10èmes entretiens Science et Ethique ou le devoir de parole « La biodiversité du littoral »
Session 2 : Outils et modèles de recherche pour étudier les écosystèmes – 13 octobre 2006
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niveau des espèces, au niveau des écosystèmes et c’est toujours cette diversité du monde
vivant prise à différents niveaux d’organisation qu’il faudra regarder.
Le quatrième point, ce sont les usages de la biodiversité. Là vous voyez le défi du
« développement durable ». J’ai mis des guillemets à « développement durable » car c’est un
vocable particulièrement regrettable. Si vous prenez l’exemple du PIB d’un pays comme la
France, et si vous dites « développement durable », c’est de me permettre d’avoir chaque année
2% d’accroissement de mon PIB. Et bien vous pouvez faire le calcul, c’est un peu l’histoire des
grains de blé sur l’échiquier du scribe égyptien. Au bout de 1 000 ou 2 000 ans, toutes les
ressources de la planète ne suffiront pas pour obtenir le PIB en question. Est-ce que vous
connaissez l’histoire de l’échiquier du scribe égyptien ? C’est quelqu’un que le pharaon voulait
récompenser, il avait fait quelque chose de très utile pour l’Egypte. Et ce monsieur a demandé
au pharaon : « Grand pharaon, tu me donneras de tes greniers un grain de blé sur la première
case d’un échiquier, deux grains de blé sur la suivante, quatre grains sur la troisième, huit sur la
quatrième, etc. … ». Le pharaon lui dit : « Mais bien entendu, je m’attendais à une demande
plus élevée compte tenu de la qualité des services que vous nous avez rendus. » Et on
commence à apporter le blé. Au bout de la 25ème case – il y a 64 cases sur un échiquier – il n’y a
déjà plus de blé et il faut faire appel à des ressources extérieures. Donc le problème du
développement durable, je trouve que ce terme est particulièrement mal choisi d’associer la
durabilité avec l’agrément, avec le développement. A la limite, c’est vrai que le « sustainable »
est plus proche de ce qu’on veut exprimer que le durable français. « Sustainable » c’est
« soutenable », c’est-à-dire que l’on peut considérer qu’il s’agit de quelque chose de
supportable. C’est une notion un peu différente.
Sur la diapo suivante, on arrive à l’immensité de la biodiversité et là, quelques rappels
historiques s’imposent. Je n’ai pas le chiffre des espèces décrites dans le cas de Linné, je crois
qu’il était largement de moins de 10 000. Là, vous avez une valeur qui date de 1793, chiffrée par
le naturaliste français Daubenton. Et on l’a détaillée : on connaissait très bien les oiseaux bien
sûr, et relativement les vertébrés. Les insectes occupaient déjà une place majeure dans
l’ensemble, ils représentent déjà la moitié de la totalité des espèces connues à cette époque. On
a mis à part les espèces végétales, bien sûr, et à l’époque, on ne savait rien ou pratiquement sur
les bactéries libres et on ne connaissait même pas les bactéries infectieuses : donc le monde
des micro-organismes est encore inconnu.
La diapo suivante nous montre plusieurs courbes extraites de différents auteurs qui indiquent de
quelle manière, pour les différentes classes de vertébrés, ont évolué les chiffres. Là, vous avez
Linné : 1 335 vertébrés dans la dixième édition de 1758 du Système de la Nature. Et on voit les
chiffres progresser. Ces courbes tendent à s’aplatir un peu pour les oiseaux, les reptiles et les
mammifères. Il reste les poissons qui restent en progression et vous voyez le total pour les
vertébrés en 1997 : 51 000 espèces. La première idée qu’il faut retenir de cette diapo est que
l’histoire naturelle n’est pas figée, les inventaires ne sont pas clos, loin de là.
Où en est-on aujourd’hui ? On a décrit en comptant les micro-organismes et les végétaux, 1,7
millions d’espèces et qui ont une diagnose que l’on sait reconnaître et dont on connaît plus ou
moins bien la morphologie et dans de rares cas, l’histoire passée à travers une phylogénie
maintenant basée sur des considérations moléculaires qui ont beaucoup enrichi cette approche.
Vous le voyez, on en est vraiment au début sur le monde des micro-organismes et la dernière
ligne de ce tableau vous persuade, si vous en doutiez encore, que zoologie et botanique ne sont
pas des sciences mortes, même si parfois en France, on a tendance à fort injustement les
traiter. Ce qu’on obtient actuellement comme résultats à l’échelle mondiale, c’est quand même
une dizaine de milliers d’espèces nouvelles qui s’ajoutent chaque année et cela n’intéresse pas
seulement les mers ou les terres lointaines mais également les plus proches, donc un domaine