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Décoration et Architecture
D É C E M B R E 2 0 1 2 - F É V R I E R 2 0 1 3 5 1
Décoration et Architecture
Les troubles oculaires dont
Munch est victime en mai
1930, suite à une hémorragie
rétinienne, perturberont le peintre
jusqu’à la fin de l’année. Comble
de malchance, l’oeil atteint est «le
bon», l’autre ayant perdu son acuité
depuis longtemps.
L’artiste doit se reposer et éviter
toute activité éprouvante qui pour-
rait entraîner un nouvel accident
de ce type et le rendre totalement
aveugle. L’ordonnance ne sera que
partiellement respectée. Après
quelques semaines, alors qu’il re-
couvre en partie l’usage de son oeil,
il met à profit la période de conva-
lescence pour rendre compte des
visions spectaculaires auxquelles
ce dernier lui permet d’accéder.
Les formes qu’il voit alors se su-
perposer au monde réel apparais-
sent en suspension dans l’espace,
à quelques mètres de lui ou au
loin, selon l’endroit où son regard
se porte. Ce type d’apparitions,
ayant lieu à l’intérieur de l’oeil,
appartient au registre des visions
dites entoptiques, comme ces
poussières en suspension que l’on
voit se déplacer avec nos yeux, tout
en transparence. Ces apparitions
entoptiques sont étudiées avec ri-
gueur par l’artiste, qui en consigne
les évolutions, compare leurs mo-
difications en fonction des varia-
tions lumineuses, fixant tantôt
un mur, tantôt un ciel, se plaçant
tantôt dans la pénombre, tantôt en
pleine lumière.
Les aquarelles qu’il en obtient
ne sont pas pour autant pensées
en termes d’abstraction. L’artiste
cherche bien à peindre ce qu’il
voit; ces images sont certes im-
matérielles, mais bien concrètes si
l’on en juge par les plaintes que le
malade formule dans ses lettres.
Les yeux de Van Gogh n’avait
pas de problèmes en tant que
tels. Mais la consommation
de certaines substances le faisait
voir jaune. Une boisson très popu-
laire chez les artistes de l’époque,
l’absinthe, avait cette propriété-là.
Et l’amour de Van Gogh pour cette
boisson était bien connue. On pense
qu’il prenait également de la santo-
nine, un médicament dérivé d’une
plante, pour aider sa digestion.
Car Van Gogh avait pour le moins
un drôle d’appétit, raconte Jean
Milot: «Il semble qu’il avait des
goûts morbides pour manger toute
sorte de choses. C’est une patholo-
gie que l’on appelle pica. Il semble
qu’il mangeait ses peintures, ses
pinceaux, il buvait de l’absinthe, il
buvait des rasades de térébenthine.
Tous ceux qui avaient des troubles
de digestion prenaient de la santo-
nine, et la santonine fait voir jaune.
Je pense bien que Van Gogh faisait
comme tout le monde et prenait de
la santonine».
Le docteur Paul-Ferdinand Gachet,
qui traitait Van Gogh pour son épi-
lepsie, lui prescrivait de la digitale,
une plante qui a également la pro-
priété de faire voir jaune. «Van Gogh
s’était demandé: «Pourquoi j’ai tant
de jaune dans mes tableaux?». Il y a
tout un symbolisme relié au jaune,
il y a tout un choix libre aussi relié
au jaune. Si c’était complètement
pathologique, il a assumé sa patho-
logie, il en a fait quelque chose».
Il s’est dit: «Peut-être que l’on peut
voir les choses en jaune, et donc pour
moi le jaune ça veut dire la joie, le re-
pos». Quand il prépare une chambre
pour Gauguin qui s’en vient, il se
dit: «Je lui fais deux tournesols de
chaque côté et je les lui mets sur le
mur. Et ils vont être en jaune, parce
que ça exprime la paix, le repos. C’est
une chambre à coucher, donc c’est la
chose qu’il faut là!». n
© ONO News
Edvard Munch
Pathologie: hémorragie vitréenne, amblyopie
Vincent Van Gogh
Pathologie: xanthopsie