Structure de l`économie Au cœur de l`ASEAN, entre Thaïlande, Laos

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DG Trésor/SE Phnom Penh
Novembre 2016
SITUATION ECONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU CAMBODGE
Structure de l’économie
Au cœur de l’ASEAN, entre Thaïlande, Laos et Vietnam, le Cambodge est situé dans une zone de forte croissance entre les
marchés chinois et indien, comptant plus de 630 M de consommateurs et dotée d’un marché unifié (la Communauté
économique de l’ASEAN) depuis le 1er janvier 2016. Avec un PIB estimé à 17,8 Mds USD en 2015 pour une population
jeune (70 % a moins de 35 ans) de 15,6 M d’habitants, le Cambodge a été reclassé en juillet 2016 par la Banque Mondiale
dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire1. Il reste, toutefois, l’un des trois pays les moins avancés (PMA) d’ASEAN
avec la Birmanie et le Laos. La pauvreté a reculé dans la dernière décennie (le taux de pauvreté passant de 50 % en 2004 à
17,7 % en 2012) mais la précarité économique progresse et les inégalités, notamment géographiques, persistent avec la
concentration de l’activité dans les centres urbains (agglomérations de Phnom Penh et de Siem Reap au premier chef).
Avec une progression du PIB de 8 % par an, l’économie cambodgienne connaît un rattrapage rapide depuis 20 ans, stimulé
par la politique d’ouverture des autorités qui a permis au pays de bénéficier de ses avantages comparatifs à l’échelle
mondiale. La croissance est soutenue par d’importants flux d’aide internationale et d’investissements étrangers dans
lesquels la Chine se taille la part du lion. Dans l’attente du développement du potentiel pétrolier et minier du pays, la
croissance est aujourd’hui essentiellement tirée par la construction, le tourisme et les exportations textiles qui bénéficient
de franchises de droits de douane de l’Union européenne (UE), dans le cadre du programme « Tout sauf les armes », et des
Etats-Unis (SPG+). L’économie cambodgienne est l’une des plus ouverte de la région aux investissements étrangers et aux
importations (taux d’ouverture commerciale de 73 % en 2014, derrière Singapour et le Vietnam). Les droits de douane sont
faibles, aucun secteur d’investissement, hors armement, n’est soumis à autorisation préalable et les investisseurs étrangers
peuvent détenir 100 % du capital d’une entreprise de droit cambodgien.
Les principaux aéroports ont été remis à niveau mais des infrastructures routières, ferroviaires et portuaires déficientes
pèsent sur les coûts logistiques alors que le pays souffre encore d’un déficit énergétique et d’un prix de l’électricité parmi
les plus élevés de la région2, qui constituent autant de freins au développement. La mise en service récente de centrales
hydroélectriques et thermiques redresse, toutefois, l’indépendance énergétique du Royaume et, avec le développement du
réseau électrique, contribue à élargir un accès au réseau d’électricité encore largement circonscrit aux agglomérations.
Evolution conjoncturelle
Le rattrapage se poursuit depuis 2011 à un rythme moyen de croissance du PIB de 7 % par an qui devrait se maintenir à ce
niveau en 2016, selon le FMI. Le pays se place ainsi au 3ème rang des pays de l’ASEAN les plus performants (avec la
Birmanie et le Laos). La croissance économique reste tirée par trois principaux moteurs de croissance : l’industrie –
confection et chaussures, notamment –, la construction et les services – portés par l’inclusion financière et le tourisme3 –
alors que l’agriculture, qui représente 47 % de l’emploi et 33 % du PIB, voit sa production stagner depuis trois ans.
Alors qu’il avait accompagné la croissance par une hausse des rendements et des investissements dans la première
transformation des produits de 2004 à 2012, le secteur agricole souffre depuis, en effet, de conditions climatiques extrêmes
(effets d’El Nino et La Nina). La production devrait se redresser en 2016, du fait d’un climat plus favorable et d’une nouvelle
progression des surfaces cultivées, en riz (qui représente 60 % de la valeur ajoutée du secteur), notamment.
