DG Trésor/SER Singapour/SE Phnom Penh Novembre 2015 SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU CAMBODGE Description de la structure de l’économie Voisin de la Thaïlande, du Laos et du Vietnam, le Cambodge est situé au centre d’une zone de croissance forte comptant 675 M de consommateurs, proche des marchés chinois et indien. Il peut se prévaloir d’une indéniable stabilité politique et rejoindra l’union douanière de l’ASEAN le 1er janvier 2016. En 2012, le pourcentage de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est tombé à 17,7%1. La concentration de l’urbanisation et donc de l’activité économique dans la région de Phnom Penh est très élevée : 90% de l’expansion urbaine a eu lieu dans les limites administratives de la capitale où la densité de population atteindrait 8 600 habitants/km². Avec un PIB de 16,7 Mds USD en 2014 pour 15,3 M d’habitants, le Cambodge figure parmi les huit pays asiatiques les moins avancés, dont trois sont en ASEAN (avec Birmanie et Laos). Son économie est cependant en forte progression (croissance estimée à 7% en 2014 et qui devrait rester à un niveau identique en 20152) et attire un volume croissant d’investissements étrangers dont près de la moitié provient de Chine. Si le potentiel de développement des industries pétrolière et minière du pays permet aux dirigeants cambodgiens de « rêver d’un avenir radieux, » la croissance est aujourd’hui essentiellement tirée par le secteur de la construction et les exportations de vêtements et chaussures, résultant notamment de la franchise de droits de douane accordée au Cambodge par l’Union européenne (UE) dans le cadre du programme « Tout sauf les armes. » Son économie est l’une des plus ouverte aux investissements étrangers et aux importations (taux d’ouverture commerciale de 63%, derrière la Malaisie). Les droits de douane sont faibles et aucun secteur d’investissement, hors armement, n’est soumis à autorisation préalable. Les investisseurs étrangers peuvent détenir 100% du capital d’une entreprise de droit cambodgien. Si les infrastructures restent déficientes aussi bien en termes de quantité que de qualité, en particulier sur le plan logistique – réseaux routier et ferré, ports, aéroports – le pays souffre également d’un déficit énergétique et d’un prix de l’électricité parmi les plus élevés de la région3, qui constituent autant de freins au développement. Une douzaine de projets de centrales hydroélectriques et thermiques sont toutefois en cours de réalisation, tandis que l’exploration de quatre blocs offshore gaziers et pétroliers pourrait permettre, dans une dizaine d’années, à l’économie cambodgienne de changer de dimension. Eléments d’analyse conjoncturelle L’important rattrapage réalisé par l’économie cambodgienne depuis 25 ans a été tiré par la politique d’ouverture des autorités qui a permis au pays de bénéficier de ses avantages comparatifs à l’échelle globale. Le rattrapage se poursuit depuis 2011, avec une croissance soutenue de plus de 7 % par an, 2 points de plus que la moyenne ASEAN. Les quatre moteurs de la croissance cambodgienne restent l’agriculture, les services, l’industrie (notamment de confection) et le tourisme. En 2014, les exportations de vêtements, essentiellement vers l’UE et l’Amérique du Nord, ont procuré un revenu équivalent à 35% du PIB et, après avoir accueilli 4,5 M de touristes étrangers en 2014 (essentiellement vietnamiens, chinois, sud-coréens et russes), le Cambodge s’est fixé un objectif de 5 M de visiteurs pour 2015 et 7,5 M à l’horizon 2020. Si l’inflation est restée modérée en 2014 (3,8%), celle-ci devrait ralentir en 2015 (à 2,6% selon le FMI) en raison de la baisse des prix des matières premières (et notamment des hydrocarbures). Le taux de change demeure globalement stable à 4 010 riels pour 1 USD, en légère appréciation de 2,2% sur un an, ce qui revêt une importance relative dans une économie presque intégralement dollarisée et