RESPONSABILITé éTHIQUE DU TRAVAIL SOCIAL

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RESPONSABILITé éTHIQUE DU TRAVAIL SOCIAL ENVERS AUTRUI
ET ENVERS LA SOCIéTé: UNE QUESTION COMPLEXE
Brigitte Bouquet
ERES | Vie sociale
2009/3 - N° 3
pages 43 55
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bouquet Brigitte, Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société : une question
complexe,
Vie sociale, 2009/3 N° 3, p. 43-55.
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ISSN 0042-5605
Responsabilité éthique du travail social
envers autrui et envers la société :
une question complexe
L
a responsabilité est une notion récente (l’usage courant du mot
« responsable » ne remonte qu’au XVIIIe siècle), ambiguë, polysémique et mal définie. Selon Claude Zilberberg1, le paradigme de la
responsabilité est à construire. Cependant la responsabilité est sans
cesse évoquée dans nombre de débats contemporains. Paul Valéry2
estimait d’ailleurs que la notion même de responsabilité était un « maître mot », un terme qui a plus de valeur que de sens. La responsabilité
est en effet une notion complexe à la fois morale et juridique qui
s’articule sur celle de la liberté humaine.
La responsabilité renvoie à la figure du « vis-à-vis ». Liberté et
responsabilité sont très impliquées et la responsabilité serait la condition de la vraie liberté et comme l’a dit Victor Hugo, « Tout ce qui
augmente la liberté augmente la responsabilité ». Que devient cette
vision éthique ? On observe que dans les sociétés actuelles, le Droit
concernant la responsabilité l’emporterait sur la réflexion morale… De
plus, libre-arbitre et déterminisme ne cessent de se poser… La question d’une juste prise de responsabilités est au cœur de positions ambivalentes et chacun se vit écartelé entre d’une part, ce qui oblige – la
fraternité, la solidarité, la réciprocité –, d’autre part, ce qui est de
l’ordre des possibilités, et enfin entre les réactions de culpabilités ou
* Professeure titulaire de la Chaire Travail social au CNAM.
1. Claude ZILBERBERG, « De la responsabilité », Nouveaux actes sémiotiques, oct.
2007.
2. Paul VALÉRY, Cahiers, tome I, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1973.
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Brigitte Bouquet*
Brigitte Bouquet
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S’appuyant sur les fondements de la responsabilité éthique, cet article propose une réflexion centrée sur les divers aspects de la responsabilité éthique professionnelle, sans sous-estimer les implications économiques, sociales, voire environnementales, qui influencent le rapport des droits et des devoirs des travailleurs sociaux. Avoir à rendre
compte de son rapport à soi, à autrui, aux choses du monde, c’est mettre l’effectivité de la responsabilité simultanément, dans un système de
valeurs irréductibles, dans un cadre institutionnel, dans le contexte
social. Aussi seront abordées les responsabilités éthiques de chacun,
les responsabilités éthiques à l’égard des usagers, les responsabilités
éthiques envers les institutions employeurs, les responsabilités éthiques vis-à-vis de la société…
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RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE : RAPPEL DES FONDAMENTAUX
Résumons brièvement qu’étymologiquement, le terme « responsabilité » provient du verbe latin respondere qui signifie obligation de
« répondre », se porter « garant ». Ce mot trouve aussi son origine
dans la racine latine sportio qui recouvre l’idée de se porter caution,
d’être garant d’événements qui vont se produire, de se référer à un
mécanisme projectif, tourné vers l’avenir. Enfin Respondeo veut dire
« je deviens responsable en répondant – par l’action ou par la parole –
à l’appel de quelqu’un ou de quelque chose », mais ce terme a également le sens de « comparaître devant un tribunal ».
Sous le premier aspect, être responsable, c’est apporter son concours à une autre personne, ce qui suppose fraternité et solidarité, une
relation éthique. Le « je veux » précède « je dois ». Être responsable
individuellement, c’est être capable d’assumer sa liberté et les situations correspondantes4. Mais la responsabilité se situe surtout par rapport aux autres. C’est les assumer avec leurs demandes. Il existe donc
3. Gérôme TRUC, Assumer l’Humanité. Hannah Arendt : la responsabilité face à la
pluralité. Ed. de l’Université de Bruxelles, 2008. Dans cet ouvrage, G. Truc aborde la
pluralité, au sens où la fait valoir Hannah Arendt, c’est-à-dire qui lance un défi à la responsabilité. Sommes-nous capables d’assumer l’humanité ?
