la productivité des ressources humaines dans le domaine de la santé

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LA PRODUCTIVITÉ DES
RESSOURCES HUMAINES
DANS LE DOMAINE
DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE,
IMPORTANCE DE LA MESURE
ET PUBLIC CIBLE
OCTOBRE 2009
DOCUMENT PRÉPARÉ POUR LA FONDATION
CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES
SERVICES DE SANTÉ ET LA MICHAEL SMITH
FOUNDATION FOR HEALTH RESEARCH
ROBERT G. EVANS
DAVID SCHNEIDER
MORRIS BARER
www.fcrss.ca
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers Devon Greyson, qui a entrepris la recherche
documentaire, Colleen Cunningham, qui nous a prêté main‑forte pour le sondage par courriel, Steve
Morgan, qui a apporté son concours aux premières étapes de la conception et de la collecte de
l’information de ce projet, et Charlyn Black, qui nous a aidés à interpréter certaines données sur
l’efficacité des soins. Nous les dégageons de toute responsabilité en cas d’erreur de notre part. Les
pistes fournies par les personnes qui ont répondu à notre sondage « en boule de neige » se sont
révélées d’une valeur inestimable. Nous remercions sincèrement tous ceux et celles qui ont donné
volontiers de leur temps, sans s’attendre à quoi que ce soit en retour (et sans rien recevoir) pour faire
en sorte que ce rapport soit le plus complet possible.
Ce document est disponible sur le site Web de la Fondation canadienne de la recherche sur les services
de santé (www.fcrss.ca)
1565, avenue Carling, bureau 700
Ottawa (Ontario) K1Z 8R1
Par téléphone : 613-728-2238
Par télécopieur : 613-728-3527
Par courriel : [email protected]
Ce rapport de recherche est publié par la Fondation canadienne de la recherche sur les services de
santé (FCRSS). Financée dans le cadre d’une entente conclue avec le gouvernement du Canada, la
FCRSS est un organisme indépendant et sans but lucratif qui a pour mandat de promouvoir l’utilisation
des données probantes afin de renforcer l’offre de services destinés à améliorer la santé des Canadiens
et des Canadiennes. Les opinions exprimées par les auteurs ne représentent pas nécessairement celles
de la FCRSS ou du gouvernement du Canada.
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
TABLE DES MATIÈRES
Messages clés........................................................................................................................... 1
Résumé.................................................................................................................................... 3
Historique.................................................................................................................................. 3
Méthodes................................................................................................................................... 3
Résultats.................................................................................................................................... 3
Conséquences............................................................................................................................. 4
Préambule : la productivité et ses nombreux sens.................................................................... 6
Étendue de l’analyse bibliographique ...................................................................................... 7
Méthodes................................................................................................................................... 7
Réflexions sur la mesure de la productivité dans les soins de santé.......................................... 9
Intrants, extrants, résultats et comptes nationaux..................................................................... 10
Effets des données sur les « variations cliniques » sur la
productivité des ressources humaines de la santé..................................................................... 13
Prédire autrement la productivité – les ECA et l’ETS ............................................................... 18
Utilisation accrue, productivité en baisse?................................................................................ 20
Sauf que….................................................................................................................................. 21
Lire autrement l’avenir – évaluation de l’activité médicale et hospitalière................................ 24
La productivité des ressources humaines en milieu hospitalier................................................ 28
La productivité et la planification des RHS............................................................................... 30
Compléments, substituts, équipes : enrichissement des
services, oui, amélioration de la productivité, non.................................................................... 32
Synthèse des données probantes sur la PRHS – leçons à retenir............................................... 35
Vers une solution?.................................................................................................................... 37
Références................................................................................................................................ 39
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
MESSAGES CLÉS
L’augmentation de la productivité est la source fondamentale de la plupart des améliorations sur le
plan du bien-être matériel des populations humaines. Bien qu’il s’agisse d’une notion relativement
simple, la productivité peut être difficile à définir et, dans la pratique, les changements ne se mesurent
pas toujours aisément.
En principe, la productivité des ressources humaines de la santé (PRHS) devrait être définie en
fonction du lien entre les résultats dans le domaine de la santé (protection ou amélioration de la
santé pour les particuliers ou les populations) et les intrants requis des ressources humaines dans
le secteur de la santé (temps, effort, compétences, connaissances).
La vaste majorité de la littérature actuelle dans le domaine de la PRHS ne tient pas compte des
résultats dans le domaine de la santé et mesure souvent les extrants de manière inappropriée ou
trompeuse. Par exemple, un plus grand nombre d’appareils d’IRM ou de radiologistes pourrait
contribuer à augmenter la quantité d’interventions pratiquées, mais ne donnerait pas nécessairement
de meilleurs résultats en matière de santé ni n’accroîtrait forcément la productivité.
On peut trouver des possibilités d’améliorer la PRHS :
–– en examinant les variations inexpliquées dans la pratique clinique qui ressortent des études
comparatives actuelles;
–– en trouvant de nouvelles façons de déployer les ressources humaines de la santé qui tireraient
parti de l’éventail complet des pratiques et des rôles, particulièrement dans les modèles de
soins coopératifs.
De nombreux exemples de bonnes innovations liées à la PRHS ne figurent pas dans les ouvrages
portant sur la question parce que « se faire publier » ne constitue pas une priorité pour les « travailleurs
de fond » de l’innovation liée à la PRHS.
Voici les principales conclusions tirées de cette analyse bibliographique :
–– À peu près toute la recherche sur les services de santé est liée d’une façon ou d’une autre à
la productivité des RHS, mais peu d’études font état explicitement de leur applicabilité à la
productivité. Il ne serait ni productif ni même faisable d’entreprendre une synthèse sommative
unique de la littérature dans ce domaine. Les questions posées dans toute recherche future, tant
primaire que secondaire, sur la productivité des RHS doivent être précises et très bien ciblées.
–– La plus grande partie, voire la totalité, des documents portant sur la PRHS mettent l’accent
sur les intrants et les extrants mesurés en activités ou en processus plutôt qu’en avantages
pour la santé. Seule exception : la documentation sur les variations cliniques, où les résultats
sont clairement ciblés mais où l’on ne s’arrête guère à réfléchir aux conséquences de ces
fluctuations pour la productivité des RHS.
Quand et pourquoi les décideurs font‑ils de l’amélioration de la productivité des RHS (mesurée
« correctement ») une priorité? Les études antérieures offrent à cet égard peu d’indices. Parmi les
entraves à l’amélioration de la productivité se trouvent des incitatifs aux effets pervers et des
objectifs sans rapport avec la réalité (p. ex., la préséance d’autres préoccupations). Or, même si on
perçoit quelques lueurs d’espoir ici et là dans le système, on observe toujours un écart important
entre les améliorations potentielles et réelles.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
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Il est recommandé de poursuivre comme suit le travail dans ce domaine :
–– repérer et faire connaître les réussites, c’est‑à‑dire les cas où des améliorations ou des
interventions sur le plan de la PRHS ont donné lieu à de meilleurs résultats dans le domaine
de la santé avec des intrants semblables ou réduits, ou à des résultats stables avec des intrants
réduits. L’exercice aurait pour but de trouver les facteurs sous-jacents communs ayant
contribué à de tels gains de productivité;
–– mener une recherche prospective sur la PRHS auprès des personnes concernées; par exemple,
évaluer les changements organisationnels et financiers, ou encore les modifications de
programmes ou les initiatives pilotes mettant l’accent sur le lien entre les intrants et les
résultats et avantages pour la santé.
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FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
RÉSUMÉ
HISTORIQUE
Le secteur des soins de santé représente environ le dixième de l’activité économique des systèmes
modernes, et l’intrant main-d’œuvre absorbe une grande part des coûts qu’il comporte comparativement
à d’autres industries. Or, l’évaluation, le suivi et l’amélioration de la productivité de la main-d’œuvre
dans cette industrie, appelée ici productivité des ressources humaines de la santé (PRHS), devraient
constituer des préoccupations importantes en matière de politique.
En principe, la productivité des ressources humaines de la santé (PRHS) devrait être définie en fonction
du lien entre les résultats dans le domaine de la santé (protection ou amélioration de la santé pour les
particuliers ou les populations) et les intrants requis des ressources humaines dans le secteur de la
santé (temps, effort, compétences, connaissances). Cependant, la grande majorité des ouvrages publiés
sur la question expliquent celle-ci comme le rapport entre, d’une part, les interventions et les services
fournis et, d’autre part, le personnel ou le temps qui y est consacré.
Les objectifs de cette analyse bibliographique étaient de préparer un rapport sur « l’état des lieux
scientifiques » qui comprendrait :
un tour d’horizon des définitions de la PRHS et des notions s’y rapportant dans le secteur des
services de santé et dans d’autres domaines pertinents non reliés à celui-ci;
un résumé des contributions importantes à ce chapitre dans la littérature scientifique et grise qui
tiendrait compte de la pondération relative des données;
un inventaire des principaux chercheurs et centres ayant une expertise dans le domaine de la
productivité des RHS au Canada et ailleurs et connaissant bien les initiatives actuelles en politique
et en recherche (le cas échéant); et
les lacunes et les priorités pour la recherche future (synthèses et acquisition de nouvelles
connaissances) repérées dans la documentation concernant les notions et définitions pratiques
de la productivité des RHS dans le cadre de la planification et de l’évaluation des ressources
humaines en santé au Canada.
MÉTHODES
L’analyse bibliographique sur la PRHS que nous avons effectuée comprenait un examen structuré bien
que non exhaustif des bases de données électroniques, de même qu’un sondage destiné aux principaux
chercheurs et instituts de recherche (canadiens pour la plupart) dont le travail dans le domaine de la
PRHS était connu ou le plus susceptible d’être trouvé. Presque toute la recherche dans le domaine des
services de santé a un rapport avec la PRHS, ce qui signifie qu’il existait une grande quantité de documents
potentiellement intéressants. Or, la plupart d’entre eux se sont révélés pauvres et le nombre de travaux
pertinents a été très faible. L’envoi par courriel d’un questionnaire en boule de neige ciblé s’est avéré
beaucoup plus productif pour trouver des travaux de recherche valides sur la PRHS. En outre, l’expérience
de recherche des auteurs a aiguillés ceux-ci vers d’autres études que l’examen des bases de données
électroniques et les sondages ne leur avaient pas permis de repérer.
RÉSULTATS
Presque toute la recherche sur les services de santé est liée d’une façon quelconque à la productivité
des RHS, et pourtant peu d’études abordent explicitement la question. La plupart des documents qui
traitent de la PRHS considèrent la productivité du point de vue du nombre d’interventions ou de services,
et non pas des résultats dans le domaine de la santé. Par conséquent, ils n’expliquent pas comment des
changements dans les RHS influent sur la protection ou l’amélioration de la santé des particuliers ou
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
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des populations. Par contre, d’autres recherches sur les services de santé, comme les essais comparatifs
aléatoires sur les politiques, les évaluations de programmes, et plus particulièrement la documentation sur
les légères variations régionales dans l’utilisation des services de santé, bien qu’elles ne soient pas axées
directement sur la PRHS, fournissent souvent des données sur les résultats et, par ricochet, sur la PRHS.
La recherche sur les variations régionales analyse les différences dans les modèles de pratiques cliniques
entre divers secteurs géographiques ou organismes. Il est généralement ressorti que ces divergences ne
sont pas associées aux besoins des patients ou aux résultats dans le domaine de la santé. Ces constatations
ont une incidence importante, quoiqu’indirecte, sur la PRHS, même si ces études n’ont pas été examinées
sous l’angle de la PRHS.
Par exemple, les très grands écarts régionaux constatés au Canada en ce qui concerne le recours à
l’hospitalisation portent à croire qu’il serait possible de réduire encore les admissions inappropriées, ce
qui permettrait d’améliorer la PRHS. Hall et Tu (2003) ont fait état de variations importantes dans le
nombre d’admissions par habitant pour des maladies cardiaques graves. Les taux étaient beaucoup
plus élevés dans l’est du pays que dans l’ouest pour ce qui est des régions urbaines, et sensiblement
plus en dehors des zones urbaines. La moyenne nationale est près du double de celle de Vancouver.
Les différences de besoins des populations ou de résultats dans le domaine de la santé n’expliquent
pas ces divergences.
Dans le même ordre d’idées, Alter et ses collaborateurs (2008) ont constaté des différences importantes
dans les taux d’interventions cardiaques selon les régions de l’Ontario. Ceux-ci vont de pair non pas
avec l’évaluation des besoins de la population ou des résultats dans le domaine de la santé, mais plutôt
avec la disponibilité de cardiologues, qui peut varier d’une région à l’autre par un facteur de deux à un.
Ces constatations correspondent à ce qui a été observé aux États-Unis, où les écarts régionaux dans
l’utilisation des soins sont associés à la disponibilité des fournisseurs de services de santé et concentrés
dans les services assurés dans une large mesure à la discrétion des fournisseurs.
Certains progrès dans la gestion des services de santé, comme l’élaboration de lignes directrices cliniques,
la mise en œuvre d’une nouvelle technologie de l’information et le fait de tirer pleinement partie des
champs de la pratique, pourraient peut-être améliorer la PRHS. Cependant, ces approches se sont heurtées
et continuent de se heurter au dilemme politique classique des avantages diffus et des coûts concentrés.
Une productivité accrue se traduirait par certains avantages pour la société, mais ne profiterait pas à
ceux qui fournissent les services associés, dont les emplois et le revenu seraient sérieusement menacés.
De façon générale, dans les systèmes de services de santé, la stratégie mutuellement avantageuse qui
prédomine chez les personnes et dans les organismes payés pour fournir des soins est de faire plus avec
plus (plus d’intrants et plus d’extrants), tous croyant qu’il en découlera une amélioration des résultats.
CONSÉQUENCES
Il ne serait ni productif ni même faisable d’entreprendre une synthèse récapitulative unique de la
littérature dans ce domaine. Les questions posées dans toute recherche future, tant primaire que secondaire,
sur la productivité des RHS, doivent être précises et très bien ciblées. Il existe des exemples d’amélioration
de la productivité dont certains sont significatifs, mais les progrès n’ont pas toujours été reconnus en
tant que tels et même dans les cas où ils l’ont été, il a été difficile de généraliser. La documentation des
histoires de réussite en matière d’amélioration de la PRHS permettrait d’avancer dans le domaine. Jointe
à une analyse des facteurs critiques contribuant pour beaucoup au succès de ces interventions, elle
constitue la base indispensable à un examen plus systématique et à une mise en application plus vaste
au fil du temps.
