carmen SELON OLIVIER PY
Olivier Py et son complice Pierre-André Weitz devaient fatalement, tôt ou tard, braquer les projecteurs de leur travail
créatif sur l’héroïne de Mérimée, revue et corrigée par les sieurs Bizet, Meilhac et Halévy, avant l’ultime retouche
apportée par Guiraud : ils ont joué et chanté ensemble dans Carmen ! Si l’œuvre possède pour eux une sorte de
dimension affective, le premier, à la fois comédien, auteur, metteur en scène, chanteur à l’occasion, a décidé d’emblée
d’en revenir à la version originale, généralement négligée, conçue selon la trame du genre opéra-comique, avec
alternance du chanté et du parlé. « Il y a là une véritable richesse d’expression dramatique et scénique, trop alourdie par
les récitatifs de Guiraud » précise Olivier Py, lequel a trouvé la parade et élaboré pour cette production, des dialogues
parlés nouveaux et allégés, en revenant volontiers au texte original de Mérimée.
Autre jalon d’importance quant à cette nouvelle Carmen : « Ce ne sera absolument pas une espagnolade avec côté
exotique à la clé, comme souvent avec cet ouvrage. Mais plutôt un regard sur un conflit quasiment intemporel entre
l’Amour et la Mort. Un rapport de force entre Eros et Thanatos. Un combat pour la vie où, sur scène, les mouvements
des artistes, correspondent à ceux de la partition, dans la fosse. »
Comme il fallait bien, tout de même, choisir une temporalité à l’affaire, le choix des deux créateurs s’est tourné vers un
pays anonyme, qui pourrait bien être la France d’hier à aujourd’hui, dans un univers résolument urbain, industriel de
surcroît, avec sa rue aussi anonyme que violente, ses prostituées et ses vendeurs à la sauvette… Tout ce petit monde
vivant et s’agitant là, dans une sorte de paradis perdu, de coulisses à la vie. « Un lieu de toutes les bravades, de toutes
les violences ; celles de la politique comme celles de la société et celles de la sexualité. » Un lieu asservi, déclassé,
où l’issue, le faux sauvetage, la feinte délivrance prennent l’aspect d’un peep show, avec ses néons clignotants et ses
rideaux à paillettes. « Un lieu de combat aussi, car Carmen est un opéra de la révolte. Un opéra de combat » ajoute
Olivier Py. « La révolution est dans la rue, Carmen est ici une Africaine et non pas une Bohémienne. Une solitaire,
habitée par la rage révolutionnaire, éprise de liberté dans ses choix, ses attitudes, ses amours. Elle ne veut pas être
ravalée au rang d’objet sexuel. A travers Don José, elle vise la société bourgeoise. C’est un peu la revanche du peuple.
Mais du coup, dans ce monde de faux-semblants, quand elle aime vraiment, elle est forcément défaite. »
Pour narrer, sans complaisance, cette tranche de vie, le metteur en scène a décidé de véritablement mobiliser les lieux
et de les faire participer à l’action : « tout comme la musique, qui est mouvement et ouvre des espaces sonores, le cadre
de scène de l’Opéra de Lyon va être aussi en mouvance. Il va montrer à la fois l’avers et l’envers des choses. Jouer
le rôle d’une 3e dimension, avec un décor unique, tournant sur lui-même à vue, montrant aussi bien les artistes qui se
maquillent que les techniciens qui travaillent. »
Du travail sur la planche, donc, s’il est vrai que, comme le dit Olivier Py lui-même : « Autant Carmen est un ouvrage
facile à écouter, autant il est difficile à mettre en scène ».
Gérard Corneloup