4. Jean-Paul SARTRE, Cahiers pour une morale, Paris, Gallimard, 1983.
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de victimisation ou de fuite. S’y ajoute la question des articulations de
la responsabilité face à la « pluralité humaine3 » et des responsabilités
plurielles partagées, car les modes de représentation et d’exercice de la
responsabilité sont inscrits dans un environnement humain (une société, une culture) qui les façonne et les oriente. Dans le fait de la responsabilité se croisent sans cesse le sujet et la société en leurs différentes
dimensions.
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
un partage au sein de toute personne entre responsabilités « égoïstes »
et « altruistes ».
Sous le second aspect, être responsable, c’est être redevable de ses
actes devant la loi, dans une relation juridique.
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Dans « l’Éthique à Nicomaque5 », Aristote pose le principe de la
responsabilité, il affirme que l’homme doit répondre de ses actes dès
lors qu’il en a pris l’initiative et qu’il est même responsable de son
irresponsabilité. Répondre présent, répondre de l’autre – c’est du visage de l’autre que naît le sentiment de responsabilité –, considérer
toujours une personne en tant que fin (le visage bouleversant d’une
personne saisie dans le face à face, selon Emmanuel Levinas6), tel est
le premier contenu de la responsabilité éthique personnelle d’un individu, libre et pleinement conscient. Dans Soi-même comme un autre7
en réponse à son interrogation « Que faut-il faire pour atteindre la vie
bonne avec autrui et pour soi-même ? », Ricœur en appelle également
à une éthique de responsabilité ; celle-ci a pour rôle d’examiner la
situation qui pose problème, passer la décision au crible de la loi morale afin d’éviter une aspiration trop individuelle et de revenir à
« l’intuition fondamentale de l’éthique », c’est-à-dire à l’esprit du devoir que seul le discernement peut apprécier. Il souligne que la souffrance des victimes crée des obligations pour les autres. « La souffrance oblige, dit-il, elle rend responsable ses témoins. Le premier
droit est ainsi du côté de la victime. Son droit est d’être reconnu ». À
ce droit originaire correspond l’obligation inconditionnelle de porter
secours. « Ce devoir, selon Ricœur, est un impératif catégorique qui
dérive de celui, plus formel, de traiter les personnes comme des fins et
non pas seulement comme des moyens ». Ainsi, le souci d’assumer son
5. ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.
6. Dans Difficile liberté. Essais sur le judaïsme, Levinas indique qu’autrui est « celui
qui par son visage ouvre à l’au-delà, invite au dialogue et suscite une vigilance éthique ».
7. Paul RICŒUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1996.
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Le terme « responsabilité » comporte ce double sens et signifie répondre devant une autorité souveraine (tribunal intime de la conscience ou tribunal externe institué). Il y a ainsi être responsable et être
tenu pour responsable, deux principales formes de responsabilité suivant l’autorité devant laquelle on doit répondre : la responsabilité
morale vis-à-vis de son for intérieur, fierté de l’homme libre, possibilité pour chaque être humain de s’accomplir ; et la responsabilité sociale qui peut être une responsabilité professionnelle, une responsabilité pénale ou civile, une responsabilité politique… Cependant, on ne
peut être responsable que lorsque l’action a au moins un élément de
liberté, car rappelons que liberté et responsabilité sont intrinsèquement
liées.
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existence et le devoir d’en porter les conséquences, l’existence ne sont
pas séparables des autres existences et au sein de toute personne
coexistent une responsabilité de l’ego et une responsabilité altruiste.
Cependant, dit-il, « Entre la fuite devant la responsabilité des conséquences et l’inflation d’une responsabilité infinie, il faut trouver la
juste mesure et répéter le précepte grec : "rien de trop" 8».