Il est également justifié de poursuivre la recherche primaire dans le domaine de la PRHS en mettant
l’accent sur l’incidence de diverses conceptions du déploiement de ressources humaines de la santé sur
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FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
les résultats pour les patients. Cela pourrait inclure l’évaluation d’initiatives pilotes ou de changements
de programme, d’organisation, de financement ou d’autres facteurs, là où il est possible d’examiner les
intrants (y compris les RHS) en parallèle avec les extrants et les résultats. À cette fin, la série chronologique,
l’essai de politiques ou d’autres méthodes pourraient être employés.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
5
PRÉAMBULE : LA PRODUCTIVITÉ ET SES NOMBREUX SENS
La notion de « productivité » est très simple en principe, mais plutôt difficile à cerner concrètement. Au
niveau le plus abstrait, il s’agit du lien entre un ou plusieurs intrants dans un processus de production
(en jargon économique, un « facteur de production ») et un ou plusieurs extrants de ce processus. Dans
la plupart des cas, l’activité de production convertit des ressources réelles, c’est‑à‑dire le temps et l’énergie
d’êtres humains, les matières brutes et les services tirés de diverses formes de capital, en produits qui
ont de la valeur pour les particuliers ou les groupes2.
Les services tirés du capital peuvent découler du capital physique (bâtiments et diverses formes
d’équipement), du capital humain (compétences et connaissances apprises et possédées par des
particuliers ou groupes) ou du capital intellectuel d’une société (savoir-faire disponible à tous, en
principe). Cette classification établit une distinction entre le temps et l’effort que les humains consacrent
à un processus de production, d’une part, et l’accumulation des compétences et des connaissances qui
guident leurs efforts, d’autre part. Ces dernières représentent une forme de « capital » acquis par
l’investissement préalable de temps et d’effort. La productivité se veut donc une mesure du volume
d’extrants réalisables en fonction d’un volume donné d’intrants. Les améliorations à ce chapitre sont à
la base de toute augmentation du bien-être matériel des populations humaines, et ce, depuis l’âge de la
pierre, puisqu’elles rendent possible la disponibilité accrue de biens appréciés. En termes clairs et nets,
il s’agit d’en avoir plus pour son argent.
Le terme « productivité totale des facteurs » s’entend des extrants résultant d’une combinaison quelconque
de tous les facteurs de production. Si les extrants augmentent plus rapidement que la moyenne pondérée
des intrants capital et main-d’œuvre, la productivité totale des facteurs augmente. À vrai dire, toutefois,
même si tous les facteurs de production sont repérés et mesurés correctement, y compris le temps, les
compétences, les connaissances et l’intensité d’effort de l’intrant main-d’œuvre, la qualité des matières
brutes et toutes les dimensions du capital, on ne voit pas comment la productivité totale des facteurs
pourrait changer. « Travailler plus intelligemment » ou travailler avec du matériel plus perfectionné, par
exemple, supposent un capital accru sous forme de savoir-faire incorporel. Pour nos besoins, cependant,
la mesure plus pertinente est la productivité partielle des facteurs associée à la main-d’œuvre, le volume
d’extrants produit par travailleur ou par heure de travail à un niveau donné d’effort. Les gains de
productivité par travailleur, qu’ils découlent d’une augmentation quantitative ou qualitative du capital
physique complémentaire, d’une amélioration des compétences et des connaissances par travailleur ou
d’un progrès dans la possession commune de savoir-faire social, permettent l’augmentation des biens
détenus par personne dans une collectivité, ce qui entraîne une hausse du niveau de vie moyen.
Le secteur des services de santé modernes représente environ le dixième de l’activité économique des
systèmes modernes, et l’intrant main-d’œuvre absorbe une part relativement importante des coûts qu’il
comporte comparativement à d’autres industries. Il est donc compréhensible que l’évaluation, le suivi et
l’amélioration de la productivité de la main-d’œuvre dans cette industrie ou, si l’on préfère, la productivité
des ressources humaines de la santé (PRHS), constituent des préoccupations en matière de politique.
L’utilisation de l’expression « ressources humaines » au lieu du terme traditionnel « main-d’œuvre »
pourrait être interprétée comme la reconnaissance du fait que ce qui nous intéresse est la combinaison
du travail « brut » (temps et effort) et du capital humain incorporé (compétences et connaissances).
2
Il est extrêmement important de comprendre que l’argent N’est PAS une ressource. Dans une économie moderne, les autorités monétaires
peuvent « imprimer » de l’argent à leur gré; en soi, les espèces et les comptes en banque ne produisent rien. L’argent permet plutôt
d’acquérir des ressources réelles qui, elles, sont productives. Mais en l’absence de ressources, l’argent ne sert à rien. Un billet de banque
pourrait toujours servir de pansement improvisé, ou une liasse de billets pourrait permettre de faire du feu et de se réchauffer, mais là se
limiterait probablement l’utilité de l’argent comme tel pour la santé.
6
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
ÉTENDUE DE L’ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
L’analyse bibliographique sur la productivité des ressources humaines de la santé (PRHS) dont fait état
le présent rapport, devait comprendre trois ensembles d’activités liés : la collecte de renseignements et
de résultats de recherches se rapportant à ce sujet, l’examen et l’analyse de l’information ainsi recueillie
et la production d’un rapport en format FCRSS 1-3-25 normalisé. La première activité comportait elle-même
deux parties : une recherche structurée bien que non exhaustive des documents et la conception d’un
sondage destiné aux principaux chercheurs et instituts de recherche (canadiens pour la plupart) qui
semblaient le plus susceptibles d’avoir mené des recherches sur la PRHS.
Lorsque nous avons entrepris ce travail, nous nous attendions à ce que la littérature puisse raisonnablement
être passée au crible et triée dans un cube d’entreposage virtuel en trois dimensions. Dans la première
de ces dimensions, les documents seraient classés par type de RHS : les médecins, les infirmières et
toutes les autres catégories de RHS prises individuellement, ou des équipes intégrées et d’autres formes
de collaboration entre diverses catégories de personnel. Dans la deuxième dimension, les éléments seraient
classés dans une des catégories suivantes : élaboration de concepts et de méthodes liés à la PRHS; mesure
et évaluation appliquées à la PRHS; rapports de PRHS; élaboration et application de politiques sur la
PRHS. Dans la troisième dimension, les travaux seraient classés selon qu’ils porteraient sur les mesures
du processus de la productivité ou les mesures de la productivité axées sur les résultats. Quand nous
avons commencé nos travaux, nous estimions que notre tâche consistait à fournir un tour d’horizon
général des définitions de la PRHS et des notions s’y rapportant, à faire état des contributions importantes
à la recherche existante en la matière, à passer en revue les centres de recherche et d’expertise où des
recherches se font sur la PRHS et à résumer les lacunes de la recherche décelées dans la littérature sur
le sujet et grâce à nos rapports avec les principaux instituts de recherche.
Le secteur des services de santé modernes fait appel à une très vaste gamme de ressources humaines,
qui va des plus hauts niveaux de capital humain qu’offre notre société à certains des plus élémentaires.
Le rôle central que jouent les ressources humaines dans tout le secteur présente un problème d’analyse
bibliographique. Il n’est pas possible de préciser un sous-ensemble de recherche sur les services de santé
qui traite exclusivement ou principalement de la PRHS. En fait, aucune partie du champ complet de la
recherche sur les services de santé (RSS) ne se situe au-delà de la portée de la PRHS. Tout ce que
comprend la RSS influe, directement ou indirectement, sur la PRHS3. Une synthèse du domaine entier
de la RSS du point de vue de la PRHS serait trop vaste pour être utile.
Sensibles au risque de se casser les reins quand on vise trop haut et, inversement, à l’inutilité des rapports
hyper concis, nous avons choisi d’axer ce rapport sur un certain nombre de sous-domaines de la RSS
dans lesquels des études sont en cours et qui, selon nous et d’autres chercheurs, influent sur la PRHS
ou dont celle-ci est la raison d’être principale.
MÉTHODES
En essayant de cerner la portée des recherches en matière de PRHS, nous avons utilisé trois approches plus
ou moins complémentaires, dont deux sont décrites plus en détail dans les annexes du présent document.
Nous avons commencé par établir, en consultation avec un bibliothécaire professionnel, une série de
termes ou de mots-clés à utiliser pour faire des recherches dans un certain nombre de bases de données
informatisées qui, à notre avis, étaient les plus susceptibles de renfermer des données pertinentes. La
liste de ces bases de données et les mots clés employés dans nos recherches figurent à l’annexe A.
3
ans vouloir être exhaustifs, nous avons déterminé que les sous-domaines et domaines connexes suivants sont tous, du moins en partie,
S
motivés par la recherche d’une amélioration de la productivité dans le secteur des services de santé grâce à une utilisation plus rentable
des ressources humaines et qu’ils révèlent tous quelque chose à ce sujet : évaluation de la technologie de la santé, élaboration de lignes
directrices pour la pratique clinique, analyse coûts-avantages/efficacité/rentabilité, dotation de postes d’infirmières (sujet qui a fait l’objet
de nombreuses études) et modèles de dotation dans les services de santé de façon plus générale, mesure de l’efficience à la frontière,
analyse des frontières stochastiques, variations dans les pratiques cliniques, production frugale et travail d’équipe interprofessionnel.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
7
Nous avons ensuite établi un répertoire de toutes les personnes au Canada qui, selon nous,
pourraient faire actuellement de la recherche dans ce domaine;
pourraient connaître d’autres chercheurs dans ce domaine;
pourraient avoir fait assez récemment de la recherche dans ce domaine;
administrent des établissements où des études portant sur la PRHS pourraient être menées par d’autres.
Nous avons fait parvenir un court questionnaire aux personnes et aux organismes figurant sur cette
liste et leur avons demandé de nous signaler toute personne de leur connaissance œuvrant dans ce
secteur. Nous leur avons également demandé des copies des documents qu’elles estimaient essentiels
dans ce domaine ou des liens vers ceux-ci. Pour le sondage initial, nous avons obtenu un taux de réponse
très satisfaisant de 76 p. 100. Cette stratégie « en boule de neige » nous a permis de trouver 93 articles
et 104 experts, et nous avons communiqué avec 76 personnes au total. La liste des personnes et des
établissements auxquels le questionnaire original a été acheminé par courriel, le questionnaire, la lettre
de présentation et la lettre de remerciement aux répondants figurent tous à l’annexe B du présent rapport.
En dernier lieu, nous avons ajouté un nombre assez important de documents provenant de nos propres
travaux dans le domaine alors que nous essayions de structurer et de circonscrire le domaine de la
PRHS. Nous ne nous sommes pas simplement contentés de cataloguer les travaux connexes que nous
avons pu découvrir, si bien que le présent rapport est une combinaison de résultats d’analyse traditionnelle,
d’élaboration de cadres, de constructions théoriques et d’analyse et d’interprétation du « domaine » tel
qu’il existe aujourd’hui. Au début, nous avons essayé de nous en tenir à l’analyse bibliographique, mais
nous n’y avons pas réussi.
L’annexe C contient une liste complète, divisée en quatre parties, des divers documents associés au présent
rapport. La partie C.1 renferme les notes bibliographiques du texte principal, la partie C.2 énumère ce
que nous considérons comme les articles clés de ces notes bibliographiques, et les parties C.3 et C.4
fournissent les notes bibliographiques recueillies à partir de la recherche informatisée et du processus
en boule de neige, respectivement.
Comme nous l’expliquons de façon plus détaillée à l’annexe B, la stratégie en boule de neige a été
beaucoup plus utile que la recherche par mot-clé dans les études menées. La recherche informatisée a
produit beaucoup trop de résultats pour que nous puissions les traiter (5 258) et lorsque nous avons
essayé de les cocher comme étant pertinents ou non et de les insérer dans un cadre organisationnel,
nous avons constaté que notre coefficient d’objectivité était faible. Les titres seuls ne contiennent tout
simplement pas suffisamment d’information, et même dans les rares cas où les documents offraient un
résumé analytique, celui-ci ne fournissait souvent pas assez de renseignements pour nous permettre de
juger de la pertinence de l’article. Indépendamment de cette difficulté, réunir et lire 5 000 articles
dépassait de loin nos intentions initiales ainsi que les ressources dont nous disposions pour effectuer
une analyse bibliographique, que ce soit celle-ci ou une autre.
Qui plus est, nous avons constaté, lors de l’exercice en boule de neige, que dans notre sélection initiale
de mots clés, nous avions omis des termes essentiels. Comme nous l’avons signalé ci-dessus et comme
nous le documentons plus loin, à peu près toute la recherche dans le domaine des services de santé a
un rapport avec la PRHS. En outre, il existe des études sur des sujets autres que les RHS, ou même que
le secteur de la santé en général, qui sont pertinentes à notre propos. Toute tentative de confiner la tâche
à la recherche par mots clés entraînera l’omission d’ouvrages intéressants. De surcroît, plusieurs termes
différents peuvent être utilisés pour décrire la même notion, selon la discipline et le domaine de recherche.
Nous avons essayé de repérer certains termes manquants en faisant une recherche documentaire plus
poussée au moyen d’une liste de mots clés plus longue. Toutefois, en appliquant cette liste élargie à
une seule base de données, nous avons découvert que nous risquions de nous retrouver avec 12 000
8
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
renvois au moins. Nous avons alors baissé les bras et nous nous sommes concentrés presque exclusi­
ve­ment sur les résultats de notre sondage en boule de neige. Dans ce cas‑ci, cette stratégie s’est révélée
beaucoup plus productive que toute autre méthode de recherche documentaire par mots‑clés que nous
pouvions concevoir.
RÉFLEXIONS SUR LA MESURE DE LA PRODUCTIVITÉ DANS LES SOINS DE
SANTÉ
En principe, l’étude de la productivité devrait être aussi simple que la notion elle-même : additionner
les intrants et les extrants, diviser le premier élément par le second et observer comment évolue le rapport
entre les deux au fil du temps, dans toutes les régions, ou entre différents sites de production ou diverses
techniques de production. Pour l’étude de la PRHS, le dénominateur peut être restreint à tous les intrants
de ressources humaines (ou à certains d’entre eux). Concrètement, toutefois, il se pose de sérieux
problèmes techniques ou conceptuels en ce qui concerne la mesure de la productivité en général, et
ceux‑ci sont aggravés par les caractéristiques particulières du domaine des services de santé.
Les problèmes techniques surgissent parce que les processus de production exigent presque toujours de
multiples types d’intrants factoriels, et génèrent souvent simultanément plusieurs formes différentes
d’extrants. Mesurer la productivité exige alors la création d’indices agrégatifs pour les intrants et les
extrants. La pondération à employer pour élaborer de tels indices a fait l’objet de nombreuses études
théoriques. La question est loin d’être futile. Toutefois, ces analyses théoriques partaient généralement
de l’hypothèse de base des marchés privés concurrentiels au sein desquels le prix des intrants reflète le
coût de renonciation et le prix des extrants exprime la valeur de ceux‑ci pour les consommateurs
avertis (définie en fonction de leur volonté de payer). Généralement, et cela vaut pour tous les pays du
monde, ces conditions ne s’appliquent pas, et plus fondamentalement ne peuvent pas s’appliquer, dans
le domaine des services de santé.
