SOMMAIRE
•Léditorial 1
La zone de libre-échange
euro-méditerranéenne 2
• Les agricultures méditérranéennes 3
•Les premiers enseignements... 5
Le point sur ...la mise à niveau... 6
Le point sur ...le taux de protection...7
•Disponible sur le site de l’AFD 8
Publications récentes de l’AFD 8
Sur l’agenda du développement 8
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(économiste au sein du département des
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ISSN en cours
N° 3 - novembre/décembre 2003
des économistes de l’AFD
LA LETTRE
L’éditorial
Dans la foulée de la réunion "5+5" qui s’est tenue à Tunis les 4 et 5 décembre
2003 entre cinq pays de l’Union européenne (Espagne, France, Italie, Malte, Portugal)
et leurs cinq partenaires Maghrebins (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie), cette
lettre revient sur la composante économique du Partenariat euro-méditerranéen. Ce
dernier, initié à Barcelone en novembre 1995 pour préciser le cadre formel des relations
entre l’UE et ses 12 partenaires de la rive sud de la Méditerranée (comprenant notam-
ment Israël et l’Autorité palestinienne), comprend trois dimensions : un volet politique
et de sécurité ; un volet social, culturel et humain ; et un volet économique et finan-
cier, notamment fondé sur l’instauration progressive d’une zone de libre-échange. Mais
l’ambition d’une zone méditerranéenne de paix et de prospérité se heurte aux tensions
et conflits qui minent la rive Sud de la Méditerranée et se traduisent par l’incapacité
des pays à s’engager dans la voie de l’intégration régionale. La démarche d’ouverture
et de réforme engagée dans le cadre des accords d’association avec l’Union européen-
ne est certes encourageante, mais elle a souvent pris du retard et nécessite une volon-
té politique de tous les instants. Enfin, le processus d’élargissement de l’UE fait
craindre une concurrence politique, économique et financière susceptible d’affaiblir l’in-
térêt que l’Union porte à ses partenaires du Sud, de peser sur les ressources financières
qu’elle serait prête à leur consacrer, et de détourner l’investissement direct étranger.
La conception des politiques économiques et des programmes d’aide compte au
moins autant que les ressources financières publiques et la libéralisation commerciale,
éléments centraux du Partenariat. Pour renforcer l’attractivité économique de la rive
Sud de la Méditerranée, quatre domaines d’intervention devraient être privilégiés :
- le financement de projets d’infrastructures de croissance et de réduction de la
pauvreté (transports, énergie, eau et assainissement, communications), sans lesquelles
l’investissement privé ne sera pas suffisamment rentable ;
- l’assistance technique et la formation professionnelle, facteurs-clés de la mise à
niveau de l’économie et outils d’amélioration de la compétitivité des entreprises ;
- le renforcement des systèmes bancaires et financiers, essentiel au développement
du secteur privé et des financements à long terme en monnaie locale ;
- le rapprochement des systèmes institutionnels et légaux, dont ont bénéficié les
pays d’Europe centrale et orientale engagés dans le processus d’adhésion. Il devrait
être possible de définir un ensemble de bonnes pratiques tirées de l’acquis commu-
nautaire dans le cadre d’un processus d’association renforcée entre l’UE et ses parte-
naires méditerranéens, avec, à la clef, des ressources complémentaires. Il s’agirait là
d’un signal fort pour les investisseurs.
L’expérience de l’UE a montré que la coopération économique est susceptible de rap-
procher des peuples que les tensions politiques séparent. Le partenariat euroméditer-
ranéen doit se fixer un objectif similaire au Sud de la Méditerranée.
P. Jacquet
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La lettre des économistes de l’AFD • 2 • N° 3 novembre/décembre 2003
LA ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE EURO-MÉDITERRANÉENNE :
POURQUOI ET COMMENT ?