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RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE ENVERS LES USAGERS : UN ENGAGEMENT
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Pour le professionnel, à cette responsabilité personnelle s’ajoute
celle de la fonction. La responsabilité éthique personnelle se conjugue
en effet avec la responsabilité éthique professionnelle. Pour cette dernière, la responsabilité éthique est une charge voulue, entraînant la
prise de décisions partagées avec l’usager et obligeant celui qui en est
investi à rendre compte de ses actes et de ses résultats à ceux qui la lui
ont confiée. Qu’il l’ait choisi ou non, le travailleur social est responsable des actes qu’il accomplit dans l’exercice de sa fonction professionnelle, même si les références éthiques sont pluralistes : respect de la
dignité de la personne qui se rattache à la tradition Kantienne ; devoir
de solidarité, qui a été prôné par Léon Bourgeois ; principe de bienfaisance qui est de tradition anglo-saxonne ; principe de justice développé par Rawls, etc.
La responsabilité éthique envers les usagers est aussi une responsabilité en situation qui réunit dans l’action, le savoir, le pouvoir, le vouloir10 : Le savoir se réfère à la conscience (conscience de ses rapports à
soi, à autrui, aux choses du monde) dans un environnement humain
où le professionnel connaît les implications de ses actes ou de ses
omissions. Le pouvoir concerne la capacité de modification appliquée
à « l’espace-temps » humain. Le vouloir concerne la décision
8. Citation sur Paul Ricœur, mentionnant la gazette de l’APAG.
9. Paul RICŒUR, préface du Code de déontologie médicale, Paris, Ed. du Seuil (coll.
Points), 1998.
10. Pierre GIRE, « Penser la responsabilité », Université Catholique de Lyon, colloque
de L’ESDES.
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Les travailleurs sociaux peuvent-ils s’accorder – en dépit de leurs
identités professionnelles différentes et de leurs emplois très variés –
sur cette question majeure de la responsabilité éthique ? La réponse
devrait être positive puisque le travail social postule le principe de la
primauté et de la valeur de la personne, de sa singularité… En ce sens,
ils rejoignent P. Ricœur qui énonce que « le noyau éthique est la rencontre9 » et que tout repose sur le caractère inaliénable de la personne.
La responsabilité éthique est bien d’abord aptitude à être affecté par
l’autre et à vouloir qu’il soit lui-même.
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
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« Au commencement est la relation », selon la formule de Bachelard, et la relation est en écho à celle de réciprocité des personnes, celle
de responsabilité exercée unilatéralement de l’un sur l’autre. Puisque
la responsabilité éthique est de faire advenir le Sujet en soi-même et
chez autrui (rappelons que chez Ricœur, la pensée du sujet ne se limite
pas à la réflexivité du cogito mais implique aussi son agir), toute relation professionnelle véritable est processuelle, singulière, chargée de
potentialités et de singularités. Elle est un événement dont on ne peut
totalement déterminer les limites, les formes et les conséquences, car
elle admet l’imprévisible, la création. Elle est une relation dans laquelle les valeurs de liberté, dignité, fraternité, égalité se conjuguent.
« Dans le contexte de mise en question des valeurs, la responsabilité
en éducation se définit comme une éthique de la non-immédiateté et
donc de l’engagement, comme une éthique de la singularité dans une
adaptation réciproque du rapport éducateur-éduqué et enfin comme
une éthique du don qui doit aller jusqu’à l’abandon de soi-même car
l’éducateur doit, en fin de compte, faire le deuil de sa propre fonction
allie respect, solidarité et responsabilité11. » Cette posture morale est
engendrée dans et par les activités reliées au souci de l’autre, en situation concrète, et implique donc, une connaissance des situations qui la
rendent possible ou lui font obstacle. La responsabilité du travailleur
social vis-à-vis des personnes, c’est avoir de la prudence en même
temps que de l’audace, et une volonté de déboucher sur le champ des
possibles.
Dès lors, la responsabilité éthique envers les usagers a plusieurs volets qui s’entrecroisent :
Responsabilité professionnelle envers Autrui
Construction du
Sujet
Difficulté à être sujet
Modalités
Moyens
A-venir ; advenir ;
susciter
Parvenir à ; produire
Devenir Sujet
agissant
Ouverture, irruption
des possibles
Circonstances
apprivoisées et
dominées
Passage à la liberté
et à l’autonomie
Processus
Activité
Engagement
professionnel
Souci de l’autre
Capacité à traduire
le sens
Capacité à proposer
un cadre structurant
Action ‘‘juste’’
11. Jean Bernard PATURET, De la responsabilité en éducation, Ramonville-SaintAgne, Erès, 1995.
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d’engagement dans l’action ou l’abstention. La responsabilité émerge
de leur articulation et reste de ce fait relative.
