Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1988, 7 (4), 661-704.
Maladies de la faune sauvage
transmissibles aux animaux domestiques
P.-P. PASTORET, E. THIRY, B. BROCHIER, A. SCHWERS,
I. THOMAS et J. DUBUISSON *
Résumé : Les auteurs passent en revue les rapports fournis par 22 pays ou
territoires membres de l'Office International des Epizooties concernant les
maladies des animaux sauvages transmissibles aux espèces domestiques et en
dégagent les lignes directrices.
Les auteurs insistent sur le fait que beaucoup d'infections ou d'infestations
sont spécifiques et ne se transmettent pas des espèces sauvages aux espèces
domestiques, et les outils diagnostiques ou épidémiologiques sont souvent
inappropriés et risquent de fausser les conclusions que l'on est en droit de tirer.
En outre, s'il faut craindre le passage de certaines maladies de la faune sauvage
aux espèces domestiques, l'inverse est aussi vrai, d'autant que le statut
économique et culturel des espèces sauvages s'est considérablement amélioré
ces dernières années. Il faut dans certains cas intervenir pour améliorer la santé
des espèces sauvages particulièrement dans des systèmes écologiquement
perturbés. Les auteurs discutent ensuite de certaines maladies choisies en raison
de leur importance, comme le coryza gangréneux, la peste porcine africaine,
la fièvre aphteuse dans les conditions africaines,
la
peste équine et les infections
par pestivirus.
Les auteurs concluent en insistant sur la nécessité d'une refonte des mentalités
des milieux vétérinaires dans leur abord des problèmes pathologiques posés par
les espèces sauvages, une réévaluation du rôle joué par ces espèces et la mise
sur pied de programmes de recherches spécifiques afin notamment de se doter
d'outils diagnostiques, épidémiologiques et conceptuels mieux appropriés.
MOTS-CLÉS : Animaux domestiques - Animaux sauvages - Bien-être animal -
Ecosystèmes - Elevage du gibier - Epidémiologie - Maladies animales -
Prophylaxie - Recherche vétérinaire - Ressources animales - Transmission des
maladies - Zoonoses.
INTRODUCTION
Le problème posé par les maladies de la faune sauvage transmissibles aux animaux
domestiques est, pour plusieurs raisons, d'une grande complexité.
Tout d'abord les infections ou les infestations qui peuvent être échangées sont
relativement nombreuses et de natures diverses, virales, bactériennes ou parasitaires ;
certaines d'entre elles sont également transmissibles à l'homme, ce qui ajoute à la
complexité.
* Département de Virologie-Immunologie, Faculté de Médecine vétérinaire de l'Université de Liège,
45,
rue des Vétérinaires, B-1070 Bruxelles, Belgique.
662
Ensuite, les situations économiques, géographiques ou écologiques qui permettent
les transmissions réciproques sont extrêmement variables, de même que le niveau
d'industrialisation des productions animales qu'elles soient d'espèces domestiques ou
sauvages. Le niveau de la surveillance exercée varie également de même que la capacité
de poser un diagnostic étiologique.
Enfin, si la situation est relativement simple au niveau des espèces domestiques,
elle l'est beaucoup moins au niveau des espèces sauvages étant donné leur variété
ou leurs densités respectives.
Le problème est rendu plus complexe du fait que certaines parmi les espèces
sauvages sont élevées en captivité sous forme de «ranching» ou de «farming».
Des exemples d'élevage peuvent être trouvés dans les pays industrialisés (le cerf
en Ecosse) ou dans les pays africains (Zimbabwe). Certaines espèces sauvages peuvent
également être introduites dans certains pays pour y être relâchées ou maintenues
en captivité ce qui entraîne des difficultés au niveau des échanges internationaux ;
d'autres encore sont élevées pour repeupler les chasses. Ces aspects ont pris depuis
quelques années une telle importance qu'ils feront l'objet d'un développement
particulier dans le cadre de ce rapport.
