. A8 LA PRESSE MONTRÉAL VENDREDI 6 MAI 2005 llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll SÉRIE 60 ANS APRÈS 1. Deux destins CAMILLIEN HOUDE, HÉROS ANTICONSCRIPTION Maire de Montréal de 1928 à 1932 et de 1934 à 1936, Camillien Houde reprend les rênes du pouvoir en 1938. Mais en 1940, alors qu'il fait campagne contre l'enregistrement national (l'antichambre de la conscription), il est arrêté par les autorités fédérales et interné au camp de Petawawa. Libéré en 1944, il est accueilli en héros, reprend ses fonctions de maire et occupe le poste jusqu'en 1954. Son attachement à la ville lui vaut le surnom de «Monsieur Montréal». La bague du sergent Joseph Thibaudeau Ils étaient canonniers arrière à bord de bombardiers canadiens. Leurs deux avions se font fait descendre par la Luftwaffe alors qu’ils revenaient d’une mission au-dessus de l’Allemagne. Ils ont reçu l’un et l’autre l’ordre de sauter en parachute. Aujourd’hui, tous deux reposent dans un cimetière des Pays-Bas. Pourtant, ces Québécois ont connu des destinées bien différentes. ANDRÉ DUCHESNE Commotionné. Jean-Claude Thibaudeau n’a pas de mot pour décrire son état en ce jour de l’automne 2002 où l’historien néerlandais Jan van Loo lui a annoncé, dans son petit appartement du quartier Hochelaga-Maisonneuve, que les restes de son frère Joseph avaient été retrouvés quelques jours plus tôt à Wilnis, aux Pays-Bas. Joseph, son aîné de 12 ans, disparu... 59 ans plus tôt. Joseph Thibaudeau est disparu dans la nuit du 5 mai 1943, lorsque le bombardier dans lequel il se trouvait place et qui revenait d’une mission sur Dortmund, en Allemagne, s’est fait mitrailler par un chasseur allemand. Il avait 21 ans. « J’étais pas mal commotionné quand M. van Loo m’a annoncé ça, ici, raconte M. Thibaudeau, solide gaillard de 72 ans, toujours à la barre de sa fabrique de cerfsvolants. L’espace, le temps qu’il y a là-dedans, c’est assez incroyable, dit-il à propos de ce long silence. Toute cette histoire, ça réveille. » Né le 28 juillet 1921 à Saint-Eustache, où son père était médecin, Joseph Adrien Thibaudeau voulait être diplomate. Amoureux des langues, il était inscrit en droit à l’Université de Montréal et rédacteur au journal étudiant lorsqu’il s’est engagé, le 28 avril 1941. « Ce n’était pas nécessairement par patriotisme. Ce qui se passait en Europe était immense et mon frère voulait y être », raconte son frère. Après son entraînement de base au Canada, il part pour l’Angleterre. Il devient canonnier dans l’aviation. Un job dangereux, car au cours d’une confrontation aérienne, l’avion ennemi cherche d’abord à neutraliser le tir de l’opposant. Le 5 mai 1943, l’aéronef de M. Thibaudeau — un Vickers Wellington HE727 NA-K avec un équipage de cinq personnes —faisait partie d’un contingent de 600 PHOTO ARMAND TROTTIER, LA PRESSE © « Toute cette histoire, ça réveille. » En 2002, Jean-Claude Thibaudeau (photo) a appris que des restes de son frère Joseph, mort en 1943 dans un raid aérien, ont été retrouvés aux Pays-Bas. avions alliés revenant de Dortmund. Ils étaient en route pour la base de Dalton, dans le Yorkshire, lorsqu’ils ont été pris en chasse. Le Messerschmitt ME 110 a attaqué par en dessous. Très vite, l’avion a perdu de l’altitude. « Bail out ! (Sautez !), a crié le pilote Robert Moulton à ses camarades. Le radiotélégraphiste Harvey Hoddinot et le navigateur Gordon Charles Carter ont alors sauté en parachute, puis ont été capturés par des soldats allemands (ils ont été prisonniers jusqu’à la fin de la guerre). Mais le sergent Thibaudeau et son camarade, le sergent Joseph White, étaient déjà morts. Selon toute vraisemblance, le pilote a tenté de se poser, sans succès. Son avion s’est écrasé dans un marais près d’une ferme et a aussitôt été englouti. Le Vickers était encore chargé de plusieurs bombes au phosphore et, dans l’esprit des gens de Wilnis, il ne fait aucun doute que les manoeuvres de Moulton ont sauvé la vie de nombreux civils, son avion s’écrasant à l’écart du village. Le moment de sa mort Le père de Joseph Thibaudeau, Adrien, aurait bien voulu connaître la vérité. Après la guerre, il s’est rendu aux Pays-Bas dans l’espoir de trouver une trace de son fils. L’aviation anglaise a aussi essayé de retrouver le Vickers, sans succès. En 2002, grâce aux efforts conjugués de la communauté et d’une fondation, on a enfin retrouvé l’appareil. D’importants moyens techniques ont été utilisés pour assécher le marais, puis on a retiré la boue et la tourbe par couches de cinq centimètres. Lorsque la carcasse de l’avion a été retrouvée, les corps de Thibaudeau et de White étaient bien préservés. Des restes du pilote Robert Moulton ont aussi été retrouvés. L’émotion ressentie par M. Thibaudeau lorsqu’il a appris la découverte de son frère n’était rien à comparer avec ce qu’il allait vivre quelques semaines plus tard, en novembre 2002, lorsque toute la communauté a organisé des funérailles