Revue
Cardiopathies congénitales et grossesse
Claude Almange , Jean-Marc Schleich
Unité des cardiopathies congénitales de l’enfant et de l’adulte, centre cardiopneumologique, hôpital de Pontchaillou, 2 rue Henri Le-Guillou,
35033 Rennes Cedex
Résumé.La grossesse entraîne d’importantes modifications cardiocirculatoires, en particulier une expansion volémique et une augmentation
du débit cardiaque d’environ 50 %. Ces phénomènes, bien supportés par un cœur normal, peuvent être mal tolérés en cas de cardiopathie
préexistante. Les cardiopathies congénitales représentent actuellement la majorité des anomalies cardiaques observées au cours de la grossesse
dans les pays développés. Les facteurs influençant l’évolution de la grossesse chez les femmes ayant une cardiopathie congénitale sont
principalement la classe fonctionnelle, la grossesse étant médiocrement tolérée si la classe maternelle NYHA est III ou IV (mortalité de l’ordre
de 7 %). Le type de la cardiopathie est également un élément à considérer. Les anomalies peuvent être classées en trois catégories : les
cardiopathies à haut risque, celles à risque intermédiaire et celles à bas risque. Dans le syndrome d’Eisenmenger, le décès maternel survient dans
30 à 50 % des cas, le plus souvent dans le post-partum, fréquemment chez des femmes pauci- ou asymptomatiques. En conséquence, la
grossesse est fortement contre-indiquée. Le risque est le même dans l’hypertension artérielle pulmonaire primitive. Dans les cardiopathies
congénitales cyanogènes la grossesse est médiocrement tolérée, à cause de l’augmentation du shunt droite-gauche. La probabilité d’avoir une
naissance vivante peut être prévue à partir de la saturation oxygénée quand elle est supérieure à 85 % et de l’hémoglobine si elle est inférieure
à 20 g/dL. En cas de sténose aortique sévère, le risque de complications est important et un traitement chirurgical ou une valvuloplastie par
ballonnet peuvent être nécessaires pendant la grossesse. Dans la transposition corrigée des gros vaisseaux la grossesse est possible si la fonction
du ventricule systémique est correcte et s’il n’y a pas de régurgitation atrioventriculaire. Dans l’anomalie d’Ebstein la grossesse est le plus
souvent bien tolérée, même s’il y a une cyanose ou un syndrome de Wolf Parkinson White. Les patientes opérées constituent un groupe de plus
en plus important : dans la tétralogie de Fallot réparée ilyaunrisque de complications si d’importantes séquelles hémodynamiques existent.
Après réparation atriale de la transposition des gros vaisseaux (intervention de Mustard ou Senning), la grossesse est bien tolérée cliniquement
mais comporte un risque de dysfonction ventriculaire droite qui est parfois irréversible. Après intervention de Fontan, le risque de la grossesse
n’est pas prohibitif si la classe fonctionnelle est I ou II et la fonction ventriculaire correcte, mais les arythmies atriales et les avortements sont
fréquents.
Mots clés : cardiopathie congénitale, grossesse
Abstract. Pregnancy and congenital heart disease. Pregnancy accounts for important cardiocirculatory changes, especially an
increase of blood volume and of cardiac output of about 50 %. These modifications are very well sustained by a normal heart, but may be poorly
tolerated in cardiac disease. Congenital diseases are now the predominant aspect of heart disease encountered during pregnancy in developed
countries. Factors influencing the outcome of pregnancy in women with congenital heart defects are: mainly the functional class ; the pregnancy
is poorly tolerated if the maternal class NYHA is III ou IV (mortality ~ 7 %) : the type of cardiac defect must also be considered. These anomalies
may be classified into 3 categories: the cardiac defects with a high risk, those with an intermediate risk and those with a low risk. In
Eisenmenger’s syndrome maternal death occurs in 30-50 % of cases, most frequently in the post-partum, often on pauci- or asymptomatic
patients. Consequently pregnancy is contra-indicated. The risk is also the case in primary pulmonary hypertension. In cyanotic congenital heart
diseases the pregnancy is poorly tolerated, due to the increase of right to left shunt. The likehood of a live birth can be predicted from the arterial
oxygen saturation when it is > 85 % and when hemoglobin is < 20 g/dL. In severe aortic stenosis, the risk of complications is important and
surgical treatment or balloon valvuloplasty may be necessary during pregnancy. In corrected transposition of the great arteries (= atrio-
ventricular and ventricular-arterial discordance), pregnancy is possible if the systemic ventricular function is correct and if there is no
atrio-ventricular regurgitation. In Ebstein’s anomaly, the pregnancy is in most cases well tolerated, even if there is cyanosis or Wolf-Parkinson
White syndrome. Operated patients constitute an important group to be taken into account; in repaired tetralogy of Fallot there is a risk of
complications if important hemodynamic disturbances exist. After atrial repair for transposition of the great arteries (Mustard or Senning
operation) pregnancy is clinically well tolerated but carries a risk of right ventricular dysfunction, which is sometimes irreversible. After Fontan
type operation, the risk of pregnancy is not too high if the functional class is I ou II and ventricular function correct, but atrial arrythmias and
foetal loss are frequent.