A la conférence de Barcelone (1995),
l’Union Européenne (UE) a proposé à 12
pays méditerranéens1un nouveau parte-
nariat destiné à créer un espace commun
de stabilité politique et de sécurité dans
le cadre d’une "zone de prospérité parta-
gée". Par ce partenariat, l’UE a voulu
affirmer une relation spécifique avec les
pays partenaires méditerranéens (PPM)
qui "sont trop proches géographiquement,
historiquement et humainement pour rele-
ver d’une approche classique d’aide au
développement"2. Le processus de
Barcelone prévoit la signature d’accords
d’association bilatéraux entre l’UE et cha-
cun des Etats associés. La mise en place,
à l’horizon 2010, d’une zone de libre-
échange (ZLE) entre l’Europe et chacun
des PPM constitue la pierre angulaire
économique du processus de Barcelone.
Afin que la ZLE soit effective sur l’en-
semble de l’espace méditerranéen, les
PPM sont parallèlement supposés libérali-
ser les échanges entre eux.
Ce "pari de l’ouverture"3vise à relancer la
croissance économique des PPM via leur
intégration dans la mondialisation, la
plupart de ces économies étant jusqu’à
présent restées en marge de ce processus.
Une ZLE est supposée dynamiser le régi-
me de croissance d’une économie par la
combinaison de deux chocs positifs :
un "choc d’offre", généré par des
gains de productivité, qui résulte de
l’accroissement de la concurrence
s’exerçant sur les entreprises locales ;
un "choc de demande", la libéralisa-
tion douanière dans les pays parte-
naires entraînant des gains de parts
de marché pour les exportations du
pays considéré.
La ZLE entre l’UE et les PPM ne porte jus-
qu’à présent que sur les biens manufac-
turés et ne fait que mentionner la pos-
sibilité d’y intégrer l’agriculture et les
services pour lesquels des “clauses de
rendez-vous” sont incluses dans les
accords d’association. Les exportations
de produits industriels des PPM bénéfi-
ciant déjà de l’accès libre au marché
européen depuis 1976, en l’absence de
progrès sur l’agriculture et les services, le
processus de Barcelone ne génèrera pas
de choc de demande pour les économies
des PPM.
Le choc d’offre est supposé entraîner la fer-
meture d’industries d’import-substitution
peu compétitives, qui subsistaient à l’abri
des protections tarifaires, pour favoriser
une spécialisation des économies dans les
secteurs où elles disposent d’avantages
comparatifs. Les transferts des facteurs de
production (capital et main d’œuvre) géné-
rés par ce processus et la mise en place
d’un cadre institutionnel propice au fonc-
tionnement des mécanismes de marché
doivent permettre d’accroître la producti-
vité globale des facteurs et de renforcer
l’attrait de ces économies pour les inves-
tisseurs locaux et européens. Pour être
couronnée de succès, cette stratégie d’ou-
verture requiert la mise en place de pro-
fondes réformes structurelles dans les PPM,
notamment pour libéraliser le marché du
travail et améliorer l’environnement de
l’entreprise. Ces dernières sont politique-
ment difficiles d’autant qu’elles heurtent
de front des situations établies pour cer-
tains acteurs économiques.
Cette ouverture commerciale n’est pas
sans risque et engendre à court terme
trois types de coûts qui, s’ils sont mal
absorbés, peuvent déstabiliser les écono-
mies méditerranéennes :
baisse des recettes douanières sus-
ceptible de fragiliser les équilibres
budgétaires ;
détérioration de la balance commer-
ciale susceptible de créer des ten-
sions sur les monnaies ;
fermetures d’entreprises non compé-
titives et destructions d’emplois sus-
ceptibles d’engendrer une montée du
chômage.
Le partenariat euro-méditerranéen faci-
lite la faisabilité politique du processus
d’ouverture économique, servant "d’an-
crage extérieur", en apportant :
•une légitimation du processus de
réforme auprès de leur population : le
renforcement des liens économiques
avec l’Europe présente un attrait
indéniable ;
•une crédibilité : le retour en arrière
apparaît institutionnellement difficile ;
un "chemin de route" connu de tous
et propice à de bonnes anticipations
des acteurs économiques :
•des ressources financières pour gérer
les coûts transitoires du démantèle-
ment tarifaire : l’Union Européenne a
promis à Barcelone une assistance
financière substantiellement accrue.