Le problème plus grave qui se pose, cependant, c’est que ce qui est valorisé dans les activités du secteur
des services de santé, ce n’est pas la notion traditionnelle d’extrants, c’est‑à‑dire les biens, mais plutôt
les résultats, c’est‑à‑dire l’amélioration ou du moins le maintien de l’état de santé d’un particulier ou
d’un groupe. À quelques petites exceptions près, les biens et services produits dans le secteur des
services de santé, les interventions diagnostiques ou chirurgicales, les médicaments de toutes sortes,
les visites et les consultations, sont des « choses mauvaises » qui, en soi, indisposent le prestataire de
diverses façons. La plupart d’entre nous préféreraient y recourir moins et non pas plus. Ils sont subis,
consommés et endurés dans l’espoir qu’ils préserveront ou amélioreront l’état de santé, conséquence
désirée ou du moins suffisamment intéressante pour compenser les inconvénients, le malaise, la détresse
et parfois les risques et les craintes qui y sont associés.
Ces attentes sont souvent justifiées; personne ne devrait sous-estimer les réalisations de la médecine
moderne. Toutefois, cela vient simplement renforcer le fait que les extrants du secteur des services de
santé, tels qu’ils sont mesurés traditionnellement, ne sont pas en soi des choses souhaitées. Lorsque la
productivité de ce secteur est évaluée, comme c’est trop souvent le cas, en fonction de la quantité
d’extrants de biens et de services particuliers (p. ex., visites et consultations des patients, jours d’hospitalis­
ation, interventions de toutes sortes, médicaments consommés), on présume très souvent que ces
extrants ont toujours et nécessairement un effet positif sur la santé. Or, cette hypothèse rassurante n’est
pas étayée par les preuves disponibles (p. ex., Fisher et coll., 2003a, b; Alter, Stukel et Newman, 2008;
Goodman et Fisher, 2008; Goodman et Grumback, 2008). Dans la mesure où le secteur des services de
santé absorbe des ressources et produit des extrants qui ne résultent pas en une amélioration de l’état
de santé ou en une autre mesure de bien-être, toute évaluation de la productivité qui inclut ces formes
d’extrants sera surestimée et extrêmement trompeuse. Un établissement ou un système qui réussit de
plus en plus (plus d’extrants par unité d’intrant) à fournir des soins ne devient pas plus productif dans
le sens rationnel du terme si ces derniers sont inefficaces, voire carrément néfastes.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
9
Le secteur financier américain illustre bien ce point et montre que la question ne se limite pas aux
services de santé. Les cadres supérieurs de la division des produits financiers de l’assureur AIG, autrefois
un géant de cette industrie, avaient apparemment le droit contractuel et légal de recevoir des primes
totalisant 165 millions de dollars pour l’année 2008. Nous ne connaissons pas les détails de ce qui
« déclenche » ces primes, mais une explication plausible serait que celles‑ci étaient calculées en fonction
des revenus que ces cadres rapportaient à l’entreprise. Selon cette mesure, ils étaient collectivement
extrêmement productifs. Ce faisant toutefois, ils ont nettement sous‑estimé les risques encourus et ont
mené l’entreprise tout droit à la faillite. La société AIG maintient ses activités seulement grâce aux
énormes subventions versées par les contribuables américains. La débâcle de la société Enron a révélé
une histoire semblable de primes massives liées à des mesures de rendement définies et précédant une
faillite de taille (Ackman 2002; Andrews et Baker 2009).
S’intéresser aux extrants plutôt qu’aux résultats soulève des questions épineuses dans le domaine des
services de santé et comporte une dimension politique évidente parce que, dans ce secteur, les gens
sont payés pour produire des services, qu’il y ait ou non un examen systématique de l’effet de ceux‑ci
sur les résultats en matière de santé. Toute divergence entre les extrants et les résultats est normalement
beaucoup moins évidente et moins remarquable que dans les cas d’AIG et d’Enron. Dans le discours public,
l’hypothèse selon laquelle ce qui est fourni doit avoir été « nécessaire » est rarement remise en question.
Ces questions politiques expliquent peut-être pourquoi, bien que les systèmes publics modernes
d’assurance maladie aient été établis depuis plus d’une génération, si peu d’efforts ont été déployés
pour mesurer leur productivité, ou du moins si peu de progrès ont été réalisés à ce chapitre. On se
tromperait au plus haut point si l’on croyait naïvement que l’amélioration de la productivité dans le
secteur des services de santé intéresse la grande majorité et qu’il ne manque, pour qu’elle se produise,
que de meilleures données et de meilleurs outils d’analyse4. Nous croyons que ce fait ressortira à plusieurs
reprises plus loin (voir aussi Evans, 2008 [c.-à-d. 1999] à l’annexe D).
Néanmoins, toute mesure de la productivité dans les services de santé est fondée sur la prémisse
fondamentale que ce sont les résultats dans le domaine de la santé ainsi que l’amélioration ou du
moins le maintien de l’état de santé des particuliers et des collectivités qui constituent la raison d’être
et la justification de toute activité dans ce secteur. Des soins inappropriés peuvent ne procurer aucun
avantage et, dans certains cas, être très préjudiciables. La structure institutionnelle et réglementaire
particulière de ce secteur dans toutes les sociétés modernes reflète cette réalité fondamentale et repose
sur la nécessité de protéger les patients et les autres personnes des conséquences de soins inappropriés. Que
cette structure ne soit pas parfaite ne signifie aucunement qu’elle n’a pas de puissants effets bénéfiques!
INTRANTS, EXTRANTS, RÉSULTATS ET COMPTES NATIONAUX
Hélas, la plupart des documents sur la PRHS abordent la productivité définie en termes d’extrants et
non de résultats. À la lumière des données que renferment les études qui se penchent sur les résultats,
cela représente une sérieuse contrainte, comme nous le verrons plus loin. Signalons d’abord, cependant,
qu’il existe un programme de recherche restreint mais pouvant avoir de l’importance qui débute encore
plus loin de l’avant‑scène et qui non seulement déduit des résultats des extrants mais induit aussi les
extrants eux-mêmes des intrants. Sharpe et Bradley (2008) affirment :
« La façon actuelle de mesurer les extrants dans le secteur des services de santé au Canada repose
largement sur l’utilisation du volume d’intrants dans le secteur comme variable de substitution au
volume d’extrants ».
4
10
Ces difficultés politiques ne datent pas d’hier. Un exemple classique est celui du chirurgien bostonnais E. A. Codman, dont les
efforts tenaces au début du XXe siècle pour obtenir un examen systématique des « résultats finaux » de tous les soins
hospitaliers se sont soldés par un échec à cause de l’opposition farouche de ses collègues à cette mesure (Donabedian, 1989).
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Avec de telles suppositions, il ne peut y avoir aucun changement dans la productivité globale mesurée.
Si par productivité, on entend le lien entre les intrants et les extrants et que les seconds sont définis par
les premiers, la relation entre eux est établie par présomption. C’est pourquoi Sharpe et Bradley insistent
tant sur la nécessité d’adopter, pour évaluer les extrants dans le secteur de la santé, des mesures plus
appropriées et indépendantes de celles des intrants et pour déterminer les prix relatifs, des mesures
adéquates à utiliser pour compiler les indices composites du volume des extrants dans ce secteur.
Sharpe et Bradley se préoccupent de l’intégration constante du secteur des services de santé dans les
comptes nationaux et de la mesure dans laquelle ceux‑ci peuvent sous‑estimer la croissance de la
productivité telle qu’elle est habituellement mesurée. Il serait assurément possible d’élaborer des mesures
des extrants du secteur des services de santé et de la « productivité » sur une base conforme au cadre
des comptes nationaux. Par exemple, l’étude d’Atkinson (2005), qui aborde la question beaucoup plus
vaste du traitement des services gouvernementaux dans les comptes nationaux du Royaume-Uni, comprend
les services de santé. Ce rapport et les recherches commandées connexes (Dawson et coll., 2005) exposent
en détail les problèmes techniques que soulève la question et formulent des recommandations sur la
façon de les régler, y compris l’élargissement nécessaire des sources de statistiques.
Toutefois, il importe de comprendre que les comptes nationaux présentent une mesure de l’activité
économique et non pas de la dimension économique ou de toute autre dimension du bien-être. Des
mesures telles que le produit intérieur brut (PIB) sont communément citées, surtout dans les médias et
le discours politique, comme s’il s’agissait d’une mesure globale du bien-être national. La multiplication
des produits de tous genres est censée amener plus de bonheur; les biens sont, par définition, bien.
Cependant, cette correspondance est trompeuse; au mieux, le PIB est une approximation de toute
mesure du bien-être, même en dehors du contexte particulier des services de santé. Ceux qui étudient
la comptabilité nationale ont toujours été très clairs et explicites à ce sujet : ces comptes ne mesurent
que l’activité économique et, par extension, la capacité. Évaluer le bien-être est une toute autre histoire,
beaucoup plus complexe.
Le rapport Atkinson montre explicitement que les résultats pour la santé sont beaucoup plus pertinents
que les simples extrants des services dans ce secteur :
8.24 Les méthodes actuelles s’arrêtent aux activités réalisées. Selon le principe B (voir paragraphe 4.24),
la mesure d’un extrant devrait être rajustée de manière à tenir compte de la contribution progressive
de l’activité en question au bien-être individuel ou collectif, ce qui suppose qu’on s’intéresse aussi
à tout changement dans les résultats attribuable à l’utilisation des intrants. Le simple compte des
activités ne permet pas de mesurer la qualité des extrants, tels qu’un changement dans la qualité
de l’expérience du patient ou l’efficacité clinique. C’est là une faiblesse récurrente de la méthode
actuelle (…). (Atkinson, 2005)
Le choix du mot « qualité » comme descriptif général de ce que l’on appelle ici « l’expérience du patient
ou l’efficacité clinique » est bien malheureux étant donné la nature multiforme de la notion de « qualité ».
Suivant la distinction maintenant classique de Donabedian (1966) entre les mesures de qualité fondées
sur la structure, le processus et le résultat, les chercheurs et surtout les organismes de réglementation
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
11
ont eu tendance à prôner l’importance des résultats pour ensuite se concentrer sur des mesures de
qualité fondées sur la structure ou le processus. Une telle approche peut automatiquement justifier une
plus faible productivité comme étant garante d’une plus grande qualité.5
Améliorer la mesure des activités ou des extrants du système des services de santé est certainement un
objectif louable, mais du point de vue de la politique en matière de santé, les résultats ne sont pas sans
risque. L’exposé détaillé sur la mesure des résultats dans Atkinson (paragraphes 8.46‑8.66) ne fait rien
pour nous rapprocher de l’intégration des résultats dans les comptes nationaux. À vrai dire, comme il a
été signalé plus haut, cette intégration serait en fait incompatible avec les conventions de ces comptes.
Les comptables nationaux ne sont pas insensibles à l’importance de la distinction entre les résultats
pour la santé et les services de santé, comme en font foi Atkinson (2005) et la Division de la statistique
de l’Organisation des Nations Unies (1993) :
16.136. Il convient de faire une distinction très claire entre la production des services de santé
et la santé de la collectivité. D’ailleurs, une des raisons pour lesquelles on tente de mesurer la
production des services de santé pourrait être de voir l’effet d’une augmentation du volume de
services sur la santé collective. Cela exige évidemment une mesure du volume des services de
santé qui diffère de celle de la santé proprement dite. On sait qu’il existe de nombreux autres facteurs
tels que l’hygiène, le logement, l’alimentation, la scolarité, le tabagisme, la consommation d’alcool
et de drogue, la pollution, etc., dont l’effet collectif sur la santé de la population peut être beaucoup
plus important que la prestation de services de santé.
Cependant, mesurer de façon plus concrète et précise les résultats du secteur des services de santé
et les inscrire dans les comptes nationaux, où règne le principe du « plus il y en a, mieux c’est »,
pourraient conduire à des résultats non seulement sans pertinence mais trompeurs, peut-être même
fortement pernicieux et, à l’extrême, dangereux pour la santé des particuliers et des populations. Une
production accrue de biens ou de services inefficaces ou dangereux dans le domaine de la santé sera
considérée comme une « augmentation du rendement » selon les critères des comptes nationaux,
passera pour contribuer à la croissance du PIB et sera de ce fait incluse dans le numérateur des
prévisions sur la « productivité ».
Dans les pays à revenu élevé, les différences internationales apparaissant dans l’état de santé global de
la population n’ont apparemment aucun rapport avec les niveaux de prestation des services. Il est très
difficile d’interpréter les corrélations globales; tout ce qu’on peut dire, c’est que dans ces pays, il n’existe
pas de rapport évident entre les dépenses en matière de santé, ou la disponibilité de certains types
d’effectifs, et l’évaluation des résultats dans le domaine de la santé (études les plus récentes : Wagstaff,
2009; Watson et McGrail, 2009). Outre les problèmes de pure forme qui consistent à démêler les prix et
les quantités de manière uniforme quel que soit le système national de services de santé, les deux
principaux obstacles, vraisemblablement insurmontables, à la recherche d’un rapport quelconque sont
les problèmes de l’intégration et de l’attribution.
L’intégration pose problème parce qu’il est difficile de trouver un indice composite d’intrants en matière
de ressources dans le domaine de la santé ou d’activités du système de santé et un indice composite
correspondant de l’état de santé. Quant au problème de l’attribution, il est dû au fait que, comme nous
l’avons déjà mentionné (Division de la statistique des Nations Unies, 1993) les services de santé, quelle
qu’en soit la forme, ne sont qu’une des nombreuses caractéristiques d’une société qui contribuent à la
santé de la population et que la plupart des autres facteurs ne sont pas bien mesurés, si tant est qu’ils
5
Cette tendance a atteint son apogée dans les travaux d’un économiste par ailleurs très réputé qui a un jour défini la qualité selon le
volume et le coût des intrants utilisés par unité d’extrant, ce qui en fait, en réalité, l’inverse de la productivité (Feldstein, 1974).
12
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
le soient. Il ne faudrait donc pas s’attendre à trouver un rapport systématique entre des indices globaux
de l’état de santé et des mesures des intrants des services de santé; un regroupement est cependant
possible. Au demeurant, dans certains cas, les mesures de l’état de santé manquent elles-mêmes totalement
de cohérence. Les États-Unis, par exemple, se classent relativement mal en ce qui concerne la plupart
des indices de santé de la population, comme l’espérance de vie ou les années potentielles de vie perdues
(APVP), et pourtant, les Américains se déclarent en très bonne santé par rapport au reste du monde.
