L`œil et le peintre - Prestige Immobilier

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Décoration et Architecture
Décoration et Architecture
Camille Pissaro
Pathologie: dacryocystite
L
L’œil et le peintre
L’amétropie (anomalie de la réfraction des rayons lunineux dans l’œil (myopie, astigmatisme, etc.) est une affection fréquente. L’excellent magazine «ONO
News», publié par la Clinique de l’Œil*, a publié une intéressante analyse des
particularités du style de trois peintres célèbres, particularités qui tenaient à leur
vision du monde, mais aussi à l’état de leurs yeux.
es toiles des grands boulevards parisiens sont des
oeuvres maîtresses dans la
production de Camille Pissarro.
Pourtant, elles sont le résultat d’une
maladie qui a longtemps affligé
l’artiste: l’obstruction de ses voies
lacrymales, la dacryocystite. Les
larmes sont continuellement produites par les glandes lacrymales.
Elles coulent à la surface de la cornée pour la nettoyer et la lubrifier.
Elles sont ensuite évacuées et voyagent jusqu’au nez par le canal lacrymo-nasal, qui est en quelque sorte
le drain de l’oeil. Pissarro avait une
obstruction de ce canal. Résultat: il
larmoyait continuellement et il était
devenu sensible à la lumière. On
considère Pissarro comme le père
de l’impressionnisme. Avant sa maladie, il était surtout reconnu pour
ses toiles campagnardes. Mais à 58
ans, sa condition le force à quitter
la campagne pour se réfugier dans
des appartements sombres de Paris. Pissaro a dû abandonner ses
scènes champêtres, ces scènes de
paysans dans les champs. Il a évité
de peindre lorsqu’il y avait beaucoup de soleil, parce qu’il était
ébloui par la lumière. Il devait donc
travailler les jours de brouillard, le
soir, le matin très tôt. Il peignait à
partir d’une fenêtre où il se mettait
à l’écart de la lumière. Pour tenter
de le guérir, on a eu recours à une
technique chirurgicale qui est encore pratiquée aujourd’hui. Il s’agit
d’entrer par le point lacrymal pour
débloquer l’obstruction. Cette intervention n’a toutefois pas guéri
Pissarro. Son cas s’était compliqué
par des abcès répétés. Mais sa ma-
ladie a eu un impact considérable
sur le choix des sujets et la façon
de les peindre. À l’époque, on faisait des vues de rues de ville, mais à
hauteur de rue. Pissaro vit en appartement, au-dessus et fait des vues
en plongée, que l’on retrouve maintenant dans le cinéma, qui ont eu
une influence énorme sur la façon
de voir les places publiques. Pissarro a donc surmonté sa maladie
et, du même coup, a fait évoluer la
peinture.
•
*ONO News, No 3, novembre 2011. La Clinique de l’Œil est présente à Genève (Onex, Servette, Carouge, Chantepoulet),
en France voisine (Prévessin), à Lausanne et à Zurich (Augen Glattzentrum).
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Décoration et Architecture
Décoration et Architecture
Vincent Van Gogh
Pathologie: xanthopsie
L
Edvard Munch
Pathologie: hémorragie vitréenne, amblyopie
L
es troubles oculaires dont
Munch est victime en mai
1930, suite à une hémorragie
rétinienne, perturberont le peintre
jusqu’à la fin de l’année. Comble
de malchance, l’oeil atteint est «le
bon», l’autre ayant perdu son acuité
depuis longtemps.
L’artiste doit se reposer et éviter
toute activité éprouvante qui pourrait entraîner un nouvel accident
de ce type et le rendre totalement
aveugle. L’ordonnance ne sera que
partiellement respectée. Après
quelques semaines, alors qu’il recouvre en partie l’usage de son oeil,
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il met à profit la période de convalescence pour rendre compte des
visions spectaculaires auxquelles
ce dernier lui permet d’accéder.
Les formes qu’il voit alors se superposer au monde réel apparaissent en suspension dans l’espace,
à quelques mètres de lui ou au
loin, selon l’endroit où son regard
se porte. Ce type d’apparitions,
ayant lieu à l’intérieur de l’oeil,
appartient au registre des visions
dites entoptiques, comme ces
poussières en suspension que l’on
voit se déplacer avec nos yeux, tout
en transparence. Ces apparitions
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entoptiques sont étudiées avec rigueur par l’artiste, qui en consigne
les évolutions, compare leurs modifications en fonction des variations lumineuses, fixant tantôt
un mur, tantôt un ciel, se plaçant
tantôt dans la pénombre, tantôt en
pleine lumière.
Les aquarelles qu’il en obtient
ne sont pas pour autant pensées
en termes d’abstraction. L’artiste
cherche bien à peindre ce qu’il
voit; ces images sont certes immatérielles, mais bien concrètes si
l’on en juge par les plaintes que le
malade formule dans ses lettres.
es yeux de Van Gogh n’avait
pas de problèmes en tant que
tels. Mais la consommation
de certaines substances le faisait
voir jaune. Une boisson très populaire chez les artistes de l’époque,
l’absinthe, avait cette propriété-là.
Et l’amour de Van Gogh pour cette
boisson était bien connue. On pense
qu’il prenait également de la santonine, un médicament dérivé d’une
plante, pour aider sa digestion.
Car Van Gogh avait pour le moins
un drôle d’appétit, raconte Jean
Milot: «Il semble qu’il avait des
goûts morbides pour manger toute
sorte de choses. C’est une pathologie que l’on appelle pica. Il semble
qu’il mangeait ses peintures, ses
pinceaux, il buvait de l’absinthe, il
buvait des rasades de térébenthine.
Tous ceux qui avaient des troubles
de digestion prenaient de la santonine, et la santonine fait voir jaune.
Je pense bien que Van Gogh faisait
comme tout le monde et prenait de
la santonine».
Le docteur Paul-Ferdinand Gachet,
qui traitait Van Gogh pour son épilepsie, lui prescrivait de la digitale,
une plante qui a également la propriété de faire voir jaune. «Van Gogh
s’était demandé: «Pourquoi j’ai tant
de jaune dans mes tableaux?». Il y a
tout un symbolisme relié au jaune,
il y a tout un choix libre aussi relié
au jaune. Si c’était complètement
pathologique, il a assumé sa pathologie, il en a fait quelque chose».
Il s’est dit: «Peut-être que l’on peut
voir les choses en jaune, et donc pour
moi le jaune ça veut dire la joie, le repos». Quand il prépare une chambre
pour Gauguin qui s’en vient, il se
dit: «Je lui fais deux tournesols de
chaque côté et je les lui mets sur le
mur. Et ils vont être en jaune, parce
que ça exprime la paix, le repos. C’est
une chambre à coucher, donc c’est la
chose qu’il faut là!». n
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