phono-articulation disorders are seldom described although they are frequently mentioned. For one thing, few studies have focused on
these mechanisms. In addition, treatment of the paralyzed face is generally given priority
because facial deformity constitutes a major consequence of these pathologies. Yet lip
muscle remediation is essential in the treatment of facial paralysis, particularly when the
hypoglossal nerve is used to innervate the paralyzed face when the facial nerve cannot be
repaired and its peripheral branches are intact.
Key words : facial paralysis – articulation disorder, hypoglossofacial anastomosis.
Rééducation Orthophonique - N° 233 - mars 2008
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Peggy GATIGNOL
Orthophoniste
Service ORL et Oto neurochirurgie Pr Lamas
Hôpital Pitié Salpêtrière
Doctorante
Ecole doctorale 3C
(Université Pierre et Marie Curie Paris VI)
et Laboratoire de Psychologie
et Neurosciences cognitives
UMR 8189 (Paris Descartes /CNRS).
Courriel : [email protected]
♦ Les troubles articulatoires dans les paralysies faciales périphériques
O
n appelle trouble articulatoire une « erreur permanente et systématique
dans l’exécution du mouvement qu’exige la production d’un phonème.
Cette erreur détermine un bruit faux remplaçant le bruit exact et se substituant habituellement au bruit caractéristique d’une voyelle ou d’une
consonne ». (3)
Les causes sont nombreuses, elles peuvent être dues à une position incorrecte des points d’articulation, à une imprécision dans l’exécution du mouvement ou enfin à une constitution anormale des organes.
Dans les paralysies faciales périphériques (PF), on observe une paralysie
des grand et petit zygomatiques et du risorius entraînant une flaccidité de la joue
et le gonflement involontaire de la joue paralysée lors de la production des phonèmes bilabiaux.
La langue n’est pas touchée dans les paralysies faciales même si on peut
parfois observer une légère déviation mais qui est due au défaut d’ouverture
labiale. Enfin, dans le cas de PF réhabilitée par anastomose hypoglosso faciale
(AHF), le grand hypoglosse (XII) est sectionné provoquant une paralysie de
l’hémilangue qui augmente les difficultés articulatoires et masticatoires.
La PF est responsable d’une atteinte de l’orbiculaire des lèvres, entraînant
un manque de pression entre elles, d’une déperdition d’air du côté atteint et d’un
écoulement de la salive. Il s’associe une atteinte de la musculature jugale entraînant un gonflement de la joue lors de l’articulation. On comprend ainsi que des
troubles articulatoires vont toucher les phonèmes qui nécessitent la participation
des joues et des lèvres.
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A.1. Les consonnes
Ce sont essentiellement les consonnes bilabiales /p/, /b/, /m/ et les labiodentales /f/ et /v/ qui vont subir des modifications. Les bilabiales nécessitent un
tonus musculaire important de la part des lèvres. Dans le cas des PF, il y a écoulement latéral de l’air du côté paralysé : cette déperdition diminue le caractère
explosif de ces phonèmes. Pour la production des consonnes labio-dentales, l’air
va s’écouler de façon latérale et incontrôlée, modifiant l’articulation de ces phonèmes. Les consonnes fricatives /s/, /ch/, / j/ sont déformées elles aussi en raison
de la direction du flux d’air, qui va s’échapper sur le côté. Le trouble articulatoire est moins prégnant pour les autres consonnes.
A.2. Les voyelles
La production des voyelles est moins touchée que celle des consonnes.
Cependant, elle demande la participation des lèvres (ouverture, étirement, protrusion, arrondissement). La déformation de certaines voyelles est expliquée par
l’hypotonie labiale que nous avons décrite précédemment.
♦ La rééducation de l’articulation
Les principaux troubles d’articulation rencontrés lors d’une paralysie
faciale concernent :
– Les consonnes bilabiales ([p], [b]), en raison d’une faible pression labiale.
– Les consonnes labio-dentales ([f], [v]) du fait du défaut de résistance de
la joue paralysée (déperdition d’air entraînant le gonflement de la joue).
De plus, on observe de nombreuses déformations non systématiques dues
à la stase salivaire. En effet, cette stase salivaire est omniprésente et sa vidange
ne peut s’effectuer automatiquement du fait de la faiblesse jugale, ce qui
entraîne des phénomènes de schlintements ou de « zozotement » et d’allongement des temps de lecture (Tableau n° I, II, III).
La rééducation orthophonique de l’articulation suit donc l’évolution de la
rééducation fonctionnelle (9,10,18,19).
L’objectif est d’obtenir une différenciation phonémique optimale avec
une émission phonémique dont la réalisation praxique fait intervenir les points
d’articulation les plus proches de la normalité et ce, en fonction du stade d’évolution considérée.
