Les principales complications somatiques
de l’alcoolisation chronique (en dehors
des complications hépato-gastroentérologiques)
Principal somatic complications of chronic alcoholization
(apart from the hepato-gastroenterologic complications)
F. Paille*
B
ien que la consommation d’alcool ait beaucoup dimi-
ndepuis une trentaine d’années, la France reste,
avec 10,7 litres d’alcool pur par habitant et par an, le
quatrième pays consommateur en Europe après le Luxembourg
(12,2 l), l’Irlande (11,6 l) et le Portugal (11 l). L’alcoolisation,
aiguë et ch ro n i q u e , est re s p o n s abl e d’au moins 40 0 0 0 décès
par an, soit environ 7 % de l’ensemble des décès et constitue la
t r oisième cause de mortali en Fra n c e , après les maladies
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004
72
* Centre d’alcoologie, Nancy.
L’alcoolisation, aiguë et chronique,est responsable d’au
moins 40 000 décès par an en France, soit environ 7 % de
l’ensemble des décès. Elle constitue la 3
e
cause de mortalité
en France.
La consommation ch ronique d’alcool a été la cause dire c t e
de plus de 23 000 décès en 1998, soit 4,30 % de la mortalité
globale (7 % chez les hommes, 3 % chez les femmes).
Il s’agit d’une importante cause de mortalité prématurée :
un décès sur deux survient avant 65 ans.
Les cancers des voies aéro-digestives supérieures consti-
tuent la première cause de mortalité par alcoolisme (50,6 %
des décès).
Le carcinome hépato-cellulaire est lié à la cirrhose. Une
corrélation faible, mais significative, a été mise en évidence
entre consommation d’alcool et cancers du sein, du côlon et
du rectum.
Les encéphalopathies alcooliques d’ori gine care n t i e l l e
( G a ye t - We rn i cke et Ko rs a ko ff) sont bien connu e s , mais il
faut souligner la fréquence des troubles cognitifs modérés
chez les personnes présentant une alcoolisation chronique.
Ces troubles doivent être repérés de façon à adapter les pro-
grammes thérapeutiques aux possibilités des patients.
P O I N T S F O R T S
P O I N T S F O R T S
De nombreuses études ont mis en évidence une courbe en
“J” entre consommation d’alcool et mortalité cardiovascu-
l a i re globale, avec un risque minimum pour une consom-
mation de l’ordre de deux verres par jour.
Cependant, si le risque de pathologie ischémique est dimi-
nué pour une consommation faible d’alcool, le risque d’hy-
p e rtension art é ri e l l e, de tro u b les du rythme et, à un degr é
moindre, de myocardiopathie alcoolique augmente, même
pour des doses modérées d’alcool.
Parmi les conséquences nutritionnelles de l’alcoolisation
ch ro n i q u e,la dénu t rition pro t é i n o - é n e rgétiqu e est cl a s s i q u e,
encore qu’elle survienne surtout chez des patients présen-
tant des complications organiques sévères (pancréatite ch ro-
nique, cirrhose, etc.). Le statut vitaminique,notamment en
vitamines du groupe B (B1, B6, B9), est fréquemment per-
turbé chez les alcooliques chroniques. Il faut souligner que
les patients alcoolo-dépendants sont souvent polycarencés
en vitamines et en oligo-éléments.
de la consommation d’alcool. Le risque varie de 2 à plus de 6
selon les études et les doses d’alcool ingérées. Le tabac a un effet
potentialisateur.
Cancers de la bouche et du pharynx
Dans la quasi-totalité des études, l ’ a u g m e n t a tion du risque est
comprise entre 2 et 5. Les consommations élevées d’alcool et de
tabac se potentialisent pour multiplier le risque par 15.
Cancers du larynx
Les enquêtes de cohorte montrent une augmentation du risque
variant de 1,4 à 5,4 chez les sujets ayant une forte consomma-
tion d’alcool par rapport à ceux ayant une faible consommation.
Carcinome hépato-cellulaire (CHC)
Le risque de CHC paraît augmenter chez les personnes ayant une
c o n s o m m ation élevée d’alcool. Le risque est de 1 à 35 selon les
études ( 1 ). Cep e n d a n t , pour la plupart , elles n’ont pas tenu compte
des autres fa c t e u rs de ri s q u e , notamment viraux. Le risque sembl e
passer par l’augmentation des cirr h o s e s , elles-mêmes corrélées à la
s u rve n ue d’un CHC : chez un cirr h o t i q u e, la pro b abilité de déve-
lopper un CHC à 5 ans est de 15 à 20 %. La grande fréquence des
m a rq u e u rs viraux chez les patients alcooliques cirrhotiques pré-
sentant un CHC fait s’interroger sur les rôles respectifs de l’alcool
et des virus dans la surve n ue de ces pat h o l ogies. De ce fa i t , l ’ i n-
fection par le VHC nécessite l’arrêt de la consommation d’alcool.
