CHAPITRE 2 suite : STABILISATION ECONOMIQUE ET MOBILITE IMPARFAITE DES CAPITAUX La Turquie suit une politique de control des mouvements de capitaux jusqu’aux années 1980. L’idée de la libéralisation financière apparait au début des années 1980 et est réalisée en 1989. Depuis, il n’existe pas de control sur les mouvements de capitaux entre la TR et le reste du monde (RdM). L'instauration d'un contrôle des mouvements de capitaux doit réduire ou supprimer les transferts d'actifs financiers entre un pays et l'étranger. Un tel contrôle peut prendre les formes suivantes : -prélèvement de taxes sur les opérations internationales pour en réduire le rendement, -limitation ou interdiction d'opérations financières internationales, comme les prêts en monnaie nationale par des résidents aux non-résidents ou les investissements à l'étranger, -autorisations accordées aux résidents par un office des changes pour effectuer les règlements en devises que nécessitent les transactions financières, -obligation pour les résidents voulant acheter des titres étrangers d'acquérir les devises nécessaires sur un marché spécifique qui est alimenté par les ventes de titres étrangers. Ce marché diffère de celui qui permet de financer les opérations commerciales (système du double marché des changes). En cas de limitation des mouvements de capitaux, les ajustements de portefeuille induits par les écarts entre les rendemnents attendus des titres prennent du temps. De plus, mobilité imparfaite des capitaux s'accompagne d'une substituabilité imparfaite entre les actifs. 1-Un modèle de demande macroéconomique Le modèle décrit une petite économie qui est composée d'un secteur privé, de l'Etat et de la banque centrale, et qui entretient des relations avec l'extérieur. On suppose comme dans le cgapitre précédent, que les prix sont fixes et que le pays adopte un regime de change fixe. Le modèle est formé des conditions d’équilibre sur les différents marchés. Nous allons procéder comme nous avons fait en cas de mobilité parfaite des capitaux. Nous allons décrire les conditions d’équilibre sur chaque marché. 1.1-Les conditions d'équilibre sur les marchés d'actifs Il existe dans le pays considéré deux marchés d'actifs : celui des titres nationaux et celui de la monnaie. -L'équilibre sur le marché des titres nationaux Sur le marché des titres nationaux, l'offre provient de l'Etat. Celui-ci émet des actifs qui comportent pour leurs détenteurs un risque différent de celui qui est attaché à la possession de titres étrangers. De ce fait, à l'équilibre, le taux d'intérêt des obligations nationales r diffère du taux étranger r * d'une valeur ρ qui correspond à une prime de risque pour une variation anticipée nulle du taux de change: r - r* = ρ [4] En effet, si les détenteurs d'actifs considèrent par exemple que les titres nationaux sont plus risqués que les titres étrangers, ils exigent un taux r supérieur à r * pour les conserver dans leur portefeuille. Les deux catégories d'obligations forment donc des substituts imparfaits dans la mesure où il n'est pas indifférent pour les agents de détenir des titres nationaux ou 2 étrangers, sauf dans le cas où la prime de risque est suffisante pour satisfaire la relation [4]. Contrairement, au chapitre précédent, on suppose que les obligations nationales ne sont demandées que par les résidents. Les étrangers ne demandent pas des titres domestiques mais les résidents peuvent acquerir des titres étrangers. Donc il y a une assymétrie concernant l’access au marché des titres. Les résidents n’ont pas d’influence sur le taux d'intérêt étranger r * . -L'équilibre sur le marché de la monnaie Sur le marché de la monnaie nationale, l'offre M/P émane de la banque centrale qui émet le stock de monnaie existant en contrepartie des créances sur l'Etat et sur l'extérieur. La demande ne provient que des résidents privés. Elle dépend du revenu global Y et des taux d'intérêt des titres nationaux (r) et étrangers (r * ), comme dans le chapitre précédent. La condition d'équilibre sur ce marché se définit donc de la façon suivante pour des prix nationaux P et étrangers P* unitaires: M = L(Y, r, r * ); L Y > 0, L r , L r * < 0 [5] Dans cette relation, la demande de monnaie L ne comporte pas le patrimoine comme argument, conformément aux formulations traditionnelles des modèles de type Mundell-Fleming utlilisés en cas de mobilité imparfaite des capitaux. Cette lacune caractérise également la demande de biens que l'on