On commence généralement par la rééducation des consonnes bilabiales
([p], [b], [m]) qui évolue en parallèle avec la récupération des mouvements
d’occlusion labiale. Le but est de réduire le souffle qui accompagne l’émission
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de chaque consonne occlusive. On suit alors le schéma d’une rééducation
d’ordre phonémique classique (9,10,18,19).
– répétition de logatomes incluant le phonème considéré en position finale,
médiane, initiale, avec pour chacun un environnement vocalique facilitateur,
– répétition de mots incluant le phonème dans les positions suscitées,
– lecture de ces mêmes mots (le feed-back auditif correctif du thérapeute
est alors absent),
– exercices de différenciation phonémique,
– renforcement du tonus de l’occlusion labiale par des émissions
successives de [pa] en faisant varier le tempo, l’intensité, le nombre de
structures.
On poursuit ensuite la rééducation avec les autres phonèmes, en suivant la
même progression.
Lorsque toutes les réalisations articulatoires sont plus ou moins correctes,
on entame la répétition puis la lecture de mots contenant les phonèmes en
concaténation. On inclut ensuite les mots dans des textes courts. Puis tous les
exercices d’articulation classiques peuvent être envisagés.
Tous ces exercices doivent se faire devant un miroir, afin de contrôler la
symétrie du visage, du philtrum et d’éviter le plus possible le gonflement des
joues.
♦ Altérations linguales et conséquences fonctionnelles
Dans leur Modélisation tridimensionnelle linéaire des articulateurs de la
parole, en 2000, Badin et al.(3) ont cherché à déterminer des mouvements de
base permettant de représenter simplement mais précisément les mouvements
complexes des articulateurs (mâchoire, langue, voile du palais, lèvres et visage).
Au moyen de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) et d’enregistrements
par caméra vidéo, il en a résulté que la langue adoptait des mouvements de base
dans la production de la parole. Selon la région de la langue, on distingue trois
types de mouvements :
– les mouvements du corps de la langue : vers l’arrière et le bas (comme
pour [a]) ou vers l’avant et le haut (comme pour [i]) ;
– les mouvements du dos de la langue pour se ramasser en boule vers
l’arrière (tel dans [u]) ou se détendre ;
– et les mouvements de la pointe de la langue (importants pour les
consonnes [s, t, l]), dans lesquels on différencie :
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• le mouvement vertical pour permettre le contact, partiel ou total, avec le
palais dur et les incisives supérieures,
• du mouvement d’avancée/rétraction pour les mouvements avant /arrière
(qui concernent surtout la distinction entre [s] et [ʃ]).
L’atrophie linguale est une conséquence d’une des techniques chirurgicales de réhabilitation de la face paralysée : l’anastomose hypoglosso-faciale
termino-terminale (AHFtt). L’inconvénient majeur de cette intervention est le
sacrifice du nerf hypoglosse, qui entraîne une atrophie de l’hémilangue ipsilatérale et une diminution du volume lingual. Très controversée par certains auteurs
qui considèrent l’atrophie comme responsable de troubles de l’articulation, de la
déglutition et de la mastication, la technique classique a été modifiée.
Peu de renseignements sont fournis concernant les conséquences fonctionnelles de l’hémiatrophie linguale. Les plaintes les plus fréquemment rencontrées concernent l’articulation, la déglutition et la mastication. Or, de récentes
études (6,10,11) ont montré que ces troubles n’étaient pas imputables à l’atrophie mais étaient dus à la paralysie faciale elle-même.
Singh et coll. (23) proposent une approche chirurgicale pour pallier l’atrophie linguale après AHF tt : la Z-plastie. Cette technique opératoire consiste à
intervertir deux lambeaux, l’un réalisé sur l’hémilangue saine et l’autre sur l’hémilangue dénervée : elle repose sur un mécanisme de neurotisation adjacente.
Selon les auteurs, cette reconstruction a montré son efficacité. Néanmoins, l’étude
ne porte que sur deux patients et on peut penser que la nécessité d’une nouvelle
intervention chirurgicale rend cette technique difficile à supporter.
Les conséquences fonctionnelles d’une hémiatrophie linguale
Si l’on se réfère uniquement à la théorie, on peut imaginer que :
– au niveau de l’articulation, seuls les phonèmes nécessitant l’application
totale de l’apex de la langue au palais, à savoir les apico-dentales et la
latérale ([t, d, n, l]), devraient être perturbés;
– au niveau de la déglutition, seul le temps buccal serait altéré, avec un
défaut de formation et de propulsion du bol alimentaire.
Omura et al. (21) expliquent que l’étendue du dysfonctionnement produit
par une paralysie isolée du nerf hypoglosse varie et dépend du type d’apparition :
– l’apparition soudaine de la paralysie unilatérale est généralement accompagnée d’une dysarthrie modérée. De plus, les patients ne peuvent pas
manipuler de manière adéquate les aliments solides dans la bouche avec
la langue, ce qui peut entraîner une dysphagie modérée. Celle-ci se réduit
progressivement par un mécanisme de compensation,
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– une paralysie unilatérale évoluant lentement n’est pas accompagnée d’une
dysphagie. En revanche, quand l’hémiatrophie commence à s’étendre, les
patients se plaignent d’une réduction de la qualité de leur articulation :
selon eux, ils « mâchent leurs mots » ou décrivent une impression de
guimauve dans la bouche.