Les Japonais, qui jouissent des plus faibles taux de mortalité, estiment que leur état de santé est très
faible (Organisation de coopération et de développement économiques, 2009).
Les efforts déployés pour régler le problème de l’attribution ont conduit à la définition d’un sous-ensemble
« d’états traitables médicalement », soit les causes de morbidité ou de mortalité pour lesquelles il existe
des thérapeutiques efficaces (OCDE op.cit.; Nolte et McKee, 2008). Les taux de mortalité attribuables à
ces états traitables médicalement devraient alors être liés (négativement) à la disponibilité de personnel
médical. D’après une des études menées sur la question, le Canada, qui compte un des plus bas pourcen­
tages de médecins par habitant parmi les pays à revenu élevé, a néanmoins un des plus faibles taux de
mortalité attribuable à un ensemble récemment défini d’états traitables médicalement (Watson et
McGrail, op.cit.). Tant la définition d’états traitables médicalement que les résultats globaux sont
cependant douteux et peut-être même contestables.
Plusieurs travaux récents ont comparé un ou plusieurs pays à revenu élevé aux États-Unis, dont les
dépenses de santé sont beaucoup plus élevées, tant en chiffres absolus que par rapport au PIB, que
dans n’importe quel autre pays à revenu élevé. Si les Américains reçoivent tellement plus de services
de santé qu’ailleurs, ne devrait‑on pas s’attendre à trouver des différences, en particulier dans les domaines
plus étroitement définis de l’accès aux services et des résultats dans le domaine de la santé? Comme
nous l’avons dit précédemment, il est difficile d’établir des comparaisons compte tenu du fait que le
prix relatif des biens et des services dans le secteur de la santé est beaucoup plus élevé aux États-Unis
par rapport au prix d’autres denrées et la combinaison des mesures de la capacité, de l’utilisation et
des résultats varie grandement entre les pays.
Il ressort néanmoins systématiquement de tout cela que, dans les pays avancés, rien ne permet de penser
qu’une activité accrue mène globalement à de meilleurs résultats dans le domaine de la santé. Ainsi,
aux États-Unis, l’activité est nettement supérieure à celle du Royaume-Uni, et pourtant, elle est associée
à des résultats bien pires dans le domaine de la santé (Banks et coll., 2006).
EFFETS DES DONNÉES SUR LES « VARIATIONS CLINIQUES » SUR LA
PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DE LA SANTÉ
Cependant, les données limitées dont on dispose sur les résultats dans le domaine de la santé et la
difficulté d’établir un lien entre les résultats globaux et l’activité des services de santé se reflètent dans
le fait que, comme nous l’avons noté, l’essentiel de la recherche sur la productivité explicite des ressources
humaines porte sur les rapports entre intrants et extrants et non sur les résultats. Plus simplement, en
règle générale, pour établir la productivité des ressources humaines de la santé (PRHS), on multiplie
une valeur simple ou hybride d’extrant par une mesure de l’intrant heures du personnel. On peut ainsi
compter le nombre moyen de visites de patients par médecin équivalent temps plein (ETP), ou les heures
de soins infirmiers par jour d’hospitalisation, ou les ordonnances remplies par pharmacien par jour
ouvrable. La pertinence des soins est déduite implicitement du fait qu’ils ont été administrés; en réalité,
on n’en tient même pas compte.
L’étude des variations cliniques fait exception à cette généralisation, ce qui a des effets marquants et
plutôt alarmants sur notre conception de la PRHS. On entend par « variations cliniques » les différences
importantes, sur le plan des types de pratiques cliniques, entre pays, régions géographiques petites ou
grandes ou encore centres médicaux universitaires, dont il ne peut être établi qu’elles sont associées à
une mesure quelconque des besoins des patients ou des résultats dans le domaine de la santé. Ces
variations ont été abondamment documentées au fil des décennies et dans de nombreux pays.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
13
Le principal centre menant ce genre de recherche est le groupe dirigé par John Wennberg et Elliot
Fisher à l’Université de Dartmouth, mais les travaux sur le sujet ne datent pas d’hier au Canada,
puisque Eugene Vayda s’est intéressé à la question dans les années 1970 (Vayda, 1973; Vayda et coll.,
1976; Stockwell et Vayda, 1979) et que l’équipe dirigée par Noralou et Les Roos au Manitoba Centre for
Health Policy s’est également penchée là-dessus plus tard. Plus récemment David Alter, Therese Stukel,
Jack Tu et d’autres à l’Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES) à Toronto ont étudié ce phénomène
au Canada (voir, par exemple, Tu et coll., 2006; Alter, Stukel et Newman, 2008). Tous ces chercheurs
ont trouvé de très importantes variations entre régions, entre provinces et entre pays sur le plan de
l’utilisation des services, et constaté que celles-ci n’étaient pas liées à des éléments confirmant des
variations correspondantes dans les besoins ou les résultats. L’interprétation de ces observations a
longtemps été freinée par le fait qu’il était difficile d’exclure la possibilité que ces variations soient liées
à des différences non observées dans les besoins des patients ou les résultats atteints (ce qu’on appelle,
en méthodologie de recherche, le problème des « variables – explicatives ou résultantes – manquantes »),
les médecins alléguant souvent que « leurs patients sont différents ». Le fardeau de la preuve a jusqu’à
tout récemment été placé implicitement mais carrément sur ceux qui estiment que les variations
observées ne sont pas justifiées sur le plan clinique. Toutefois, ces dix dernières années, d’importants
progrès ont permis d’enrayer ces limites dans une grande majorité de cas. Les variations demeurent
intactes et les excuses ne tiennent plus.
Des articles décisifs publiés deux fois de suite dans les Annals of Internal Medicine par Fisher et ses
collaborateurs (2003a, b), qui se sont servis d’énormes bases de données et ont eu recours à des techniques
de pointe permettant la normalisation des multiples besoins des patients, ont fait ressortir des différences
très importantes entre les 306 secteurs de services hospitaliers définis aux États-Unis sur le plan de la
fréquence et du coût de divers services et soins fournis à la population bénéficiant du régime d’assurance
maladie (personnes âgées de 65 ans et plus). Les variations du nombre moyen de services reçus par
diverses populations ont été associées à des écarts petits mais très importants au chapitre des résultats,
mesurés du moins à l’aune de la mortalité. La prestation de services plus nombreux était toutefois liée
à une mortalité plus élevée, et non plus faible, et ces risques plus élevés n’étaient compensés par aucune
différence dans la satisfaction déclarée des patients.
Des niveaux supérieurs de service ont aussi été étroitement associés à une plus grande disponibilité
d’installations et de personnel hospitaliers. Cette constatation est particulièrement troublante en ce qui
concerne l’analyse de la PRHS car elle semble signifier que plus il y a de personnel (par habitant, rajusté
en fonction de l’âge et des besoins), plus les services offerts sont nombreux, mais plus les résultats
dans le domaine de la santé semblent être mauvais. L’évaluation de la productivité centrée sur le rapport
entre les extrants visites et interventions peut faire apparaître une hausse ou une baisse (ou un maintien)
de la productivité en fonction du fait que le volume des activités a augmenté plus, moins ou dans la
même proportion que la disponibilité du personnel et d’autres formes de capacité. Indépendamment du
rapport entre ressources et extrants, l’incidence d’un accroissement du personnel est sans le moindre
doute globalement négatif pour ce qui est des mesures qui comptent, soit les résultats dans le domaine
de la santé.
Une analyse ultérieure faite par type de service a permis de constater que les régions qui reçoivent le
plus de services aux États-Unis n’en obtiennent pas plus de ceux qui peuvent être considérés comme
essentiels sur le plan médical, ni de ceux qui sont facultatifs et peuvent raisonnablement être laissés au
libre choix du patient. Au contraire, les variations entre régions géographiques sont les plus marquées
dans les types de service tributaires de l’offre qui ne sont pas dictés par des preuves tangibles d’efficacité
(ou par l’absence de preuves), mais sont laissés au libre choix du fournisseur (Wennberg et coll., 2002) :
plus la capacité des ressources humaines de santé est élevée, plus les services médicaux facultatifs sont
élevés par habitant. Les « normes de soins » sont alors établies par convention locale, au gré, entre
autres, de la disponibilité des ressources.
14
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Tous ceux qui connaissent bien les études publiées depuis des décennies sur la demande dépendant du
fournisseur pourraient se demander pourquoi il faudrait s’en étonner. Il n’empêche que les retombées
sur la productivité des RHS donnent à réfléchir.
Des différences de qualité pourraient-elles expliquer ces variations : plus de personnel et d’installations,
plus de services, mais aussi une qualité supérieure des soins? En fait, des variations cliniques semblables
ont été constatées dans des centres médicaux universitaires de renom (Fisher et coll., 2004; Wennberg
2005). Il a en outre été découvert qu’un système de notation largement utilisé établissait, dans les différents
États, une corrélation négative entre la disponibilité de spécialistes par habitant et la qualité des soins,
mais positive entre celle-ci et la disponibilité de médecins généralistes (Baicker et Chandra, 2004).
Plus récemment, Goodman et Fisher (2008) ont étudié le rapport dans les régions entre la disponibilité
de médecins et les indices de qualité et de satisfaction du patient. Le nombre (rajusté en fonction du
sexe et de l’âge) de médecins par 100 000 habitants varie énormément dans les 306 secteurs de services
hospitaliers définis aux États-Unis, allant de 271,8 (quintile le plus élevé) à 169,4 (quintile le moins
élevé), soit une différence d’environ 60 p. 100, le quintile médian s’établissant à 204,8. Les auteurs
n’ont cependant pas trouvé de différence dans le taux de satisfaction déclarée par les patients en ce qui
concerne l’accès aux services, la qualité des soins reçus ou le degré d’inquiétude de leurs médecins
quant à leur état de santé général; pour ce qui est de l’assurance maladie, les cotes de qualité globales
ne montrent pas non plus de différence entre les secteurs où l’offre est élevée et ceux où elle est faible.
Rien ne permet d’affirmer qu’un plus grand nombre de médecins se solde par la prestation de meilleurs
soins, même lorsque l’offre présente des différences importantes. La médecine américaine semble avoir
atteint le « plateau de la courbe » (ou se situer en-dessous de celui-ci).
Il ne faudrait pas pour autant conclure que les médecins représentent tous un danger pour la santé des
populations. Après avoir étudié le rapport entre, d’une part, les variations régionales enregistrées dans
les taux de mortalité néonatale aux États-Unis et, d’autre part, la disponibilité de néonatologues et de
places en soins néonataux intensifs, Goodman et ses collaborateurs (2002) ont constaté qu’il existait
une corrélation (négative) importante entre le nombre de néonatologues par 10 000 naissances et les
taux de mortalité (mais pas entre ceux-ci et la disponibilité des places). Mais cela n’était patent que
pour le quintile des régions au taux de disponibilité le plus faible.
Entre régions comptant en moyenne 2,7 néonatologues par 10 000 naissances et le quintile le moins
élevé suivant (4,3), on a constaté une forte baisse de la mortalité (rapport de cotes de 0,93 p. 100). De
là en montant, de 4,3 à 5,9, dans le quintile moyen, et à 11,6, dans le quintile le plus élevé, aucun
changement n’a été constaté, ce qui signifie que, s’il existe des régions défavorisées, du moins d’après
cet indicateur, l’offre globale dépasse de loin les besoins et est très mal distribuée. Plus de spécialistes
ne seraient d’aucun secours.
Dans le domaine de la médecine, l’expression « courbe en forme de plateau » désigne souvent la situation
où les bienfaits pour la santé sont mesurables lorsque les services par habitant augmentent à partir de
très faibles niveaux, mais où toute nouvelle augmentation de services ou, en l’espèce, du nombre de
néonatologues, ne donne pas de meilleurs résultats. Si les niveaux actuels de prestation sont en moyenne
bien supérieurs au point auquel on cesse d’observer une amélioration des résultats, la courbe du système
est en forme de plateau.
Fisher (2007) résume ainsi les constatations faites aux États‑Unis :
« Ce que je sais : Une hausse des dépenses dans toutes les régions et les catégories de médecins
est en grande partie attribuable à une surutilisation de services tributaires de l’offre – séjours à
l’hôpital et dans une unité de soins intensifs, visites chez le médecin, consultations de spécialistes;
et, à la limite, plus, c’est pire. Ce que je crois savoir : La surutilisation résulte, dans une large
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
15
mesure, de différences raisonnables sur le plan du jugement clinique qui dépendent de facteurs
organisationnels locaux (capacité, culture clinique) et d’incitatifs financiers encourageant une
croissance inutile et des soins accrus ».
On ignore dans quelle mesure cette remarque est applicable ailleurs qu’aux États‑Unis, mais Alter,
Stukel et Newman (2008) en ont fait de semblables pour l’Ontario.
Le nombre de cardiologues par habitant a varié de plus du double dans les différentes régions, mais il
était inversement proportionnel au fardeau régional de maladies cardiovasculaires. (…) Les résidents
des régions qui comptent plus de cardiologues recevaient apparemment davantage de soins cardiaques
quelconques. (…) Cependant, l’importance des services en matière de santé cardiaque n’était liée ni au
fardeau régional de maladies cardiovasculaires ni à un meilleur taux de survie. (p. 187)
Il faut en déduire qu’une augmentation du nombre de cardiologues pouvant servir la population de
l’Ontario pourrait être assez « productive » pour ce qui est des actes administrés, mais la productivité
marginale eu égard à l’amélioration des résultats est vraisemblablement nulle, voire pire.
En fait, tout le domaine de l’imagerie diagnostique au Canada présente des variations semblables et
soulève des questions similaires. Le rapport intitulé L’imagerie médicale au Canada 2007, publié en
2008 par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), rassemble un grand nombre d’éléments
d’information épars et fragmentaires sur les tendances temporelles et les variations régionales en matière
de capacité et d’utilisation de l’imagerie. Il est difficile de brosser un tableau d’ensemble, mais plusieurs
grands éléments ressortent.
Premièrement, la capacité d’imagerie au Canada croît rapidement (ICIS, 2008, figure 13, p. 40). De 2003
to 2007, le nombre d’appareils de TDM et d’IRM a augmenté de 29 p. 100 et de 49 p. 100 respectivement,
passant de 325 et 149 à 419 et 222 (en 1990, les chiffres correspondants étaient de 198 et de 19). Il se
peut que ces chiffres sous-estiment l’augmentation de la capacité dans la mesure où les nouvelles machines
peuvent produire davantage de scintigrammes qui sont de surcroît plus détaillés, même si en fait le
nombre total d’examens déclarés (par année financière) a augmenté plus ou moins parallèlement avec
le nombre d’appareils, soit de 32 p. 100 et de 47 p. 100 (tableau 5, p. 95).
Malgré cet important accroissement de l’activité dans le domaine de l’imagerie, le nombre de profess­
ionnels de cette technique par habitant au Canada est demeuré relativement constant (figure 63, p. 124).