définira plus loin. 1.3-Le marché de biens et services Cette détermination est exprimée par l'égalité suivante entre le produit global Y et la demande macroéconomique, pour P et P* =1 Y = D(Y, T, r, E) + (1 − g)G + X(Y* , T * , r * , E); D Y , D T , X Y * , X E > 0; D T , D r , X T* , X r * < 0 [6] La relation (6) a été expliquée au chapitre précédent. On la reprend ci-dessous : 3 -la demande D émanant des résidents privés et portant sur les produits nationaux dépend du revenu global Y, des impôts T, du taux d'intérêt r et du taux de change E, -la demande étrangère correspondant aux exportations X varie avec le taux de change et les valeurs du revenu Y * , des impôts T * et du taux d'intérêt r * déterminées à l'étranger, -la demande du secteur public G dont une partie m peut porter sur des produits étrangers est autonome. La demande macroéconomique détermine le niveau du produit global qui pour des prix et des salaires nominaux rigides correspond à un sous-emploi keynésien. 1.4-Le solde extérieur Le solde de la balance globale BG . qui traduit l'équilibre ou le déséquilibre extérieur correspond à la somme algébrique des soldes de la balance courante BT et de la balance des mouvements des capitaux non-monétaires CF (le solde du compte de finance dans la balance des paiements). -Le solde de la balance courante Le solde de la balance courante est composé : -du solde de la balance commerciale qui dépend des facteurs influençant les exportations X et les importations exprimées en monnaie nationales IM : le taux de change E , les valeurs des produits globaux et des impôts déterminées dans le pays considérés (Y, T) et à l'étranger (Y * , T * ) et le taux d'intérêt international r * . On néglige l'effet du taux r sur les importations, en supposant que ces dernières portent uniquement sur des biens de consommation, ce qui permet de privilégier l'incidence d'une variation de r sur les mouvements de capitaux. On suppose que les conditions de Marshall-Lerner-Robinson sont remplies. 4 -du solde de la balance des revenus nets du capital financier (solde du compte des facteurs de production BF dans la balance des paiements) qu’on montre par BF(r*). Si r* augmente BF augmente. Le solde de la balance courante se définit donc de la façon suivante pour P,P*=1: BT = X(Y* , T * , r * , E) − H(Y, T, E)E − gG; H Y > 0, H T , H E < 0 [7] Ci-dessus, on a multiplié les importations par le taux de change nominal E (qui est égale au taux de change réel en cas de prix fixes) car les importations sont exprimées en monnaie étrangère et on veut les exprimer en monnaie nationale. -Le solde du compte de finance (mouvements de capitaux) Le solde de la balance des mouvements de capitaux non monétaires dépend généralement, dans un modèle de type Mundell-Fleming, de la différence entre le taux d'intérêt national et le taux étranger : CF = CF(r − r * ); CF1 ≥ 0 [8] CF1 représente la dérivée première de la fonction CF par rapport à (r-r*). Selon cette relation, une hausse du taux de rendement des titres nationaux par rapport au taux d'intérêt étranger incite les résidents à vendre des actifs financiers étrangers et à acheter des obligations nationales. Une baisse de r par rapport à r * exerce un effet inverse. Il en résulte des entrées ou des sorties de capitaux, sauf dans le cas où leur mobilité est nulle (CF1 = 0) . Compte tenu de ces spécifications, le solde de la balance globale est exprimé par la relation suivante : BG = X(Y* , T * , r * , E) − H(Y, T, E)E − gG + CF(r − r * ) [9] 1.5-L'équilibre macroéconomique L'équilibre macroéconomique initial est un équilibre de long terme. Il est caractérisé par : -une épargne privée nulle, 5 -un solde nul du budget de l'Etat, -la constance du volume des réserves, (solde nul de la balance globale) -des soldes nuls de la balance courante et de la balance des mouvements de capitaux non monétaire. Cet équilibre est le point de départ. Il peut changer suite à une politique économique qui va modifier le solde exterieure et le budget de l’Etat, etc… et on arrivera à un nouvel équilibre. L'équilibre peut être représenté graphiquement par l'intersection des courbes qui forment les lieux géométriques des combinaisons entre le produit global Y et le taux d'intérêt r assurant l'égalité entre le produit global et la demande macroéconomique (IS), l'équilibre monétaire (LM) et un solde nul de la balance global (EE-équilibre externe). Les caractéristiques de ces courbes sont spécifiées sur la base