Une première étude, à propos de quatre patients ayant bénéficié d’une
anastomose hypoglosso-faciale (12,13) montre des troubles bien réels de l’articulation en phase initiale post AHF. Ces troubles ne diffèrent pas vraiment de
ceux rencontrés chez les patients avec paralysie faciale : ils sont dus à la faiblesse du sphincter buccal, résultat de l’atteinte du VII, et portent d’une part sur
les phonèmes qui nécessitent une occlusion labiale (p/b). D’autre part, la faiblesse jugale et labiale qui entraîne une stase salivaire, est responsable d’un
schlintement sur les phonèmes ch/z. Cependant cette stase n’entraîne pas de
trouble articulatoire à proprement parler, le patient étant significativement
reconnu comme intelligible, par des auditeurs naïfs et le défaut d’articulation
fluctuant (5, 6,10,12,13).
Les études suivantes concluent que ces troubles ne sont pas imputables à
l’hémiatrophie linguale, mais à l’hypotonie faciale engendrée par la paralysie
elle-même.
En 2005, Cortadellas et Grandi (11) ont montré, par le biais de palatogrammes, que le travail spécifique sur la langue était un facteur favorisant la
réinnervation de l’hémilangue puis l’hémiface paralysée. Cette étude a également montré que les troubles articulatoires liés à la paralysie faciale diminuaient
avec le temps et avec une rééducation spécifique et précoce (photos n°I et II en
annexe).
Outre le retentissement esthétique, et le retentissement fonctionnel au
niveau de la parole, l’atteinte du nerf facial engendre des difficultés d’ordre
praxique, nécessitant une évaluation spécifique afin de proposer une rééducation
ciblée suivant les résultats du bilan des signes objectifs et subjectifs. (10,15, l9).
♦ Conclusion
Le trouble d’articulation dans les paralysies faciales périphériques est
permanent et quantifiable. Il concerne principalement les consonnes occlusives
bilabiales et les consonnes constrictives et se présente le plus souvent sous la
forme d’un schlintement, conséquence soit d’une stase salivaire, soit d’un défaut
d’occlusion des lèvres ou encore d’une faiblesse jugale (hypotonie). Ce phénomène semble d’autant plus important quand le grade de la paralysie est élevé.
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Ces troubles sont présents en phase initiale et régressent avec le temps et
la prise en charge. Au niveau de l’articulation, les rares altérations relevées (prédominant sur les phonèmes [ch] et [j] ne sont pas perçues comme étant de réels
troubles articulatoires nuisant à l’intelligibilité du discours mais semblent être le
fait d’une accumulation de salive responsable d’un schlintement. Cette stase
salivaire serait liée à l’insuffisance du sphincter buccal, problème résultant de
l’atteinte du nerf facial et non pas de la paralysie linguale. Ce phénomène fluctuant (par l’accumulation plus ou moins importante de salive dans la joue)
expliquerait : d’une part que le schlintement perçu par les auditeurs ne soit pas
responsable d’une erreur permanente et systématique (et donc d’un réel trouble
articulatoire) ; et d’autre part que les difficultés praxiques rencontrées entraînent
un dysfonctionnement au niveau des mécanismes nécessaires à la déglutition
automatique de la salive.
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REFERENCES
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Photo n° I : Patiente ayant bénéficié d’une AHF tt (80 mois)
non rééduquée au niveau lingual
Photo n° II : Patiente ayant bénéficié d’une AHF tt (6 mois)
et d’une rééducation précoce de la langue
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Tableau n° I : Pourcentages de réussite aux différentes épreuves de lecture
Tableau n° II : Pourcentages d’erreurs en fonction du phonème et de sa place dans le mot
Tableau n° III : Temps de lecture (en secondes), pour les sujets en fonction du grade, et pour
les contrôles.
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Diagnostic et prise en charge de l’apraxie de la
parole chez l’adulte cérébrolésé
Viviane Deschryver, Marlène Caty
Résumé
Cet exposé tentera d’abord de cerner le concept d’apraxie de la parole (et son évolution,
notamment terminologique, à travers les différentes approches en aphasiologie) et ensuite,
d’en délimiter les frontières (diagnostic différentiel). Nous proposerons également les modélisations les plus récentes de ce trouble. Enfin, nous aborderons les démarches thérapeutiques.
Mots clés : apraxia of speech, anarthrie pure, désintégration phonétique, dysarthrie.
Diagnosis and treatment of apraxia of speech in brain damaged adults
Abstract
This article first attempts to define the concept of speech apraxia (and its course through
different aphasiological approaches, in particular as concerns terminology). It then tries to
establish the limits of the disorder (differential diagnosis). We also present the most recent
models for this disorder. Finally, we describe existing therapeutic approaches.
