C U R R I C U LU M Insuffisance cardiaque: épidémiologie, pathophysiologie P. Rickenbacher* Introduction Grâce aux mesures de préventions et aux progrès thérapeutiques, le taux de mortalité de maladie coronarienne adapté à l’âge a continuellement diminué ces 30 dernières années dans les pays occidentaux. Sa contrepartie est une augmentation continuelle de l’incidence et de la prévalence de l’insuffisance cardiaque, s’expliquant surtout par le viellissement de la population et la survie prolongée des patients coronariens et en plus par d’autres facteurs. Le syndrome d’insuffisance cardiaque comporte une forte morbidité et mortalité et occasionne des frais astronomiques. Des progrès essentiels ont été réalisés ces dernières années dans la compréhension de la pathophysiologie complexe de l’insuffisance cardiaque; ils se traduisent déjà en partie thérapeutiquement. Cet article se propose de passer en revue les concepts actuels de la pathophysiologie et les données d’épidémiologie clinique de l’insuffisance cardiaque. Epidémiologie Les données épidémiologiques concernant l’insuffisance cardiaque doivent être interprétées avec prudence. Des divergences méthodologiques, des définitions différentes de l’insuffisance cardiaque, des caractéristiques démo- Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 4 graphiques non-identiques, ont provoqués des résultats d’études parfois contradictoires. Malgré ces réserves, diverses études épidémiologiques soigneusement effectuées aux USA et en Europe ont permis de mettre en relief quelques éléments importants. On ne dispose que de peu de données épidémiologiques concernant l’insuffisance cardiaque en Suisse. La situation devrait cependant y être comparable aux autres pays européens. Incidence et prévalence. Selon des études déjà anciennes, l’incidence annuelle de l’insuffisance cardiaque serait d’environ 0,1– 0,5 % dans la population générale. Elle double environ avec chaque décennie et le taux annuel dépasse les 3 % chez les patients de plus de 75 ans. Les hommes sont plus souvent atteints que les femmes [1– 3]. Aucune de ces études ne s’appuyait sur des mesures objectives de la dysfonction cardiaque, ce qui limite grandement leur valeur en raison des lacunes des diagnostics uniquement cliniques. L’étude «Hillingdon» récemment publiée a été effectuée selon les critères définis par l’Association européenne de cardiologie. L’incidence générale de l’insuffisance cardiaque dans cette étude est de 0,13 % avec une augmentation de 0,002 % chez les patients âgés de 25 à 34 ans à 1,16 % chez les patients âgés de plus de 85 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 76 ans. L’incidence en fonction de l’âge et du sexe dans cette étude est présentée dans le tableau 1. De nombreuses études ont également montré une grande variation dans le taux de prévalence de l’insuffisance cardiaque. La prévalence de l’insuffisance cardiaque est estimée entre 0,3 – 2,4% dans la population générale avec une augmentation à 3,0 –13 % chez les patients de plus de 65 ans [1– 3]. Deux études de population se basant sur des mesures échocardiographiques publiées en 1997 ont trouvé une prévalence de dysfonction systolique ventriculaire gauche de 2,9 – 3,7%. Environ la moitié des patients était asymptomatique [3]. L’entité cli- * Cardiologie, Clinique médicale universitaire, Hôpital Cantonal Bruderholz Correspondance: PD Dr P. Rickenbacher Cardiologie Clinique médicale universitaire Hôpital Cantonal CH-4101 Bruderholz [email protected] Figure 1. Incidence de l’insuffisance cardiaque en fonction de l’âge et du sexe dans l’étude Hillingdon [4]. C U R R I C U LU M Tableau 1. Liste des étiologies importantes d’insuffisance cardiaque. Maladie coronarienne • Infarctus du myocarde • Ischémie Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 5 nique indépendante d’insuffisance cardiaque due à une dysfonction