15 SPÉCIAL JOUETS JEUX D’ENFANTS Les petits Romains jouaient au yoyo Veni, vidi, ludique Jules César enfant a-t-il joué aux petits soldats? Les archéologues s’emparent d’un nouveau domaine d’étude: le jeu. Loin d’être anodine, cette activité dit beaucoup des valeurs d’une société. ui a dit que le hochet n’était pas de Fribourg. Une forte frayeur, penun sujet d’étude sérieux? Certai- sait-on, pouvait entraîner des connement pas Archytas, son illustre in- vulsions et causer la mort de l’enfant. venteur. Ce grand homme de l’Anti- D’où l’importance de le tranquilliser.» quité, philosophe, disciple de Platon, Les jouets existaient évidemment déjà au temps de Jules Cégéomètre, homme d’Etat, sar. Une récente exposimathématicien, est égaLa créativité tion au Musée romain lement le père du fane trouve pas de Nyon (voir encadré meux jouet pour bébé. grâce aux p. 18), réalisée sous la Modelé en terre cuite en forme d’animal, d’enfant yeux de Platon. direction de Véronique Dasen, leur était consaou d’étoile, le hochet rempli de petites billes devait comme au- crée. L’intérêt du jouet pour l’histojourd’hui apaiser le bébé et canaliser rien? «C’est une manière de revisiter son énergie. «On craignait beaucoup l’histoire d’une société à côté de l’hisque l’enfant ne souffre d’un déséquili- toire des puissants, des guerres ou des bre dû à la nervosité ou à la peur, ex- institutions. Le jeu est omniprésent plique Véronique Dasen, professeure dans le quotidien des gens: il nous d’archéologie classique à l’Université renseigne sur les relations entre fil- Q Garçons et filles ne jouaient pas aux mêmes jeux. Ici, sur le tournage d’une vidéo de l’exposition. 16 PUBLICITÉ Bougies pour chaque événement naissance anniversaire baptême communion confirmation mariage. RAEMY SA Fabrique de cierges et bougies www.bougies-raemy.ch Place du Midi 48, Tél. et Fax 027 322 48 63 www.hobby-centre.ch – [email protected] 27 NOVEMBRE 2014 DOSSIER sur tout achat effectué au magasin sauf offres spéciales et prix nets Rte Pierre Yerly 6 Zone industrielle 2 1762 Givisiez-Fribourg Tél. + Fax 026 466 51 25 17 SPÉCIAL JOUETS les et garçons ou parents et enfants». Le hochet, par exemple, bat en brèche l’idée longtemps admise qu’à une époque de forte mortalité infantile, les parents ne s’attachaient pas à leurs bébés. C’est un objet fabriqué spécialement pour les besoins du tout-petit et il revêt parfois une forme symbolique appelant sa protection. ique Veni, vidi, lud UNE DOULEUR DE FEMME «Quelques textes expriment la souffrance des parents face à la mort d’un enfant: mais cette perte est le plus souvent une douleur muette, une douleur de femmes, et celles-ci n’ont pas la parole dans la sphère publique», explique Véronique Dasen. L’histoire du jouet antique est un puzzle dont il manque un grand nombre de pièces. Quelques traités de pédagogie nous éclairent sur la fonction dévolue au jeu par les philosophes, mais très peu d’objets ont traversé les siècles. Pour remplir ses onze vitrines, l’exposition nyonnaise a dû faire appel à 19 musées suisses et européens! «Ce qui reste n’est que la pointe de l’iceberg, résume l’archéologue. Il nous manque tous les jouets en bois, en cuir, en paille, en chiffon, que le temps s’est chargé de faire disparaître: ceux que les enfants fabriquaient eux-mêmes et ceux qu’ils détournaient de leur usage premier. Plutarque raconte par exemple comment les enfants pouvaient s’amuser à mettre les chaussures de leur père pour jouer au magistrat.» LA BARBIE GRECQUE Et quand on retrouve un jouet en terre cuite, en métal ou en os, encore fautil l’identifier comme tel. Une toupie, une poupée ou un cheval à roulettes sont vraisemblablement des jouets: mais retrouvés dans un temple ou dans une tombe, avaient-ils un usage purement profane ou également une va- leur