Key Words : apraxia of speech, pure anarthria, phonetic disintegration, dysarthria.
Rééducation Orthophonique - N° 233 - mars 2008
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Viviane DESCHRYVER
Marlène CATY
Logopèdes
Service de revalidation fonctionnelle
du CHU Vésale de Charleroi (Belgique)
Courriels : [email protected]
[email protected]
♦ Anarthrie pure, Apraxia of speech, Désintégration phonétique :
les avatars d’un concept
L
orsqu’on parcourt la littérature aphasiologique concernant la production
verbale, on est frappé par la cacophonie et le cloisonnement entre les
divers courants (guerres doctrinaires, déterminisme des frontières géographiques et de la barrière des langues, malentendus et ambiguïtés terminologiques…). Délimiter ces notions et s’y retrouver dans leurs évolutions reste un
exercice périlleux, et pourtant nécessaire, pour éclairer le débat et comprendre la
relativité des acquis et l’importance d’une remise en question permanente sur le
sujet.
L’anarthrie pure est présentée à l’origine par P. Marie comme un syndrome de coordination motrice secondaire. Elle correspond à l’aphasie motrice
pure de Déjerine (conservation du langage intérieur), mais P. Marie lui-même ne
la considère pas comme une aphasie. Sa rareté et le fait qu’on ne la rencontre
pas sous une forme totalement pure, rendent la limite entre celle-ci et l’aphasie
motrice classique assez floue. Elle fera d’ailleurs l’objet de nombreuses
confrontations. L’anarthrie a donc connu des sorts divers : parfois rejetée, parfois assimilée aux dysarthries ou au contraire assimilée aux aphasies motrices.
Pour Messerli, qui tente une synthèse dans un article rédigé pour un colloque sur la neuropsychologie de l’expression orale, en 1982 à Genève :
– L’anarthrie n’appartient pas au groupe des dysarthries. Celles-ci se caractérisent par la constance des troubles et affectent la motricité de façon
générale.
– Elle n’appartient pas non plus au domaine de l’aphasie (pas d’atteinte du
code linguistique).
– Enfin, la variabilité des troubles évoqués plus haut la distingue des perturbations phonémiques aphasiques plus aléatoires : les altérations anarthriques suivent certaines règles visant la simplification (réduction de
l’écart entre les points d’articulation successifs…).
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Mais si les profils des perturbations phonétiques sont différents pour les
patients anarthriques d’une part et les aphasiques de Broca d’autre part, il resterait à préciser cette différence.
La désintégration phonétique proposée par Alajouanine, Ombredane et
Durand en 1939 est, comme l’anarthrie, un concept issu de l’école française.
Dans cette perspective, c’est la composante phonétique du langage qui est altérée. Cette altération est liée à trois types de déficits, qui peuvent se manifester
ensemble ou séparément, en importance variable selon les patients :
– déficit parétique : causé par la faiblesse de la commande neuromusculaire,
– déficit dystonique : qui provoque au contraire une recrudescence du
tonus pour certains segments et qui apparaît souvent plus tardivement
dans l’évolution,
– déficit apraxique : qui augmente la difficulté de réalisation articulatoire
volontaire.
L’originalité de ce travail résidait notamment dans l’approche pluridisciplinaire qui objectivait l’analyse des déformations.
Ce syndrome a rencontré un succès certain, mais son appropriation
enthousiaste et un peu anarchique par les praticiens n’a pas favorisé la délimitation de ses représentations conceptuelles. Au fil des travaux dédiés à ce syndrome, on rencontre la désintégration phonétique pure (qui correspond à l’anarthrie), des formes « quasi pures » avec présence de discrets troubles
linguistiques, des formes associées à des perturbations linguistiques plus importantes. De nombreux travaux ont parlé de la désintégration phonétique pour qualifier les troubles arthriques des aphasies de Broca.
Bref, il est difficile de s’y retrouver dans les rapports opposant les notions
d’anarthrie et de désintégration phonétique, d’autant que l’on doit tenir compte
des différents niveaux de théorisation qui concernent et les représentations mentales linguistiques et les schémas de contrôle sensori-moteur.
Et la tâche se complique quand il faut aborder l’apraxia of speech. On
quitte ici la sphère d’influence française pour l’anglo-saxonne. Ce sont les Américains qui traduisent le terme anarthrie par apraxia of speech (Darley, notamment en 1975 ; Darley & Aronson).
Le terme n’est pas anodin, il intègre beaucoup plus nettement la notion
d’apraxie (les travaux de Darley insistent en effet sur la composante praxique
comme facteur causal du déficit articulatoire). Mais ici aussi il existe une certaine ambiguïté terminologique puisque Darley propose un modèle explicatif
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des phénomènes langagiers comportant 3 mécanismes cérébraux unitaires reliés
entre eux :
– un calculateur central du langage (central language processor) : une
perturbation à ce niveau produit une aphasie,
– un analyseur auditif de la parole (auditory speech analyser),
– un programmateur de la motricité de la parole (motor speech programmer).