Key words: congenital heart disease, pregnancy
Les progrès des thérapeutiques mé-
dicales et chirurgicales permettent
à l’heure actuelle à la plupart des fem-
mes ayant une cardiopathie congéni-
tale d’atteindre l’âge de la procréa-
tion. L’importance de cette étiologie
parmi les cardiopathies observées
chez la femme enceinte n’a cessé de
croître au cours de ces dernières dé-
cennies et en constitue maintenant la
grande majorité (tableau 1). Bien que
la grossesse se déroule dans des
m
t
c
Correspondance : C. Almange
mt cardio 2005 ; 1 : 533-9
mt cardio, vol. 1, n° 6, novembre-décembre 2005 533
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conditions satisfaisantes dans la plupart des cas, certaines
patientes sont exposées à un risque important et les ano-
malies cardiaques restent la première cause de mortalité
chez la femme enceinte. Par ailleurs, le retentissement de
la cardiopathie sur le fœtus peut être majeur.
Modifications circulatoires au cours
de la grossesse
La grossesse entraîne d’importantes modifications hé-
modynamiques (tableau 2). Tout d’abord une augmenta-
tion du volume sanguin de l’ordre de 20 à 30 % dès la
20
e
semaine et atteignant 40 à 50 % à partir de la
32
e
semaine ; ensuite une baisse importante des résistan-
ces vasculaires périphériques, liée au développement de
la circulation placentaire et à une activation hormonale.
Ce phénomène, associé à une franche accélération de la
fréquence cardiaque, entraîne une forte augmentation du
débit cardiaque de l’ordre de 20 à 30 % de la 5
e
àla
8
e
semaine et atteignant 50 % à partir de la 20
e
semaine. Il
faut ajouter également des modifications de l’hémostase
faisant de la grossesse un état d’hypercoagulabilité, majo-
rant donc les risques thromboemboliques.
Lors de l’accouchement, à chaque contraction, il y a
une augmentation supplémentaire notable du débit car-
diaque. Un cœur normal s’adapte rapidement à ces
contraintes supplémentaires ; en revanche, un cœur pa-
thologique pourra avoir du mal à supporter le surcroît de
travail imposé par la grossesse et l’accouchement.
Généralités
Les risques fœtaux sont liés soit à l’existence d’une
cyanose maternelle entraînant une insuffisance d’oxygé-
nation fœtale (responsable d’avortement, de prématurité,
de retard de croissance fœtale) soit à une détérioration de
la fonction cardiaque maternelle responsable d’une insuf-
fisance circulatoire placentaire (entraînant les mêmes
conséquences fœtales). Les risques maternels vont de la
détérioration de la fonction ventriculaire aux complica-
tions sévères à type d’insuffisance cardiaque, voire au
décès.
Le pronostic maternel dépend tout d’abord de la classe
fonctionnelle NYHA : la mortalité maternelle est en effet
évaluée à moins de 1 % pour les patientes en classe I ou II
avant la grossesse, à 7 % pour les patientes en classe III ou
IV. Un score de risque a été proposé par Siu et al. [4]
retenant comme facteurs prédictifs : des antécédents d’in-
suffisance cardiaque ou d’arythmie, un stade NYHA > II
ou une cyanose, une obstruction gauche, une fraction
d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 40 %. Il appa-
raît cependant indispensable de prendre également en
compte le type de la cardiopathie.