diastolique n’a été reconnue que depuis une dizaine d’année. Elle prédomine chez environ un tiers des cas d’insuffisance cardiaque, et spéciellement fréquemment à l’âge avancé. Hypertension artérielle Cardiomyopathie • Dilatative (familiale, infectieuse, toxique, nutritive, endocrine, obstétrique, collagénoses, neuromusculaire, idiopathique) • Hypertrophique / obstructive • Restrictive (p. ex. amyloïdose, sarkoïdose, hémochromatose) • Obliterative Maladie cardiaque valvulaire et congénitale • Pathologie mitrale • Pathologie de la valve aortique • communication interauriculaire et ventriculaire Troubles du rythme • Tachycarde • Bradycarde • Flutter et fibrillation auriculaire Drogues, médicaments • Alcool • Cocaïne • Médicaments cardiotoxiques (p. ex. adriamycine, doxorubicine, zidovudine) • Médicaments cardio-dépresseurs (p. ex. béta-bloquants, antagonistes du calcium) Insuffisance cardiaque «high-output» • Anémie • Thyréotoxicose • Fistules artérioveineuses • Maladie de Paget Maladie du péricarde • Péricardite constrictive • Epanchement péricardique Insuffisance cardiaque droite primaire Hypertension pulmonaire Insuffisance tricuspidienne Modifié d’après [5] Tableau 2. Etiologies de l’insuffisance cardiaque d’après des études épidémiologiques. Etiologie (%) Ischémique Métaanalyse de Etude Framingham * 31 études Hommes Femmes 50 59 48 Etude Hillingdon 36 Non-ischémique 50 41 52 64 Hypertensive 4 70 78 14 Idiopathique 18 0 0 0 Maladie valvulaire 4 22 31 7 Autres 10 7 7 10 Inconnues 13 0 0 34 * Total supérieur à 100 %, une maladie coronarienne pouvant s’ajouter à une maladie hypertensive. Modifié d’après [5]. Etiologie. L’insuffisance cardiaque est l’aboutissement de processus pathologiques nombreux et variés altérant la fonction cardiaque. La maladie coronarienne et l’hypertension, seules ou en combinaison, sont aujourd’hui dans les pays occidentaux les causes les plus fréquentes d’insuffisance cardiaque [1, 2, 5]. Le tableau 1 est une liste générale des étiologies de l’insuffisance cardiaque. La fréquence des différentes étiologies dans des études de population est résumée dans le tableau 2. Selon les grandes études cliniques des dernières années, une maladie coronarienne est à l’origine de l’insuffisance cardiaque dans jusqu’à 75 % des cas. Morbidité. La qualité de vie est plus atteinte lors d’insuffisance cardiaque que lors d’atteinte par la majorité des autres maladies internes chroniques. De plus, la qualité de vie se péjore avec la progression de la maladie. 85 % des patients insuffisants cardiaques sont traités ambulatoirement selon des estimations américaines. L’insuffisance cardiaques est la seconde raison cardiologique de consultation en cabinet après l’hypertension [3]. La fréquence d’hospitalisation pour décompensation d’insuffisance cardiaque a doublé durant les quinze dernières années. Elle est à l’origine d’au moins 5 % des hospitalisations dans les services de médecine des hôpitaux anglais. Ce diagnostic vient en tête pour les hospitalisations de patients plus âgés de 65 ans. 29 à 47% des patients doivent être réhospitalisés dans les 3 à 6 mois suivant leur sortie [1– 3]. Pronostic. Le pronostic d’insuffisance cardiaque est particulièrement sombre et comparable à celui de nombreuses tumeurs malignes. C’est un fait peu perçu généralement. Dans l’étude Framingham par exemple, seuls 25 % des hommes et 38 % des femmes survivent 5 ans après la pose du diagnostic d’insuffisance cardiaque. La survie moyenne est de 1,7 ans pour les hommes et de 3,2 ans pour les femmes. La plupart des études épidémiologiques longitudinales de longue durée ont eu lieu avant l’emploi généralisé des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Le Tableau 3 résume les caractéristiques cliniques et la mortalité obtenues dans les grandes études cliniques et épidémiologiques. Les études cliniques ont permis de mettre