Où en sommes nous ?
Huit ans après Barcelone, le volet écono-
mique du processus connaît de sérieuses
difficultés dans sa mise en œuvre4:
certains PPM hésitent à prendre le
risque de se lancer dans ce pari de
l’ouverture ;
perçu comme un enjeu important
pour les pays européens du pourtour
méditerranéen, le processus de
Barcelone bénéficie d’un intérêt
moins marqué dans les autres pays de
l’Union. Par ailleurs, l’élargissement
de l’UE, priorité majeure de l’Europe,
renvoie l’axe méditerranéen au
second rang des priorités ;
1) Algérie, Chypre, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Syrie, Territoires Autonomes Palestiniens, Tunisie et Turquie. Parmi ces pays, trois
ne relèvent plus de la logique du partenariat défini à Barcelone : Chypre et Malte vont intégrer l’UE en mai 2004 ; la Turquie a depuis 2001 un
statut de candidat à l’UE.
2) Ould Aoudia J. et Tubiana L. (2000), "Euro-Méditerranée : recentrer le Partenariat", in Questions Européennes, Rapport n° 27 du Conseil d’Analyse
Economique.
3) Bensidoun I. et Chevallier A. (1996), Europe-Méditerranée : le pari de l’ouverture, Economica, Paris
4) Voir un point récent dans "‘5+5’, l’ambition d’une association renforcée", Rapport du Cercle des économistes, 2003.
Vincent Caupin
Département Méditerranée et Moyen
Orient,
La lettre des économistes de l’AFD • 3 • N° 3 novembre/décembre 2003
la persistance des tensions politiques
régionales limite les progrès de l’inté-
gration régionale sud-méditerranéenne.
Seule initiative significative depuis
Barcelone, l’accord d’Agadir (2003) -
visant à créer une zone de libre-
échange entre le Maroc, la Jordanie,
l’Egypte et la Tunisie - n’est qu’au stade
du paraphe. Compte tenu de l’exiguïté
des marchés nationaux des PPM5, cet
aspect est pourtant vital pour que le
processus de Barcelone profite mutuel-
lement aux deux rives de la
Méditerranée.
En conséquence, la mise en place de la
zone de libre-échange euro-méditer-
ranéenne apparaît très lente. Seule la
Tunisie devrait respecter l’échéance de
2010. Le démantèlement tarifaire n’a pas
encore débuté en Algérie, en Egypte et
en Syrie et ne s’achèvera dans ces trois
pays au mieux qu’en 2016. A titre illus-
tratif, la récente initiative américaine
d’une zone de libre-échange entre les
Etats-Unis et les pays arabes se fixe 2013
comme horizon temporel pour l’achève-
ment du processus.
5) La persistance de marchés cloisonnés encourage les investisseurs souhaitant toucher l’ensemble de la région à investir dans un pays de l’Union
Européenne d’où ils auront accès à l’ensemble des marchés des PPM sans droits de douanes, alors qu’un investissement au Maroc par exemple
les forceraient à payer des droits de douanes pour exporter en Algérie ou en Egypte.
L’ambition politique du processus de
Barcelone ne s’est pas concrétisée sur le
volet agricole, n’ayant pas jusqu’ici servi
de catalyseur pour élaborer dans ce
domaine une vision commune entre les
deux rives de la Méditerranée.
