LA PENSÉE GRECQUE
Alain DECIS 2007
Les références à la déontologie maçonnique sont si nombreuses dans cette
planche, qu' il ne m' a pas paru nécessaire de les reprendre, ce qui aurait alourdi la
démonstration. Il appartient à chacun de nous de trouver la résonance que la
Pensée Grecque peut avoir en nous-mêmes, ce qui j'en suis sur, éclairera notre
propre compréhension de l'Histoire de l'Homme.
Cette planche sera non pas une présentation exhaustive de ce qui a pu être
conçu par le Génie grec, mais plus simplement une recherche logique de la
progression et de l' évolution de cette pensée, avec ce qu' elle a de nouveau pour
son époque, je dirais même de révolutionnaire ; car je crois pouvoir vous faire
comprendre ce soir comment cette pensée a marqué son temps et a jeté les bases
éternelles des principes de la philosophie et de la conception de l' Homme, ainsi que
de sa place dans l' Univers; Tel est en effet, ce à quoi prétendirent toutes les Ecoles
de la Pensée Grecque.
Nous allons le voir dès le début, nous sommes assez loin des principes de la
philosophie moderne, qui, visant moins haut, mais étant beaucoup plus pragmatique
dans sa recherche, n' élabore des conceptions nouvelles que parce qu' elle est
confrontée à des problèmes nouveaux.
Nietzsche, avec une ardeur passionnée, ne va-t-il pas le premier s’élever
contre l’idée de finalité, contre l’idée que le monde a un sens ? Le fond des choses
c’est le hasard. Les paroles de Zarathoustra résonnent encore comme l’aveu
suprême de la pensée moderne : " Je les ai délivrés de la servitude du but." Oui,
l’Univers est délivré de la servitude de la perfection. D' où vient à l'homme le souci
de la perfection, il lui vient de lui-même, de sa propre puissance créatrice. La
perfection n’existe pas en soi, puisque c’est l'homme qui crée les valeurs. Le Bien
n’existe pas, mais l'homme doit enfanter le Surhomme. Terrible constat qui laisse le
FM pantois. La philosophie moderne revenait à Protagoras : l’Homme est la
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mesure de toutes choses. Or Platon avait déjà répondu à Protagoras, et par avance
à Nietzsche et à bien des modernes : ce n’est pas l’Homme, c’est l’Absolu qui est la
mesure de toutes choses.
Un certain nombre d’historiens de la philosophie ont essayé de démontrer
que la philosophie grecque était venue de l’Orient, d’Egypte en particulier, de Perse
et même de l’Inde. Cette hypothèse est à la fois vraie et fausse. En effet les
pensées primitives et l’orientale en particulier, dans la mesure où elles ont voulu
donner une explication de l' Univers, se sont exprimé à l' aide de mythes, comme la
Grèce antique et bien d’autres civilisations, elles étaient construites sur 2 éléments :
l’art poétique et l’empirisme. A l’origine ces pensées émanaient de la collectivité :
elles représentaient la force de la tradition. Et c’est en Grèce, que sont apparues
pour la première fois, de grandes personnalités qui ont rompu avec la manière
traditionnelle de penser et qui ont converti les associations religieuses en des
Ecoles, adonnées à la pure recherche de la Vérité. Ceux sont des Hommes dont le
prototype est resté Pythagore, qui se sont formé de l’Univers une conception
originale, posant les problèmes d’une façon nouvelle, et s'efforçant d’en indiquer la
solution du point de vue de la seule pensée rationnelle. On peut donc dire que la
Pensée Grecque possède vis-à-vis de la Pensée Orientale, une originalité, une
autonomie presque complète, en ce sens qu'elle manifeste une certaine création.
Résumons cette opinion en citant un auteur anglais qui proclame :" C’est à un petit
peuple..... qu’il a été donné de créer le principe du progrès."
L’essor de la Pensée grecque a eu pour siège la côte de l' Asie Mineure :
Milet (Thalès, Anaximandre), Ephèse (Héraclite), Samos (Pythagore), Elée (Zénon,
Parménide) etc... C’est en fait avec la théorie pythagoricienne de l’âme qu’on peut
retrouver l’influence de l’Orient. Cette théorie vient de l’Orphisme qui est né du culte
de Dionysos. L’idée de la transmigration des âmes, 1' idée de parenté des hommes
et des animaux, avec l’interdiction de manger de la viande ; toutes ces idées se
retrouvent dans l’Inde. Socrate affirme également que Pythagore a rapporté les
mathématiques d’Egypte. On ne peut donc pas dire qu’il y ait eu un miracle grec et
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création ex nihilo, mais apparition d’un principe nouveau : l’Esprit. L’Esprit comme
conscience de lui-même, comme certitude de sa nature infinie ; l’Esprit comme
conscience de son indépendance à l’égard de toutes choses extérieures, comme
certitude de sa Liberté. La Liberté, voilà ce qui est né en Grèce et ce que les grecs
ont défendu contre l’Orient. Faut-il rappeler les noms de Marathon, des
Thermopyles, de Salamine ? Ce qu’ils représentent c’est la victoire de la Liberté,
c’est la Liberté assurée pour toute l’Humanité future. Mes FF c’est ici que l’on
retrouve les principes qui nous sont chers. Rappelons la pensée d'Aristote :
"La Perfection n’est pas un résultat, mais un Principe."