en évidence l’amélioration significative du pronostic sous traitement. Il est remarquable de constater une mortalité plus élevée dans les études épidémiologiques que dans les études randomisées cliniques, alors que l’on C U R R I C U LU M Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 Tableau 3. Caractéristiques des patients et mortalité à un an dans des études cliniques et épidémiologiques. Toutes données en pourcentage. Etudes cliniques Etude Date Thérapie NYHA* âge H FE MC Mortalité Pla T VHeFT I 86 Hy/ ISDN 2-3 58 100 30 44 19,5 12,1 CONSENSUS 87 Enalapril 4 71 71 – 73 52 36 VHeFT II 91 Enalapril 2-3 61 100 29 52 13 † 9 SOLVD-T 91 Enalapril 2-3 61 80 25 71 15,6 12 SOLVD-P 92 Enalapril 1-2 59 89 28 83 5,1 5,1 US Carvedilol 96 Carvedilol 2-3 58 77 22 47 11,2 4,8 DIG 97 Digoxin 2-3 63 78 28 70 10,2 11 CIBIS II 99 Bisoprolol 3-4 61 81 28 50 13,2 8,8 MERIT-HF 99 Metoprolol 2-3 64 77 28 65 11 7,2 RALES 99 Spironol. 3-4 65 73 25 54 25 19 Etudes épidémiologiques Framingham 93 – – 70 51 – 54 17 MacIntyre 00 – – 75 47 – – 44,5 NYHA: Classe NYHA prédominante des patients inclus, H = Hommes, FE = Fraction d’éjection ventriculaire gauche, MC = Maladie coronarienne, Pla = Placébo, T = Traitement actif, Hy/ ISDN = Hydralazine/ Isosorbiddinitrate, † Hydralazin / Isosorbiddinitrate, Spironol. = Spironolactone. Progression de l’insuffisance cardiaque ANP BNP Adrénaline NO Prostaglandine Sympathique Système RAA Endothéline Vasopressine Figure 2. Activation neurohormonale lors d’insuffisance cardiaque. Les systèmes vasoconstricteurs et antinatriurétiques prédominent avec la progression de la maladie. pourrait s’attendre à une prédominance des cas d’insuffisance cardiaque plus légers dans la population des études épidémiologiques. Ceci s’explique par les critères de sélection des études randomisées (patients plus jeunes, moins de cas de maladies coronariennes ou valvulaires, comorbidité plus faible). Les premiers indices montrent tout de même que les progrès thérapeutiques ont amélioré le pronostic non seulement dans le cadre d’études contrôlées, mais également dans la pratique clinique quotidienne [6]. Les résultats mentionnés ci-dessus concernent uniquement les patients atteints de dysfonctionnements systoliques; le pronostic semble être plus favorable avec une mortalité annuelle d’environ 8 % inférieure pour les patients d’atteinte à prédominance diastolique. Coûts pour la santé publique. L’insuffisance cardiaque pèse lourdement sur le budget de la santé et accapare à elle seule 1 à 2 % des ressources globales disponibles dans les pays occidentaux. Environ deux tiers des frais concernent les hospitalisations. Les coûts augmentent évidemment avec le degré de séverité de l’insuffisance cardiaque. Pathophysiologie Références des travaux cités disponible chez l’auteur. Vasodilatation – natriurèse et diurèse 6 Augmentation de la vasoconstriction – rétention sodique et volémique – effet «cardiotoxique» L’insuffisance cardiaque est une maladie multisystémique limitant principalement le fonctionnement du cœur, des vaisseaux, des reins et des muscles. Elle peut être définie du point de vue hémodynamique comme l’incapacité du cœur de pomper, en présence d’une volémie et de conditions de remplissages normales, le sang en pression et volume suffisant pour l’organisme. Une insuffisance de la fonction ventriculaire gauche avec baisse du volume-minute cardiaque et de la tension provoque, indépendamment du type d’atteinte, par l’augmentation de la pression murale du myocarde, une activation des barorécepteurs et par la diminution de la perfusion tissulaire à l’activation de différents mécanismes de contre-régulation: vasoconstriction pour maintenir la pression systémique et élévation de la contractilité du myocarde et expansion des volumes pour améliorer les performances cardiaques. Ces mécanismes permettent une stabilisation à