religieuse? «Quand on trouve des jouets très semblables à ceux d’aujourd’hui, il faut faire preuve de prudence et éviter les amalgames, explique l’archéologue. La poupée grecque n’est pas la Barbie d’aujourd’hui. De très belles figurines articulées en terre cuite présentent toutes un trou dans la tête, manifestement pour les suspendre. On en a retrouvé plus de 700 dans le sanctuaire de Déméter et Coré, à Corinthe. Elles étaient sans doute consacrées au moment du mariage de la jeune fille. Aucune n’est abîmée ou réparée: il est donc peu probable que les fillettes aient joué avec.» Des yoyos en terre cuite ont aussi été retrouvés à Thèbes dans des tombes du 5e siècle av. J.-C. Mais les spécialistes se demandent s’ils ont réellement été utilisés ou s’ils ne sont que des copies d’originaux en bois, aujourd’hui perdus, fabriqués pour être déposés dans la tombe. (suite en p.18) DR PUBLICITÉ 18 La Barbie grecque, articulée, ressemble à celle d’aujourd’hui. Mais elle ne servait pas aux mêmes jeux. Le jeu n’a pas non plus le même rôle d’une époque à l’autre. La créativité, à l’honneur aujourd’hui, ne trouve pas grâce aux yeux de Platon: pour lui, le jeu devait initier l’enfant aux lois et en faire un bon citoyen. Pas question d’inventer de nouvelles façons de jouer! «Si le jeu et les enfants échappent à la règle, il est impossible qu’en grandissant les enfants deviennent des hommes de devoir et de vertu solide», affirmait le philosophe, se montrant particulièrement... vieux jeu. QUELQUES CLAQUES Filles et garçons, dévolus à des rôles bien différents, ne jouaient pas non plus aux mêmes jeux. Platon préconise qu’ils soient séparés dès l’âge de six ans; puis qu’en jouant, les garçons soient préparés à leur métier. Que le futur architecte construise de petites maisons, que le futur agriculteur s’amuse à travailler la terre. Même si, dans les faits, le goût de l’enfant guidait parfois le choix des adultes, comme en témoigne Lucien de Samosate, orien- té par son père vers le métier de sculpteur: «Quand je revenais de l’école, je prenais de la cire et j’en façonnais des bœufs, des chevaux et, par Jupiter! Même des hommes, le tout fort gentiment au goût de mon père. Ce talent m’avait jadis attiré quelques claques de mes maîtres; mais aujourd’hui, il devenait un sujet d’éloges et le signe d’une heureuse aptitude». Quant aux filles, les pédagogues n’en disent rien. On sait, au vu des objets retrouvés dans les tombes, qu’elles s’amusaient parfois avec les mêmes jouets que les garçons, mais pas de la même manière: les osselets, par exemples, leur servaient à des jeux de divination et non de compétition. Feraientelles un bon mariage? Auraient-elles des enfants? Survivraient-elles à leurs accouchements? «Les jouets nous parlent de leur apprentissage de la vie religieuse et de leur futur rôle d’épouse et de mère», conclut Véronique Dasen. Les féministes trouveront que... ce n’est pas du jeu! I FÊTE EN FAMILLE Le défi du Les cadeaux font partie de la magie de Noël. Mais multipliés à l’excès, ils peuvent nuire à l’éducation des enfants et encombrer les parents. Des alternatives existent. Christine Mo Costabella PUBLICITÉ c’est Jésus qui a son «P ourquoi anniversaire et nous qui rece- Sous toutes ses coutures Le jeu dans l’Antiquité a inspiré le projet Agora Veni, vidi, ludique, soutenu par le Fonds national suisse. Il regroupe trois expositions: la première, sur les jeux et les jouets, a déjà quitté Nyon. La deuxième revisite l’Antiquité à travers les jeux de table et les jeux vidéo d’aujourd’hui; elle est visible jusqu’au 19 avril au Musée suisse du jeu, à La Tour-de-Peilz. La dernière concernera la reconstitution des règles perdues et les lieux de jeux, du 14 mars au 21 février 2015 au Musée romain de Vallon. I En savoir plus: venividiludique.ch. CMC