N°12 - Fondation Jean-Jaurès / Orion - Observatoire de la défense - 11 mai 2011 - page 3
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La puissance
stratégique
et militaire
chinoise
La première étape de cette modernisation a été lancée par Deng Xiaoping en 19782.
Les objectifs de l’armée populaire de libération (APL) étaient auparavant
principalement limités à la sécurisation de l’intégrité du territoire et au
développement de capacités permettant d’envahir puis d’occuper Taïwan. On était
encore dans le contexte de la « révolution culturelle » et de 1966 à 1976, le monde
militaire chinois restait marqué par la stratégie maoïste, qui accordait beaucoup
d’importance à la guérilla. Rompant progressivement avec cette culture de
mobilisation générale de la population dans le cadre d’une « guerre du peuple »,
l’APL commence à se professionnaliser et à être pensée pour des opérations de
projection de puissance loin des côtes chinoises. La première guerre du Golfe
renforcera cette réorientation stratégique, de même que les enseignements tirés des
conflits dans les Balkans, en Irak puis en Afghanistan.
L’APL se réforme ainsi en une armée plus moderne : il s’agit d’avoir des forces
capables d’être projetées aux frontières de la Chine ou dans son voisinage, avec un
armement de haute technologie. L’objectif stratégique devient celui de « gagner un
conflit local dans les conditions de la guerre de l’information et de haute technologie ».
Mais le concept stratégique dominant de la Chine reste celui de « l’émergence
pacifique » et les autorités parlent d’une stratégie « défensive par nature ».
Le périmètre de la puissance militaire chinoise s’est néanmoins élargi, la stratégie
militaire incluant désormais des éléments financiers et sociaux, mais aussi les
nouvelles technologies de l’information et de la communication3. La politique
militaire chinoise prend en compte de nouvelles priorités : la logique de précision
des frappes, l’intégration interarmes et interarmées, la mise en place de systèmes
C4ISR4efficaces, la projection des forces. L’APL est devenue active dans la lutte
contre le terrorisme ou la piraterie. Elle participe désormais à des opérations
humanitaires et de maintien de la paix dans un cadre multilatéral (par exemple au
Soudan en 2006, mais aussi au Libéria ou en République Démocratique du Congo).
Ainsi, le Général Chen Youyi, Directeur du Département des Opérations de
Maintien de la Paix au ministère de la Défense chinois, écrivait-il en octobre 2010,
2. En décembre 1978, Deng ouvre formellement l’ère des réformes en annonçant « quatre modernisations » qui
devaient faire de la Chine une des grandes puissances : l’agriculture, l’industrie, la science et les forces armées.
3. Comme en atteste l’ouvrage de deux anciens colonels, Qiao Liang et Wang Xiangsui, intitulé « La guerre hors
limites ».
4. C4ISR est un sigle emprunté au vocabulaire militaire et qui fait référence à un ensemble de fonctions qui
rentrent dans le cadre de la coordination des opérations. En l’occurrence : Computerized Command, Control,
Communications, Intelligence, Surveillance, Reconnaissance. Le système comptait avant 2007 un 4e« C » mais
par souci de facilité, le sigle est resté inchangé.