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Cette responsabilité est chaque jour en œuvre en même temps
qu’elle est anticipative et se conjugue avec « le futur antérieur ». Car
l’étendue de la responsabilité suppose une grande lucidité qui voit bien
au-delà de l’immédiateté, pour anticiper des conséquences lointaines
dans le temps et l’espace. La responsabilité éthique envers les usagers
est donc double, à la fois individuelle et sociale, en raison des répercussions et des conséquences que les actes professionnels peuvent
avoir sur d’autres personnes. Car au devoir d’écoute et d’aide des personnes dont on a la responsabilité professionnelle, s’adjoint de plus un
devoir de sollicitude allant vers toute personne en difficulté.
Or, bien souvent, face aux situations difficiles, on observe que les
notions de responsabilité, de culpabilité, de défense, sont confondues
les unes avec les autres. Du « ce n’est pas ma faute, où la lâcheté tend
à projeter sur les autres la responsabilité qu’on refuse »12, où l’on se
positionne comme victime, aux « je me sens coupable » – « homme de
la mauvaise conscience » dit Nietzsche13 –, où l’on se croit fautif face
à autrui auquel on pense devoir infiniment et démesurément, la prise
de responsabilités est souvent malmenée. Entre les deux extrêmes, qui
se caractérisent d’un côté, par le repli et l’immobilisme par crainte du
risque et de la responsabilité, et de l’autre, par le travail social qui se
croit responsable d’enrayer la misère du monde, l’équilibre est délicat
et suppose chez le professionnel un pouvoir d’écart et de distanciation
vis-à-vis de ses propres fonctionnements et des déterminismes extérieurs ainsi qu’une hiérarchisation des enjeux de la responsabilité.
Comme le dit Pierre Gire, « La prudence, la sagesse pratique impose,
en style ricœurien, de plaider pour la recherche d’un équilibre entre la
12. Julio CORTÁZAR, Façons de perdre, trad. Guille-Bataillon, Paris, Gallimard,
1978.
13. Friedrich NIETZSCHE, La généalogie de la morale, 1887, II § 2 et 22. Leipzig,
1987, (trad. d’H. Albert, Paris, 1900, rééd. Nathan, 1985).
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À travers son apparition première sous la figure de l’étranger, dans
la vie quotidienne avec le partage d’un monde commun, dans la relation privilégiée où il est le proche, et dans la relation professionnelle
d’acteur-sujet, le regard d’autrui possède le pouvoir d’interpeller, de
questionner, l’appel d’autrui précédant toute réponse, devançant toute
liberté, selon Levinas ; autrui est une personne, un être libre ayant une
conscience et une dignité, et une fin en soi, comme le dit Kant.
L’accompagnement social est bien à baser sur une éthique de la responsabilité avec la visée de permettre à chacun, quel que soit le niveau
des difficultés qu’il rencontre, de faire des choix responsables. Cette
éthique cherche et vise à éviter les dérives possibles de l’assistance ou
du contrôle social.
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
responsabilité toujours liée à l’idée d’une faute personnelle et la solidarité où il y a partage des risques14. »
PROFESSIONNELS ET INSTITUTIONS EMPLOYEURS :
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La responsabilité du travailleur social s’exerce avec d’autres, dans
un métier qui a ses attendus et sa propre culture, et dans des institutions
qui ont leur cadre de références. Au sein de l’institution employeur,
l’exercice de la responsabilité est le fait de tenir son poste de manière
optimale, et la responsabilité éthique partagée est à la fois dans
l’institution envers la personne, et de l’institution envers la société. Or,
dans la période où les politiques sociales et la crise sociale et économique contribuent plus fortement que jamais à demander et valoriser les
compétences individuelles des professionnels, façonnées par différents
facteurs (la formation initiale, le public accompagné, le lieu d’exercice)
et qui structurent des identités professionnelles cloisonnées, il importe
de rappeler la nécessaire prise de distance de l’injonction à l’action
individuelle. Il faut repenser la nature de cette responsabilité professionnelle et les formes d’organisation qui la favorisent.