Différentes cardiopathies
On ne dispose pas à l’heure actuelle d’étude scientifi-
que permettant de guider la prise en charge de la grossesse
des femmes ayant une cardiopathie congénitale et la
conduite à tenir ne peut donc être orientée que par des
études observationnelles. Compte tenu des données de la
littérature et d’une étude coopérative de la filiale pédiatri-
Tableau 1.Cardiopathies et grossesse : fréquence relative
1955 1974 1987 1997 2001
(Szekely)
[39]
(Shime)
[1]
(Siu)
[2]
(Siu)
[3]
Cardiopathies rhumatismales 20 3 1 1 1
Cardiopathies congénitales 11124
Tableau 2.Modifications circulatoires au cours de la grossesse
1
er
trimestre 2
e
trimestre 3
e
trimestre
Volémie ↑↑ ↑↑↑
Volume d’éjection systolique ↑↑↑ ↑↑
Fréquence ↑↑ ↑↑↑
Débit cardiaque ↑↑↑ ↑↑
Résistances vasculaires systémiques ↓↓↓ ↓↓
Liste des abréviations
APSO : atrésie pulmonaire à septum ouvert
AT : atrésie tricuspide
CAV : canal atrioventriculaire
CIA : communication interauriculaire
CIV : communication interventriculaire
DC : débit cardiaque
RP : rétrécissement pulmonaire
VES : volume d’éjection systolique
VU : ventricule unique
Cardiopathies congénitales et grossesse
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que de la Société française de cardiologie, il est pratique
de considérer les cardiopathies avec trois niveaux de
risque : cardiopathies à haut risque, à risque intermédiaire
et à risque faible (tableau 3).
Cardiopathies à haut risque
Syndrome d’Eisenmenger
L’hypertension artérielle pulmonaire fixée secondaire
à un shunt ou syndrome d’Eisenmenger est une contre-
indication formelle à la grossesse. Celle-ci aggrave en effet
de façon constante l’état maternel (augmentation de la
dyspnée et de la cyanose). Surtout, la grossesse conduit à
la mort de la patiente dans 30 à 50 % des cas. Les
mécanismes invoqués sont la baisse des résistances systé-
miques (notamment lors de la délivrance) associée à une
augmentation des résistances pulmonaires du fait de l’hy-
percoagulabilité et des phénomènes thromboemboliques.
Gleicher et al. [5] faisaient état en 1979 de 52 % de
mortalité ; le pronostic s’est un peu amélioré mais reste
très sévère : 36 % de décès dans l’étude rétrospective de
Weiss et al. en 1998 [6] et 27 % dans l’étude de Daliento
et al. [7]. Les décès sont tous survenus dans le post-partum
immédiat et souvent chez des femmes pauci- ou asymp-
tomatiques.
La conduite à tenir est donc la contraception définitive
par ligature de trompes, de préférence par voie laparosco-
pique [8]. Si la grossesse est commencée, l’interruption
médicale précoce est recommandée. Si elle est poursui-
vie, le pronostic est impossible à formuler. Les anticoagu-
lants sont conseillés au cours du dernier trimestre et dans
le premier mois du post-partum. Une césarienne doit être
si possible évitée car elle doublerait la mortalité. Le mode
d’anesthésie est discuté. L’accouchement par voie basse
se fera sous surveillance des gaz du sang, voire de l’hémo-
dynamique, et surtout de la volémie dont la chute peut
être dramatique. L’utilisation de monoxyde d’azote dans
quelques cas a abaissé modérément les pressions pulmo-
naires mais n’a pas modifié l’évolution [9]. Une sur-
veillance hospitalière doit être poursuivie deux semaines
environ. Il est à noter que même si la grossesse s’est
déroulée sans complication, le risque reste majeur pour
une grossesse ultérieure.
Hypertension artérielle pulmonaire primitive
L’hypertension artérielle primitive est rarement obser-
vée chez la femme enceinte. Elle comporte sensiblement
les mêmes risques que le syndrome d’Eisenmenger avec
une mortalité de 30 à 40 % [10] survenant dans le post-
partum immédiat. Les mécanismes en cause sont la mort
subite, l’embolie pulmonaire et l’insuffisance ventriculaire
droite aiguë. Le risque de complications est imprévisible et
la mortalité est évaluée à 32 % chez les patientes pauci-
ou asymptomatiques, c’est-à-dire en classe fonctionnelle I
ou II. La grossesse est donc également formellement
contre-indiquée et la stérilisation conseillée.