L’agriculture en demeure aujourd’hui le
parent pauvre. Les négociations agri-
coles, entamées à partir de 2000 pour les
premiers pays concernés avec un objectif
de libéralisation des échanges sur une
période de douze ans, ne sont pas sorties
du cadre des contingents tarifaires qui
sont avant tout, pour les partenaires, un
instrument de régulation de leurs mar-
chés internes. Cette lenteur ne fait que
refléter au plan régional celle des négo-
ciations agricoles à l’OMC. La libéralisa-
tion apparaissant toutefois inéluctable à
terme, la question est de savoir si elle
peut effectivement aboutir à la prospé-
rité partagée annoncée à Barcelone.
Interdépendances et disparités entre
l’Europe et les pays méditerranéens
L’agriculture des pays méditerranéens du
Sud et de l’Est, comme celle de l’Union
Européenne (UE), est multifonctionnelle2,
productrice de biens alimentaires, expor-
tatrice et garante des équilibres sociaux
(elle emploie par exemple 48 % des actifs
marocains). Elle dépend étroitement de
l’exploitation de ressources naturelles
(eau, forêts, pâturages, sols) qui se raré-
fient : la croissance démographique, le
développement du tourisme, l’urbanisa-
tion et la littoralisation qui occupent sou-
vent les terres les plus fertiles se sont tra-
duits par des dommages environnemen-
taux évalués par exemple à 8,2 % du PIB
au Maroc3et 2,2 à 4 % du PIB en Tunisie4.
Les échanges commerciaux entre les deux
rives de la Méditerranée sont im-
portants : l’UE réalise 30 % de ses expor-
tations de blé et farine et 20 % de celles
de viande bovine en direction des pays
partenaires méditerranéens (PPM)5. Dans
l’autre sens, l’Europe a absorbé, en 2001,
46 % des exportations agricoles des PPM
(principalement des fruits et légumes) ;
mais ces exportations ne représentent
que 6 % des importations agricoles extra-
communautaires de l’UE6. Ce déséquilibre
est accentué par une forte concentration
sur les produits, qui est source de dépen-
dance : ainsi l’UE achète plus de 80 % des
tomates marocaines et la quasi totalité
de l’huile d’olive tunisienne.
La compétitivité des fruits et légumes
exportés par les pays méditerranéens est
largement tributaire d’une eau d’irriga-
tion partout subventionnée. Leur agricul-
ture traditionnelle, à base de céréales,
légumineuses et élevage, est protégée7.
Le coût de cette protection pour les
consommateurs est partiellement com-
pensé par des subventions aux produits
alimentaires. Cependant, même l’agricul-
ture traditionnelle est en partie compéti-
tive aux prix internationaux, et les gise-
ments de productivité sont importants :
au Maroc, les pertes totales sur les
réseaux d’irrigation sont de 60 % et les
rendements en blé tendre qui stagnent à
13 quintaux par ha depuis des années
pourraient être sensiblement améliorés,
certains agriculteurs atteignant 40 quin-
taux dans les zones favorables (55 quin-
taux en moyenne dans l’UE).
1) Cette réflexion s’appuie sur une étude publiée par l’auteur sous le titre " Les agricultures du Maghreb et l’AFD ", in Méditerranée, économies en
marche, AFD, Paris, 2001.
2) Ce terme, qui exprime la contribution de l’agriculture à la production de divers biens marchands ou non (comme les services environnementaux),
est utilisé par l’Union Européenne dans les négociations internationales pour justifier certaines subventions.
3) PNUD/UNESCO (1994), "Stratégie nationale pour la protection de l’environnement et le développement durable", projet MOR/90/001.
4) Banque Mondiale (2003), "République tunisienne - évaluation du coût de la dégradation de l’environnement", Programme d’assistance technique
pour l’environnement pour la région méditerranéenne.
5) Commissariat Général du Plan (2000), Le partenariat euro-méditerranéen - la dynamique de l’intégration régionale, la Documentation Française,
Paris.
6) Radwaan S. et Reiffers J.L., (2003) "La question de la libéralisation agricole dans le partenariat euro-méditerranéen - rapport pour la première
réunion euro-méditerranéenne des Ministres de l’Agriculture", FEMISE.