vons les cadeaux?», demandait un jour une petite fille philosophe à propos de la fête de Noël. Une excellente question que les sociologues n’ont pas manqué de se poser (voir encadré); mais réfléchie ou pas, attendue ou jugée exaspérante, la coutume des cadeaux sous le sapin revient immanquablement chaque année. Jusqu’où faut-il la suivre? Comment éviter les excès? La frénésie des achats qui entoure la fête a beau stimuler l’économie (les grandes surfaces réalisent 25% de leur chiffre d’affaires en période de Noël, les magasins de jouets 60%), elle pose question à plus d’un, à commencer par les parents, généralement les premiers concernés. Noël est peu à peu devenu la fête des enfants où les adultes s’émerveillent de voir les petits des étoiles plein les yeux... et les cadeaux y jouent un grand rôle. Pourtant, certains se demandent comment ne pas tomber dans une surenchère nuisible à la magie même de la fête puisque les cadeaux peuvent de- 19 SPÉCIAL JOUETS cadeau de Noël Une invention du 19e siècle Depuis quand se fait-on des cadeaux à Noël? Dès l’Antiquité, les «étrennes» étaient offertes le premier janvier. C’est au 19e siècle que l’échange de cadeaux a reculé d’une semaine pour s’inviter autour du sapin. Selon la sociologue Martyne Perrot, auteure de Le cadeau de Noël, histoire d’une invention, c’est la famille bourgeoise anglo-saxonne qui a donné sa forme moderne à la fête de Noël. De fête religieuse publique, elle est devenue fête familiale privée. La révolution industrielle et l’apparition des grands magasins, avec leurs vitrines fleurissant de lumières et de jouets, ont accompagné l’évolution d’une célébration toujours plus axée sur les enfants et CMC les cadeaux. I Keystone-a venir une exigence («Je veux que tu m’achètes ce jouet pour Noël») ou s’accumuler à tel point que les enfants n’ont pas le temps de les découvrir qu’un nouveau jouet vient déjà détourner leur attention. MANGEURS D’ESPACE Culture du zapping oblige, un cadeau, même longtemps désiré, n’éveillera leur intérêt qu’un moment avant d’être délaissé au profit du suivant, s’en allant rejoindre la cohorte des objets mangeurs d’espace tant redoutée par les parents. Une première étape peut être de proposer aux oncles, tantes ou grandsparents de s’associer pour faire un cadeau, ce qui limite le nombre de paquets et permet d’offrir un jouet de plus grande valeur qui dure plus longtemps. D’autres préconisent un «cadeau immatériel» (spectacle, parc d’attractions, week-end dans une ville), qui a le double avantage de ne pas prendre de place et de faire vivre un moment de qualité avec l’enfant, laissant de beaux souvenirs. D’autres enfin optent pour le tirage au sort: chaque personne reçoit le nom d’une autre à qui elle doit faire un cadeau. «Chez nous, c’est la solution qui s’est imposée d’elle-même, explique Claire, une jeune grand-maman lausannoise qui a opté pour ce système il y a cinq ans. En famille, nous avions l’habitude que seules les jeunes reçoivent des cadeaux. Je ne trouvais pas normal qu’ils s’habituent à recevoir et à ne rien donner. Et comme nous sommes nombreux, il n’était pas possible de demander que chacun fasse un cadeau à tout le monde!» Un mois avant la fête, elle envoie donc aux convives le nom de la personne à qui ils offriront un présent. Cela limite à un le nombre de cadeaux offerts et reçus: pas trop de frustrations? «Je crois que ça prend plutôt bien. Dès début décembre, je reçois des coups de fil de gens qui me demandent à qui ils doivent faire un cadeau pour qu’ils aient le temps de penser à quelque chose qui corresponde aux goûts de la personne. On ne fait qu’un cadeau, mais on y met plus d’argent et on se donne de la peine pour faire plaisir!» I Christine Mo Costabella Un certificat du Père Noël pour apprendre à offrir de bons cadeaux?