d'une différenciation totale des relations [5], [6] et [9] pour une valeur initiale unitaire de E et pour une variation dBG nulle : drIS = (1 − D Y )dY − (1 − g)dG − D T dT − (D E + X E )dE − X Y *dY* − X T *dT* − X r *dr * Dr [10] drLM = - L Y dY + dM − L r *dr * Lr drEE = H Y dY + gdG + H T dT − (X E − H E − H )dE − X Y *dY * − X T*dT* + (CF1 − X r * )dr * [12] CF1 [11] Contrairement au chapitre précédent (mobilité parfaite), nous avons une 3ème droite dans la présentation de l’équilibre. Cette différence vient du fait que, en mobilité parfaite, nous avons toujours r=r* d’une façon instantanée qui représente l’equilibre externe et qui correspond à une droite horizontale. Cette droite horizontale n’a pas été représentée graphiquement dans le chapitre précédent mais elle était présente implicitement. En cas de mobilité imparfaite l’équilibre externe n’est plus une droite horizontale, elle peut changer par exemple avec le Y domestique ou étranger. Sur cette base, on peut représenter l'équilibre macroéconomique A du système dans le graphique 3.1. 6 Graphique 3.1-L'équilibre macroéconomique en cas de mobilité imparfaite des capitaux r IS LM EE A r 1 Y Y 1 Les formes des courbes IS et LM ont été justifiées dans le chapitre précédent. Quant à la courbe EE, elle peut être représentée, à titre d'approximation, par une droite dont la pente peut être supérieure ou inférieure à celle de LM. En cas d'absence de mobilité des capitaux (CF1 = 0) , la droite EE est verticale et en cas de mobilité parfaite ( CF1 → ∞ ) elle est horizontale. L'existence d'un chômage keynésien incite les autorités à mettre en oeuvre une politique agissant sur la demande macroéconomique. 2-Stabilisation économique et équilibre externe L'analyse se place dans le cadre d'une version du modèle de demande macroéconomique. Elle porte sur les effets de la politique monétaire et d'une politique de dépenses publiques financée par les impôts ou par un emprunt . 2.2-Le cadre de l'analyse on suppose que le solde de la balance globale reste équilibré (on maintient l’équilibre externe donc dBG=0). Pour avoir une balance globale nulle, les autorités doivent varier les réserves, donc R est endogène à la différence de l’analyse de court terme. De ce fait, les politiques auront des effets sur Y, r et R. Cette section cherche à déterminer ces effets. 7 Dans ce cas, le modèle est écrit comme suit: dY = DT dT + Dr dr + DE dE + (1 − m)dG + X Y *dY * + X T *dT * + X r*dr * + X E dE 1 − DY [14’] dF + dR = LY dY + Lr dr + Lr*dr * 0 = X Y *dY * + X T *dT * + X r *dr * + X E dE − {E ( IM Y dY + IM T dT + IM E dE ) + IM (Y , T , E )} − gdG + CF1dr a-Les effets de la politique monétaire On cherche les incidences d'une politique d'open market qui se traduit par une variation de la contrepartie F de la masse monétaire. Pour cela on écrit (14’) sous forme matricielle en supposant que toutes les autres varations sont nulles : 1 - D Y IM Y L Y − Dr − CF1 Lr 0 dY 0 0 dr = 0 − 1 dR dF : dY dr dR , = 0; = −1 dF dF dF [25] Selon [25], une politique d'achats de titres par les autorités monétaires contre de la monnaie (dF>0) n'a d'incidence à terme ni sur le niveau d'activité Y, ni sur le taux d'intérêt national r. En effet, en réduisant dans l'immédiat le taux d'intérêt et en stimulant ainsi le niveau d'activité, elle induit un déficit de la balance des mouvements de capitaux (sortie de capitaux) et de la balance courante. Il en résulte une réduction des réserves qui compense l'augmentation initiale des créances sur l'Etat (dR+dF=0). De ce fait le taux r, le revenu global et le stock de monnaie reviennent à leurs niveaux initiaux. Seule la structure des contreparties de la masse monétaire s'est modifiée. b-Les effets d'une expansion budgétaire financée par des impôts 1 - D Y HY L Y − Dr − CF1 Lr 0 dY 1 − g + DT 0 dr = 0 dG − 1 dR g + H Y 8 Les effets d'une augmentation des dépenses publiques financée par celle des impôts (dG=dT) sont mesurés par les expressions suivantes : dY (1 − g + D T )CF1 + (g + H T )D r = dG (1 − DY )CF1 − Dr H Y dr (1 − D Y )(g + H T ) + (1 − g + D T )H Y = dG (1 − DY )CF1 − Dr H Y dR (1 − D Y )(g + H T )L r + (g + H T )D r L Y + (1 − g + DT )(L Y CF1 + L r H Y ) = dG (1 − DY )CF1 − Dr H Y [26] [27] [28] Pour simplifier, supposons que HT et g sont zéro. Selon les relations [26] à [28], des dépenses publiques supplémentaires qui sont financées par des impôts déterminent: -un accroissement du produit global Y, -une variation du taux d'intérêt