court terme de la fonction du myocarde et la perfusion des organes vitaux. A long terme cependant, l’activation prolongée de ces mécanismes contribue gravement à la progression de l’insuffisance cardiaque et un cercle vicieux se développe ainsi. L’insuffisance cardiaque chronique était considerée dans le passé comme un problème avant tout cardio-rénal, qui devait en conséquence être traité par diurétiques pour diminuer la C U R R I C U LU M atteinte de myocarde modification hémodynamique activation neurohormonale cytokines inflammatoires stress oxidatif remodeling progression de l’insuffisance cardiaque Figure 3. Cercle vitieux dans l’insuffisance cardiaque. Voir le texte pour explications syndrome d’insuffisance cardiaque rétention volémique et par médicaments inotropes positifs pour augmenter la contractilité cardiaque. Une meilleure compréhension des mécanismes hémodynamiques déplaça le centre d’intérêt sur la vasoconstriction périphérique dans les années 80 et la pharmacothérapie visait à obtenir une vasodilatation. Si ces traitements permettaient d’améliorer les symptômes de l’insuffisance cardiaque, ils ne parvenaient cependant ni à freiner sa progression ni à influencer favorablement le pronostic. Activation neurohormonale. Le concept d’activation neurohormonale a révolutionné la compréhension de la pathophysiologie de la progression de l’insuffisance cardiaque ces dix dernières années et est à la base des traitements médicamenteux modernes [7]. Différents indices soulignent l’importance clinique de ce concept. Les taux plasmatiques élevés de différents systèmes hormonaux sont observés déjà lors de dysfonctions ventriculaires gauches encore asymptomatiques; ces taux augmentent encore avec la progression du degré de sévérité de l’insuffisance cardiaque. Ces hormones sont des marqueurs pronostiques et finalement la baisse de leurs taux plasmatiques sous traitement corrèlent avec une amélioration de la morbidité et de la mortalité. Les systèmes neurohormonaux les plus importants et leurs effets principaux sont résumés dans la Figure 2. Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 7 Le système sympathique est activé très précocement lors d’insuffisance cardiaque. Des taux de catécholamines circulant élevés provoquent une vasoconstriction sytémique et rénale, ils ont une activité inotrope et chronotrope positive, ils augmentent la résorption sodique et activent le système rénine-angiotensine-aldostérone avec taux de rénine, angiotensine II et aldostérone élevés. L’angiotensine II a une activité similaire à celle de la noradrénaline sur les vaisseaux et les reins (en partie à travers la sécrétion d’aldostérone). En plus de l’activation systémique de l’angiotensine-rénine-aldostérone, on a pu documenter une synthèse locale de l’angiotensine II avec une activité auto- et paracrine de cette hormone dans différents organes, notamment dans le cœur. De plus, les études de ces dernières années ont montré que l’aldostérone possède, en plus de son activité minéralocorticoïde connue, une influence directe sur le myocarde et les vaisseaux. L’endothéline, une substance vasoconstrictrice puissante, est produite par l’endothèle des vaisseaux et par le cœur et est également très impliquée dans la régulation de la fonction myocardiaque, du tonus vasculaire et de la résistance périphérique lors d’insuffisance cardiaque. Finalement, la sécrétion de vasopressine, via les barorécepteurs, est élevée lors d’insuffisance cardiaque et contribue à la rétention volémique et à l’augmentation de la résistance périphérique. En sus des mécanismes qui viennent d’être décrits, tous ces systèmes hormonaux possèdent, du moins au niveau des preuves expérimentales, une activité «cardiotoxique» directe (cf. le paragraphe «remodeling»). Ces systèmes de vasoconstriction endogène et de rétention volémique sont soumis physiologiquement à