C’est l’altération de ce dernier qui provoque le trouble arthrique conçu comme
un trouble de la programmation des mouvements nécessaires à la parole. L’absence d’atteinte de l’innervation musculaire préserve les mouvements isolés
mais la complexité de la production de la parole nécessite un nombre élevé de
calculs. Il est donc plausible qu’un trouble de la programmation des mouvements nécessaires à la parole soit à la base de l’apraxia of speech.
Mais de nombreuses questions demeurent … Nous voudrions cependant
nous attarder un peu sur les travaux de Darley, tout particulièrement parce qu’il
défend l’importance d’un bon diagnostic différentiel entre aphasie, apraxie et
dysarthrie. Ce diagnostic permettra l’instauration des traitements spécifiques et
indispensables. Il nous offre en outre une description particulièrement détaillée
des manifestations de l’apraxia of speech.
♦ Description de l’apraxia of speech selon Darley
Pour Darley et ses collaborateurs (1975), les erreurs dans l’apraxia of
speech sont caractérisées par des substitutions, des déformations, des omissions
et des répétitions avec une prédominance des substitutions.
Les différentes analyses montrent que les erreurs concernant le lieu
d’articulation sont les plus fréquentes, suivies par des erreurs de mode, puis de
voisement et enfin de nasalisation. En ce qui concerne les erreurs de lieu d’articulation, celles qui affectent les labiales et les coronales antérieures se rencontrent plus que celles qui affectent les autres lieux d’articulation. Pour les
modes articulatoires, les erreurs concernent surtout les affriquées (ts, fr) et les
fricatives.
Les substitutions observées sont :
– Des substitutions d’assimilation régressive, c’est-à-dire que des phonèmes survenant plus tard dans la chaîne influencent la production.
– Des substitutions persévératives : des phonèmes antérieurs sont maintenus en aval.
– Des substitutions de type métathèse : inversion de phonèmes
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Les groupes consonantiques sont plus concernés que les phonèmes isolés.
Concernant ceux-ci, les erreurs ou distorsions peuvent se produire sur les
consonnes et/ou sur les voyelles. Les erreurs consonantiques prédominent quand
les deux types d’erreurs sont présents. Les substitutions de consonnes sont parfois perçues comme des complexifications plutôt que des simplifications des
sons cibles. Les déformations tendent à maintenir les traits distinctifs du phonème cible.
La position du son cible au sein des mots ne peut exercer une influence
forte sur la fréquence d’erreur. Mais quand c’est le cas, la position initiale tend à
être la plus problématique. Les erreurs sont plus importantes pour les sons peu
fréquents. Elles sont plus importantes pour les logatomes que pour les mots.
Il existe un effet de longueur. Les erreurs augmentent si la distance entre les
points d’articulation successifs augmente. Les erreurs sont plus nombreuses
pour les énoncés volontaires que pour les énoncés automatiques.
Les erreurs de phonèmes ne sont pas constantes : ce ne sont pas toujours
les mêmes sons qui sont déformés et les types d’erreurs varient en fonction des
types d’énoncés. Elles apparaissent dans le langage spontané comme en répétition mais les erreurs observées en langage spontané sont plus nombreuses. Les
patients sont conscients de leurs erreurs et peuvent parfois les prédire, voire tenter de les corriger.
On observe également une tendance à l’uniformisation de l’intensité prosodique, ainsi que des pauses intersyllabiques inappropriées, des altérations et
une pauvreté des intonations. Enfin, les caractéristiques acoustiques des phonèmes sont peu précises.
La parole est tâtonnante, laborieuse. Le patient doit fournir des efforts
répétés pour produire les sons avec précision. Le débit est lent. Chez certains
patients, on perçoit parfois un accent étranger.
♦ L’après Darley …
En récapitulant les altérations décrites par Darley, notamment les anticipations régressives, les différences de performances entre mots et non-mots, on
ne peut s’empêcher de se poser des questions sur la délimitation de cette « programmation motrice ».
De nombreux travaux en aphasiologie ont envisagé une classification des
erreurs basée sur les niveaux impliqués (phonétique et phonologique). Les
erreurs portant sur les traits étaient attribuées à une altération du niveau phonétique et les erreurs portant sur les phonèmes à une altération du niveau phonolo-
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gique. Classiquement, les auteurs s’accordaient à reconnaître que les erreurs
phonétiques caractérisaient les aphasies de Broca et les anarthries.
Blumstein (1973) a remis en question cette dichotomie. Ses travaux montrent en effet la présence des deux types d’erreurs dans les aphasies motrices et
sensorielles.