Cancer du sein
Malgré une grande hétérogénéité, de nombreuses études sont en
faveur d’une augmentation re l at ivement fa i bl e , mais signifi c a-
t ive, du nombre de cancers du sein chez les consommat rices d’al-
cool. Une synthèse récente de six études a montré une augmen-
t a tion liaire du ri s q u e, de l’ord re de 10 % par tra n che de
10 grammes d’alcool pur par jour,jusqu’à 60 g par jour (3). Les
consommations plus élevées ne semblent pas accroître ce risque.
Cancer du côlon et du rectum
Les études sont hétérogènes mais mettent globalement en évi-
dence une augmentation faible du risque de survenue de ces can-
cers chez les consommateurs d’alcool.
COMPLICATIONS NEURO-PSYCHIATRIQUES (4)
Elles intéressent surtout des sujets relativement jeunes présen-
tant une alcoolisation importante.
Troubles cognitifs
me en l’absence d’encéphalopat h i e , on constate souve n t
des tro u b les cognitifs plus ou moins marqs au cours de l ’ a l -
c o o l i s a tion ch ro n i q u e . Elle provoque une atteinte de la
cardiovasculaires et les cancers (dont une part importante est due
à l’alcool et au tabac). En 1998, la consommation ch ronique d’al -
cool a été la cause directe de plus de 23 000 décès, soit 4,3 % de
la mortalité : 7 % chez les hommes, 2% chez les femmes. Les
cancers des voies aéro-digestives supérieures sont responsables
de plus de la moitié de ces décès, les cirrhoses de près de 40 %
et l’alcoolo-dépendance d’un décès sur dix. L’ a l c o o l i s a t i o n
constitue une cause importante de mortalité prématurée puisque
un décès sur deux survient avant l’âge de 65 ans.
Cet article traite des principales complications non hépato-gas-
troentérologiques de l’alcoolisation chronique.
CANCERS
Mortalité (1)
Une re l ation positive entre certains types de cancers et la consom-
mation d’alcool a été bien mise en évidence. D’autres relations
sont plus discutées. Le World Cancer Research Fund a situé les
connaissances sur ce point (tableau I).
Cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS)
Il existe une relation positive très bien documentée entre alcoo-
l i s ation ch ronique et surve nue de ces cancers. Ils constituent,
actuellement, la première cause de mortalité par alcoolisme : ils
ont été responsables, en 1998, de 11 706 décès, soit de plus de
la moitié des décès liés à l’alcoolisation chronique (50,6 %). Ils
touchent essentiellement les hommes.
Cancer de l’œsophage
Les premiers travaux de Péquignot et Tuyns en Normandie ont
montré que le risque relatif de cancer de l’œsophage augmente
dès la consommation de 20 à 40 g par jour. Il est égal à 3,4 pour
des consommations de 40 à 60 g par jour. Il atteint 18,3 si la
consommation dépasse 100 g par jour (2).
Depuis, toutes les études de cohorte ont confirmé l’augmenta-
tion du risque de survenue de ces cancers avec l’augmentation
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 73
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
Tableau I. A s s o c i ati on entre consommation d’alcool et risque de cancer
(selon le World Cancer Research Fund, 1997).
A s s o c i a t i o n C o nv a i n c a n t e P ro b a bl e Po s s i b l e
Risque VADS*, Sein, Poumon
augmenté foie côlon-rectum
Pas de relation Vessie Estomac, Prostate,
pancréas rein
* VADS : voies aéro-digestives supérieures.
m é m o i re à court term e , des capacités d’ab s t ra c t i o n , de l’at-
t e n t i o n , de la concentrat i o n , des fonctions visuo-motri c e s , d e s
s t rat é g ies (conclusions trop hâtive s , p e rs é v é r ation dans l’uti-
l i s ation de strat é gies ineffi c a c e s ) , de la fl e xibili intellectuelle
( d i fficul à adapter le comportement ou à conceptualiser une
s i t u a tion nouvelle). Il en sulte un pro f il de type frontal. Ap r è s
s ev rage, la récupération est plus ou moins rapide selon les
fonctions : une à deux semaines pour l’ap p r e n t i s s a ge ve r b a l
ou moteur, p l u s i e u rs mois (vo i r e plusieurs années) pour la
m é m o i re.