7) La protection globale, au moins au Maroc, est toutefois très inférieure à celle de l’UE.
LES AGRICULTURES MÉDITERRANÉENNES FACE AUX ACCORDS D’ASSOCIATION1
Dominique Rojat
Département développement
rural, environnement et ressources
naturelles
La lettre des économistes de l’AFD • 4 • N° 3 novembre/décembre 2003
Les accords d’association sont-ils
doublement gagnants ?
Le potentiel d’accroissement des
échanges lié à la libéralisation agricole
est limité, car la demande augmente peu
de part et d’autre, sauf pour quelques
produits nouveaux, et l’avenir des expor-
tations des pays méditerranéens se joue-
ra en partie sur d’autres marchés comme
l’Est européen (y compris les pays en voie
d’adhésion) et le Golfe Arabo-Persique8.
Les gagnants des scénarios de libéralisa-
tion sont les céréaliers et éleveurs de
l’UE, les exportateurs des pays méditerra-
néens (au prix d’une pression accrue sur
les ressources en eau) et les consomma-
teurs de ces pays qui supportent actuel-
lement une grande part des coûts de la
protection agricole via les prix des den-
rées alimentaires de base. Mais les réti-
cences des partenaires à s’engager dans
la libéralisation agricole se comprennent
aisément. L’Europe est sous la pression de
ses agriculteurs de la façade méditerra-
néenne, peu aidés par la Politique
Agricole Commune, qui craignent la
concurrence sur les fruits et légumes.9
Ces producteurs européens sont concen-
trés sur quelques produits et dans
quelques régions, principalement en
Espagne et en Grèce, où la libéralisation
pourrait avoir localement un impact
important. Les PPM, quant à eux, redou-
tent les effets de la déprotection sur les
revenus de leurs petits producteurs tradi-
tionnels - nombreux, peu formés, sans
filet de sécurité et sans alternative d’em-
ploi - ce qui ne pourrait qu’aggraver un
exode rural déjà très préoccupant.
Un libre-échange total et immédiat
entraînerait donc des coûts élevés pour
des catégories fragiles ; aussi une certai-
ne progressivité et des politiques d’ac-
compagnement sont-elles nécessaires.
Dans son rapport sur l’agriculture présen-
té lors de la conférence de Venise (cf.
infra), le FEMISE identifie à ce titre cinq
questions clés :
soutenir les catégories qui vont sup-
porter l’ajustement,
limiter les obstacles non tarifaires
aux échanges de la part de l’UE,
•rationaliser l’utilisation de l’eau dans
l’ensemble de la zone,
contrôler le développement de la
pauvreté et l’exode rural10,
sortir par le haut grâce à la technolo-
gie, y compris en réformant les struc-
tures des exploitations et en levant
les blocages institutionnels.
Traiter ces questions dans l’esprit de
Barcelone suppose, pour les PPM, de
revoir profondément leurs politiques agri-
coles et, pour l’UE, qui n’en a pour l’ins-
tant pas fait une priorité dans les pro-
grammes MEDA, d’y consacrer des res-
sources techniques et financières à la
hauteur des enjeux.
La conférence de Venise marquera-
t-elle un renouveau ?
La première conférence euro-méditer-
ranéenne des ministres de l’agriculture
organisée à Venise le 27 novembre 2003
a positionné les relations agricoles dans
le cadre de la nouvelle politique de "voi-
sinage" de l’UE. Elle a renvoyé la pour-
suite des discussions sur la libéralisation
agricole à la remise d’une étude d’impact
sur ce sujet demandée à la Commission à
la réunion de Valence en avril 2002 et
attendue pour 2004. Enfin, tout en insis-
tant sur la prise en compte de la multi-
fonctionnalité de l’agriculture dans les
relations entre l’UE et ses partenaires
méditerranéens, elle a proposé des initia-
tives pour harmoniser les positions à
l’OMC, renforcer le dialogue et mobiliser
les fonds MEDA, les programmes environ-
nementaux et divers autres instruments
de l’UE d’une manière coordonnée.