Ainsi l’Esprit dans sa perfection, dans sa totalité, existe à l’origine de toutes
choses. La création n’a donc été possible qu’au moyen d'une rupture. Platon
explique bien cette rupture lorsqu' il oppose l’Esprit grec avide de savoir, à l’Esprit
phénicien et égyptien avide de gains. Aristote, lui, parle de la joie que nous procure
la connaissance en elle-même, indépendamment de toute utilité ; il exprime très bien
le caractère de la Pensée Grecque, en établissant sa fameuse distinction entre la
science et la simple connaissance empirique ; cette dernière étant la connaissance
des choses particulières, et nous indiquant le fait, mais non pas la raison du fait ; la
science étant la connaissance de l’Universel, et nous donnant la raison et la cause.
Descartes, Bacon et tous les modernes ont rompu avec la notion purement
spéculative que les grecs avaient proposé de la science, ils ont considéré que la
science devait être pratique et qu'elle devait assurer à l’Homme la domination sur la
Nature, engendrant malheureusement une conception strictement matérialiste de
l'Homme.
La Pensée Grecque, elle, a reconnu que la vraie substance des choses, est le
principe qui se trouve dans l’Homme : l'Esprit. Elle a reconnu que le Bien, auquel
nous aspirons, la Justice, est à l’origine du Monde, lequel est gouverné par une Loi
d' Harmonie Universelle. Remarquons aussi, que ce n’est pas seulement dans le
domaine de la science et de la philosophie que s’est manifesté le principe de Liberté
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qui anima la Pensée Grecque, c’est aussi dans le domaine des Arts et de la
Politique, avec le développement de la notion de citoyen. Selon le mot d’Aristote,
l’Homme est un être politique, la raison dont il a le privilège est un principe universel
qui produit le libre accord des individus. La société grecque fut pour la première fois
une société d' Hommes Libres. Plus tard, les Stoïciens détachés de leur Patrie que
les conquérants se disputaient, ne reconnurent plus le cadre étroit des cités
grecques ; ils se considérèrent comme citoyens de l’Univers, frères de tous les
hommes, et même des esclaves. Par là-même, ils ont présidé à une conception plus
profonde de l’Idée de Liberté, précédant et jetant les bases en cela, de ce qui plus
tard devait être la conception initiatique de l’Humanité.
LES PHILOSOPHES GRECS AVANT SOCRATE
Les premiers philosophes grecs, étonnés du changement qui emporte les
choses, ont recherché quelle pouvait être la substance fondamentale, qui reste
permanente à travers tout le devenir. Pour Thalès, cette substance fut l’Eau ; pour
Anaximène, elle fut l’Air ; pour Héraclite, le Feu. Pour Anaximandre les choses sont
en guerre les unes contre les autres ; et cette guerre est marquée par les injustices
dont elles se rendent coupables, en empiétant les unes sur les autres. Il faut donc,
que cette substance, soit non pas un terme contraire, mais quelque chose de plus
profond, d' où les contraires naissent et dans quoi ils se résorbent. Géniale
conception pour l'époque ! raclite fut le premier à synthétiser la pensée des
philosophes de son temps. Ecoutons-le :
" L’existence réelle et vivante ne se trouve pas dans la neutralité d’une paix où
toutes les différences seraient effacées, mais dans la lutte que les choses
soutiennent les unes contre les autres, et par laquelle chacune affirme sa nature
propre."
La véritable unité n’est pas une unité vide qui ne contiendrait en soi aucune
différence ; c’est une unité pleine, concrète qui renferme une opposition et la
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surmonte perpétuellement. La véritable unité est harmonie d’éléments opposés. Par
voie de conséquence, Héraclite enseignait que le Bien et le Mal sont Un. Citons le :
" Le sage comprend la nécessité, par laquelle toutes choses sont exactement ce
qu’elles doivent être. C' est une illusion humaine que de croire que certaines choses
sont bonnes ou mauvaises ; en réalité, pour celui qui se met au point de vue de
Dieu, toutes choses sont bonnes, toutes manifestent une Loi de Justice et de Beauté
. "
L’Homme n’est pas Dieu, mais il est divin, en tant qu’il possède une
intelligence, et sa destinée est de s’unir à l'Intelligence Eternelle. Pythagore va plus
loin encore :
" Parce qu’elle subit un châtiment, l’âme est renfermée dans le corps et s' y trouve
ensevelie comme dans un tombeau. Séparée du corps, à l’instant que nous
appelons la mort, elle reste assujettie à la nécessité de rentrer dans un autre corps ;
une loi inexorable la condamne à subir les mêmes peines qu’elle a infligées à autrui ;
mais sa destinée est d’échapper à la roue des naissances. Au-dessus du monde des
choses périssables, se trouve le monde de l’harmonie et des nombres. La voie était
ouverte à la philosophie de l’Idée. Citons également l’école Eléate avec son plus
brillant représentant : Parménide. La grande idée de Parménide, c'est l’idée de
l'Etre. Toute la philosophie dépend de la solution que l’on donne à ce dilemme : l'
Etre est ou l' Etre n’est pas". Or pour Parménide la réponse ne saurait être douteuse
: l' Etre est. S’en suit toute une démonstration qui lui permettra d’affirmer :" l' Etre est
un tout absolument plein, un continuum, dans lequel il n' y a jamais aucun vide,
aucun intervalle, une parfaite unité qui n’admet en soi aucune multiplicité".
Empédocle, élève de Parménide, comme son maître, affirme que l' Etre est ;
mais allant plus loin que lui et refusant l’immobilisme qui est en contradiction avec le
témoignage des sens, il proclame que toute chose procède des quatre éléments
fondamentaux (feu, air, eau, terre) et que deux forces opposées sont à l’origine de
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