Il est donc important de pister ces tro u ble s pour adapter les
p rogrammes thérapeutiques aux possibilités cog n i t i ves des
patients.
Encéphalopathies alcooliques carentielles
Encéphalopathie de Gayet-Wernicke
Elle est plus fréquente chez l’homme. Les tro u bles s’installent
p rogre s s ive ment. La tri a d e ,c a r a c t é ris tique mais inconstante,
associe un état confusionnel (tro u bles de la vigi l a n c e,d é s o ri e n-
t at i o n , ap a t h i e,i n d i ff é re n c e,e t c. ) , une ophtalmoplégie (at t e i n t e s
m o t r ices oculaires dans 20 à 50 % des cas) et une ataxie (tro u bl e s
de l’équilibre par atteinte ve s t i bu l a i re centrale). Il s’y associe
une hy p e r tonie oppositionnelle, un gra s p i n g, des signes céré-
b e l l e u x .
Le rôle d’une carence en vitamine B1 dans cette affection a été
largement documenté, mais d’autres facteurs s’y associent : effet
toxique direct de l’alcool et/ou de l’acétaldéhyde, facteurs géné-
t i q u e s , e t c. L’ é volution est fatale en l’absence de sev rage et
de traitement par la vitamine B1, classiquement à fortes doses
(0,5 à 1 g/j).
Syndrome de Korsakoff
Il peut être isolé ou, le plus souvent, faire suite à une encéphalo-
pathie de Gayet-Wernicke. Il associe une amnésie antérograde,
une désorientation temporo-spatiale,une fabulation, des fausses
reconnaissances. L’installation des troubles est progressive (plu-
sieurs semaines ou mois). Comme l’encéphalopathie de Gayet-
Wernicke, son traitement fait appel à la vitamine B1.
Atrophie cérébelleuse
Elle provoque un syndrome cérébelleux essentiellement statique
( é l a rgi ssement du poly gone de sustentat i o n , position deb o u t
instable, marche difficile, etc.) et un syndrome cinétique moins
important (membres supérieurs).
Atrophie cérébrale et démence alcoolique
Elle est cara c t é risée par une détéri o ration intellectuelle lentement
p rogre s s ive aboutissant à un syndrome démentiel complexe
(signes frontaux avec troubles mnésiques de type Korsakoff). Du
point de vue morp h o l ogi q u e, le scanner met en évidence une at ro-
phie corticale frontale et sylvienne,une dilat ation des ve n t ri c u l e s ,
une atrophie du vermis.
Sa pat h ogénie est mal connu e. Elle pourrait fa i re intervenir des
c a rences vitaminiques, notamment en vitamine B1 et peut-être
B6 et fo l at e s , un effet toxique direct de l’alcool ou de l’acétal-
d é h y d e , des tro u b les de la neuro t ra n s m i s s i o n , notamment un
d é ficit ch o l i n e rgi que suscep t i ble de favo riser une atteinte mné-
s i q u e.
Encéphalopathie hépatique et coma hépatique
Ensemble des manifestations neurologiques et psychiques pro-
voquées par une insuffisance hépato-cellulaire grave, aiguë ou
chronique, elle est la conséquence des shunts hépatiques (encé-
p h a l o p athie port o - c ave ) , de la destruction massive du fo i e
(nécrose) et, éventuellement, de son inhibition fonctionnelle par
certains médicaments. Elle ne sera pas développée ici.
Polyneuropathies alcooliques
L’alcool est, avec le diabète,le principal responsable des neuro-
pathies sensitivo-motrices chroniques périphériques de l’adulte.
Leur pathogénie est multifactorielle. Le rôle d’un effet toxique
de l’alcool ou de l’acétaldéhyde est pro b abl e. Le rôle de la care n c e
thiaminique est plus discuté.