l’activité régulatrice sensible de systèmes antagonistes au travers d’interactions complexes. Ainsi, l’ANP (atrium natriuretic peptide) et le BNP (brain natriuretic peptide), membres du groupe des peptides natriurétiques, semblent jouer un rôle dans l’insuffisance cardiaque. L’ANP au niveau des oreillettes, le BNP au niveau des ventricules sont sécretés lors de dilatation auriculaire et de pression de remplissage augmentée. Les peptides natriurétiques provoquent une dilatation, augmentent la natriurèse et ont une activité antiproliférative au niveau du myocarde. Ils sont donc considérés comme les antagonistes de l’angiotensine II. L’insuffisance cardiaque chronique est accompagnée de dysfonction endothéliale avec diminution de la vasodilatation endothéliale, due au moins partiellement à une synthèse et une sécrétion diminuée et également à une déactivation accélérée du monoxide d’azote («nitric oxide», NO) Par contre, la synthèse de NO semble élevée au niveau du cœur et de la musculature squelettique. Le NO, par dif- C U R R I C U LU M férents mécanismes dépendant de sa concentration, peut provoquer une apoptose, avoir des effets cardiocytotoxiques et modifier la contractilité lors d’insuffisance cardiaque. L’adrénoméduline est un peptide, décrit en 1993 pour la première fois, très répandu dans le système cardiovasculaire. L’adrénoméduline a une forte activité vasodilatatrice et natriurétique et antagonise aussi bien le système rénine-angiotensine que celui de l’endothéline. Le taux plasmatique de ce peptide est élevé lors d’insuffisance cardiaque. Son rôle exact ainsi que celui d’autres systèmes hormonaux impliqués, comme les prostaglandines par exemple, dans la pathophysiologie de l’insuffisance cardiaque reste à être élucidé. En résumé, l’insuffisance cardiaque est caractérisée par des activations hormonales avec déséquilibre et par la prédominance des systèmes vasoconstricteurs et antinatriurétiques sur leur systèmes antagonistes. Des effets cardiotoxiques directs semblent avoir une importance déterminante pour la progression de l’insuffisance cardiaque en plus des effets rénaux et hémodynamiques. Les cytokines proinflammatoires. L’insuffisance cardiaque chronique est également caractérisée par l’élévation du taux plasmatique de quelques cytokines proinflammatoires (tumor necrosis factor alpha, interleukin 1 beta, 2 et 6) et de leur récepteurs/récepteurs antagonistes solubles. Les cytokines inflammatoires sont exprimées au niveau du myocarde insuffisant. En plus de leur effet inotrope négatif connu, ces cytokines doivent certainement agir à long terme par leur influence marquée sur la phénotypie des myocytes et sur la matrice extracellulaire pour la pathophysiologie de l’insuffisance cardiaque chronique. Au moins une partie de leur action est effectuée via le NO [8]. Quintessence L’insuffisance cardiaque est fréquente, invalidisante, chère et mortelle. L’incidence et la prévalence ont dans la population des taux respectifs de 0,1– 0,5 % par an et de 0,3 – 2,4 % et augmente exponentiellement avec l’âge avancé. Une maladie coronarienne et l’hypertension artérielle sont les étiologies les plus fréquentes dans les pays occidentaux. Le pronostic reste très réservé malgré les progrès thérapeutiques. L’insuffisance cardiaque est une maladie multisystémique caractérisée par des modifications hémodynamiques, par des activations et désequilibres neurohormonaux, par la sécretion de cytokine et par le stress oxidatif. Le remodeling est un concept pathophysiologique résumant les mécanismes moléculaires et cellulaires complexes aboutissant à un dysfonctionnement cardiaque progressif. Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 8 Stress oxidatif. Les patients insuffisants cardiaques chroniques souffrent de «stress oxidatif» élevé en raison de l’activité diminuée des systèmes antioxidatifs et de la production augmentée d’oxigènes réactifs. Le stress oxidatif semble, à l’instar des cytokines, toucher le myocarde en engendrant des changements fonctionnels et structurels et être impliqué dans le «remodeling». Remodeling. Le concept de «remodeling» résume les mécanismes fondamentaux à la base de la dysfonction myocardiaque progressive lors d’insuffisance cardiaque. Le remodeling cardiaque peut être défini comme des modifications d’expression génique au niveau moléculaire, cellulaire et interstitiel, se manifestant cliniquement par des atteintes modifiant la taille, la forme et le fonctionnement du cœur [9]. Ces modifications touchent tant les myocites (changements phénotypiques avec hypertrophie, contractilité diminuée, nécrose, apoptose) que la matrice extra-cellulaire (perte de collagène et fibrose influencée par les métaloprotéinases). Développé initialement pour expliquer les processus post infarctus du myocarde, ce modèle s’applique aux transformations moléculaires, biochimiques et mécaniques communes à toute insuffisance myocardiaque, indépendamment de l’étiologie pathologique initiale. Le remodeling cardiaque est influencé par des changements hémodynamiques, des activations neurohormonales, des cytokines, et par d’autres mécanismes (Figure 3). Se réferrer à la litérature pour un survol plus détaillé des connaissances actuelles des mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans l’insuffisance cardiaque. Perspectives L’incidence et la prévalence de l’insuffisance cardiaque vont augmenter en raison du viellissement de la population. L’insuffisance cardiaque restera donc également une préoccupation centrale du système de la santé dans le nouveau millénaire. Les progrès rapides de la recherche fondamentale devraient élargir considérablement la compréhension de la pathophysiologie de l’insuffisance cardiaque et déboucher sur de nouvelles approches thérapeutiques. Remerciements Remerciements à M. le Dr P. E. Schlageter, Médicine interne FMH, Habshagstr. 13, 4153 Reinach, pour la revue critique du manuscrit et pour ses suggestions judicieuses. C U R R I C U LU M Swiss Medical Forum Nr. 1/2 10 janvier 2001 9 Références 1 Cowie MR, Mosterd A, Wood DA, Deckers, JW, Poole-Wilson PA, Sutton GC et al. The epidemiology of heart failure. Eur Heart J 1997; 18:208 – 25. 2 Massie BM, Shah NB. Evolving trends in the epidemiologic factors of heart failure: rationale for preventive strategies and comprehensive disease management. Am Heart J 1997;133:703 –12. 3 McMurray JJV, Petrie MC, Murdoch DR, Davie AP. Clinical epidemiology of heart failure. Public and private health burden. Eur Heart J 1998; 19 (Suppl P):P9 – P16. 4 Cowie MR, Wood DA, Coats AJS, Thompson SG, Poole-Wilson PA, Suresh V et al. Incidence and aetiol- 5 6 7 8 ogy of heart failure. A population based study. Eur Heart J 1999;20: 421– 8. Lip GYH, Gibbs CR, Beevers DG. ABC of heart failure. Aetiology. Br Med J 2000;320:104 –7. MacIntyre K, Capewell S, Stewart S, Chalmers JWT, Boyd J, Finlayson A et al. Evidence of improving prognosis in heart failure. Circulation 2000;102:1126 – 31. Packer M. The neurohormonal hypothesis: a theory to explain the mechanism of disease progression in heart failure. J Am Coll Cardiol 1992;20:248 – 54. Feldman AM, Combes A, Wagner D, et al. The role of tumor necrosis factor in the pathophysiology of heart failure. J Am Coll Cardiol 2000;35: 537-44. 9 Cohn JN, Ferrari R, Sharpe N, on behalf of an international forum on cardiac remodeling. Cardiac remodeling – concepts and clinical implications: a consensus paper from an International Forum on Cardiac remodeling. J Am Coll Cardiol 2000; 35: 569 – 82. 10 Hunter JJ, Grace AA, Chien KR. Molecular and cellular biology of cardiac hypertrophy and failure. In: Chien KR, ed. Molecular basis of heart disease: a companion to Braunwald’s Heart Disease. Philadelphia: W. B. Saunders, 1999: 211– 50.