Par ailleurs la Commission prépare des
programmes d’accompagnement des
administrations des pays méditerranéens
à la mise en place des accords d’associa-
tion, analogues à ceux utilisés pour les
pays d’Europe centrale et orientale en
pré-adhésion.
Il semble donc que l’agriculture bénéficie
d’un intérêt nouveau. L’avenir dira si l’es-
sai de Venise peut être transformé mais il
est en tous cas, pour les partenaires au
développement des pays méditerranéens,
un facteur d’évolution vers des pro-
grammes où la réflexion sur les politiques
sectorielles et l’accompagnement du
changement tiendront une place impor-
tante.
8) Commissariat Général du Plan (2000), op. cit.
9) Alors même qu’ils disposent d’avantages comparatifs en termes d’organisation et de logistique, qui sont les facteurs déterminants sur ces pro-
duits ; le coût de la main-d’œuvre ne vient qu’ensuite, et cet avantage particulier est réduit, pour les PPM, par le fait que nombre de travaux
agricoles en Europe sont assurés par une main-d’œuvre saisonnière immigrée ; en définitive les avantages structurels des PPM se limitent au
climat.
10) Cette recommandation reste d’ailleurs en l’état, le document n’abordant pas les moyens d’y parvenir.
La lettre des économistes de l’AFD • 5 • N° 3 novembre/décembre 2003
La Tunisie, dès 1996, et le Maroc en
2000, ont été les premiers pays sud-
méditerranéens à débuter le démantèle-
ment tarifaire prévu dans le cadre du pro-
cessus de Barcelone – avec des achève-
ments respectivement programmés pour
2008 et 2012. Le processus en cours dans
ces deux pays permet d’établir un premier
bilan assez mitigé de l’impact écono-
mique de la zone de libre-échange (ZLE)
euro-méditerranéenne et de tirer quatre
principaux enseignements. Sans remettre
en cause le bien fondé de la logique éco-
nomique sous-jacente du partenariat et
l’impérieuse nécessité de l’ouverture pour
les pays sud-méditerranéens, ces pre-
mières conclusions suggèrent que la ZLE
euro-méditerranéenne ne peut suffire à
elle seule à accélérer la croissance au sud
de la Méditerranée. A court terme, la
contribution de la ZLE à la création d’em-
plois apparaît limitée alors que le "défi
de l’emploi" constitue la priorité de ces
pays confrontés à une forte croissance de
leur population active1.
Premier enseignement des expériences
marocaine et tunisienne, la plupart des
effets destabilisateurs anticipés sur les
finances publiques et la balance des paie-
ments ne se sont à ce jour pas matériali-
sés. La Tunisie a su compenser la baisse
de ses recettes douanières – de 2,6
points de PIB entre 1995 et 2002 – par
une augmentation des autres recettes
budgétaires et une limitation de la crois-
sance des dépenses publiques. Les pertes
additionnelles annuelles de recettes
douanières ne devant pas dépasser 0,1 %
du PIB à partir de 2004, la transition fis-
cale tunisienne peut d’ores et déjà être
considérée comme un succès. Au Maroc,
elle reste à faire d’autant que le gouver-
nement, concomitamment à la baisse des
recettes douanières, a adopté des
mesures d’allègement fiscal se traduisant
par une détérioration des soldes budgé-
taires2. Du côté de la balance des paie-
ments, la croissance des importations
générée par le démantèlement tarifaire a,
dans les deux pays, été plus que compen-
sée par celle des exportations et des
transferts courants permettant une nette
amélioration des comptes courants de la
balance des paiements, et ce en l’absen-
ce de dépréciation monétaire marquée.
L’augmentation des transferts s’explique
principalement par les transferts privés
alors que l’aide effectivement décaissée
par la Commission Européenne (dons
MEDA) n’a représenté en moyenne
annuelle que 0,1 % du PIB marocain et
0,2 % du PIB tunisien sur la période
1995-2002.