montre un début de confiance des Cambodgiens dans leur monnaie, une première dans l’histoire du pays. Cependant, cette stabilité pourrait affecter la compétitivité-prix du pays compte tenu de l’évolution récente des autres monnaies de la région (le bath thaïlandais s’est déprécié de 11% depuis le 1er janvier 2015), rendant ainsi la destination Cambodge relativement plus chère. Le déficit de la balance commerciale qui représente 18% du PIB en 2014 (-2,9 Mds USD, estimation CNUCED) résulte à la fois du renforcement de la demande intérieure, le pays demeurant très dépendant des importations de biens d’équipement et de matières premières, et de l’absence de véritables niches de compétitivité à l’exportation en dehors du textile, secteur intrinsèquement fragile. Le déficit du solde courant est couvert par l’APD (900 M USD en 2014, dont 2/3 de dons), les IDE (1,7 Md USD en 2014 d’après la CNUCED) et les flux nets d’investissements de portefeuille (700 M USD en 2013) mais représente toutefois 13% du PIB. L’équilibre des comptes extérieurs dépend par conséquent de la confiance que lui accordent les bailleurs de fonds internationaux, les investisseurs étrangers et, dans une moindre mesure, les migrants. Les réserves de change continuent de progresser, et auraient atteint, en décembre 2014, 4,4 Mds USD (4 mois d’importations selon le FMI4). A noter que depuis la période 2007-2012, le tassement de la production agricole a provoqué une nette baisse du taux annuel de recul de l’extrême pauvreté de près de 6% à moins de 1,5% désormais. 2 Le ministère de l’Economie et des Finances (MEF) estime le taux de croissance du PIB de 8,3% en 2015, pour atteindre 18,3 Mds USD. 3 Le prix de l’électricité atteint 19 cents/kWh, contre 6 cents/kWh au Laos. 4 En juillet 2015, les données CEIC indiquent 6,3 Mds USD de réserves (soit 4,3 mois d’importation, en hausse de 13% en ga). 1 Politique économique En 2014, le déficit budgétaire s’est contracté à 1,3% du PIB et devrait atteindre -0,8% à l’horizon 2017, en raison d’un accroissement lent des recettes fiscales (16% du PIB en 2014) provenant de la mise en place de la stratégie de mobilisation des recettes et d’un taux de croissance élevé. Le pays souffre cependant d’un déficit chronique d’investissement dans les secteurs de l’éducation et de la santé, structurellement sous-financés en dépit des efforts consentis dans ce domaine par les bailleurs de fonds internationaux et de nombreuses ONG5. Le poids de l’aide publique au développement ayant atteint 3% du PIB en 2014, le gouvernement a décidé d’augmenter le montant autorisé des emprunts à l’étranger de 33% sur les 3 prochaines années (passant de 600 M de Droits de Tirage Spéciaux en 2015 à 800 M en 2018), afin de répondre à la baisse tendancielle des subventions et des prêts concessionnels qui accompagne la transition du pays vers une économie à revenu intermédiaire. La dette de l’Etat cambodgien, à 31,1% du PIB, est jugée soutenable par le FMI et la dette publique extérieure est estimée à 33% du PIB. L’économie du Cambodge étant fortement dollarisée (80% des dépôts bancaires sont en dollar US), la banque centrale et le MEF sont de facto privés des instruments traditionnels d’une politique monétaire, rendant nécessaire le ciblage du taux de change par la Banque centrale. Secteur bancaire Des interrogations subsistent sur la solidité du système bancaire cambodgien. Les craintes portent sur la capacité du Trésor à supporter la défaillance simultanée de plusieurs établissements bancaires dans un pays qui compte 40 banques dont cinq dominent le marché et douze, détenant environ 40% des dépôts, sont considérées comme fragiles. En dépit du nombre réduit de banques réellement fiables, le secteur bancaire participe indéniablement au financement de l’économie réelle et des PME, en particulier dans les domaines de la construction et de la distribution. Si la faiblesse de la supervision bancaire – moyens