Risques biotiques et abiotiques en forêt : analyse, prévision et gestion Guy Landmann, Ecofor, Hervé Jactel et Eric Rigolot, Inra , Christophe Orazio, EFI Atlantic 4 mars 2016 Plan 1. Le risque en forêt et la gestion du risque : définitions 2. Les principaux risques et leur évolution 3. La gestion forestière, principal outil de pilotage de la vulnérabilité à l’échelle du peuplement 4. L’importance socio-économique des dégâts 5. Les réseaux d’observation : de précieux outils 6. Propositions en matière de méthodologie et d’outils d’analyse du risque 7. Propositions en matière d’organisation 1.a Le risque en forêt : définition Changements globaux Vulnérabilité Gestion forestière RISQUE (& IMPACT) Aléa Enjeu socio-éco D’après Jactel et al., 2016 (sous presse) 1.b La gestion du risque : définition ( 1 ) Analyse (ou évaluation) du risque : estime la probabilité d’un épisode particulier, et la sévérité des effets induits. Point important : l’évolution des différents aléas sous des conditions environnementales changeantes (2) Gestion du risque vise à minimiser le risque, cela inclut notamment (i) le calcul du coût des dommages potentiels en lien avec les actions de gestion à prendre en compte, (ii) le contrôle du risque, c’est-à-dire l’évaluation de l’efficience des mesures adoptées pour diminuer les risques D’après Hanewinkel et al., 2015 Peu de cas où la « gestion du risque » ainsi défini est menée à son terme. La plupart des travaux portent sur l’évaluation des dégâts et la formulation de mesures de prévention et/ou de lutte. 2a. Les risques considérés Risques abiotiques Tempêtes Incendies Sécheresse Autres aléas climatiques (gel, canicule) Risques biotiques Insectes ravageurs, dont scolytes, invasifs Pathogènes, dont invasifs Grands ongulés 5 2b. L’évolution des principaux risques Aléa abiotique : Tempêtes : rôle de l’accroissement du volume sur pied – dégâts de scolytes (selon conditions hydriques) >> Effets en cascade Europe Lien incertain avec le changement climatique Schelhaas et al., 2012 Aléa abiotique : Incendies Une lutte efficace en France depuis 20 ans , un risque croissant avec le réchauffement IGN / Min agriculture & Min Intérieur Chatry et al., 2010 Aléa abiotique : Sécheresse Quelques années très sèches au cours des 20 dernières années - Un risque croissant avec le réchauffement Classement des années les plus sèches sous résineux au cours de la période 1994-2014 (trait rouge vertical : valeur moyenne). Exemple de cartographie de sécheresse en France à la maille 8 x8 km en forêt sempervirente Déficit hydrique annuel (moyenne 1959-2011) 2003 Anomalie de déficit hydrique : 1962 2015 Soubeyroux et al., 2012 (projet Climsec) Copyright INRA 2015 Sol à réserve utile : 160 mm ; indice foliaire de 6 ; données climatiques : station Inra Champenoux Calcul réalisé par Biljou© N. Bréda, Inra 8 Aléas biotiques : Insectes ravageurs Evolution sous l’effet du réchauffement : ex. de la processionnaire du pin, En : 30 ans, la chenille processionnaire du pin est remontée de 200 km vers le Nord, en lien avec la hausse des températures hivernales 20051969-2006 1979 20102011 Dispersion De meilleures conditions climatiques combinées au transport accidentel d’individus par l’homme augmente la rapidité de son expansion Source: Inra Orléans, cartographie sur une grille de 8 km et foyers isolés détectés entre 2003 et 2011 Aléas biotiques : Champignons pathogènes Exemple de l’émergence de la maladie des bandes rouges (Dothistroma sp.), évolution sous l’effet du changement climatique Fréquence de jours favorables Fréquence de jours avec pluie et T > seuil B. Marçais, INRA Nancy Mention standardisée - sur Pinus nigra subsp laricio favorisée par les conditions chaudes et humides - sans importance épidémiologique dans les années 70-80 - à présent limitante pour Pin laricio 6 5 4 3 2 1 0 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 Année Données DSF Aléas biotiques : Introductions d’espèces Nb cumulé espèces Nb espèces par période Croissance exponentielle de l’arrivée des espèces exotiques en Europe avec l’augmentation des échanges commerciaux Invertébrés Pathogènes Roques et al., 2010 Desprez- Loustau, 2009 Dégâts complexes aux causes souvent multiples : les dépérissement forestiers Recensement & caractérisation des dépérissements forestiers en France 1965-2012 (Asse, 2012) 34 dépérissements ont touché 19 essences (le plus souvent 1 essence à la fois ) : chêne pédonculé, hêtre, sapin pectiné, pin sylvestre, pin maritime, douglas, châtaignier, chêne rouvre, épicéa commun, Pin noir, chêne liège, Erable plane, sorbier torminal, frêne, pin d’Alep, chêne rouge, chêne vert, charme, merisier •grand nombre de facteurs biotiques et abiotiques impliqués • anomalies