Clinique : typiquement, la neuropathie alcoolique intéresse les
membres inférieurs de façon distale et symétrique. Elle débute
par des dy s e s t h é s i e s , des crampes nocturn e s , une sensation de
pieds froids. En l’absence d’abstinence,elle évolue progressive-
ment vers l’aggravation qui peut, au maximum, aboutir à un état
grabataire. À la phase d’état, on constate :
des troubles sensitifs subjectifs (paresthésies à type d’engour-
dissement ou de fourmillements, douleurs de type neurogène :
b r û l u re s , b roiements) et objectifs (hypoesthésie tactile et ther-
moalgésique, volontiers en “chaussette”, diminution de la sensi-
bilité vibratoire et du sens de la position des orteils) ;
des troubles moteurs : parésie, voire paralysie, avec hypoto-
nie et amyo t r o p h i e,t o u c hant principalement la loge antéro -
externe de la jambe ;
une diminution ou une abolition des réflexes ostéo-tendineux,
achilléens puis rotuliens, avec conservation du réflexe idiomus-
culaire ;
des tro u b les trophiques intéressant la peau qui est luisante,
épaisse, siège de troubles vasomoteurs à type d’hypersudation,
puis de sécheresse, mais aussi les phanères, les tendons, voire les
a r t i c u l ati ons. Un mal perfo rant plantaire ou des lésions ostéo-
articulaires (acropathie ulcéro-mutilante de Bureau et Barrière)
sont devenus exceptionnels.
L’EMG met en évidence un tracé de type neurogène avec chute
des vitesses de conduction sensitives et motrices et diminution
de l’amplitude des potentiels.
Le traitementcessite larrêt complet de l’alcoolisat i o n , u n e
r é é d u c a t i o n , qui est sans aucun doute la méthode la plus effi-
c a c e ,e t , cl a s s i q u e m e n t , la pre s c r iption de vitamines B1 à
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004
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DO S S I E R T H É M A T I Q U E
fo r tes doses : 0,5 vo i re 1 g par jour. Ce traitement n’a cep e n -
dant guère fait l’objet d’études cliniques indiscutables. Le
t r aitement des douleurs neurones associées fait appel aux
a n t i é p i l e ptiques ou aux antidépre s s e u r s , notamment tri c y-
cl i q u e s .
Amblyopie alcoolo-tabagique (névrite optique
rétro-bulbaire)
L’association alcool-tabac joue un rôle prépondérant dans sa sur-
venue (90 % des hommes alcooliques fument), même si leur rôle
respectif n’est pas cl a i reme nt établi. Il s’agit d’une amblyo p i e
progressive, bilatérale et asymétrique, avec scotomes centraux.
La dyschromatopsie est précoce mais non perçue. L’atteinte des
champs visuels est plus tardive. Le fond d’œil est d’abord nor-
mal. Dans les formes sévères, la papille est pâle. L’évolution en
l ’ a bsence d’abstinence se fait progre s s ivement ve rs l’aggrava-
tion et la cécité définitive.
Épilepsie et alcool
Il faut distinguer trois situations très différentes :
Au cours d’une alcoolisation aiguë import a n t e , une iv re s s e
convulsivante peut survenir.
La consommation d’alcool chez un épileptique peut révéler ou
aggraver l’épilepsie. Le traitement repose sur l’abstinence et le
traitement anticomitial.
L’ ap p a rition de crises conv u l s i ves après un long lai d’al-
coolisation peut être en rapport :
– avec des crises de sevrage en cas d’arrêt brutal de la consom-
mation. En général, elles ne nécessitent pas de traitement au long
cours. Leur prévention repose sur l’abstinence ;
avec une épilepsie alcoolique,conséquence des lésions céré-
brales induites par l’alcool après des années de consommation.
Là encore, le traitement nécessite l’abstinence associée à un trai-
tement anti-épileptique.
Hématomes et accidents vasculaires cérébraux
Les matomes sont des complications classiques de l’alcoo-
l i s m e,qu’il s’agisse d’hématomes ex t ra - d u r aux ou sous-dura u x
ch roniques. Ils surviennent après une chute ou un autre tra u-
m at i s m e , me minime. Il faut y penser plutôt trop que pas
a s s e z : attention aux iv resses dont les signes régressent mal,
plus ou moins accompagnées de céphalées, de tro u b les de l’hu-
meur ou du comportement. Le tra u m a tisme peut être mineur et
ê t re passé inaperçu. Un scanner doit être effectau moindre
d o u t e.
Le rôle de l’alcool dans la surve nue d’un accident va s c u l a i re
c é r é b ral est controve r s é : à doses fa i bles et modérées, l ’ a l c o o l
d i m i nu e r ait fa i blement le risque d’infa rctus cérébra l , a l o r s
que ce risque serait majoré à fortes doses. En revanche, le risque
d’accidents hémorragiques serait majoré, même pour des doses
modérées.
