Description de l’oeuvre et analyse plastique:
Robert Delaunay est à l’époque très impliqué dans les mouvements artistiques novateurs du début du XXème
siècle. Après être passé de l’impressionnisme au divisionnisme ou pointillisme, avec son épouse, il crée le simultanéisme
avec des couleurs qui doivent montrer une dynamique, sembler vibrer.
Le choix chromatique opte pour des couleurs franches, qui juxtaposées, sont complémentaires. Cette oeuvre ne
peut pas être qualifiée d’abstraite, bien qu’accordant une place majeure aux couleurs, car on reconnaît aisément des formes
du quotidien comme la Tour Eiffel, l’aéroplane, la Grande Roue…
Cette oeuvre est conçue à la manière d’un collage bien qu’elle ne recoure pas à ce procédé. Des aplats de couleurs se
juxtaposent, des formes géométriques variées donnent naissance à des figures bien identifiables. Delaunay a juxtaposé des
joueurs en pleine action, la Grande roue, la Tour Eiffel, et un aéroplane : tous des symboles de ces nouveautés qui seront
décisives pour ce XXème siècle débutant et qui s’annonce agité.
De même, la présence de grands placards publicitaires, vantant les mérites de la marque Astra annonce la place majeure de
la publicité dans la société de consommation naissante et dans le « sponsoring » des événements sportifs majeurs jusqu’à
aujourd’hui.
Avec la réclame, la publicité, Delaunay participe aussi au débat sur la place de la publicité dans la société occidentale et
se place aux côtés de Blaise Cendras qui considère que « la publicité est la fleur de la vie contemporaine », ou
d’Apollinaire qui considère que « dans une ville moderne, l’inscription, l’enseigne, la publicité joue un rôle artistique très
important ». Elle introduit des taches de couleur dans un tissu urbain constitué de grisaille.
La présence des noms des trois capitales artistiques de l’époque « New-York-Paris-Berlin » montre l’essor du marché de
l’art et l’importance des expositions d’art à l’échelle mondiale.
Le tableau se structure, s’ordonne, autour d’une courbe centrale sinusoïdale (= en S), qui traverse la toile des pieds des
rugbymen en extension en passant au sommet de la Roue et aboutissant à l’aéroplane et dynamise la composition
Conclusion
L’artiste exprime ainsi sa vision du monde moderne dans lequel la vitesse, la
mobilité géographique des sportifs, des artistes, et les moyens de transport
aérien deviennent des éléments majeurs. Son ami Guillaume Apollinaire
pourra décréter « c’est la toile la plus moderne du Salon ». Il est en cela une
mémoire, un instantané de l’image que le peintre a de son époque.
Elle peut être mise en parallèle avec la vision d’un autre artiste quelques
années plus tard, en 1919, montrant l’esprit de notre temps , Raoul
Haussmann est un artiste du mouvement Dada. Par des prises de positions
politiques écrites, il dénonce la société bourgeoise de son époque qui a, entre
autre, conduit à la guerre. Cette petite tête de bois critique la société, «de
l’homme machine » qui empêche de penser par soi même. Car « penser comme
une machine » était, selon Hausmann, le principal défaut de ses contemporains.
Ici l’assemblage-sculpture présente un visage fait mécaniquement au cerveau
vide (la boîte / oreille ouverte), dirigé par l’argent (porte monnaie de la société de
consommation), sa parole n’est que du vent (tuyau de pipe), il a une écriture, pensée
normalisée (rouleau typographique) faîte de rouages (mécanisme de la montre) ou
l’émotion est chiffrée (22) et l’intelligence se calculer, sur le bombage d’un
front, par un étalon de mesure en cm…. C’est une vision pessimiste d’une
époque bouleversée par le premier grand conflit du XXème siècle.