Si la grossesse est poursuivie, les anticoagulants sont
préconisés au cours du 3
e
trimestre ; dans quelques cas
des antagonistes calciques ou des prostaglandines ont été
administrés. Lors de l’accouchement l’oxygénothérapie
est conseillée. Le monitoring hémodynamique est discuté.
L’administration de monoxyde d’azote et de prostacycline
aurait été efficace dans quelques cas isolés [11, 12].
Cardiopathies congénitales cyanogènes
La grossesse, abaissant d’une part les résistances péri-
phériques et augmentant d’autre part le retour veineux,
donc la pression dans les cavités cardiaques droites, a
pour effet d’augmenter le shunt droite-gauche et donc
l’hypoxie et la cyanose. La tolérance de ces cardiopathies
est en général médiocre, parallèle à la saturation oxygé-
née, et les décès fœtaux sont de l’ordre de 45 %.
Tétralogie de Fallot
La tolérance maternelle de la grossesse a été totale-
ment modifiée par la chirurgie (tableau 4). Les anastomo-
ses palliatives l’ont très nettement améliorée et les inter-
ventions correctrices ont amené la mortalité maternelle
aux environs de 0 % avec une morbidité très faible [13].
Le retentissement fœtal a aussi été transformé puisqu’il y a
trente ans, seulement 27 % d’enfants naissaient à terme
vivants et aucune grossesse n’aboutissait si l’hématocrite
était égale à 65 % [14].
Cependant, la possibilité de complications n’est pas
nulle, en cas de perturbations hémodynamiques postopé-
ratoires importantes (insuffisance pulmonaire sévère avec
dysfonction ventriculaire droite) comme l’a montré un
récent travail de Veldtmann et al. [15] portant sur
Tableau 3.Classification des cardiopathies congénitales au cours de la grossesse
Cardiopathies à haut risque Cardiopathies à risque intermédiaire Cardiopathies à risque faible
Syndrome d’Eisenmenger
Hypertension artérielle pulmonaire primitive
Cardiopathies congénitales cyanogènes
Sténose aortique
Coarctation aortique
Transposition corrigée des gros vaisseaux
Anomalie d’Ebstein (sans cyanose)
Transposition des gros vaisseaux opérée
Intervention de Fontan pour atrésie tricuspide ou
cœur univentriculaire
Syndrome de Marfan
Shunts gauche-droite (CIA, CIV, canal artériel,
CAV)
Sténose pulmonaire
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43 patientes ayant eu 112 grossesses, 6 complications
maternelles ont en effet été observées.
Deux études [16, 17], ont fait état de la possibilité de
grossesse chez des femmes ayant une atrésie pulmonaire
complexe c’est à dire avec collatérales systémicopulmo-
naires, à condition que la classe fonctionnelle soit I ou II,
l’hémoglobine à moins de 16 grammes et la pression
artérielle pulmonaire à moins de 70 % de la pression
artérielle systémique.
Cardiopathies congénitales complexes avec sténose
pulmonaire
Les autres cardiopathies cyanogènes avec sténose de
la voie pulmonaire (ventricule unique, atrésie tricuspide,
double discordance, anomalie d’Ebstein) peuvent avoir
une tolérance maternelle correcte si la cardiopathie est
équilibrée, mais elle est souvent médiocre : 32 % de com-
plications cardiovasculaires dans la série de Presbitero et
al. [18] (tableau 5). Il apparaît au total que les femmes
ayant une cardiopathie congénitale cyanogène peuvent
avoir une grossesse avec un risque faible pour elle-même,
mais une incidence élevée d’avortement ou d’accouche-
ment prématuré (43 % de naissances vivantes) ; la proba-
bilité d’une naissance vivante peut être envisagée si la
saturation oxygénée est supérieure à 85 % et l’hémoglo-
bine inférieure à 20 g/L.
Cardiopathies à risque intermédiaire
Sténose aortique (valvulaire, sous ou supravalvulaire)
Les sténoses aortiques exposent au risque de syncope,
d’insuffisance cardiaque ou de mort subite. En 1978, Arias
et al. [19] rapportaient 4 décès chez 23 patientes au cours
de 38 grossesses. Les études plus récentes sont moins
pessimistes : au cours de 25 grossesses chez 13 patientes il
n’y a eu aucun décès maternel mais 4 détériorations de
l’état cardiaque nécessitant une valvuloplastie et deux
interruptions de grossesse dans un travail de Lao et al. en
1993 [20]. Récemment Silversides et al. [21] ont observé
3 complications dont 2 œdèmes pulmonaires au cours de
49 grossesses chez 39 patientes, mais aucun décès.