La responsabilité singulière envers la personne dans l’institution
15
La démarche élaborée par Max Weber avec l’éthique de responsabilité (quels sont les enjeux de la situation, les responsabilités auxquelles fait face l’institution ?) et l’éthique de conviction (le fonctionnement et les objectifs solutions sont-ils compatibles avec les valeurs
personnelles ?) se pose particulièrement ici.
Au sein de l’obligation institutionnelle pour le travailleur social –
qui comprend de mener des actions répondant aux problèmes des personnes, de s’acquitter des tâches nécessaires et de répondre de leur
exécution à l’autorité compétente, suivant des critères établis –, la
responsabilité éthique est une charge à assumer, qui prend garde à la
réalisation des personnes vis-à-vis desquelles on est moralement engagé, tout en prenant en compte leur histoire, la mémoire du passé et le
projet. L’action, au-delà de l’immédiateté ou de l’urgence, est à définir
ensemble, avec la personne, particulièrement avec un choix de valeurs
qui fait sens, et non seulement sous la forme de planification pratique.
Exercer sa responsabilité, c’est aussi pour le professionnel, éprouver la
joie d’exercer, d’aider. Car la responsabilité exercée à bon escient
14. Pierre GIRE, « Penser la responsabilité », Université Catholique de Lyon, colloque
de l’ESDES.
15. Max WEBER, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1995.
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UNE RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE PARTAGÉE
Brigitte Bouquet
revêt un aspect mis en évidence par Nietzsche16, à savoir la fierté de
mettre en œuvre ses capacités, « la fière connaissance du privilège
extraordinaire de la responsabilité, la conscience de cette rare liberté,
de cette puissance sur lui-même et sur le destin ».
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De même, si les champs où s’exerce la responsabilité des personnels d’encadrement sont multiples – dans l’action quotidienne auprès
des équipes, dans le management des services et la gestion des ressources humaines, dans le développement et l’amélioration de la qualité du service, dans les actions visant à rendre compte des politiques
engagées localement ou nationalement – il s’agit autant, sinon plus, de
responsabilité éthique, bien que la responsabilité juridique soit celle
qui est le plus prise en compte.
Quant à l’institution, elle a envers les usagers (chacun en singularité et tous au pluriel) une responsabilité de mission. Celle-ci nécessite
de définir des missions claires et d’avoir une éthique de service. Il y a
bien responsabilité par la mission confiée, sous la forme à accomplir
selon les règles, ce qui touche à l’organisation comme à la mise en
œuvre des réponses. Dès lors qu’il y a action, il y a responsabilité dans
la mesure où à l’action est apposée une fin poursuivie ; ce qui veut dire
une connaissance étendue des implications de l’action. Ainsi les institutions conscientes, réfléchies, ont à permettre aux personnes de poursuivre leur humanisation en creusant toujours plus loin et plus profond
le sillon de la « relationalité » qui, selon G. Simondon17, remet en
question le paradigme de « l’être-individuel ». G. Simondon place
comme proposition centrale que « l’être est relation », que « toute
réalité est relationnelle » donnant ainsi une dimension plus large, plus
16. Au début de la « Deuxième dissertation » de La Généalogie de la morale, dans « La
Généalogie de la responsabilité et de la culpabilité qui fondent le devoir », Nietzsche évoque
la longue histoire des origines de la responsabilité.
17. Gilbert SIMONDON, L’individuation psychique et collective (IPC), Paris, Aubier,
1989.
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La responsabilité contractuelle du travailleur social envers
l’institution pose le problème de la liberté formelle et de l’autonomie
réelle. Toute pratique professionnelle s’inscrit dans un cadre et la qualité de ce cadre conditionne la qualité de la pratique. Le travail social
nécessitant une relative autonomie technique, pour pouvoir être responsable, il lui faut avoir la liberté de ses actes et les capacités
d’exercer cette responsabilité. L’exigence d’avoir un cadre de travail
adéquat, des moyens et une reconnaissance pour répondre à la mission
demandée est donc légitime pour ne pas être obligé d’endosser une
pseudo-responsabilité qui ne peut être assurée et de pouvoir poser la
délimitation au-delà de laquelle la responsabilité n’appartient plus au
professionnel, mais aux institutions et aux politiques.
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
profonde, c’est-à-dire « ce qui fait être » ; cette perspective impose le
caractère profondément actif de la mise en relation et de ce qui en
émerge. Enfin, la responsabilité de décider ne peut se concevoir que
partagée (un amalgame est souvent fait entre « responsabilité » et « autorité », mais ces deux notions sont de nature différente18).