Il faut d'emblée faire remarquer que le problème n'est pas unidirectionnel ; il faut
non seulement envisager le danger que peut constituer la faune sauvage pour les espèces
domestiques, mais aussi celui que les espèces domestiques font courir aux espèces
sauvages ; l'exemple le plus frappant étant celui de l'introduction de la peste bovine
sur le continent africain à la fin du siècle dernier (108, 89) et son extension, souvent
dramatique, à la grande faune.
Des exemples aussi spectaculaires sont heureusement l'exception car, même si les
infections ou les infestations partagées par les espèces sauvages et les espèces
domestiques et/ou l'homme sont nombreuses, elles n'en restent pas moins une
minorité. En effet la plupart des infections, tout particulièrement les infections virales
ou les infestations, ne sont pas partagées et sont spécifiques d'une espèce ou d'espèces
étroitement apparentées.
Cette spécificité des infections ou des infestations n'est pas toujours bien comprise
et l'on voit encore trop de mesures de prophylaxie qui sont prises sans en tenir compte.
Ceci pose également un problème particulier qui sera évoqué dans le cadre de ce
rapport. La spécificité des infections est merveilleusement illustrée par le cas particulier
de l'Australie où les problèmes proviennent non pas des mammifères indigènes
(marsupiaux) mais bien des mammifères placentaires introduits et retournés à l'état
sauvage.
En outre et malheureusement, les connaissances sur la réceptivité réelle des espèces
sauvages vis-à-vis des agents pathogènes des espèces domestiques font encore souvent
défaut.
Ce rapport passera donc d'abord en revue les données fournies par les 22 Etats
ou territoires membres de l'Office International des Epizooties qui nous ont adressé
leur rapport ; il s'attachera ensuite à la description de problèmes particuliers choisis
en raison de leur importance et de maladies qui jouent un rôle majeur.
Il se terminera par une synthèse succincte des données, des conclusions générales
et formulera quelques recommandations. La complexité du problème fait que, dans
663
le cadre limité de cette synthèse, il sera impossible d'être exhaustif ; nous nous
contenterons de dégager les lignes essentielles.
LISTE DES PRINCIPALES MALADIES ÉVOQUÉES
Le Tableau I donne la liste des principales maladies évoquées dans les rapports
ainsi que les pays dont proviennent les informations et les espèces sauvages susceptibles
d'être à leur origine.
On peut regretter que les rapports n'utilisent que très rarement la nomenclature
internationale latine pour les noms d'espèces ; il a été parfois difficile de préciser
l'espèce impliquée sur la base de son seul nom vernaculaire.
Les maladies ont été classées selon qu'elles appartiennent à la Liste A ou à la
Liste B. Dans le cas présent, une troisième liste est venue s'ajouter aux deux
précédentes ; elle contient les informations relatives aux infections qui ne sont pas
normalement reprises dans les listes officielles.
TABLEAU I
Principales maladies envisagées, pays incriminés,
espèces sauvages réceptives
Principales Pays qui ont Espèces sauvages impliquées
maladies répondu et sensibilité humaine
envisagées à l'enquête éventuelle
MALADIES DE LA LISTE A
Fièvre aphteuse
Stomatite vésiculeuse
Peste bovine
Ouganda
Afrique du Sud
Zambie
Zimbabwe
Bulgarie
Suisse
URSS
Etats-Unis
d'Amérique
Ouganda
Buffle (Syncerus caffer)
Buffle (Syncerus caffer)
Impala (Aepyceros melampus)
Grand koudou (Tragelaphus
strepsiceros)
Buffle (Syncerus caffer)
Buffle (Syncerus caffer)
Sanglier (Sus scrofa) 1960
Saïga (Saiga tataríca)
Anthropozoonose
Porcs retournés à l'état sauvage
ou sanglier (Sus scrofa) et
d'autres espèces
Buffle (Syncerus caffer)
Phacochère (Phacochoerus
aethiopicus)
664
TABLEAU
I
(suite)
Principales Pays qui ont Espèces sauvages impliquées
maladies répondu et sensibilité humaine
envisagées à l'enquête éventuelle
Peste bovine Afrique du Sud Espèces excessivement sensibles :
(suite) Buffle (Syncerus caffer)
Phacochère (Phacochoerus aethiopicus)
Eland (Tragelaphus oryx)
Grand koudou (Tragelaphus strepsiceros)
Espèces très sensibles :
Guib harnaché (Tragelaphus scriptus)
Potamochère (Potamochoerus porcus)
Girafe (Giraffa camelopardalis)
Sitatunga (Tragelaphus spekei)
Bongo (Tragelaphus euryceros)
Gnous (Connochaetes spp.)