La PRHS mesurée en fonction des extrants ou activités par unité d’intrant a donc largement et
formellement augmenté.
Par rapport à d’autres pays de l’OCDE, le Canada se situait en 2005 au‑dessous de la médiane en ce qui
concerne l’équipement par habitant (figures 39 et 40, p. 83 et 84), mais les données d’un sous-ensemble
de pays montrent que les appareils d’IRM du Canada sont plus utiles que ceux de plusieurs autres
pays, si bien que le nombre d’interventions par habitant pourrait être au niveau de la médiane ou
supérieur à celle‑ci (tableau 7, p. 115).
La comparaison entre les chiffres canadiens et les moyennes internationales a fait largement ressortir
les insuffisances du système de services de santé canadien et accentué les arguments (concluants) en
faveur d’un financement accru. En revanche, les données sur les variations internationales de capacité
ont été moins remarquées, voire délibérément passées sous silence. Le Japon comptait 92,6 appareils
de TDM et 40,1 appareils d’IRM par million d’habitants en 2005 et les Pays‑Bas, 5,8 et 5,6 respectivement
(figures 39 et 40). Les États‑Unis possédaient 45,3 appareils de TDM et 26,6 appareils d’IRM et l’Allemagne,
15,4 et 7,1 respectivement. Le Canada, avec 12,1 appareils de TDM et 6,1 appareils d’IRM, se situait
juste en‑deçà des médianes de 14,7 et de 6,9 (conforté en cela par la communication des données de 2006).
16
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Il n’existe cependant aucune « norme internationale », seulement des moyennes calculées mécano­
graphiquement. Dans ces circonstances, il est utopique d’essayer de « soutenir le même rythme que
le reste du monde ».
Que signifient alors les données internationales compte tenu de ces variations stupéfiantes? Une fois de
plus, nous observons des modèles de pratiques cliniques très différents pour lesquels on ne peut établir
absolument aucun lien entre l’activité de diagnostic et les besoins des patients ou les résultats. En fait,
les données recueillies pour l’ICIS (2008) montrent d’importants écarts semblables entre les provinces
en ce qui concerne à la fois la capacité et l’utilisation. Alter, Stukel et Newman (2008) ont réussi à allier
les données régionales sur la capacité et l’utilisation du diagnostic aux données sur les besoins et les
résultats; il n’existe pas de telles données sur l’imagerie diagnostique en général, mais rien ne permet
de penser que, si c’était le cas, le résultat serait différent.
Même si les données les plus complètes et les plus soigneusement étudiées sur les variations cliniques
proviennent des États‑Unis, et en particulier de l’équipe de recherche dirigée par John Wennberg et
Elliot Fisher à Dartmouth, on aurait tort d’imaginer que ce phénomène n’est présent qu’aux États‑Unis.
Les comparaisons internationales de l’imagerie diagnostique montrent d’énormes variations entre les
pays à revenu élevé équipés de systèmes médicaux modernes.
Les études précédemment citées ne sont que les principaux exemples d’importantes variations régionales
constatées au Canada; on pourra également prendre connaissance à cet égard de l’examen ci‑dessous
des variations des admissions à l’hôpital pour soins cardiaques (Hall et Tu, 2003). Cette analyse pourrait
et devrait être bien plus poussée au Canada; par ailleurs, la documentation de ces variations cliniques
permet de s’employer à améliorer la PRHS.
D’une manière plus générale, alors que le niveau extraordinairement élevé de leurs dépenses médicales
place les États‑Unis à part, l’essentiel de la différence entre eux et le Canada se situe au chapitre des
coûts gonflés des interventions et des services ainsi qu’à celui du gaspillage administratif provenant
des assurances privées. Comme nous allons le voir de façon plus détaillée ci-dessous, si les dépenses
américaines étaient rajustées pour tenir compte des coûts indirects administratifs extrêmement élevés
qu’engendre un système d’assurance maladie privé et des coûts beaucoup plus élevés des services et
des interventions aux États‑Unis (par rapport au Canada ou du reste à tout autre pays du monde), la
part du revenu national américain consacrée aux dépenses pour les services de santé se rapprocherait
de celle du Canada, et serait peut-être même moins élevée.
Evans (2007) présente une comparaison globale des coûts et des résultats alors que Woolhandler et ses
collaborateurs (2003) évaluent les énormes coûts administratifs excédentaires engendrés pour le régime
d’assurance lui‑même ainsi que les hôpitaux, les centres médicaux et les autres centres de soins par les
impératifs d’un système d’assurance maladie privé. Eisenberg et ses collaborateurs (2005), de même
qu’Antoniou et les siens (2004) détaillent, dans le cas des pontages aortocoronariens et de l’arthroplastie
totale de la hanche respectivement, les coûts totaux de ces interventions aux États‑Unis et au Canada.
Pour chacun de ces deux types d’opération, les coûts étaient près de deux fois plus élevés aux États‑Unis
alors que les résultats étaient les mêmes.
Le nombre moyen de médecins par habitant ne diffère pas grandement entre les deux pays et, au Canada,
le ratio médecin‑population se situe près de la moyenne signalée par Goodman et Fisher (2008) pour
les régions américaines. De toute évidence, les modèles de services régionaux canadiens et américains
se recoupent dans une large mesure, de sorte qu’on trouverait sûrement, ou presque certainement ici
des résultats semblables à ceux des États‑Unis, bien que moins peut‑être extrêmes.
Au vu de telles observations, il n’est tout simplement pas possible de supposer qu’un accroissement du
personnel va forcément de pair avec de meilleurs résultats dans le domaine de la santé, que ceux‑ci soient
associés ou non à une augmentation des extrants des services cliniques ou à d’autres types d’activité.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
17
Cette observation fait ressortir l’importance des programmes de recherche de l’IRSS et d’ailleurs qui
portent sur les liens entre la disponibilité d’installations et de personnel médicaux, la fréquence de
prestation des services, le fardeau sous-jacent de la maladie et les conséquences de ces facteurs (le cas
échéant) sur le plan des résultats pouvant être cernés dans le domaine de la santé.
Encadré – La productivité de l’assurance maladie
Par rapport au coût des régimes universels au Canada
et en Europe, les énormes coûts administratifs excéden­
taires du système d’assurance maladie privé aux
États‑Unis, qui avoisinent les centaines de milliards de
dollars (Woolhandler et al., 2003), illustrent d’un autre
point de vue la différence entre les extrants et les
résultats. Le résultat recherché par les gens qui
achètent une assurance est la sécurité, c’est‑à‑dire
une atténuation du risque. La police n’est qu’un moyen d’y
parvenir. La plupart des Américains non âgés sont
cependant en général beaucoup moins protégés, en ce
qui concerne les coûts des services de santé, que les
citoyens d’autres pays à revenu élevé. Sans parler des
personnes qui n’ont absolument aucune assurance,
une forte proportion de celles qui ont souscrit une
police privée sont en fait très mal protégées advenant
une maladie ou une blessure grave (Schoen et coll., 2005)
et se heurtent à d’importantes restrictions sur le plan
de la mobilité professionnelle (Madrian, 1994). Elles
paient donc beaucoup plus pour obtenir beaucoup moins
car une part importante des coûts de l’industrie de
l’assurance privée est absorbée par des activités visant
à éviter de rembourser les demandes d’indemnisation
(Geyman, 2008).
administratives additionnelles attribuables à un système
d’assurance segmenté qui cherche constamment à
limiter le remboursement des demandes d’indemnisation.
Et ces coûts représentent effectivement une produc­
tivité réduite dans le secteur des services de santé,
soit les coûts engagés par les professionnels et les
établissements de santé pour pouvoir obtenir le
remboursement des services qu’ils ont fournis. Dans
certains cas, les mêmes sociétés d’experts-conseils
vendent des logiciels et des conseils aux deux camps,
aux assureurs pour les aider à éviter de payer et aux
fournisseurs pour les aider à se faire payer, devenant,
du même coup, des marchands d’armes dans une
course administrative aux armements (Evans, 1995;
Geyman, op. cit.). Toute cette activité est dûment inscrite
dans les comptes nationaux sous la rubrique extrant
économique, et les gens sont rémunérés (souvent fort
bien) pour ce faire, mais c’est une façon très inefficace
d’offrir une assurance maladie ou des services de santé.
Dans la mesure où elle limite l’accès à des soins
nécessaires et augmente considérablement l’incertitude
et les difficultés économiques, l’inefficacité flagrante
du système d’assurance américain pèse de façon
significative sur les résultats dans le domaine de la santé.
Cet énorme gaspillage dans l’industrie de l’assurance
privée elle-même ne représente que la moitié environ
des coûts indirects supplémentaires engagés en vue
de soutenir cette industrie. L’autre moitié vient des
médecins, des hôpitaux, des cliniques et des établis­
sements de soins de longue durée. Ce sont les activités
Selon les chiffres les plus fiables, environ 18 000
personnes décèdent inutilement chaque année
uniquement à cause de l’insuffisance de leur assurance
maladie, ce qui équivaut à six catastrophes du
11 septembre par an. (Krugman et Wells, 2006)
PRÉDIRE AUTREMENT LA PRODUCTIVITÉ – LES ECA ET L’ETS
À l’autre bout de l’échelle des études sur les variations cliniques démographiques se trouvent les
travaux qui portent sur l’efficacité d’interventions données. Les nombreux documents qui font état des
résultats d’essais cliniques à répartition aléatoire (ECA) sont essentiels pour la PRHS car il est, par
définition, improductif d’employer des gens pour effectuer des activités ne présentant pas de réel avantage
pour la santé alors qu’il vaut la peine d’en engager qui font un travail utile. Dans la mesure où les
résultats des essais concluants peuvent être transposés dans la pratique clinique et où les résultats
neutres et négatifs ne sont pas retenus, ces activités peuvent être considérées comme des activités
axées sur les résultats qui améliorent la productivité.
18
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Les études menées sur les ECA alimentent, de leur côté, celles qui portent sur ce qu’on appelle
généralement l’évaluation des technologies de la santé (ETS) ou, de façon encore plus générale, les
évaluations de programmes de tous types. Si une intervention n’a aucun effet (positif) sur la santé, elle
ne mérite alors pas d’analyse plus poussée. Mais si elle en a, il faut évaluer la portée et le contexte de
cet effet positif ainsi que la part des avantages et des coûts selon les milieux par rapport à d’autres
solutions réalistes (y compris ne rien faire). Comme toutes les interventions dans le secteur de la santé
passent par le recours, sous une forme ou une autre, à des ressources humaines, les résultats des
interventions représentent une partie de la productivité mesurée du personnel ainsi employé. Les
interventions à coût faible et à avantages élevés représentent fort probablement une utilisation très
productive du personnel qui y est associé. À l’inverse, les interventions à coût élevé et à avantages
faibles et celles qui sont dénuées d’avantages quel qu’en soit le coût constituent une utilisation
improductive du personnel médical.
Les travaux portant sur les ECA s’intéressent exclusivement aux résultats et cherchent des réponses
affirmatives ou négatives (dans les limites de l’analyse statistique) à la question de l’efficacité. Le
processus d’ETS combine parfois une évaluation des indices d’efficacité à une appréciation du degré
d’effet qui serait rentable. Certains autres travaux pourraient aussi faire partie de cette catégorie, et ce
sont ceux qui évaluent les effets des changements intervenant dans la nature ou la qualité des ressources
complémentaires, en particulier les biens d’équipement, sur la PRHS. Ils peuvent ou non aborder la
question des résultats. L’augmentation rapide et onéreuse de l’imagerie diagnostique de pointe au
Canada, par exemple, a été associée à une hausse constante de la quantité et de la qualité du processus,
mais aussi à une productivité accrue du personnel technique, en ce qui concerne les extrants. Il ne
semble pas y avoir amélioration des résultats.
Malheureusement, un fort biais entache l’utilisation qui est faite des conclusions des ECA et de l’ETS,
les interventions qui donnent des résultats positifs étant rapidement adoptées, en particulier si elles
nécessitent le déploiement de nouveaux produits, capitaux ou services plus onéreux et celles dont les
avantages se sont révélés sans importance ou minimes compte tenu de leur coût relativement élevé
ayant tendance à se poursuivre si elles sont déjà largement utilisées.
Au Canada, un exemple marquant qui est prôné à juste titre est le protocole d’Ottawa concernant
l’évaluation des blessures à la cheville, qui rend la radiographie de la cheville inutile dans presque tous
les cas de fracture éventuelle. Ce protocole permet d’améliorer de manière sensible la productivité des
RHS dans une situation relativement courante (Stiell et coll., 1992; Stiell et coll., 1994). Dix ans après
ces travaux de recherche novateurs, Bachmann et ses collaborateurs (2003) sont parvenus à la conclusion
suivante après avoir effectué une méta-analyse portant sur 32 études et 15 581 patients :
Le protocole d’Ottawa concernant l’évaluation des blessures à la cheville est effectivement un bon
moyen d’exclure les fractures de la cheville et du milieu du pied. L’instrument a un degré de sensibilité
de près de 100 p. 100 et un degré de spécificité peu élevé, et son utilisation devrait réduire de 30 à
40 p. 100 le nombre de radiographies inutiles (p. 1157).
Ces gains potentiels ont cependant été gaspillés par les cliniciens. Par exemple, on constate que,
tout en approuvant le protocole en principe et en prétendant le suivre, les urgentistes continuent de
demander des interventions qui, d’après ce protocole, n’ont aucune valeur (juste « au cas où »)
(Brehaut et coll., 2005). Entre-temps, les concepteurs du protocole d’Ottawa ont mis au point des tests
d’observation simples et fiables pour d’autres types de fractures présumées, éliminant peut-être ainsi la
nécessité de recourir à d’autres formes d’imagerie (Perry et Stiell, 2006). Si les médecins sont aussi
incapables de comprendre et d’appliquer correctement ces autres tests diagnostics « rudimentaires »,
alors la fréquence des utilisations inutiles de l’imagerie et l’étendue du gaspillage de ressources se sont
probablement multipliées.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
19
Les résultats des ECA peuvent être concrètement liés aux constatations sur les variations cliniques décrites
antérieurement, comme le montrent Skinner et ses collaborateurs (2006). Pour les États‑Unis, une corrélation
fortuite entre la hausse progressive des dépenses nationales en matière de soins cardiaques et la mortalité
cardiaque semblait assez positive pour justifier la hausse des coûts (Cutler et McLellan, 2001). Cette
conclusion est cependant sérieusement ébranlée par l’analyse que Skinner et ses collaborateurs ont
réalisée des résultats de l’étude des ECA portant sur l’efficacité relative et le coût d’autres méthodes
thérapeutiques, ainsi que par les données sur les différentes combinaisons de pratiques adoptées selon
les régions. Comme toujours, c’est dans les détails que surgissent les difficultés.