Pour synthétiser, dans la hiérarchie des décisions, il y a une échelle
de la responsabilité, des degrés de responsabilité. Ainsi, dans les institutions, structures de plus en plus complexes, la « relationalité »19 est
au cœur de la rationalité, et les deux se conjuguent dans les réponses
éducatives, cliniques, juridiques, sociales. Il s’agit de s’engager et
d’assumer collectivement une charge et d’en répondre ensemble, sans
pour autant qu’il y ait dilution des responsabilités.
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L’institution sociale s’inscrit dans la société par la médiation de ses
missions. Secteur extrêmement sensibilisé à la problématique de la
responsabilité professionnelle du fait de sa fonction envers les enfants,
les jeunes délinquants, les handicapés…, elle a la responsabilité éthique quotidienne, pragmatique, de faire apparaître ou donner un sens
moins difficile à leur vie, et tout en intégrant leur vulnérabilité et leur
fragilité, de veiller à faire « ce qui rend la vie digne d’être vécue »
selon l’expression de Wittgenstein20, à mettre en œuvre une éthique de
la fragilité et du respect21, prenant en compte l’autonomie, les ressources et les savoirs des personnes, leur dignité et reconnaissance. Le
travail social a bien un rôle de (re)donner les capacités de responsabilisation (au sens éthique) et d’intégration sociale.
De plus, lieux intermédiaires où se repèrent les facteurs de crises et
de difficultés sociales à traiter soit au titre de l’action préventive, soit
au titre de suivi d’une intervention, les institutions sociales constituent
le maillon indispensable d’une grande chaîne de la solidarité. Avec la
nécessité d’articuler le technique et le politique, la solidarité institutionnelle s’étend du face-à-face où elle s’origine le plus souvent, jusqu’aux lieux plus éloignés, dans la relation avec l’ensemble des citoyens.
Ainsi, en développant une intervention sociale avec les valeurs qui
la sous-tendent, en réfléchissant à la prise en compte des causes des
18. Cf. séminaire commun de la Chaire Travail social et du GRIF-La LISE sur « Autorité et pouvoir ».
19. Gilbert SIMONDON, ibid.
20. Ludwig WITTGENSTEIN, Leçons et conversations sur l’esthétique, la psychologie
et la croyance religieuse suivies de Conférence sur l’Éthique, Paris, Gallimard, 1992.
21. Philippe CORCUFF, La Société de verre : pour une éthique de la fragilité, Paris,
Armand Colin, 2002.
Vie Sociale – n° 3/2009
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La responsabilité particulière de l’institution envers la société
Brigitte Bouquet
crises appelant l’intervention et en menant une recherche professionnelle sur les difficultés qu’ils rencontrent, le travail social et les institutions sociales prennent la responsabilité éthique de contribuer à
l’humanisation de la société, de concert avec les finalités du milieu
associatif, syndical, les collectivités locales et l’État.
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Si la responsabilité individuelle est la forme originelle de la responsabilité car elle découle de la conscience elle-même, la responsabilité
collective en est la forme sociale. À la responsabilité personnelle et
professionnelle, s’ajoutent celle du collectif professionnel d’appartenance, et enfin celle de citoyen, qui allie la responsabilité individuelle à la responsabilité plurielle, et pose la question de « jusqu’à
quel point sommes-nous capables d’assumer l’humanité ? ». La responsabilité sociale s’ouvre à l’universalité du « vivre-ensemble », à
l’humanité elle-même.
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Puisqu’il y a indissociablement individu singulier et individu collectif, la liberté individuelle est d’autant plus grande qu’existe une
solidarité collective forte. « Le besoin d’autonomie va de pair avec
celui d’appartenance au groupe social. […] Être social, c’est un être
qui a besoin de la société des autres hommes22 ». De ce fait, l’éthique
du travail social ne peut pas être pensée en dehors de la sphère économique et politique, de l’extension des territoires, des nouvelles missions et implique que l’éthique de la responsabilité vise l’engagement
dans la modification des situations sociales et sociétales, l’émancipation collective. Car, pour que la faculté d’agir – faculté politique
par excellence – se réalise dans l’une des formes nombreuses et variées de la communauté humaine, il faut une vie collective.