officielles pour les trois aviateurs. « À l’église, j’étais déjà ému aux larmes. Mais en sortant, tous les enfants du village avaient été rassemblés, en rang, des fleurs à la main, sur le chemin menant au cimetière. Je n’en pouvais plus. » Le même jour, au retour à l’hôtel, un aumônier de l’armée canadienne lui a présenté les membres de l’équipe technique ayant retrouvé l’appareil. « C’est là qu’ils m’ont dit qu’ils avaient retrouvé des objets, dont la bague de mon frère », lance M. Thibaudeau en retirant le bijou en or qu’il porte depuis ce temps à la main gauche. Ils lui ont aussi donné le portefeuille de Joseph, le canon de sa mitraillette de 7,7 mm ainsi que sa montre, les aiguilles arrêtées à 2 h 12. Jean-Claude Thibaudeau est convaincu qu’elle marque le moment de sa mort. À 2 h 12, le matin du 5 mai 1943, quelque part au-dessus de Wilnis, aux Pays-Bas. llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll Le dernier voyage de Mike Cassidy ANDRÉ DUCHESNE Mai 1985. Quarante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Mike Cassidy retourne pour la première fois aux Pays-Bas. Au coeur du pèlerinage de cet ancien combattant, un arrêt obligé au cimetière du village de Zuilichem, où reposent cinq des sept hommes d’équipage d’un bombardier canadien Halifax III détruit au retour d’une mission, le 25 avril 1944. Il est l’un des deux survivants. « J’ai eu le sentiment que c’est là que j’aurais dû me trouver », s’est dit ce jour-là M. Cassidy. La réflexion ne l’a jamais quitté. À son retour au Canada, il a entrepris de longues démarches pour obtenir l’exceptionnelle permission d’être inhumé avec ses camarades après sa mort. Faveur qu’il a obtenue de la famille royale néerlandaise. « Dans la famille, nous connaissons tous ce qu’il a vécu et nous respectons sa décision. Nous savons comment mon mari était proche de son équipage. Sa décision est honorable », racontait dans un récent entretien téléphonique avec La Presse sa veuve Jana, avec qui il était marié depuis quatre ans. Car M. Cassidy est décédé à la mimars. Un malheureux accrochage Il n’est qu’un gamin de 19 ans lorsqu’il s’engage dans l’armée canadienne, en février 1943. Il suit ainsi les traces du paternel qui, au cours de la Première Guerre mondiale, avait participé aux batailles victorieuses d’Ypres et de Vimy. Enrolé dans l’aviation, il s’entraîne à Mont-Joli avant de partir pour l’Angleterre, où il est affecté à l’escadron 420 « Snowy Owl » de la RCAF, dans le Yorkshire. Le 25 avril 1944, en revenant de mission, l’avion — comble de malchance — percute un autre bom- bardier canadien. Le nez de l’appareil étant endommagé, le pilote Doug Watterson tente tant bien que mal de reprendre la direction de l’Angleterre. Mais les chasseurs allemands l’interceptent et lui tirent dessus. Les moteurs prennent feu. L’avion pique du nez. Ordre est donné de sauter. Dans les tonneaux et le tangage de l’appareil, Mike Cassidy perd de vue son parachute. Il réussit tout de même à le retrouver et à sauter, tout comme l’autre canonnier, Ray Tanner. Quelques secondes plus tard, le bombardier s’écrase près de Zuilichem. Les cinq autres membres de l’équipage n’ont pas survécu. Cassidy et Tanner se cachent durant deux jours. Capturés, ils passent neuf mois dans les camps de prisonniers allemands, jusqu’à la libération. Mike Cassidy a vécu le reste de ses jours avec l’impression que les efforts du pilote et de ses autres camarades lui ont été salvateurs. Selon sa veuve, il s’est aussi demandé comment il avait survécu à sa captivité. Durant la déroute de l’armée allemande, les prisonniers alliés étaient forcés de marcher durant de longues heures, et M. Cassidy était blessé à la cheville. « Il boitait. Comment se fait-il qu’il n’ait pas été éliminé pour éviter de ralentir la marche ? Il ne l’a jamais su », raconte Jana. Selon l’article que lui consacrait récemment le Globe and Mail à la suite de sa mort, M. Cassidy a connu une fructueuse carrière à son retour au pays. Après avoir étudié à l’Université Carleton d’Ottawa, il a travaillé dans l’édition avant de devenir franchisé de machines distributrices. Il a possédé un commerce à Montréal, mais a quitté le Québec dans les années 70, inquiet du climat politique. Il s’est marié plusieurs fois et a eu 10 enfants. En 1977, à Toronto, il a fondé le magazine Press Review, consacré au monde du journalisme canadien et distribué dans les salles de rédaction du pays. Le numéro de juin lui sera consacré. Mike Cassidy est mort d’un cancer de la prostate le 17 mars, à Toronto. Lundi dernier, sa femme et plusieurs membres de sa famille se sont envolés avec ses cendres pour les PaysBas. L’inhumation a eu lieu mercredi. Comme il le souhaitait, il repose maintenant avec ses camarades dans le cimetière de Zuilichem. SÉRIE 60 ANS APRÈS VEN> Deux destins SAM > Mémoires DIM > Histoires de famille LUN > Tourner la page Faites-nous part de vos réactions à [email protected] .