Les options existantes en matière de traitement des maladies cardiaques tournent autour de deux styles
cliniques plus ou moins distincts, dont il a été constaté qu’ils sont tout aussi efficaces sur le plan des
résultats mais très différents en ce qui concerne les coûts totaux. Le choix de la méthode thérapeutique
est laissé à la discrétion du clinicien. Les grands écarts observés entre régions en matière de coûts traduisent
la diversité des choix faits par les cliniciens quant aux méthodes adoptées.
Les styles de soins coûteux peuvent ou non être techniquement efficients dans l’utilisation des ressources
(intrants) pour la prestation des interventions et des services qu’ils comportent. Le coût supplémentaire
qu’ils représentent en raison d’une intensification des services et, par conséquent, d’une utilisation
accrue des ressources, fait cependant chuter sans le moindre doute la productivité pour ce qui est de
l’atteinte de résultats dans le domaine de la santé.
UTILISATION ACCRUE, PRODUCTIVITÉ EN BAISSE?
L’article d’Atul Gawande publié dans le numéro du 1er juin 2009 du New Yorker a dramatisé pour le
grand public le lien entre les coûts élevés, les surtraitements et le comportement des médecins
(Gawande, 2009). Ce texte porte sur la ville frontière de McAllen au Texas, où le programme américain
d’assurance maladie (qui fournit une protection publique aux personnes âgées) dépense actuellement
15 000 $ par personne inscrite chaque année, ce qui est près de deux fois supérieur à la moyenne
nationale et inférieur uniquement au montant déboursé par Miami à ce titre. En particulier, les frais
qu’assume McAllen sont presque exactement le double de ceux qu’engage la ville frontière d’El Paso,
également au Texas, qui lui est semblable sur le plan démographique et socioéconomique.
McAllen n’occupe le devant de la scène que depuis peu; en 1992, les dépenses de cette ville par personne
inscrite se situaient très près de la moyenne nationale. Aucune des « justifications » qu’on entend
normalement (populations en mauvaise santé, patients plus malades, qualité supérieure ou menace de
poursuites pour faute professionnelle) ne tient. Comme le disait un chirurgien local :
Allons donc… nous savons tous que ces arguments sont de la foutaise. Il y a ici surutilisation,
un point c’est tout.
En bref, les médecins l’ont fait.
L’article de Gawande a vivement retenu l’attention du public et pourrait être utile sur le plan politique
parce que le président Obama s’y est immédiatement intéressé et a dit aux dirigeants du Congrès en le
leur distribuant : « Voici ce que nous devons régler » (Pear, 2008). Mais le cas de McAllen n’a pas
totalement surpris le président. Peter Orszag, directeur du budget et ancien directeur du Congressional
Budget Office, a toujours répété que la hausse des frais de santé était la plus grande menace qui pesait
sur la stabilité financière des États‑Unis (Orszag, 2007, 2008a, b). C’est dans ce contexte qu’il a souligné
le fait primordial qu’il existe des écarts régionaux énormes dans les coûts par personne inscrite alors
qu’aucun avantage correspondant n’est perçu.
20
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Le tableau semble donc clair. Les États‑Unis souffrent d’une baisse constante de la productivité dans le
secteur des services de santé, y compris de la productivité des ressources humaines, baisse qui ne semble
pas avoir de limites. Les ressources ne cessent d’augmenter, mais les avantages correspondants pour la
santé qui devraient y être associés sont nuls ou minimes.
Ainsi, on pourrait penser que les décideurs dans tout autre pays où les dépenses de santé sont élevées
et en constante progression devraient examiner d’un œil plus que sceptique les demandes de ressources
supplémentaires faites par l’industrie et analyser soigneusement le système pour trouver les endroits
où il y a surutilisation des services, c’est‑à‑dire où l’apport de ressources ne s’accompagne pas de résultats
correspondants. Pour augmenter la PRHS, il faut simplement réduire le personnel et les autres ressources
affectés à ces activités; tout le reste n’est que de la poudre aux yeux. N’en parlons plus.
SAUF QUE…
Il conviendrait de noter que, selon une étude majeure portant sur la pertinence des services de santé
offerts aux États‑Unis (McGlynn et coll., 2003), la surabondance des services est relativement faible et
qu’au contraire, leur insuffisance est criante. À l’aide des réponses données à une enquête de suivi
communautaire ainsi que des dossiers médicaux, McGlynn et ses collaborateurs ont réussi à déterminer
l’état de santé des participants à l’enquête pendant les deux années précédant cette dernière ainsi que
la fréquence correspondante des recours aux services. Des comités d’experts, s’inspirant des données
cliniques, ont alors jugé de l’utilité des services fournis à ces personnes et déterminé les services qui,
selon eux, auraient dû être donnés mais ne l’ont pas été.
Les chercheurs ont conclu que les participants à l’étude recevaient en moyenne un peu plus de la
moitié des services requis par leur état :
Les participants ont reçu 54,9 p. 100… des soins recommandés. … Les déficits décelés conformément
aux méthodes recommandées pour la prestation des services de base menacent gravement la santé des
Américains. Il faudrait adopter des stratégies pour les réduire (p. 2635).
Seuls 11,3 p. 100 des participants à l’étude auraient reçu des services qui « n’étaient pas recommandés
et étaient peut-être même préjudiciables ». Loin d’obtenir trop de services, les Américains auraient,
semble‑t‑il, avantage à en recevoir beaucoup plus, selon les normes cliniques en cours. Dans une autre
recherche visant à évaluer et à classer les formes de gaspillage dans le système de santé américain, Bentley
et ses collaborateurs (2008) ont constaté que seulement 2 à 3 p. 100 environ des dépenses au titre de la
santé pouvaient être attribuées à des éléments considérés comme un « gaspillage clinique pur », soit :
(…) des dépenses en vue de produire des services qui n’apportent qu’un avantage marginal, si
tant est qu’ils en apportent, par rapport à d’autres services moins onéreux (p. 644).
Il est difficile d’aligner ces données relatives aux patients sur les données globales recueillies à l’échelle
nationale et régionale. Se peut-il vraiment que le pays qui dépense deux fois plus par habitant que le pays
qui le suit immédiatement à ce chapitre ne réussisse pas, et de loin, à offrir la gamme de services qui,
selon toute évidence, permet d’améliorer la santé? Que faut-il en conclure pour tous les autres pays?
Ce paradoxe pourrait en partie s’expliquer, du moins sur le plan des comparaisons internationales, par
le fait que même s’ils dépensent beaucoup plus que tout autre pays à cette fin, les États‑Unis n’offrent
pas proportionnellement plus de services de santé (en moyenne) à leurs citoyens. Comme nous le faisons
remarquer dans l’encadré ci-dessus, une part très importante des dépenses de santé américaines est
absorbée par l’administration de l’industrie de l’assurance maladie privée et par les administrations
financières correspondantes des établissements de santé. Les personnes qui s’occupent de ces questions
ne fournissent pas de services de santé; elles gèrent un système de paiement qu’Aaron (2003) a
remarquablement décrit comme :
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
21
(…) une monstruosité administrative, un mélange vraiment bizarre de milliers de payeurs aux
systèmes de paiement qui diffèrent pour aucune raison utile sur le plan social et de systèmes
publics d’une complexité renversante dont les prix ahurissants et les autres règles expriment des
distinctions qui ne peuvent être qualifiées que de bizarres (p. 801).
Aucun autre système ne supporte cet énorme fardeau de pur gaspillage administratif. Woolhandler et
ses collaborateurs (2003) l’évaluaient à 209 milliards de dollars en 1999, soit 16,5 p. 100 des dépenses
nationales totales pour la santé cette année‑là. Si on applique le même ratio aux dépenses officiellement
prévues en 2009, soit 2 509, 5 milliards de dollars, cela signifie que 412,9 milliards de dollars environ,
ou 1 345 $ par homme, femme et enfant du pays (à la mi-juillet 2009), sont consacrés à ce pur gaspillage
administratif engendré actuellement par les formes singulières de remboursement des dépenses de
santé aux États‑Unis.
Si ce gaspillage pouvait être éliminé, ce qui exigerait sans doute l’élimination du système d’assurance
privé lui‑même, et que les ressources administratives ainsi récupérées étaient redéployées utilement en
dehors du secteur de la santé, la part du revenu national américain consacrée aux services de santé
chuterait, passant du pourcentage de 17,6 p. 100 actuellement prévu pour 2009 à 14,7 p. 100. La
productivité globale du secteur de la santé américain ferait alors un bond remarquable de 20 p. 100. Le
gain de productivité implicite pour l’ensemble de l’économie américaine est d’environ 3,4 p. 100, ce
qui est énorme. Toute activité improductive dans le domaine des services de santé a une réelle importance.
Ainsi, si on ne tient pas compte des coûts du système de paiement idiosyncrasique, les dépenses réelles
pour la prestation des services de santé aux États‑Unis sont beaucoup moins importantes. Elles demeurent
cependant plus élevées que dans n’importe quel autre pays. Le paradoxe du trop-payé pour des services
insuffisants demeure.
Une autre explication citée antérieurement et mise en évidence par Anderson et ses collaborateurs
(2003) peut être donnée de la situation : « La faute en revient aux prix! ». Les comparaisons internationales
des dépenses de santé, comme celles compilées par l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), ajustent les monnaies nationales sur le dollar américain (USD), en retenant soit
les taux de change du marché soit les parités des pouvoirs d’achat (PPA), cette dernière formule visant
à comparer ce que les différentes monnaies nationales permettent de se procurer, dans leurs propres
pays, à partir d’un panier type de produits. Les PPA sont moins assujetties aux fluctuations du marché
découlant des mouvements de capitaux ou de la spéculation.
Ces deux facteurs de conversion sont cependant définis à l’échelle de l’économie tout entière. En principe,
les PPA du secteur de la santé pourraient être définies expressément en fonction d’un panier représentatif
d’interventions et de services médicaux, mais ce serait très difficile pour de nombreuses raisons. Dans
les faits, les PPA à l’échelle de l’économie servent à effectuer les conversions.
Ainsi, si les prix des biens et services de santé dans un pays donné sont anormalement élevés (visites
chez le médecin, interventions chirurgicales ou examens IRM, par exemple) par rapport à d’autres
produits non médicaux comme des hamburgers ou des téléviseurs (anormaux si on les compare aux
pourcentages dans ces autres pays), les comparaisons internationales courantes des dépenses de santé
converties en USD aux PPA à l’échelle de l’économie seront alors trompeuses. Elles sous-estiment les
prix relatifs des services de santé dans le pays où ceux‑ci sont relativement élevés et, parallèlement,
gonflent le nombre réel de services réellement fournis.
Même si nous ne disposons pas des PPA générales dans le secteur de la santé pour l’OCDE, nous
possédons en revanche de nombreuses données partielles et des données par service fourni qui montrent
que les prix des services médicaux sont exceptionnellement élevés aux États‑Unis (p. ex., Eisenberg et
coll. et Antoniou et coll. ci‑dessus). D’après une hypothèse relativement prudente selon laquelle les
prix seraient de 50 p. 100 plus élevés aux États‑Unis, la part du revenu national consacrée dans ce pays aux
22
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
services de santé diminuerait, pour passer de 14,7 p. 100 (net du gaspillage administratif) à 9,8 p. 100,
chiffre qui se rapprocherait de la moyenne enregistrée dans les pays à revenu élevé.
À la différence du gaspillage administratif cependant, des prix anormalement élevés ne supposent pas
une baisse de la productivité. Ils ne permettent pas de mesurer la productivité à l’aune des résultats
réels ou même des choses effectivement réalisées ou produites; au contraire, ils génèrent un transfert
des revenus de ceux qui paient pour obtenir des services de santé à ceux qui fournissent les ressources
utilisées afin de produire ces derniers. Les ressources sont trop remboursées et non pas nécessairement
mal utilisées.
Le gaspillage administratif et l’inflation des prix expliquent peut-être ainsi les dépenses de santé
anormalement élevées aux États‑Unis, mais ils ne règlent pas effectivement le paradoxe d’une carence
apparente. Premièrement, ces rajustements permettent toujours à ce pays d’avoir un système très bien
financé, capable de fournir à ses citoyens un niveau de service comparable à ceux qu’offrent les autres
pays à revenu élevé.
Deuxièmement, et par-dessus tout, ils n’influent aucunement sur les variations cliniques observées à
l’échelle des États‑Unis. Les études sur les variations susmentionnées tirent leurs données du système
public d’assurance maladie pour les personnes âgées, et les prix des prestations sont uniformisés selon
les variations régionales. Les comparaisons régionales d’utilisation des services ne sont donc pas
contaminées par les variations de prix ou de coûts administratifs indirects.
Mme Charlyn Black propose une autre explication aux conclusions de McGlynn (communication
personnelle). Premièrement, bien que McGlynn et ses collaborateurs disent qu’ils cherchaient à savoir
si les services étaient sous-utilisés ou surutilisés, les indicateurs qu’ils ont choisi d’examiner étaient
surtout ceux qui tendaient à montrer une sous-utilisation. Deuxièmement, il est généralement admis
que seule une faible proportion d’interventions médicales est étayée par des preuves scientifiques
d’efficacité. Un examen de ce sous‑ensemble, soit des interventions qui « sont connues pour donner de
bons résultats », exclut nécessairement une zone grise qui est fort probablement beaucoup plus grande et
où les écarts enregistrés dans les taux de prestation stimulés par la disponibilité des ressources peuvent
varier considérablement sans toutefois influer sur les besoins ou les résultats. C’est précisément ce
qu’ont constaté Fisher et ses collaborateurs, comme nous l’avons signalé précédemment.
Il faut tenir compte d’un autre élément : le système d’assurance privé non seulement ajoute une couche
de dépenses improductives aux coûts des services de santé, mais constitue un obstacle puissant et
arbitraire à l’accès. Il se peut que les 50 millions d’Américains ou presque qui n’ont pas d’assurance
représentent une part importante des services réels sous‑utilisés. Même pour ceux qui sont assurés, les
efforts croissants déployés par les assureurs privés (à but lucratif) en vue de limiter leurs propres
paiements sont une forme de « deuxième avis » partial, une barrière à sens unique. Il n’existe aucun
moyen de comparer les normes (exclusives) de « pertinence » qu’appliquent divers assureurs pour
décider des remboursements aux normes fondées sur les données probantes qu’ont utilisées McGlynn
et ses collaborateurs.