En pratique, si la sténose aortique est serrée (surface
aortique inférieure à 1 cm
2
ou gradient maximal supérieur
à 65 mmHg), le risque de mauvaise tolérance au cours de
la grossesse est important et il faut intervenir avant la
grossesse ou, si celle-ci est commencée, envisager un
geste thérapeutique, de préférence une valvuloplastie per-
cutanée. En cas d’incertitude avant la grossesse, un test
d’effort peut être envisagé, autorisant la grossesse en prin-
cipe sans risque de complication en cas de normalité.
Coarctation aortique
La coarctation aortique a classiquement une réputa-
tion péjorative au cours de la grossesse depuis l’étude de
Metcalfe et al. [22] qui chez 230 patientes avec
565 grossesses ont observé 13 décès maternels par dissec-
tion aortique ou insuffisance cardiaque. De plus, en cas de
coarctation il existe fréquemment une hypotrophie fœtale
liée à la baisse du flux placentaire.
Les complications étant plus fréquentes pendant la
grossesse que pendant le travail, la correction chirurgicale
a été proposée au cours de la grossesse en cas d’insuffi-
sance cardiaque ou lorsque la pression artérielle dépassait
200 mmHg. Une série lyonnaise [23] de 16 patientes non
opérées avec 31 grossesses aboutissant à 25 naissances
vivantes ne fait état que de 3 hypertensions artérielles
maternelles. La série de la Mayo Clinic [24] rapporte 118
grossesses chez 50 patientes avec un décès survenu par
dissection aortique chez une patiente ayant un syndrome
de Turner. Une hypertension artérielle a été observée dans
15 cas dont 11 avaient un gradient isthmique significatif.
En pratique, le monitoring de la pression artérielle pendant
Tableau 4.Grossesse et tétralogie de Fallot : évolution selon l’intervention préalable
(d’après [15])
Mère Naissances vivantes
Non opérée Mortalité Insuffisance cardiaque
4-12 % 40 % 33 %
Palliation 3% 6%
Réparation 0% 2% 78%
Tableau 5.Évolution de la grossesse selon la cardiopathie maternelle (d’après [18])
Nombre de mères Nombre de grossesses Complications
cardiovasculaires
Naissances vivantes
VU ou AT 10 26 2 8 (31 %)
Fallot ou APSO 21 46 8 15 (33 %)
Ebstein et CIA 8 14 3 12 (86 %)
Transposition
corrigée + CIV +RP
5 10 1 6 (60 %)
Total 44 96 14 41 (43 %)
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la grossesse est nécessaire et l’administration de bêtablo-
quants souvent préconisée. La question de la grossesse
après correction de la coarctation par dilatation au ballon-
net n’est pas résolue. La césarienne serait peut être plus
prudente chez ces patientes.
Transposition corrigée des gros vaisseaux
(double discordance)
En cas de double discordance, le ventricule droit est le
ventricule systémique et sa fonction peut donc être altérée
par les changements hémodynamiques survenant au
cours de la grossesse. Le pronostic semble bon dans la
majorité des cas : 37 grossesses chez 18 patientes dans la
série de la Mayo Clinic [25], aboutissant à la naissance de
33 enfants vivants, sans aucun décès maternel et une seule
insuffisance cardiaque liée à l’insuffisance de la valve
auriculoventriculaire systémique. Cependant, dans
l’étude de Therrien et al. [26], 5 complications dont
3 insuffisances cardiaques congestives, surviennent chez
19 patientes au cours de 45 grossesses. Au total, les
femmes ayant une transposition corrigée peuvent avoir
une grossesse si la fonction du ventricule systémique est
correcte et s’il n’y a pas de régurgitation significative de la
valve auriculoventriculaire systémique.