r dont le sens dépend de ( 1-g + DT) c.a.d la sensibilité des demandes de produits nationaux et étrangers par rapport aux modifications de T, -une variation des réserves résultant du déséquilibre extérieur qui est induit transitoirement par la politique budgétaire. Cette variation dépend du degré de mobilité des capitaux et des réactions des demandeurs aux modifications de Y et r. -si HT=0 et g=0 Dans le cas où les impôts n'influencent pas les importations ( H T = 0 ), une expansion budgétaire se traduit par un déplacement vers la droite de IS en IS' dans le graphique 3.4. Graphique 3.4-Les effets à moyen terme d'une hausse des dépense publiques financée par des impôts r IS IS' LM LM'' LM' C D A EE EE' Y 9 Dans l'immédiat, la hausse de G augmente Y. La demande de monnaie augmente. Pour rééquilibrer le marché de monnaie il faut une hausse de r donc entrée de capitaux. D’autre part, hausse de Y augmente les importations. L'excédent de la balance des capitaux l'emporte sur le déficit de la balance courante si la mobilité est forte (pente EE<pente LM, EE presque horizontal). Il en résulte une appréciation de la monnaie nationale qui nécessite une intervention sur le marché des changes, ce qui induit une hausse des réserves. L'équilibre monétaire se réalise donc pour un stock de monnaie plus important qu'à l'équilibre initial. Cette variation de la masse monétaire influence r et Y, ce qui permet de rétablir l'équilibre de la balance globale au point d'intersection C de IS' et de LM'' situé sur EE. Dans le cas de mobilité faible des capitaux non représenté graphiquement (pente de LM moins forte que celle de EE), les réserves baissent et la courbe LM se déplace vers la gauche. L'expansion budgétaire aboutit donc à un nouvel équilibre qui correspond à l'égalité entre le produit global et la demande macroéconomique, à un équilibre monétaire et à un solde externe nul qui recouvre deux soldes qui se compensent. 3.4-Les effets d'une hausse des dépenses publiques financées par un emprunt L'efficacité d'une hausse des dépenses publiques financée par un emprunt (dG>0, dT=0) est mesurée par les expressions suivantes : dY (1 − g)CF1 + gD r = dG ∆ dr (1 − D Y )g + (1 − g)IM Y = dG ∆ dR (1 − D Y )gL r + gD r L Y + (1 − g )(L Y CF1 + L r IM Y ) = dG ∆ [29] [30] [31] Si g=0 : L'expansion budgétaire qui se traduit par un déplacement de IS vers la droite, le résultat est: 10 Donc le revenu augmente et comme les impôts sont constants, le revenu disponible augmente. Dans ce cas, la demande de biens augmente aussi. D’où un déficit de la balance commerciale et donc courante. D’autre part, r augmente aussi suite au déplacement de IS. Donc on a une entrée de Kaux. Si la mobilité est forte, l’excédent de CF surcompense le déficit de BC et on a une BG positif. Les étrangers achètent des titres domestiques donc vendent des devises pour acquerir des TL, donc appréciation de la monnaie nationale. La BCT va réagir en achetant les devises donc les réserves augmentent. Alors LM se déplace vers la droite. Dans le cas contraire LM se déplace vers la gauche car la BCT doit vendre des devises. La hausse des demande de biens (de Y) augmente la demande de monnaie. Donc le déplacement de la LM correspond à ce besoin. On a un équilibre avec IS et LM déplacée vers la droite, Y et r augmente mais EE reste, on déplace sur la courbe EE car g=0. 3.5-Les limites de la politique budgétaire Dans le modèle retenu l'efficacité de la politique budgétaire est essentiellement limitée par l'importance des importations de l'Etat m, par les obstacles à la mobilité des capitaux CF et par la dépendance du pays envers l'étranger. 3.51-La part des achats de biens importé dans les dépenses publiques L'efficacité de la politique budgétaire financée par les impôts est d'autant plus faible que la part m des achats de biens importés dans les dépenses publiques est importante. Pour une valeur suffisamment élevé de m, la politique budgétaire perd son efficacité ou peut avoir des effets néfastes pour l'activité du pays si les dépenses publiques bénéficient essentiellement aux entreprises étrangères alors que la hausse des impôts pèse sur les résidents. 11 3.52-La mobilité nulle des capitaux La mobilité forte des Kaux fait LM déplacer vers la droite ce qui exerce un effet + sur Y. A l’inverse une mobilité faible provoque une effet négatif sur Y. Donc si la mobilité Kaux est nulle, la politique budgétaire n’a soit pas d’effet sur Y ou un effet négatif sur Y. 12