Depuis au moins vingt ans, les fournisseurs américains ne cessent de se plaindre du comportement de
plus en plus importun et excessif des assureurs. Il ne faudrait donc pas s’étonner s’ils ont réagi en
augmentant le nombre d’interventions faciles et lucratives que les assureurs auraient du mal à contester,
comme à McAllen. Il ne faut pas tomber dans le piège qui consisterait à présumer que les fournisseurs
pourraient réagir de la même manière aux stimulants économiques. El Paso diffère grandement de
McAllen tout comme le Minnesota de Miami, pour des raisons qui ne sont pas comprises pour l’heure
(du moins pas par les économistes). Cependant, les tensions entre les avantages consentis par les
fournisseurs et les assureurs ainsi que les stratégies et contre-stratégies adoptées par chaque camp
fournissent au moins une explication plausible au paradoxe de la surutilisation et de la sous-prestation.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
23
Ces éléments n’amoindrissent aucunement la valeur de l’étude de McGlynn et de ses collaborateurs;
elle est marquante (et quelque peu déconcertante) dans la mesure où elle montre bien le recours
relativement limité aux interventions qui sont connues pour donner des résultats. Ces travaux ne
permettent toutefois pas d’évaluer l’ampleur de la surutilisation du système, ce qui est peut‑être peu
surprenant puisque tel n’était pas leur but.
LIRE AUTREMENT L’AVENIR – ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ MÉDICALE ET
HOSPITALIÈRE
Comme nous l’avons fait remarquer, la vaste majorité des études sur la productivité dans le domaine
des services de santé ne s’intéressent pas aux résultats; elles évaluent surtout l’activité et les extrants
et peuvent donner des résultats diamétralement opposés selon les mesures d’extrants choisies. Au Canada,
les médecins et les hôpitaux en sont des exemples de premier ordre.
Selon les études menées sur les effectifs médicaux, le nombre réel de médecins par personne au Canada
est demeuré le même au cours des vingt dernières années alors que les membres du public (et les
professionnels) ont l’impression qu’au cours de cette période, on est passé d’un « excédent » à une
« pénurie ». Mais la productivité des médecins a-t-elle changé?
Des études menées par Crossley et ses collaborateurs (2008) à partir des données d’enquête de
l’Association médicale canadienne montrent que les heures hebdomadaires de travail clinique déclarées
par les médecins généralistes ont chuté de 15,6 p. 100 entre 1983 et 2003. Watson et ses collaborateurs
(2006) ont également étudié cet ensemble de données et constaté une baisse de 8,3 p. 100 des heures
de travail entre 1993 et 2003. Les premières conclusions tirées des données provinciales sur les paiements
d’honoraires en Colombie-Britannique (présentées à des réunions récentes de l’Association canadienne
pour la recherche sur les services et les politiques de la santé) révèlent qu’en moyenne, les jours
annuels de travail à temps plein diminuent de plus en plus tant chez les médecins généralistes que
chez les spécialistes.
On pourrait voir là une baisse de la productivité des médecins, mais ce serait inexact à strictement
parler. Le rapport entre intrants et extrants, expliqué au début du texte, s’applique aux extrants par
heure (adaptée à l’effort) et non par personne. Si les heures d’intrants diminuent, il se peut que la
production ou extrant chute aussi, mais pas nécessairement la production par heure travaillée.
À propos de la prétendue « pénurie de médecins » cependant, il serait peut‑être plus utile de préciser
que la production mesurée selon les facturations établies suivant le principe de la rémunération à l’acte
(généralistes et spécialistes compris), à des taux d’honoraires uniformisés, n’a pas chuté au cours de la
période durant laquelle la pénurie serait survenue. La régularité des interventions facturées, conjuguée
à une diminution des heures de travail, laissent supposer une augmentation importante de la productivité
chez les médecins, à condition que nous puissions accepter que les services facturés constituent une
mesure uniforme, dans le temps et l’espace, de la production des médecins.
Autre grave complication : une part de plus en plus importante des dépenses s’appliquant aux services
fournis par les médecins n’est pas remboursée suivant la formule de la rémunération à l’acte (programmes
des autres modes de paiement ou PAP). Les salaires et la rémunération à la vacation versés aux médecins
ont toujours représenté une petite partie du système d’assurance maladie canadien, mais ces dix dernières
années, diverses formes d’ententes de service, de primes de recrutement et de maintien en fonction
dans les régions, de primes pour services fournis par le médecin en disponibilité sont venues s’y greffer;
la liste n’est limitée que par l’imagination de ceux qui négocient avec les ministères provinciaux de la
Santé au nom des associations médicales provinciales.
Dans la mesure où ces remboursements supplémentaires ne sont associés ni à la prestation d’un service
donné ni (comme les primes pour services fournis par le médecin en disponibilité) à des services ou à
24
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
des activités auparavant gratuites, ils représentent simplement des augmentations de prix qui s’ajoutent
aux modifications explicitement apportées au barème des honoraires. Ils ne devraient pas entrer dans
le calcul d’un changement de productivité. Cependant, dans le cas des paiements qui font partie d’une
certaine forme de contrat de service, on peut se demander quels types et quels volumes de services
sont fournis suivant cette formule. Toute évaluation d’un changement de productivité à la hausse ou à
la baisse chez les médecins doit comprendre, soit implicitement, soit explicitement, une mesure quelconque
des volumes de services assurés en vertu de ces ententes et les données permettant de justifier ces
calculs ne sont en général pas disponibles.
Il est permis de penser que le passage aux PAP a réduit la production moyenne de services par médecin,
phénomène qu’une théorie économique élémentaire permettrait de prédire a priori. Pourquoi alors les
provinces accepteraient-elles la multiplication de ces types de paiement? Les raisons ne manquent pas
mais en arrière-plan, certains pensent depuis longtemps que la rémunération à l’acte altère les bases de
l’exercice de la médecine en encourageant la prestation de services à fort taux de remboursement par
unité de temps requise et en raccourcissant la durée des visites et des consultations. Si tel est le cas,
l’évaluation du service fourni montrera une hausse de la « productivité », mais la contribution de cette
activité aux résultats dans le domaine de la santé sera minime dans l’hypothèse la plus optimiste.
Comment faut‑il interpréter la situation? Si le volume accru d’activités tarifées, conjugué aux services
offerts par les PAP, correspond à une amélioration des résultats pour les patients, la productivité des
médecins augmente alors assez rapidement (malgré le vieillissement des effectifs médicaux). Cette
conclusion irait à l’encontre des prétendues « pénuries » actuelles ou projetées établies sur la base d’un
simple relevé des effectifs. (Comme nous l’avons déjà fait remarquer, Watson et McGrail estiment que
le Canada possède un taux de mortalité relativement faible par rapport à d’autres pays de l’OCDE, même
si le ratio médecins‑population est un des plus bas). Et si ce n’est pas le cas, les augmentations constantes
des honoraires versés aux médecins par personne sont toutes, en quelque sorte, des hausses de prix
qui n’améliorent en rien la santé. La vérité crue est que toute tentative d’évaluation de l’équilibre
relatif entre l’accroissement de la productivité et l’escalade des prix n’est que conjecture. Aucune de
ces deux tendances ne semble toutefois justifier la formation d’un plus grand nombre de médecins.
La multiplication des PAP ces dix dernières années a donc rendu l’évaluation ou la mesure de la
productivité des médecins plus difficile et moins fiable même sur la base de la production, abstraction
faite d’une déconnexion de plus en plus patente entre des extrants qui augmentent et des résultats qui
s’améliorent. Une part de plus en plus importante des honoraires versés aux médecins représente un
volume de services non mesuré et inconnu dont l’efficacité est ignorée. Compléter les PAP par un
système de « facturation pro forma » obligeant les médecins payés selon un PAP reposant sur le service
à faire état de leurs activités comme s’ils étaient remboursés en fonction des barèmes d’honoraires
provinciaux semble soulever de plus en plus d’intérêt. On peut au moins se demander si de tels rapports
permettront de recueillir des données comparables à celles associées aux paiements proprement dits, et
même si c’est le cas, les problèmes associés à l’utilisation de données de facturation ou de paiement
pour calculer par approximation la production et, a fortiori, les résultats, demeurent tangibles.
Le Canada n’est pas seul. A. Scott (2005) signale des tendances semblables en Australie :
En Australie, la quantité de services fournis par médecin ne cesse de chuter alors que les revenus
tirés des honoraires facturés par médecin ETP augmentent, ce qui veut dire que l’accroissement
des revenus par médecin est entièrement attribuable à la hausse des prix réels. Ce phénomène se
produit dans un contexte où la réduction du nombre d’heures travaillées par les généralistes et les
spécialistes est comparée à une augmentation peu tangible de la qualité des services offerts par les
généralistes. Des services moins nombreux sont fournis et les coûts augmentent sans qu’on puisse
déterminer les changements sur le plan de la qualité (p. 2).
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
25
Les médecins australiens, tout comme ceux du Canada, travaillent moins d’heures et gagnent davantage
grâce à la hausse des prix (rajustés en fonction de l’inflation). En Australie, ils ont revalorisé leurs
honoraires en surfacturant davantage les patients; au Canada, ils les ont relevé grâce à l’expansion des
PAP qui ne sont pas liés aux services. Ces derniers offrent probablement, en moyenne, plus de services
à la faveur des paiements à l’acte et des PAP liés aux services, mais nous ne pouvons pas les chiffrer.
En Australie, les généralistes fournissent moins de services puisqu’ils travaillent moins d’heures, mais
les spécialistes maintiennent leur production et facturent davantage tout en travaillant moins d’heures
(Scott, A., 2006).
Comme A. Scott (2005) le fait remarquer, cependant :
La productivité des médecins est mesurée de deux manières : les actes posés et la valeur de
ceux‑ci pour la société, déterminée par leur incidence sur la santé et le bien‑être (Ibid).
Nous ne savons pas grand-chose sur ce dernier point dans les deux pays, mais les études sur les
variations cliniques ne sont pas encourageantes.
Une autre façon de mesurer la productivité des médecins qui, fait surprenant, a peu retenu l’attention
est l’écart considérable qui existe entre médecins pour ce qui est des mesures de productivité apparentes.
Il est de notoriété publique que les revenus annuels des médecins varient largement selon les spécialités
et les barèmes d’honoraires. Dans la mesure où ceux‑ci font état d’heures annuelles de travail différentes,
ils n’indiquent pas, à proprement parler, une productivité différente. D’importantes différences sont
cependant constatées aussi chez les médecins qui travaillent apparemment à temps plein. Les études
de l’extrant niveaux moyens de service, ou production à l’heure, font abstraction de la dimension très
importante et largement inexpliquée des variations interpersonnelles de productivité. Celles‑ci se
présentent sous forme de grands écarts types dans les analyses de régression portant sur l’évaluation
de la production des médecins, divergences qui tendent à l’emporter sur l’écart « expliqué » (Bloor et
Maynard, 2001; Crossley et coll., 2008).
Malheureusement, on s’attache de plus en plus à l’élaboration de modèles plus ou moins perfectionnés
de prévision des « besoins » en médecins. Ces modèles sont d’un concret fallacieux et donnent des réponses
en apparence sans équivoque à des questions capitales. Mais ils sont construits sur de la vase. Les résultats
produits partent dès le départ d’hypothèses fermes mais fort douteuses sur les besoins de la population,
l’efficacité des services offerts par les médecins, d’autres modes de prestation de ces services et la
productivité des praticiens eux‑mêmes. Ils ne révèlent rien sur la PRHS, toutes les questions réellement
importantes étant escamotées.
Plusieurs exercices de projection semblables menés dans les années 1980 reposaient sur les hypothèses
suivantes : tous les services offerts sont « nécessaires » (sinon ils ne seraient pas offerts…) et l’extrant
service par médecin chutera au fil du temps et il devra en être ainsi parce que les médecins sont surchargés.
On en arrivait à la conclusion inévitable qu’il y aurait bientôt une pénurie de médecins alors que les effectifs
médicaux par personne ne cessaient d’augmenter. Cette façon de penser semble s’être ravivée depuis peu.
Ces modèles de projection éludent complètement la question des résultats et font prévaloir l’hypothèse
ferme et peu vraisemblable selon laquelle les niveaux et modèles actuels des services offerts par les
médecins, quels qu’ils puissent être et quelle que soit la manière dont ils puissent varier selon les
sous-populations, sont par définition tous nécessaires et nécessaires partout. Il est tout simplement
impossible que des services inutiles soient offerts, si bien que les « besoins » se multiplient à mesure
que la population croît et vieillit et peuvent être augmentés par une extrapolation des tendances
enregistrées dans certains types de prestation de soins, là encore sans que les résultats qui y sont
associés soient abordés.
26
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Il se peut que l’accroissement de la production par médecin (p. ex., par l’élargissement du rôle et
l’augmentation de la disponibilité de divers types d’équipement auxiliaire ou la restructuration des
modèles de prestation) soit mentionné en passant, mais il n’entre pas dans les calculs du modèle. En
fait, la productivité des médecins est censée être statique ou décroître progressivement. En revanche,
les hypothèses sur l’intrant temps de travail moyen du médecin, lequel ne cesse de diminuer, sont
quantifiables et peuvent être facilement intégrées aux projections. L’évolution à la hausse des extrants
(ou du moins de l’activité facturable) par médecin pourrait être tout aussi facilement quantifiée et
intégrée aux projections, mais elle est écartée pour une raison ou pour une autre.
Ces projections ne nous renseignent pas sur la productivité des médecins en ce qui concerne l’activité
et les extrants, et encore moins sur les résultats dans le domaine de la santé, car elles n’abordent pas
ces questions. Leurs hypothèses sont structurées de telle manière qu’elles ne peuvent aboutir qu’à des
projections plus ou moins élaborées concernant le besoin croissant de médecins, ce qui est probablement
leur but.
Ces modèles de projection ont été discrédités au Canada à la fin des années 1980. Comme Lomas,
Barer et leurs collaborateurs (1985) l’ont fait valoir :
(…) financer des travaux qui, selon les hypothèses adoptées, donneront des réponses pouvant
être facilement établies sans recherche est une utilisation inefficace et stérile des crédits consacrés
à la politique et à la planification en matière de recherche (p. 113, phrase soulignée dans l’original)
(voir aussi Lomas, Stoddart et coll., 1985).
Mais ils sont de retour, et pas seulement au Canada. Vingt ans plus tard, voici ce que Maynard (2006) écrit :
Tout en étant essentielle, la planification des effectifs médicaux demeure en général bien imparfaite
sur le plan méthodologique et mène souvent à des conclusions erronées. Elle est d’habitude fondée
sur une hypothèse inconditionnelle selon laquelle une multiplication des intrants dans le domaine
des services de santé entraîne automatiquement une meilleure santé et la seule façon rentable
d’améliorer la santé de la population est d’augmenter les effectifs médicaux (commission sur la
productivité [gouvernement australien], 2005). Une telle manière de voir doit être considérée avec
scepticisme dans un secteur où les résultats pour les patients ne sont ni mesurés ni gérés et où une
part importante des services de santé couramment utilisés n’est pas fondée sur l’expérience
clinique (BMJ Publishing Group, 2005, p. 323).