Actuellement il n’existe toujours pas de consensus à ce sujet. Dans de
nombreuses études récentes à propos de l’apraxia of speech, les auteurs intègrent le niveau phonologique dans leurs travaux et mettent notamment en évidence l’incidence de la structure syllabique sur les déformations observées.
Dans les années 70 apparaît le concept de phonologie multilinéaire. Les
modèles de phonologie générative proposés auparavant par des auteurs comme
N. Chomsky présentaient des limites :
– ils ne tenaient pas compte de l’organisation interne des traits distinctifs,
– ils n’approchaient pas le rôle syllabique des segments de mots,
– ils ne rendaient pas compte de l’organisation prosodique des segments,
– ils négligeaient le rôle des tons requis dans certaines langues comme le
chinois.
La phonologie multilinéaire (initiée par Goldsmith et développée notamment par R.Beland) conçoit des représentations multilinéaires en paliers autonomes : une modification ou une altération d’un palier n’entraîne pas celles
d’un autre palier.
Nous voudrions brièvement en rappeler certains aspects qui préciseront
les travaux que nous évoquerons ensuite :
La phonologie linéaire comporte :
a. Le palier syllabique : la syllabe comporte au maximum quatre constituants :
l’attaque, la rime, le noyau et la coda (cette dernière est facultative). Tous ces
constituants peuvent brancher c.à.d. dominer deux éléments.
Exemple d’attaque branchante : pla
Exemple de coda branchante : pist
Exemple de rime branchante : par
b. Le palier squelettique : les unités de ce palier sont appelées unités de temps.
Elles correspondent à la longueur phonologique du mot. Un segment long est
obligatoirement analysé comme un segment associé à deux unités de temps.
Chez certains patients, on peut par exemple observer que l’omission d’une
consonne en position de coda peut être suivie d’un allongement compensatoire
de la voyelle (ex : fa : toer)
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c. Le palier segmental : il concerne les segments consonantiques et vocaliques,
c'est-à-dire les informations concernant le lieu, le mode et la manière d’articulation des segments.
♦ Travaux de Levelt et Wheeldon
Levelt et Wheeldon, en 1994, proposent un modèle (voir figure ci-après)
qui attribue un statut particulier à la syllabe.
Au niveau de la récupération des syllabes, le modèle stipule que les
gestes articulatoires ne correspondent pas à des phonèmes mais à des syllabes.
Un syllabaire (répertoire des gestes articulatoires pour les syllabes les plus fréquentes de la langue) nous permettrait d’associer le geste articulatoire à la syllabe phonologique. Pour Levelt, les syllabes articulées sont parmi les programmes moteurs les plus exercés que nous produisons. Nous pouvons donc en
déduire que les représentations de ces programmes sont stockées dans une zone
corticale motrice correspondante. L’accès à des programmes moteurs ‘tout faits’
dans le lexique syllabique est sensé réduire la charge de la procédure phonétique
durant l’encodage du langage parlé. Ce raccourci ne concernerait que les syllabes fréquentes d’une langue donnée. Les syllabes non fréquentes ne seraient
pas stockées dans ces programmes pré-appris : leurs constituants devraient
donc être assemblés à partir d’unités subsyllabiques.
Les différentes étapes de l’encodage phonologique au cours de la production de la parole
(d’après W. Levelt et Wheeldon, 1994, in J. Segui et L. Ferrand, 2000)
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♦ Explication de l’apraxia of speech selon le modèle à deux voies de
Varley et Whiteside (2001)
Comme la plupart des modèles à deux voies dans les processus langagiers, Varley et Whiteside postulent une voie directe et une voie indirecte pour
la production de la parole.
La voie directe contiendrait un syllabaire mental de séquences qui
consiste en un stockage de patterns verbo-moteurs. Cette voie est la plus rapide
car la récupération dans le stock prend moins de temps que l’assemblage en
direct. Cependant, cette voie ne fonctionne que pour les syllabes et mots les plus
fréquents. Les unités stockées peuvent être des syllabes, des mots uni ou pluri
syllabiques ou même des groupes de mots ou phrases. Le déroulement des patterns verbo-moteurs est automatisé, ce qui permet au locuteur de se centrer sur
le contenu du message, la sémantique et la syntaxe.
La voie indirecte impliquerait un assemblage des schèmes verbo-moteurs
pendant la production du discours. Cette voie serait utilisée pour produire des
mots rares, des pseudo-mots ou des nouveaux mots.
Selon Varley & Whiteside, l’apraxia of speech serait due à un déficit de la
voie directe : elle serait caractérisée par une perte de l’automaticité de la parole.
Le patient doit donc utiliser la voie indirecte et assembler les différents segments de la parole au moment de la production de celle-ci. Cependant cette voie
est également touchée chez un patient souffrant de l’apraxia of speech, ce qui
entraîne la production de nombreuses erreurs.