Myopathie alcoolique
Elle est la conséquence de l’action toxique de l’alcool sur le
mu s cl e. La fo rme aiguë, g é n é ralisée ou fo c a l e,est ra re. Elle asso-
cie un œdème douloureux avec myoglobinurie, hyperkaliémie,
voire insuffisance rénale aiguë (rhabdomyolyse). Il s’agit le plus
s o u vent d’une fo rme subaiguë ou ch ronique avec installation pro-
gressive et indolore d’une faiblesse proximale,prédominant aux
membres inférieurs, sans troubles sensitifs, avec augmentation
des CPK et aspect myogène du tracé EMG.
A L C O O L I S ATION ET SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE ( 1 , 5 )
Mortalité cardiovasculaire(1)
De nombreuses études, p r incipalement des suivis de cohorte por-
tant en tout sur plusieurs centaines de milliers de personnes dans
le monde, ont permis de mettre en évidence une courbe en “ J ” p o u r
d é c r i re la re l ation entre la consommation d’alcool et la mort a l i t é
c a rd i ova s c u l a i re globale. Une consommation modérée d’alcool
(jusqu’à deux ve rres par jour) est associée à une baisse de cette
m o rt a l i t é , qui augmente ensuite. Cette évolution de la mort a l i t é
globale cache cependant des disparités selon les pat h o l ogi e s .
Pathologies ischémiques
C’est pour elles que la diminution du risque semble la plus asso-
ciée à une consommation faible à modérée d’alcool. La plupart
des études (pas toutes) ont montré qu’une telle consommation
est associée à une baisse de la morbidité et de la mortalité par
cardiopathies ischémiques et, à un degré moindre, par accident
vasculaire ischémique. Ce point a fait l’objet d’une méta-analyse
récente portant sur vingt-six cohortes (6) :
– en ce qui concerne les événements fatals, le risque relatif dimi-
nue jusqu’à une consommation de 16 grammes par jour (RR =
0,84, IC 95 % : 0,81-0,86) puis remonte ;
– en ce qui concerne les événements non fatals, le risque relatif
d i m i nue jusqu’à 32 grammes par jour (RR = 0,77, IC 95 % :
0,75-0,80) puis augmente.
Les résultats sont similaires chez les femmes et chez les hommes
(seules les consommations pour lesquelles le risque est minimal
d i f f è ren t : aux alentours de 10 g/j chez les fe m m e s , de 25 g/j ch e z
les hommes),chez l’adulte d’âge moyen comme chez les pers o n n e s
â g é e s , qu’il existe ou non d’autres fa c t e u rs de risque : t a b a gi s m e,
d i ab è t e,e t c. en prévention pri m a i r e et secondaire. Le type de bois-
son alcoolique consommée ne semble avoir qu’assez peu d’impor-
t a n c e . Globalement, on re t ro u ve cet effet avec toutes les boissons
alcooliques. Le vin a pu montrer une action supéri e u re à la bière et
aux spiritueux dans certaines études, mais non dans d’autres.
Très peu d’études ont tenu compte de facteurs potentiellement
associés à ces consommations modérées : fa c t e u rs psych o -
sociaux, mode de vie,mode de consommation, etc., qui sont sus-
ceptibles d’expliquer une partie des résultats.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 75
DO S S I E R T H É M A T I Q U E
Le mécanisme semble en être principalement une augmentation
de la synthèse du HDL cholestérol par l’alcool. Ont également
été évoqués, pour le vin, un effet antiagrégant et un effet anti-
athéromateux propre des flavonoïdes.
Hypertension artérielle
Toutes les études montrent une re l a tion positive, d o s e - d é p e n -
dante, entre consommation d’alcool et pressions artérielles sys-
tolique et diastolique. L’augmentation s’observe surtout à partir
de 20 g / j , aussi bien chez l’homme que chez la fe m m e. Chez
l’homme, une consommation de 3 à 5 verres par jour augmente
de 50 % le risque d’HTA. Celui-ci double pour des consomma-
tions supéri e u r es. Chez la fe m m e,la prévalence de l’HTA doubl e
pour des consommations de l’ordre de 3 verres par jour (7). Cet
effet est indépendant de la boisson consommée et du mode de
consommation.