alloués dérisoires, faible qualification des auditeurs, classement hors champ des établissements de microfinance – et la piètre gouvernance du secteur constituent des facteurs aggravants, le récent élargissement des réserves requises pour couvrir l’endettement en devises contribuera à renforcer le système financier du pays. En mai 2015, les dépôts bancaires ont atteint 10,5 Mds USD, soit une progression de 24% en ga. Sur la même période, les crédits se sont élevés à presque 10,4 Mds USD, portant à plus de 95% le ratio crédits/dépôts (contre 90% en 2013). Malgré la croissance rapide du crédit, celle de l’investissement a ralenti de façon préoccupante de 8% à 4% par an depuis la crise financière internationale de 2008-2009. Perspectives et réformes structurelles L’adoption par le gouvernement d’une politique de développement industriel à l’horizon 2025 vise à diversifier l’économie en orientant les investissements étrangers vers les secteurs de l’agroalimentaire, de l’artisanat et de l’industrie légère. S’agissant de l’agriculture, l’enjeu consiste à parvenir à transformer les produits (en particulier le riz, dont seulement 25% des exportations concernent du riz blanchi) avant de les exporter. Dans le tourisme, il s’agit de mieux tirer profit de la demande accrue des pays asiatiques6 (Vietnam et Chine notamment) et de développer les infrastructures d’accueil et de transport afin de favoriser un tourisme haut de gamme. S’agissant du secteur textile, le Cambodge doit créer une véritable filière permettant d’accroître la valeur ajoutée locale tandis que le pays a développé des zones économiques spéciales à ses frontières et dans le port de Sihanoukville pour exporter des produits à bas prix. La compétitivité hors prix de l’économie cambodgienne demeure faible et contribue à ses coûts de production relativement élevés qui s’expliquent par les freins que constituent la pénurie énergétique, l’insuffisant développement des infrastructures de transport, l’incertitude de l’environnement des affaires et la faible qualification de la main d’œuvre. Afin d’accroître son potentiel de croissance, le gouvernement tente d’améliorer la couverture des besoins en électricité ainsi que la qualification de la population active, sans laquelle une montée en gamme des produits demeure illusoire, mais le chemin à parcourir est encore long. Des efforts colossaux, à l’échelle du pays, doivent être réalisés en matière d’éducation et de formation continue, alors que le taux de scolarisation dans le secondaire ne s’élève qu’à 44%. Enfin, le pays est pénalisé par la faiblesse de sa gouvernance économique, le niveau élevé de la corruption7 et par des conflits sociaux (industrie textile). Dans ce contexte, l’adoption en mars 2010 d’un projet de loi anti-corruption, en préparation depuis 15 ans, par l’Assemblée nationale ne constitue qu’une première étape, complétant les dispositions du Code pénal. Ces progrès ont néanmoins permis au pays de passer de la liste « gris foncé » du GAFI à la liste « grise ». Il n’en reste pas moins que la stabilité politique du Cambodge, renforcée depuis la désignation par Hun Sen de Sam Rainsy comme leader « officiel » de la minorité parlementaire d’opposition, demeure, dans un contexte régional instable, un atout important aux yeux des investisseurs étrangers – à ce jour essentiellement asiatiques (92% du montant total des IDE). A titre d’exemple, l’Union européenne s’est engagée à verser 510 M USD de subventions au Cambodge au cours des 5 prochaines années dans les secteurs de l’éducation, de l’agriculture et de la bonne gouvernance. 6 A noter, le Cambodge et la Thaïlande ont signé le pacte « deux Royaumes, une destination » entérinant la création d’un visa touristique commun. 7 Le Cambodge figure en 2015 au 135e rang mondial (sur 189) de l’indicateur Doing Business de la Banque mondiale et au 156 e rang (sur 175) du classement établi par Transparency International. 5