Dès lors, deux caractéristiques sont présentes dans toute responsabilité collective : participer à un collectif qu’aucun acte volontaire de
notre part ne peut dissoudre, et être tenu pour responsable de son action même si l’on n’y a pas contribué.
En tant que membre d’une collectivité, l’individu participe à la responsabilité de celle-ci dans la mesure où non seulement il a participé à
son activité, mais aussi dans la mesure où, par son abstention, sa passivité, voire peut-être sa lâcheté, il a laissé accomplir des actes que le
droit ou la morale condamnent. « Il existe une responsabilité pour des
22. Norbert ELIAS, La société des individus, Paris, Fayard, 1997.
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RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE COLLECTIVE ET PLURIELLE
VIS-À-VIS DE LA SOCIÉTÉ
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
choses que nous n’avons pas commises, mais dont on peut néanmoins
être tenu pour responsable23. »
En tant qu’ils ont une réalité propre et une personnalité morale et
juridique, les groupes et collectivités peuvent être tenus pour responsables.
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Pour ce faire, la responsabilité collective professionnelle implique
une coordination, une mutualisation des efforts, une répartition rationnelle des moyens, des outils pertinents. De plus, elle s’inscrit dans la
durée sous peine de se restreindre à des sursauts d’émotion et de céder
à la logique médiatique de l’instantané. Comme on est infiniment responsable par rapport au temps et au futur25 et que l’expérience de
l’altérité est celle de la vulnérabilité de l’autre homme et solidairement
du sentiment de ma responsabilité envers lui26, il importe bien de comprendre et d’appliquer cette responsabilité dans toute son extension.
LA RESPONSABILITÉ ÉTHIQUE ILLIMITÉE ? UN DÉBAT
Mais les hommes sont-ils naturellement responsables en toutes circonstances ? Est-il possible de tout assumer ? Le débat est vif sur ce
point. À vouloir trop insister sur les capacités de l’individu, ne risquet-on pas de déconsidérer la réalité complexe de l’insertion sociale de
l’être humain ? Les actions personnelles et professionnelles sur les
personnes n’ont-elles pas des conséquences qui excèdent toujours les
23. Hannah ARENDT, « La responsabilité collective », in Ontologie et Politique, Paris,
Ed. Tierce, 1989.
24. Jean-Louis GARDIES (1925-2004), « La rationalité pratique à l’épreuve de la relativité des normes », Revue philosophique, n° 1, 1979.
25. Cf. Hans JONAS, Le principe responsabilité, Paris, Flammarion, 1998. Analyser les
formes d’agir caractéristiques de la civilisation technologique est le souci qui domine la
réflexion éthique développée dans « le principe responsabilité ».
26. Cf. Emmanuel LEVINAS, Éthique et infini, chap. 8 « La responsabilité pour autrui », (1981), Paris, le Livre de poche, 1997. Il présente un nouvel humanisme centré sur
l’expérience du visage comme dévoilement de la fragilité et devoir de responsabilité. Le
visage d’autrui est infini, et par sa nudité et l’exhibition de sa faiblesse, il assigne une responsabilité infinie qui est élection en même temps qu’obligation.
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Alors qu’on observe un recul des idées de solidarité et de responsabilité collective au profit de l’individualisme, parler de responsabilité
collective signifie donc que les actes et attitudes entraînent des conséquences qui vont peser sur l’ensemble de la communauté. Dans une
éthique positive de la responsabilité où chaque personne trouve sa
liberté dans sa capacité à s’auto-contraindre, la question de la responsabilité éthique se pose aujourd’hui comme une « éthique des conséquences ». La responsabilité collective fait appel à l’accessibilité vers
des mondes possibles, des mondes admissibles24.