Deuxième enseignement, le processus de
mutation des secteurs productifs induit
par la logique de Barcelone3semble
prendre du temps à se matérialiser, d’où
l’absence de nette accélération de la
croissance et des créations d’emplois. Le
nombre de créations d’entreprises ne s’est
pas accéléré, ni même celui des dépôts
de bilan d’entreprises non compétitives
dans un environnement concurrentiel.
Cette évolution lente s’explique pour par-
tie par le profil graduel et différencié
retenu pour le démantèlement sur les
produits industriels qui s’est traduit par
une hausse initiale de la protection
effective (voir "le point sur le taux de
protection effective") des industries
marocaines et tunisiennes. Par contre,
l’augmentation de l’investissement privé
– d’environ 4 % du PIB au Maroc comme
en Tunisie depuis 1995 – traduit proba-
blement en partie les efforts de moderni-
sation des entreprises industrielles de ces
deux pays.
Troisième enseignement, l’appropriation
de la réforme est un facteur déterminant
pour le succès du processus d’ouverture.
Les performances économiques plus favo-
rables en Tunisie qu’au Maroc – avec un
rythme annuel de croissance respectif de
5% et 3 % – semblent en partie liées au
succès du programme de "mise à niveau"
de l’économie mis en place en Tunisie
(voir le "point sur la mise à niveau"). La
Tunisie, considérant le "processus de
Barcelone" en adéquation avec sa straté-
gie de développement, a utilisé cette
perspective de zone de libre-échange
comme "ancrage extérieur" - et donc
gage de crédibilité et de soutien finan-
cier - à sa politique d’ouverture écono-
mique et de restructuration de l’appareil
productif. Le Maroc s’est engagé plus
timidement dans le processus, traduisant
plus un choix de politique étrangère - la
volonté d’affirmer la priorité qu’il accorde
à sa relation avec l’Europe - que de poli-
tique économique en faveur de l’ouvertu-
re commerciale.
Quatrième enseignement, les investisse-
ments directs étrangers (IDE) au Maroc et
en Tunisie demeurent insuffisants, signifi-
cativement inférieurs à ceux effectués par
les pays de l’Union Européenne dans les
futurs Etats membres4. Si l’on raisonne
hors privatisations – qui correspondent à
des IDE "exceptionnels" – le Maroc et la
Tunisie ont attiré depuis l’adoption du
processus de Barcelone en moyenne 1,5
points de PIB d’IDE chaque année, un
niveau insuffisant pour générer une réelle
dynamique de croissance tirée par les
investissements étrangers. Cette faiblesse
des IDE traduit à la fois :
un relatif scepticisme sur l’efficacité
ou la pérennité, voire sur l’engage-
ment même des réformes ;
l’absence de progrès notables en
matière d’intégration régionale qui
limite la taille des marchés locaux
pour un investisseur potentiel ;
•la faible attractivité de la région,
confrontée à des tensions politiques
récurrentes.
L’investissement public s’est par ailleurs
contracté sur la période, en conséquence
des efforts de rationalisation budgétaire
engagé par les deux Etats, au détriment
du développement des infrastructures
publiques pourtant nécessaire à l’amélio-
ration de l’environnement des affaires.
LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DE LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE LA
ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE AVEC L’EUROPE AU MAROC ET EN TUNISIE
Vincent Caupin
Département Méditerranée et Moyen
Orient,
1) Banque mondiale, "Unlocking the Employment Potential in the Middle East and North Africa: Toward A New Social Contract" , Septembre 2003.
2) Soldes budgétaires hors recettes de privatisation.
3) Restructuration de certaines industries, fermeture d’entreprises d’import-substitution reposant sur la protection, et création de nouvelles entre-
prises compétitives.
4) Rapport sur la transition économique 2003 : les effets de l’élargissement sur les partenaires méditerranéens, FEMISE, Marseille.
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