Troubles du rythme
L’alcoolisation aiguë favorise, même à doses modérées, la sur-
venue de troubles du rythme,le plus souvent bénins : fibrillation
a u ri c u l a i re, flutter auri c u l a i r e, t a chy c a rdie de type Bouve ret. Des
c o n s o m m ations massives peuvent provoquer des tro u bles du
rythme plus grave s , notamment ve n t ri c u l a i r e s , p a r fois re s p o n-
sables de mort subite :le risque relatif de mort subite des buveurs
de plus de 6 verres par jour serait de 1,73 par rapport à celui des
non-buveurs (8).
L’alcool est, par ailleurs, un facteur de risque puissant de la myo-
cardiopathie dilatée dite primitive (MDP). Un certain nombre de
MDP seraient en fait liées à une consommation excessive d’al-
cool. La MDP ap p a ra î t rait pour des consommations d’alcool
importantes, supérieures à 60 g par jour et chroniques. Elle peut
g é n é rer une insuffisance card i a q u e. L’ abstinence permet souve n t
d’obtenir une régression de la symptomatologie,parfois specta-
culaire.
CONSÉQUENCES NUTRITIONNELLES (9)
Dénutrition protéino-énergétique
C l a s s i q u e m e n t , l’alcoolique est dénu t ri. En fa i t , il convient de
distinguer :
les alcooliques sans complication organique grave, ch e z
lesquels létat nu t r itionnel est géralement conservé : l ’ a l -
cool sajoute souvent à des ap p o r ts alimentaires re l a t ive-
ment sat i s f a i s a n t s , tant en ce qui concerne les macro que les
m i c r o n u t r iments. Les états de dénu t r ition observés sont
a l o r s le plus souvent liés soit à des épisodes dalcoolisat i o n
m a s s ive emchant une alimentation dans de bonnes condi-
t i o n s , soit à des pro b lèmes sociaux et économiques sur-
a j o u t é s ;
– les patients atteints de complications organiques sévères, pan-
créatite chronique, cirrhose, etc., qui présentent un état de dénu-
trition plus ou moins prononcé selon la gravité de ces patholo-
gies, du fait de l’association de troubles métaboliques et d’une
anorexie marquée.
Vitamines
Le statut vitaminique est incontestablement perturbé chez l’al-
coolique chronique, mais l’importance et les causes de ces modi-
fications sont mal connues.
Vitamine B1
L’alcoolisme est la cause principale des carences thiaminiques.
La forme active de la vitamine B1 est le pyrophosphate de thia-
mine (TPP). Les conséquences cliniques d’un déficit portent
sur le système nerveux (périphérique et central) et l’appareil car-
d i o c i r c u l at o i r e. Chez les patients psentant une alcoolisat i o n
ch ronique sans complications grave s , la prévalence de la défi-
cience en vitamine B1 varie selon les études de 30 % à près de
60 % (10, 11). Cette carence paraît d’autant plus fréquente qu’il
existe des complicat i o n s , notamment une cirr h o s e. Le déficit thia-
minique est également bien documenté dans le béri b é ri card i a q u e
(12).
Les mécanismes de ce déficit ne sont pas entièrement connus :
carence d’apport, diminution de l’absorption de la vitamine B1
et/ou modifi c a tion de son tab o l i s m e, notamment déficit de
phosphorylation en cas de lésions hépatiques graves.
Vitamine B6
La forme active de la vitamine B6 est le phosphate de pyridoxal.
Sa carence s’exprime rarement cliniquement. Au cours de l’al-
coolisation chronique, une carence a été trouvée chez 20 à 60 %
des patients selon les études. encore, l ’ existence d’une cir-
rhose est un facteur aggravant (13).
Les mécanismes de ce déficit ne sont pas non plus entièrement
élucidés. Comme pour la vitamine B1, on peut évoquer une
c a r ence d’ap p o rt , une malab s o r ption et, s u rt o u t , une pert u r b at i o n
du métabolisme de la vitamine B6 (baisse de la phosphorylation
en phosphate de pyridoxal ou catabolisme accéléré du phosphate
de pyridoxal).
Folates
Le déficit en fo l ates est fréquent chez l’alcoolique ch ronique (20 à
50 % des patients). Il explique partiellement la macrocytose glo-
bulaire et les troubles neurologiques de l’alcoolisme chronique.
Les mécanismes physiopathologiques évoqués sont les mêmes
que pour les vitamines B1 et B6.
Les rares études qui se sont attachées à évaluer le statut en plu-
sieurs micronutriments montrent que les patients alcoolo-dépen-
dants sont souvent poly c a r encés en vitamines (vitamines du
groupe B et vitamines anti-oxydantes, A et E notamment) et en
oligo-éléments (14, 15).
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