Le secteur textile-chaussures qui pèse 12 % du PIB et plus de 78 % des exportations en 2015 continue de croître à un rythme
soutenu. Il serait, en 2016, le principal contributeur à la croissance (2 points de croissance) alors que les exportations
s’accélèrent (+ 10,5 % au premier semestre 2016 après + 7,8 % pour la même période en 2015), performance due à la
solidité de la demande européenne et au retour à la normale des relations du travail. Le secteur doit, cependant, faire face à
de nombreux défis. Une vive progression du salaire minimum, d’abord (qui a doublé de 2012 à 2015 avant un relèvement
de 9,4 % à 140 USD en janvier 2016), plus rapide depuis quatre ans que les gains de productivité (qui ont progressé
fortement jusqu’en 2012 mais stagnent depuis autour de 12 000 USD/salarié/an). La dollarisation de l’économie
cambodgienne, ensuite, dans un contexte d’appréciation du dollar. La concurrence accrue à venir, enfin, des autres pays à
bas coûts de main d’œuvre tels que la Birmanie ou le Vietnam, ce dernier devant, à terme, bénéficier, en outre, de l’érosion
de l’avantage tarifaire relatif du Cambodge avec la mise en œuvre de l’accord de libre-échange UE/Vietnam.
Le secteur de la construction, premier contributeur à la croissance en 2014 et en 2015, poursuit une vive expansion, à peine
freinée par le resserrement de la régulation bancaire. 1 200 projets ont été approuvés au 1er semestre 2016 pour un total de
6,8 Mrds USD à comparer aux 2 000 projets approuvés pour l’ensemble de l’année 2015 (3,3 Mrds USD). La crainte de
l’émergence d’une bulle immobilière a conduit au report de certains projets importants mais l’afflux des investissements
étrangers (Corée du Sud dans le haut de gamme, Chine pour les logements les moins onéreux) persiste.
Le tourisme continue de progresser (il représenterait près de 17 % du PIB) mais moins vivement en 2016 avec le
renchérissement de la destination Cambodge et les limites que rencontrent les infrastructures. Le déficit de la balance
commerciale qui représente 20,7 % du PIB en 2015, selon le FMI, résulte à la fois du renforcement de la demande intérieure,
le pays demeurant très dépendant des importations de produits agricoles finis, de biens d’équipement et de matières
1
Son revenu national brut par habitant a atteint 1 140 USD en 2015, au-dessus du seuil fixé par la Banque Mondiale à 1 025 USD/hab.
Le prix de l’électricité atteint 19 cents/kWh, contre 6 cents/kWh au Laos.
3 Après avoir accueilli 4,8 M de touristes étrangers en 2014, le Cambodge a fixé un objectif de 7,5 M à l’horizon 2020.
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premières, et de la faible diversification de l’appareil exportateur cambodgien4. Le Cambodge bénéficie, cependant, de la
baisse des prix des matières premières (hydrocarbures, notamment) et des matériaux de construction largement importés de
Chine qui a sensiblement ralenti l’inflation en 2015 (1,2 % en moyenne annuelle). La hausse des prix des produits
alimentaires au printemps dernier pourrait, toutefois, entraîner une accélération de la hausse des prix à 3,1 % en 2016.
Le déficit du solde courant est couvert par l’APD (900 M USD en 2014, dont 2/3 de dons), les IDE (1,7 Md USD en 2015
d’après la CNUCED) et les flux nets d’investissements de portefeuille (700 M USD en 2013) mais représente encore 10,6
% du PIB. L’équilibre des comptes extérieurs dépend par conséquent de la confiance que lui accordent les bailleurs de fonds
internationaux, les investisseurs étrangers et, dans une moindre mesure, les migrants5. Les réserves de change continuent
de progresser et auraient atteint, en décembre 2015, selon le FMI, 5,3 Mds USD (4 mois d’importations6).
Politique économique
En 2015, le déficit budgétaire s’est contracté à 1,6 % du PIB en raison d’une forte progression, depuis deux ans, des recettes
fiscales (qui atteignent, fin 2015, 18,5 % du PIB) résultant du déploiement de la stratégie de mobilisation des recettes. Il
devrait se creuser en 2016 à 2,6 % du PIB du fait de la progression attendue de la masse salariale et de la consommation
publique. La dette publique extérieure, à 32,1% du PIB, est jugée soutenable par le FMI mais les finances publiques restent
fortement dépendantes de l’aide extérieure. Le gouvernement a, d’ailleurs, décidé de relever le montant autorisé des
emprunts à l’étranger (de 600 M de Droits de Tirage Spéciaux en 2015 à 800 M en 2018), afin de répondre à la baisse
tendancielle des subventions qui accompagne l’émergence du pays.