Pour argumenter leur modèle, Varley et Whiteside ont essayé d’observer
l’effet de fréquence chez trois groupes de patients : un groupe de patients ayant
une apraxia of speech, un groupe de patients aphasiques sans apraxie et un groupe
contrôle. Les sujets devaient répéter des mots appariés phonétiquement et différant selon la fréquence. Les auteurs ont mesuré les latences de réponses ainsi que
la durée de prononciation de la séquence. Le modèle à deux voies prédit un effet
de fréquence lorsque les deux voies sont intactes. Cet effet disparaîtrait lorsque la
voie directe est atteinte, ce qui serait le cas des patients avec une apraxia of
speech. C’est ce que les auteurs ont observé : il y avait un effet de fréquence dans
le groupe des aphasiques ainsi que dans le groupe contrôle. Par contre, cet effet de
fréquence était absent chez les patients ayant une apraxia of speech.
D’autres auteurs remettent en cause ce modèle. Selon Ballard, Barlow et
Robin (2001), il faudrait, pour accepter ce modèle, trouver des patients ayant
des atteintes aux différents niveaux de ce modèle : trouble de la voie directe,
trouble de la voie indirecte et trouble des deux voies :
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– Trouble des deux voies : ce serait le cas pour l’apraxia of speech : les
patterns verbo-moteurs seraient inaccessibles et le patient compenserait
par une voie indirecte elle-même déficiente.
– Trouble de la voie directe : ce serait le cas pour les patients ayant le syndrome de l’accent étranger. Ce syndrome est un déficit segmental et prosodique qui résulte en la perception par l’auditeur d’un accent étranger.
La parole est alors caractérisée par des anomalies d’accentuation, de
rythme et d’intonation ainsi que par des altérations du lieu et du mode
articulatoires. Les erreurs ne violent pas les règles articulatoires des
langues naturelles comme pour l’apraxia of speech mais les caractéristiques de la parole sont celles d’une langue qui n’est pas celle du patient.
– Trouble de la voie indirecte : ce serait le cas de patients qui ont un discours normal mais qui ne peuvent répéter des mots rares ou des pseudomots. Aucun patient de ce type n’a été décrit à ce jour.
♦ Travaux de Aichert et Ziegler
Nous voudrions présenter brièvement un travail assez exemplaire : celui
d’Ingrid Aichert et Wofram Ziegler, qui développe le modèle de Levelt, Roelofs
et Meyer : ce travail envisage la fréquence syllabique et la structure syllabique
dans l’apraxia of speech.
Rappelons que Varley et Whiteside postulent que chez les patients ayant
une apraxia of speech, les programmes moteurs syllabiques ne sont plus accessibles et que ces patients doivent utiliser la route d’encodage subsyllabique.
L’étude d’Aichert et Ziegler teste ces hypothèses en explorant l’influence
de la fréquence syllabique et celle de la structure syllabique en répétition,
auprès de dix patients avec une apraxia of speech.
Nous avons noté que Darley considérait l’apraxia of speech comme un
désordre de la programmation motrice. Par conséquent, l’altération peut être
attribuée à une rupture de connexion entre l’encodage phonologique et l’exécution motrice. Des études plus récentes situent l’apraxia of speech au niveau de
l’encodage phonétique de la production orale.
Des controverses par rapport aux travaux de Varley et Whiteside ont porté
notamment sur le fait qu’ils concernent les mots plus que les syllabes, et que par
conséquent, c’est plutôt la fréquence des premiers qui serait en jeu.
La question posée par le travail d’Aichert et collaborateurs est de savoir si
les patients ayant une apraxia of speech ont accès au syllabaire mental ou si,
selon l’hypothèse de la voie indirecte, leur production orale est réduite aux pro-
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cessus d’assemblage subsyllabique. Plus spécialement, les auteurs cherchent à
savoir si les erreurs segmentales observées chez les patients avec une apraxia of
speech sont influencées par les processus syllabiques. Parmi les dix patients,
cinq ne présentent pas ou quasi pas d’aphasie et une apraxie légère. Deux paramètres concernant l’influence potentielle du niveau syllabique sur les productions sont envisagés : la fréquence syllabique et la structure syllabique. Concernant la fréquence, les auteurs formulent l’hypothèse que si les patients avec une
apraxia of speech n’ont pas accès au syllabaire, toutes les syllabes doivent être
encodées par la voie indirecte. Si, comme le pensent Varley et Whiteside, la voie
d’assemblage subsyllabique est intacte, les patients présentant une apraxia of
speech discrète et isolée ne produiront pas un nombre important d’erreurs segmentales ni sur les syllabes fréquentes ni sur les non-fréquentes. Si, au
contraire, la voie subsyllabique est altérée aussi, ces patients commettront des
erreurs, mais elles ne dépendront pas de la fréquence syllabique.