Brigitte Bouquet
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« Comprendre aujourd’hui la responsabilité, c’est avant tout saisir
comment s’articulent, se complètent et se contredisent des modèles
complexes. Comment ils imprègnent nos intuitions morales, comment
ils se sont incrustés dans les structures du monde vécu et stabilisés au
cœur des dispositifs systémiques27. » Il est donc important de dénouer
l’écheveau des responsabilités multiples et il y aurait nécessité
d’introduire de la mesure dans l’illimité de la responsabilité pour
l’autre, en raison du social et du politique, d’être dans « une démarche
de radicale modération28. »
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Prenons deux exemples : Comment penser la responsabilité éthique, face aux injonctions politiques qui fusent de toutes parts pour
placer chaque individu dans une logique de responsabilisation et
qui notamment s’expriment sous forme de politiques dites
« d’activation » ? « L’attitude face aux inégalités représente ainsi une
expérience sociale cruciale dans la société moderne, première formation sociale dans laquelle l’individu peut se voir attribuer la responsabilité de son destin, mais dans laquelle en même temps les déterminations objectives, l’argent, la naissance, les différentes sortes de
" capitaux" au sens de Bourdieu continuent évidemment – et plus ou
moins selon la place que l’on occupe dans la stratification sociale – à
peser sur ce destin »29. Autre question : Comment penser la responsabilité éthique dans une société où la notion de risque prend de plus en
plus d’importance ? Doit-on raisonner prioritairement en termes de
gestion de la sécurité ou d’apprentissage de la prise de risque ? Au
risque d’avoir juridiquement tort et moralement raison, comment dépasser la contradiction entre les intentions éducatives et le contexte
sécuritaire ?
La prudence, la sagesse pratique imposeraient de plaider pour la recherche d’un équilibre entre la responsabilité liée à l’idée d’une faute
27. Jean-Louis GÉNARD, La grammaire de la responsabilité, Paris, Ed du Cerf, 1999.
28. Max PAGÈS, « La responsabilité : vers une radicale modération », Nouvelle revue
de psychosociologie, n° 2, 2006/2.
29. Robert CASTEL, Claudine HAROCHE, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne, Paris, Fayard, 2001.
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intentions ? Ne sous-estime-t-on pas le contexte social traversé par des
systèmes de normativité et des logiques économiques, politiques, culturelles ? N’ignore-t-on pas les difficultés différentes de la responsabilité plurielle qui, dans l’optique de « l’État minimaliste », se trouvent
face à la solidarité organisée de manière plutôt parcimonieuse et résiduaire, et dans celle de « l’État constructiviste », face à la solidarité
décrétée et plutôt procédurière ? Que penser des diverses conceptions
de la responsabilité : responsabilité sans faute, responsabilité-dette,
responsabilité-promesse, responsabilité partagée… ?
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la société…
personnelle et la solidarité où il y a partage des risques. De même,
dans une société où tout droit de prestation est de plus en plus subordonné à un devoir à remplir, la « tertialité » régulerait la responsabilité
car « Entre la proximité du prochain et l’illéité du transcendant, la
tertialité inaugure la justice, l’entre-nous de la communauté politique.
Elle permet le passage de l’exigence éthique de la responsabilité à
l’ordre politique de la justice et de la liberté30. »
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L’Éthique lie liberté et responsabilité. Être responsable est une des
conséquences de la liberté et une des conditions majeures de la « vie
bonne ». Ainsi, une liberté responsable caractérise la personne qui
s’auto-contraint pour des raisons supérieures. De plus, la responsabilité est infinie, elle tient à ce qu’il y a de meilleur et de plus exigeant, à
la fois dans l’ordre individuel et dans l’ordre collectif. Enfin, si la responsabilité individuelle est la forme originelle de la responsabilité car
elle découle de la conscience elle-même, la responsabilité collective en
est la forme sociale. Bref, la responsabilité concerne chacun, en tant
qu’individu, parent, professionnel, citoyen et citoyen du monde. Elle
est simultanément singulière (la personne), particulière (l’institution),
et universelle (la visée de la vie humaine).
Cependant, si la responsabilité devient une valeur éminente en
pleine expansion, le débat actuel porte sur la nature de cette responsabilité et la difficulté de l’assumer, car la responsabilité humaine est
toujours insérée dans « l’espace-temps » de la finitude de l’être et de
l’agir. Singulière, la responsabilité rend la personne faillible ; particulière, dans une société baignée de conditionnements, la responsabilité
rend le citoyen vulnérable ; universelle, dans la contingence mondiale,
la responsabilité est prise dans une dialectique de destruction/création.
Il s’agit donc de ne pas cesser de poursuivre la pensée éthique de la
responsabilité afin de la rendre le mieux possible opératoire.
30. Francis GUIBAL, La gloire en exil. Le témoignage philosophique d’Emmanuel Levinas, Paris, Ed. du Cerf, 2004.
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POUR CONCLURE…
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