Qu’est-ce que le rebouteux ou le rebouteur (terme qu’adopta
Balzac) ? Reposer les bases du reboutement est nécessaire,
afin de préciser les origines, les évolutions et les applications
actuelles
THIERRY DENTANT
OSTÉOPATHE D.O.
FORMATEUR EN REBOUTEMENT
Le reboutement
ou l’ostéopathie ancestrale
TECHNIQUE
1 HISTOIRE
L’histoire du reboutement remonterait à
l’époque des Egyptiens, puis des Grecs et
des Romains comme le montrent les bas-
reliefs ou les écrits. C’est après le Moyen-
âge que la médecine a amené l’effacement
des rebouteux, faisant tomber dans l’ou-
bli beaucoup de leurs surprenantes et effi-
caces techniques. On oublie beaucoup
trop souvent que les médecins au XIIIe
siècle qui s’appelaient alors les « mires »,
posaient leur diagnostic en lisant l’ave-
nir dans les urines ou dans les crachats.
La plupart d’entre eux ne savaient ni lire,
ni écrire.
C’était la « médecine magique » par oppo-
sition à la « médecine manuelle » qu’ils
méprisaient. Ces médecins préconisaient
des traitements à base de crapauds, petits
vers, mouches vertes, cire fondue... et
méprisaient tout acte manuel.
Les rebouteux, barbiers, ancêtres des
chirurgiens parant au plus urgent, pan-
sent, coupent, recousent, remettent les
luxations et fractures. Le chirurgien alors
est « interdit » d’université.
En 1750, lorsqu’un chirurgien voulait
obtenir sa licence de médecin, il devait
s’engager par acte notarié à ne plus faire
de chirurgie. La chirurgie non instrumen-
tale est contrainte de se perpétuer par la
seule tradition orale engendrant des prati-
ciens aux compétences aléatoires. C’est la
réputation qui fera la sélection.
En 1792, la Convention vote la loi abo-
lissant le titre de chirurgien. Il faudra
attendre 1935 pour assister à la réouver-
ture de l’académie de chirurgie. Ainsi
BICHAT, le célèbre chirurgien et anato-
miste n’a jamais été médecin.
2 SÉMANTIQUE
Le rebouteux, rhabilleur ou remetteur est
celui qui restaure, remet en ordre, rétablit
la continuité de ce qui a été rompu ou dis-
joint. Le renoueur était le chirurgien qui
renouait les membres disloqués ou qui
remettait les « nœuds », et par extension
les articulations et organes. Le bailleul
vient du nom d’une famille réputée de
rebouteux.
En Angleterre, ce sont les « bonsetters »,
les « algebristas » en Espagne, les « felt-
chers » en Pologne, les « hueseros » en
Amérique du sud, les « renmancheurs »
au Canada… Ambroise Paré, né en 1509,
était un rebouteux qui, après avoir écrit «
le traité des luxations », débutera sa car-
rière de chirurgien militaire en 1536.
Il faudra attendre le XIXe siècle pour que
la médecine devienne crédible grâce à la
connaissance de l’anatomie essentielle-
ment due aux chirurgiens et l’évolution
de la clinique. Les techniques précises de
réduction des luxations et des fractures,
les manipulations viscérales, digestives,
gynécologiques sont souvent oubliées par
l’introduction de l’anesthésie. En 1912,
H. STAPFER (manuel pratique de gyné-
cologie) reprit les travaux d’une famille
de rebouteux célèbres, les SENEPART,
famille flamande de Charleroi, spécialisés
dans les frictions circulaires de l’utérus
capables d’arrêter les hémorragies.
Il suivit les travaux du rebouteux suédois
THURE BRANDT sur les prolapsus utérins
et rectaux qui les amena dans la médecine
française. A Nasbinal, en Lozère, Pierre
BRIOUDE dit « pierrounet » (1832-1907),
cantonnier de son état, exerça son excep-
tionnel talent de rebouteux-vétérinaire
toute sa vie. Sa dextérité était telle que
22 Professionkiné - N°34
Torticolis