Un second indicateur de l’influence syllabique potentielle, à savoir la
structure syllabique, a été envisagé. Les auteurs examinent notamment la vulnérabilité des clusters consonantiques en fonction de leur position syllabique (ex :
l’attaque, la coda et les limites de la syllabe). Ils analysent en outre si la simplification des clusters, fréquente dans l’apraxia of speech, est influencée par la
limite d’une syllabe. Si les altérations sont insensibles à la structure syllabique,
deux consonnes séparées par une limite syllabique seront moins souvent simplifiées que deux consonnes se trouvant au sein d’une même syllabe. Les données
obtenues montrent d’abord que les patients présentent des altérations de la voie
subsyllabique. L’hypothèse duale de Varley ne peut donc pas expliquer tous les
phénomènes observés : soit l’hypothèse d’une voie indirecte est invalidée, soit
cette voie est perturbée chez les patients avec une apraxia of speech. De plus, vu
qu’aucun des patients de l’étude n’était dysarthrique et qu’ils ne présentaient
pas d’altérations aphasiques importantes, une perturbation de la voie indirecte
doit être considérée comme faisant partie intégrante des mécanismes de
l’apraxia of speech et ne peut être expliquée par des lésions voisines chez les
patients étudiés.
Les résultats montrent que :
– les erreurs segmentales observées sont dépendantes de la fréquence syllabique,
– le taux d’erreurs concernant les clusters dépend de leur localisation relative aux limites syllabiques (avant ou après ces limites),
– les simplifications de clusters sont moins fréquentes quand les deux
consonnes sont séparées par une limite syllabique que lorsque ces clusters
constituent une attaque ou une coda d’une syllabe.
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Ces résultats montrent donc que les mécanismes engendrant l’apraxia of
speech sont sensibles à la forme syllabique. Ils sont incompatibles avec le
modèle d’assemblage subsyllabique proposé par Varley et Whiteside. Les
patients avec une apraxia of speech semblent avoir accès au syllabaire, bien
que la récupération des programmes moteurs syllabiques soit défectueuse.
L’interprétation des données recueillies par les auteurs se veut prudente dans
la mesure où les mécanismes d’encodage phonétique ne sont pas encore suffisamment expliqués dans les modèles généralement admis de l’expression
orale normale.
Cette conclusion d’Aichert et Ziegler évoque pour nous une phrase de
Nespoulous qui nous paraît encore bien actuelle : « l’explication du passage du
niveau de la représentation la plus abstraite à son exécution par les organes de la
phonation requiert vraisemblablement davantage de notions que les deux
vocables de phonétique et de phonémique ». On peut en effet se demander
quelle est la nature exacte des régulations et des transcodages effectués lors de
l’exécution des programmes moteurs. Qu’en est-il par exemple des boucles de
rétroaction permettant le contrôle de la conformité de la production ? Autant de
questions qui restent encore sans réponse définitive.
♦ Tentative d’intégration du buffer phonologique dans l’apraxia of
speech
Rappelons que les troubles observés dans l’apraxia of speech seraient liés
à une altération du relais entre l’encodage phonologique et l’exécution motrice.
Des auteurs comme Darley parlent d’un désordre de la programmation motrice.
D’autres, plus récemment, envisagent une altération de l’encodage phonétique.
Il nous paraît donc important de réfléchir également au rôle éventuel du buffer
phonologique. Celui-ci correspond en effet à la forme phonétique du mot. Elle
contiendrait selon Beland la suite des phonèmes avec les spécifications nécessaires pour le passage au niveau de production des gestes articulatoires.
Nous avons rencontré plusieurs patients présentant des déformations
assez typiques de l’apraxia of speech ou des déformations anarthriques et qui
présentaient conjointement des effets de longueur de mots ou de similarité phonologique, évoquant des altérations de la boucle phonologique.
Nous observons souvent aussi chez ces patients des erreurs contextuelles
traduisant une inertie du système comme des assimilations regressives ou des
persévérations (/entotwar/ pour ‘entonnoir’, /lumèl/ pour ‘jumelles’, /pluleflechir/ pour ‘plus réfléchir’.
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L’incidence du buffer phonologique est évidemment bien connue dans
l’aphasie de conduction, mais on pourrait se poser la question de son influence
dans les dissociations automatico-volontaires, par exemple où les productions
automatiques, souvent préservées, peuvent sans doute être traitées en requérant
des voies de calcul moins coûteuses en mémoire de travail.
♦ Implications pour la rééducation
Brièvement, nous voudrions aborder la rééducation. Comme le soulignait
Darley, il nous semble tout d’abord essentiel de nous baser sur un diagnostic
précis ; celui-ci fera l’objet d’un questionnement permanent en cours d’évolution et sera strictement individualisé.
Dans de nombreux cas, il sera utile de former le patient aux subtilités de
la phonétique : lieu et mode d’articulation, durée vocalique….Cette façon de
procéder a le mérite de faire de nos patients des partenaires bien conscients des
objectifs à atteindre et très souvent créatifs et motivés. Cette approche classique
se complètera utilement de stratégies développées à partir des recherches que
nous avons partiellement évoquées aujourd’hui.
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