Hylochère (Hylochoerus meinertzhageni)
Espèces modérément sensibles :
Redunca (Redunca spp.)
Sassaby, topi (Damaliscus lunatus)
Blesbok (Damaliscus dorcas albifrons)
Bontebok (Damaliscus dorcas pygargus)
Gemsbok (Oryx gazella)
Antilope rouanne (Hippotragus equinus)
Hippotrague noir (Hippotragus niger)
Ourébi (Ourebia ourebi)
Impala (Aepyceros melampus)
Springbok (Antidorcas marsupialis)
Espèces peu sensibles :
Cobe à croissant (Kobus ellipsiprymnus)
Céphalophe (Cephalophus spp.)
Oryx beisa (Oryx beisa)
Gazelle de Grant (Gazella granti)
Dik-dik (Madoqua spp.)
Bubale (Alcelaphus buselaphus)
Espèces très peu sensibles :
Gazelle de Thomson (Gazella thomsoni)
Hippopotame (Hippopotamus
amphibius)
Guérénouk (gazelle-girafe)
(Litocranius walleri)
Togo Buffle (Syncerus caffer)
Dermatose nodulaire Afrique du Sud Absente de la faune sauvage
Fièvre de la
Vallée du Rift Anthropozoonose
Afrique du Sud Buffle (Syncerus caffer)
Springbok (Antidorcas marsupialis)
Blesbok (Damaliscus dorcas albifrons)
Singes et rongeurs
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TABLEAU
I
(suite)
Principales
maladies
envisagées
Pays qui ont
répondu
à
l'enquête
Espèces sauvages impliquées
et sensibilité humaine
éventuelle
Fièvre de la
Vallée du Rift
(suite) Afrique du Sud
(suite) Evidences sérologiques chez
l'hippopotame
(Hippopotamus
amphibius) et
l'éléphant
africain
(Loxodonta africana)
Fièvre catarrhale
du mouton Afrique du Sud
Etats-Unis
d'Amérique
Australie
Des anticorps spécifiques sont
décelables chez la majorité des
artiodactyles africains, chez
l'éléphant
africain (Loxodonta africana) et divers
rongeurs
Cerf de Virginie (Odocoileus
virginianus)
Cerf-mulet (Odocoileus hemionus)
Souvent confondue avec une maladie
propre aux cervidés : la maladie
hémorragique épizootique
Bétail retourné à
l'état
sauvage et le
buffle
d'eau
Peste équine Afrique du Sud Zèbres (Hippotigris)
Peste porcine
africaine Ouganda
Afrique du Sud
Zambie
Zimbabwe
Phacochère (Phacochoerus aethiopicus)
Potamochère (Potamochoerus porcus)
Tiques molles (Ornithodoros moubata)
Phacochère (Phacochoerus aethiopicus)
Potamochère (Potamochoerus porcus)
Hylochère (Hylochoerus meinertzhageni)
Phacochère (Phacochoerus aethiopicus)
Peste porcine
classique Bulgarie
URSS Sanglier (Sus scrofa)
Peste aviaire Australie
Nouvelle-Calédonie
Royaume-Uni
Surveillance des oiseaux sauvages
Surveillance des oiseaux sauvages
Oiseaux aquatiques
Maladie de Newcastle Anthropozoonose
Etats-Unis
d'Amérique
Surveillance des oiseaux
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