L’économie étant fortement dollarisée (83 % des dépôts bancaires sont en USD), la Banque centrale est de facto privée des
instruments traditionnels d’une politique monétaire, rendant nécessaire le ciblage du taux de change. La stabilité du riel est,
en effet, primordiale au maintien de l’équilibre entre l’économie rurale et les zones urbaines en forte croissance.
Secteur bancaire
Des interrogations subsistent sur la solidité du système bancaire cambodgien qui compte 47 banques. Une progression
rapide du crédit bancaire (près de 30 % par an depuis trois ans) a porté le ratio crédit/PIB à 62 % 7. La concentration
croissante des crédits dans l’immobilier et de la construction va, par ailleurs, de pair avec leur faible productivité. Dans ces
conditions, les mesures prises par la Banque nationale du Cambodge (relèvement des réserves sur les prêts en devises,
contrôle de la liquidité, relèvement des seuils de capital) restent insuffisante et le FMI recommande, avec un renforcement
de la supervision bancaire, l’alignement progressif des institutions de microfinance sur la règlementation bancaire.
En 2015, les dépôts bancaires ont atteint 12,6 Mds USD (+ 19 % en ga). Sur la même période, les crédits se sont élevés à
15 Mds USD, portant à 119 % le ratio crédits/dépôts (contre 90 % en 2013). Malgré la croissance rapide du crédit, la part
de l’investissement privé reste stable à 15 % du PIB, en l’absence, à ce jour, de diversification industrielle.
Perspectives et réformes structurelles
L’adoption par le gouvernement d’une politique de développement industriel à l’horizon 2025 vise à diversifier l’économie
en orientant les investissements étrangers vers l’agroalimentaire, l’artisanat et l’industrie légère. Pour l’agriculture, l’enjeu
est de transformer davantage la production avant exportation. Dans le tourisme, il s’agit de mieux tirer profit de la demande
accrue des pays asiatiques (Vietnam et Chine notamment) et de développer les infrastructures afin de favoriser un tourisme
haut de gamme. Dans le secteur textile, le Cambodge doit créer une véritable filière à plus forte valeur ajoutée locale.
La compétitivité hors prix de l’économie cambodgienne demeure faible et contribue à des coûts de production et de
logistique élevés (infrastructures de transport fragiles, incertitude de l’environnement des affaires, faible qualification de la
main d’œuvre). Pour relever le potentiel de croissance, le gouvernement tente d’améliorer la couverture des besoins en
électricité et la qualification de la population active mais le pays souffre encore d’un déficit d’investissement dans les
secteurs de l’éducation et de la santé, structurellement sous-financés en dépit des efforts consentis dans ce domaine par les
bailleurs de fonds internationaux et de nombreuses ONG. Des efforts colossaux, à l’échelle du pays, doivent être réalisés
en matière d’éducation et de formation continue, alors que le taux de scolarisation dans le secondaire ne s’élève qu’à 44 %.
Le pays est pénalisé par la faiblesse de sa gouvernance économique et le niveau élevé de la corruption8 qui ne semble
cependant pas rebuter les investisseurs asiatiques (92 % du montant total des IDE). Dans ce contexte, l’engagement du
pays, depuis juin 2011, à travailler avec le GAFI et le GAP afin de corriger ses défaillances stratégiques en matière de
blanchiment d’argent et de financement du terrorisme sont autant de progrès qui expliquent son retrait de la liste « grise »
du GAFI depuis février 2015.
L’indice de complexité économique (ICE) du Cambodge était de -0,9 en 2013, plaçant le pays au 96ème rang sur 124 économies. L’ICE englobe des
informations sur la diversification des pays en termes d’exportations et de sophistication de l’appareil productif.
5 Les transferts des migrants ont plus que doublé en 2014, passant de 167 à 363 M USD (2,2% du PIB), selon la Banque centrale, et ont atteint 110 M
USD au T1 2015.
6 En octobre 2015, les données CEIC indiquent 6,6 Mds USD de réserves (soit 4,4 mois d’importation, en hausse de 15% en ga).
7 Un niveau très supérieur à la moyenne observée dans les économies émergentes et près de deux fois celle des PMA. Ces données n’incluent pas les
activités des institutions de microfinance dont la prise en compte porterait le ratio crédit/PIB à près de 80%.
8 Le Cambodge est au 131 e rang mondial (sur 189) de l’indicateur Doing Business (2017) et au 156e rang (sur 175) du classement (2015) de
Transparency International.
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