Anomalie d’Ebstein sans cyanose
Connoly et al. [27] ont rapporté une série de 44
patientes (dont 10 opérées) ayant eu 111 grossesses abou-
tissant à 85 naissances vivantes (75 % des cas). Il n’y a eu
aucune complication maternelle ni aucune arythmie,
même dans les six cas ayant un syndrome de pré-
excitation. À noter qu’il n’y a curieusement eu aucune
différence entre les grossesses des malades cyanosées et
celles des malades non cyanosées (75 % d’enfants vivants
dans les deux cas). Cependant, le poids de naissance a été
de 3,1 kg dans le premier cas contre 2,5 kg dans le se-
cond. L’étude de la filiale pédiatrique de la société Fran-
çaise de cardiologie fait état de 17 grossesses chez 11
patientes, aboutissant à 17 naissances vivantes : 5 fois il y
a eu une détérioration transitoire de l’état fonctionnel
maternel. Au total la grossesse au cours de l’anomalie
d’Ebstein est le plus souvent bien supportée ; la tolérance
maternelle apparaît en rapport avec la dimension du ven-
tricule droit fonctionnel.
Transposition des gros vaisseaux
après réparation intra-atriale (Mustard ou Senning)
Chez ces malades le ventricule systémique est le ven-
tricule droit et le problème posé est celui de la tolérance
par celui-ci de la surcharge volémique de la grossesse. En
1994, Clarkson et al. [28] ont rapporté 15 grossesses chez
9 femmes ayant eu une intervention de Mustard : aucune
n’a eu de détérioration clinique ou hémodynamique mais
toutes étaient asymptomatiques avant la grossesse. En
1999, Genoni et al. [29] ont rapporté 13 grossesses chez
11 femmes ayant eu une intervention de Senning : une
seule patiente a eu une détérioration de son état ; c’était la
seule qui n’était pas en classe fonctionnelle I ou II. Guedes
et al. [30] ont rapporté 28 grossesses chez 16 patientes :
6 détériorations fonctionnelles ont été observées pendant
la grossesse avec 4 retours à l’état antérieur ; 4 patientes
ont eu des dysfonctions ventriculaires droites avec ab-
sence de récupération dans trois cas. En conclusion, la
grossesse est le plus souvent fonctionnellement bien tolé-
rée mais comporte un risque de dysfonction du ventricule
droit systémique qui est parfois irréversible. Elle peut donc
être autorisée si la classe fonctionnelle est I ou II, la
capacité à l’exercice satisfaisante et la fonction ventricu-
laire droite proche de la normale. On ne dispose pas
actuellement de série concernant des patientes ayant eu
une réparation anatomique, c’est-à-dire une détransposi-
tion artérielle.
Intervention de Fontan
Les cœurs ayant eu une intervention de Fontan ont une
capacité limitée à augmenter le débit cardiaque et donc à
supporter la grossesse. Canobbio et al. [31] ont rapporté
21 patientes ayant eu 33 grossesses. Il n’y a eu que
15 naissances vivantes et 40 % d’avortements au cours du
premier trimestre. Aucun décès maternel n’est à déplorer
et seulement deux patientes ont eu des complications
cardiaques. Il apparaît que le risque de la grossesse n’est
pas prohibitif en cas de classe fonctionnelle I ou II et de
bonne fonction ventriculaire ; il existe cependant un ris-
que d’arythmie atriale et de thrombose artérielle. Il im-
porte pendant l’accouchement de maintenir des pressions
de remplissage élevées.
La conversion de la procédure de Fontan en une
connection cavopulmonaire totale avant la grossesse de-
vrait pour certains être envisagée si l’oreillette droite est
large ou s’il existe une congestion veineuse.
Syndrome de Marfan
Il était considéré comme comportant un risque élevé
de dissection aortique et de décès depuis le travail de
Pyeritz et al. [32] : 16 décès sur 32 femmes survenant en
fin de grossesse, lors de l’accouchement ou dans le post-
partum par dissection aortique. Cependant, la plupart des
patientes avaient une dilatation aortique ou une insuffi-
sance valvulaire. Une étude prospective de Rossiter et al.
[33] chez 21 femmes ayant un syndrome de Marfan et
45 grossesses a permis de préciser la conduite à tenir en
fonction du diamètre aortique : si celui-ci est supérieur à
40 mm la grossesse est contre-indiquée ; s’il est inférieur à
40 mm la grossesse est possible sous traitement bêtablo-
quant et avec un échocardiogramme tous les six à huit
semaines. L’absence de complication n’est pas pour
autant garantie et une intervention chirurgicale peut être
nécessaire au cours de la grossesse en cas d’augmentation
de la dilatation aortique. L’accouchement sera effectué de
préférence par voie basse (ou par césarienne en cas d’ané-
vrisme). Dans tous les cas la transmission du syndrome est
de 50 %.
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