climatiques, et en premier lieu les sécheresse très souvent associées (aussi : canicules, gels, engorgements printaniers des sols) • estimation des dégâts : disponible pour 8 cas seulement (40 000 - 1 Mm3) 3. La gestion forestière, principal outil de pilotage de la vulnérabilité à l’échelle du peuplement Gestion des peuplements Jactel et al., 2009 Vulnérabilité des peuplements 4. Les impacts économiques et humains Ils peuvent être considérable Tempêtes (cf. Gardiner et al., 2010) 1999 Europe : 239Mm3, France 176 Mm3 > 9 G€ 2009 Landes 45 Mm3 > 2 G€ Incendies de forêt (cf. Birot et Peyron, 2010) 2003 Portugal : 430 000 ha > 1 G€ (20 morts) 2007 Grèce : 280 000 ha > 2 G€ (80 morts) Sécheresse (Peyron et al., 2005) 2003 France x Mm3 > 1 G € Fomes (Woodward et al., 1998) Europe > 0,5-0,7 G€/an •L’impact peut être local, ou plus étendu, •les gestionnaires peuvent être touchés sans que la filière le soit, •dans les cas sérieux, toute la filière est éprouvée, et la valeur du bois être fortement dépréciée. 5. Réseaux d’observation et d’expérimentation : de précieux outils Divers dispositifs, utilisés de façon très variables relativement aux risques Nombre approx. de placettes de suivi et d’expérimentation -France 30 Suivi hydrique (feu) 2000 Observations phytosanitaires Bassins versants 10 000 Placettes expérimentales sylvicoles et génétiques 10 sites-ateliers recherche 100 RENECOFOR suivi intensif 550 16 x 16 km Santé des forêts 70 000 (7000 /an ) Inventaire forestier Teruti-Lucas 173 500 - 330 000 (17 350-33000 x 10) Changement d’utilisation du sol D’après Landmann, 2008 Télédé tection Objectifs 6. Propositions en matière de méthodologie et d’outils d’analyse du risque 1. Identifier, caractériser et surveiller les aléas forestiers 2. Evaluer la vulnérabilité des forêts en lien avec la gestion •Améliorer l'alerte détection précoce des espèces invasives à l'aide de réseaux de piégeage, indice de danger de feux de forêt sur indicateurs biophysiques,… •Améliorer le diagnostic: identif. espèces exotiques ou émergentes (taxonomie moléculaire, phénotypage) •Dév. outils de surveillance à LT: cf. télédétection, BD spatiotemporelle d'événements extrêmes •Dynamique évolutive des bioagresseurs (adaptation au climat, au changement d'hôte) •Production d'une typologie nationale des peuplements combustibles s'appuyant sur l'inventaire forestier •Notation standardisée des dégâts dans les dispositifs de tests et démo sylvicoles (ex. Coop de données,…) •Fonctions de lien: caractéristiques des peuplements (composition, structure,…) et vulnérabilité aux aléas •Test de nouveaux scenarios sylvicoles par l'expérimentation système et la modélisation mécaniste 3. Evaluer les conséq. socio-économiques des dégâts 4. Analyse risques : aléa x vulnérabilité x impact •Evaluation économique des dégâts: abaques dégâts / croissance, intégration dans les modèles de croissance (Capsis), couplage avec modèles de filière pour estimation de la perte économique globale 5. Prévention & Lutte •Développement d'itinéraires techniques (sylvicoles) favorisant la prévention •Cartographie des risques (couplage carte occurrence aléas x carte vulnérabilité x carte valeur sur pied). •Modélisation mécaniste du risque pour les essences majeures (ex. plateforme Capsis) •Prise en compte des perturbations multiples et de leurs interactions (synergie ou antagonisme) •Modélisation de l'évolution des zones à risque dans le cadre du changement global •Méthodes d'éradication en cas de détection précoce d'espèces invasives ou de problèmes émergents •Elaboration de mesures de restauration, reforestation post-perturbation •Evaluation des mesures de prévention & lutte par retour d’expériences 7. Propositions en matière d’organisation Réseau « type RMT » Pôle de recherche [épidémiologistes, statisticiens, …] •analyse stat. données détection •surveillance •cartographie & évaluation des risques •modélisation des risques (fonction des scénarios des gestion [experts des risques, gestionnaires, scientifiques, ] • analyse intégrée des perturbations et de leurs impacts •Gestion APR pour des projets de •Mise à dispo des gestionnaires des connaissances scientifiques, des savoir-faire et des outils d'aide à la décision. •Production d’indicateurs du risque en forêt ( cf. portail de services pour les forêts) •Acteurs et partenaires français R&D : INRA (Univ. Ecoles d'Ingé), RDI de l'ONF, IDF, acteurs institutionnels: DSF, ANSES,.. • Acteurs opérationnels : ONF, CRPF, Coopératives, CDC • Liens (opportunités) au niveau européen : JRC (Forest Fire Info System), EFI (EFI Atlantique, Forest Risk Facility) Financements européens H2020 : ex. projet Research Innovation Staff Exchanges (RISE) en cours de montage Merci pour votre attention !