S’inspirant de Maynard (2006), A. Scott (2006) fait valoir que :
(…) les exercices de planification des effectifs menés par le secteur médical manquent relativement
d’ampleur dans la mesure où ils se concentrent uniquement sur la recommandation de changements
et prônent tout récemment une forte augmentation du nombre de places de formation. Une politique
aussi coûteuse ne contribue pas à chercher un règlement au problème de la productivité en ce qui
concerne l’inflexibilité de la formation, l’éventail inapproprié des qualifications ou la qualité de
l’exercice de la médecine. Elle ne traite pas non plus des inégalités dans la répartition des médecins.
Sans changements structurels qui améliorent la productivité, une politique qui consiste à augmenter
le nombre de médecins risque d’amplifier, voire d’empirer, les problèmes existants (p. 313).
On est en droit de supposer que la récurrence de ces exercices circulaires reflète la pérennité de leurs
mobiles politiques sous-jacents. De toute façon, le nombre de places en première année de médecine
au Canada a augmenté d’environ 60 p. 100 ces dix dernières années. Faire face à la hausse du nombre
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
27
de médecins qui en découlerait, soit « renforcer les problèmes existants », devrait suffire à écarter la
question de la productivité des médecins des préoccupations publiques pendant une autre génération.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES EN MILIEU HOSPITALIER
En règle générale, les médecins occupent le devant de la scène, ce qui est compréhensible compte tenu
de l’incidence de leurs décisions sur le système de santé. Les honoraires qui leur sont versés représentent
cependant environ le double du volume des ressources consacrées au soutien de leurs services. Dans
ce secteur, la productivité des établissements eux-mêmes a fortement augmenté au cours des vingt
dernières années et, par là même, celle du personnel de ces établissements. L’accent mis sur les extrants
plutôt que sur les résultats a largement masqué ces améliorations de taille. Les contraintes budgétaires
imposées au milieu des années 1990 ont été associées à une très forte diminution des départs aussi
bien que des jours-patient par personne. On savait depuis des années, voire des décennies, que ces
réductions étaient possibles, mais les changements qu’il fallait apporter aux modèles de soins sont
intervenus très lentement avant la crise économique des années 1990.
La baisse importante du nombre d’hospitalisations et des coûts dans les années 1990, sans effets négatifs
(globaux) apparents sur les patients, est un fait bien connu. (L’introduction du système de paiements
préétablis aux États‑Unis et de formes de plus en plus adaptées de la caisse de dépôt pour généralistes
au Royaume‑Uni a eu des effets semblables, mais à des époques différentes). Ces changements n’ont
toutefois pas été largement perçus comme une amélioration sensible de la PRHS. Tout le processus était,
et demeure, tellement enchevêtré dans la rhétorique politique de tout acabit (les modèles de soins
cliniques ont été modifiés de force, après tout, ce qui a entraîné des pertes d’emplois et de revenus)
que l’évidence même a pris le large. L’industrie pharmaceutique a ajouté à la confusion en prétendant,
de façon peu plausible, compte tenu de la rapidité de sa réaction qui coïncidait avec les changements
budgétaires apportés, que la réduction du nombre d’hospitalisations était due à l’arrivée sur le marché
de nouveaux médicaments, justifiant ainsi le prix élevé de ceux-ci (Lichtenberg, 1996, 2001).
La diminution importante des besoins en personnel infirmier et autre personnel hospitalier attribuable
aux compressions budgétaires intervenues au milieu des années 1990 a eu un effet d’écho inverse. La
baisse de l’embauche à cette époque a entraîné une pénurie quinze ans plus tard. Ce qui importe,
cependant, c’est qu’il n’a pas pu être établi que la situation avait eu des effets négatifs sur les résultats
pour les patients. Les compressions budgétaires ont permis d’éliminer bon nombre de soins hospitaliers
inutiles. D’après toute mesure raisonnable, la productivité de ce système et des personnes qui en
assurent le fonctionnement a beaucoup augmenté. Les études sur la PRHS semblent cependant faire
abstraction de cette aberration.
Les mesures de la production et non des résultats peuvent facilement convertir ces gains réels de
productivité en pertes apparentes. Le coût du personnel et des autres intrants par jour a tendance à
augmenter lorsque la durée des séjours à l’hôpital baisse, étant donné que ce sont les jours les moins
chargés et les moins nécessaires qui diminuent progressivement. La forte augmentation des chirurgies
ambulatoires et de court séjour représente une grosse amélioration de la productivité, mais si la même
procédure est traitée sur le plan statistique comme un « extrant» différent selon qu’elle est associée ou
non à un séjour à l’hôpital, il faut inscrire le remplacement des soins hospitaliers par la chirurgie de
jour comme une réduction de la production hospitalière et non comme une réduction des intrants
requis pour obtenir une production donnée, c’est-à-dire un cas traité.
L’ennui, évidemment, c’est qu’un cas n’est pas un cas (ces activités sont très loin d’être normalisées).
La même difficulté survient lorsqu’il s’agit de mesurer la productivité des médecins, mais pour les
services fournis par eux, il est généralement supposé, faute de mieux, que les barèmes d’honoraires
sont à peu près du même ordre que la quantité relative d’« extrants » représentés par diverses activités
médicales. Les hôpitaux présentent des problèmes plus graves; il n’y existe pas de barème d’honoraires
28
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
semblable. Les efforts déployés pour trouver des moyens de normaliser les extrants relatifs d’hôpitaux
dont le volume de travail diffère ne datent pas d’hier; l’analyse casuistique et l’ajustement par groupement
de maladies analogues demeurent un champ de recherche actif.
À première vue, il semblerait que ce domaine (très vaste) ne soit pas lié à la PRHS. Toutefois, il ne faut
pas réfléchir longtemps avant de se rendre compte que toutes les études portant sur l’ajustement par
groupement de maladies analogues se rapportent directement à la mesure de la productivité des hôpitaux
et, par ricochet, des personnes qui y travaillent. Ce genre de recherche semble, du moins au Canada,
s’être largement écarté des universités mais se poursuit activement dans certains ministères provinciaux
de la Santé et à l’Institut canadien d’information sur la santé.
La pondération du volume des ressources (PVR) associée dans certaines provinces aux départs de malades
hospitalisés dans le calcul des budgets des hôpitaux, ou les groupes liés au diagnostic (GLD) utilisés
par d’autres permettent aussi de comparer les extrants des hôpitaux. Ces mesures d’extrants normalisées
sont essentielles si l’on veut comparer la rentabilité relative des différents hôpitaux, en ayant recours à
diverses techniques statistiques comme l’analyse de régression traditionnelle et, plus récemment, la
méthode d’enveloppement des données pour tenter de découvrir les établissements plus ou moins
performants. Comme les traitements et salaires constituent la plus grosse part des budgets des hôpitaux,
l’efficience relative de ceux-ci semble liée à la productivité des ressources humaines utilisées.
L’observation de variations cliniques très importantes dans le recours aux hospitalisations dans les diverses
régions du Canada donne à penser que le nombre d’hospitalisations pourrait être encore considérablement
réduit, ce qui améliorerait la PRHS. Hall et Tu (2003), par exemple, ont étudié les variations régionales
des taux d’admission à l’hôpital au Canada (taux rajusté selon l’âge et le sexe, population de 20 ans et
plus) pour quatre états graves : l’infarctus aigu du myocarde (IAM), l’insuffisance cardiaque congestive
(ICC), l’angine de poitrine et les « douleurs thoraciques ». Les taux allaient de 508,4 pour 100 000 personnes
à Vancouver à 1 929,6 (près de quatre fois plus) dans la région 7 du Nouveau-Brunswick. Ils étaient
sensiblement moins élevés dans les régions métropolitaines, mais un gradient est-ouest prononcé était
enregistré dans l’ensemble des régions métropolitaines. Ils étaient d’environ 50 p. 100 supérieurs dans
le centre du Canada et de 75 p. 100 supérieurs à Halifax. Le taux moyen au Canada était environ le double
de celui de Vancouver.
McPherson et ses collaborateurs (1982) ont mis au point une mesure appelée la composante systématique
de la variation (CSV) qui a permis de déterminer que les variations interrégionales enregistrées pour
ces quatre états allaient de « élevé » (IAM) à « très élevé II » (ICC) en passant par « très élevé » (angine,
douleurs thoraciques). Hall et Tu concluent :
Les taux d’hospitalisation pour des maladies cardiovasculaires varient énormément selon les
régions du pays et pourraient faire l’objet de nouvelles stratégies d’intervention (p. 1123).
Ces variations soulèvent de toute évidence des questions plus détaillées sur la comparabilité des besoins
des populations : les gens sont-ils plus malades à Halifax ou à Toronto, ou ne se font-ils pas soigner à
Vancouver? Fisher et ses collaborateurs (2003a, b) n’ont pas constaté de résultats pires dans des régions
des États‑Unis où les services sont relativement peu utilisés et où les taux d’hospitalisation sont en
moyenne beaucoup moins élevés qu’au Canada; ils se sont plutôt intéressés aux facteurs (variations de
la disponibilité de médecins et styles d’exercice de la profession) que Hall et Tu ont invoqués en premier
lieu pour expliquer la situation. Ils notent également d’importantes variations interprovinciales dans la
durée moyenne des séjours à l’hôpital pour maladie cardiovasculaire, lesquelles ont tendance à aller de
pair avec celles des admissions, ce qui laisserait supposer que les différences géographiques en jourspatient par personne sont encore plus importantes.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
29
Ces observations n’ont pas eu l’écho qu’elles méritaient et se sont perdues dans le brouhaha causé par
les questions de pénurie et d’insuffisance de fonds. Les efforts visant à comparer l’efficacité relative
des différents hôpitaux pourraient influer sur la PRHS en ce qui a trait aux extrants par unité d’intrant
main-d’œuvre, mais cela ne résout pas la question plus vaste de la productivité par rapport aux résultats.
Pourquoi s’employer à améliorer la productivité des RHS pour la prestation de soins hospitaliers inutiles?
De très nombreuses études ont néanmoins été effectuées sur la PRHS en milieu hospitalier, en particulier
sur le personnel infirmier. La plupart de celles qui portent sur la productivité du personnel infirmier
que nous avons trouvées en cherchant dans nos bases de données informatisées faisaient état d’autres
moyens de doter les services d’hospitalisation. Elles tombent à l’évidence sous la rubrique de la
productivité des extrants. Autrement dit, il faut se demander, à leur égard, comment maintenir un
niveau donné de soins (et probablement conserver les résultats pour les patients) à un coût minimum.
Dans ce registre, nous n’avons trouvé aucune étude portant explicitement sur les résultats pour les
patients dans nos bases de données informatisées, mais comme nous l’expliquons à l’annexe A, c’est
parce que notre processus de recherche était imparfait. Après enquête auprès des chercheurs, la liste
des études portant sur les résultats associés à divers modèles de dotation en personnel des établissements
hospitaliers était relativement brève.
Grosso modo, cependant, nos recherches bibliographiques donnent à penser que les études directes
(distinctes des études indirectes comme celles qui traitent des variations, par exemple) sur les résultats
représentent une part relativement faible des travaux de recherche effectués dans ce domaine. Cela ne
signifie pas pour autant qu’elles sont sans rapport avec les questions portant sur la PRHS; d’ailleurs, si
on peut trouver des moyens d’accroître les mesures plus traditionnelles de la productivité selon la
méthode des coefficients partiels et avoir la certitude que les résultats pour les patients ne sont pas
touchés ou (mieux encore) s’améliorent, alors ces situations représentent effectivement une augmentation
indubitable de la PRHS et méritent qu’on les analyse et qu’on s’en inspire.
Il se peut toutefois que le processus de publication soit entaché d’une certaine partialité. Nous savons,
d’après nos contacts personnels, que certaines innovations implantées dans des hôpitaux locaux ont
considérablement réduit la durée des séjours pour des interventions données ou amélioré le débit de
traitement de l’imagerie en nécessitant très peu de ressources nouvelles ou sans en requérir du tout.
Ces changements ne sont pas publicisés car les innovateurs se consacrent à la prestation de services
aux patients et non à la rédaction d’articles à publier. D’ailleurs, il se peut que la diffusion de ces
économies soit contre-indiquée au cas où les organismes de financement réagiraient en réduisant les
budgets. Voilà qui pourrait expliquer, dans une certaine mesure, que, de façon générale, des innovations
génératrices de productivité ne s’étendent pas aux autres établissements.
LA PRODUCTIVITÉ ET LA PLANIFICATION DES RHS
Un grand programme canadien de recherche sur la planification des RHS, qui porte tout particulièrement
sur les soins infirmiers, reconnaît précisément l’importance cruciale des hypothèses relatives à l’évolution
explicite ou, plus couramment, implicite de la productivité. Birch, O’Brien-Pallas, Tomblin Murphy et
leurs collègues possèdent une expertise à la fois en économie et en services infirmiers et ont publié
beaucoup de travaux de recherche au fil des ans (voir, p. ex., O’Brien-Pallas et coll. (2007); Tomblin
Murphy et coll. (2006); Birch et coll. (2005); Tomblin Murphy et coll. (2003); O’Brien-Pallas et coll. (2001).
Dans un supplément spécial de la revue Analyse de politique, Birch et ses collaborateurs (2007) résument
et appliquent le cadre conceptuel qu’ils ont élaboré. Ils critiquent les méthodes « traditionnelles » de
planification des RHS tout comme le font A. Scott et Maynard ci‑dessus (et comme l’avaient fait Lomas,
30
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Barer et coll. ainsi que Lomas, Stoddart et coll., vingt ans plus tôt).6 Cette « planification » a surtout
consisté en un exercice de projection démographique s’intéressant exclusivement à certains groupes de
fournisseurs. Ces projections reposent sur des hypothèses péremptoires mais implicites (et douteuses)
sur la productivité future des services (en général immuable) et les besoins futurs de la population
(découlant le plus souvent des tendances ou modèles actuels d’utilisation selon l’âge). Elles montrent,
à la lumière d’un exercice approximatif reposant sur des données du Canada atlantique, à quel point
les projections des « besoins » en RHS peuvent fluctuer brutalement sous l’influence de changements
assez minimes intervenant dans les hypothèses sur les profils de productivité.
Birch et ses collaborateurs définissent un cadre de projection en quatre volets beaucoup plus élaboré,
qui repose sur les tendances au chapitre de la démographie, de l’épidémiologie, des normes de service
et de la productivité du personnel. Ce cadre présente un sérieux attrait sur le plan logique : combien de
gens sont touchés (selon l’âge et le sexe), quels sont leurs ennuis de santé, quels niveaux et modèles
de services faut-il actuellement pour s’attaquer à ces problèmes et comment la réponse à ces demandes
de services se manifeste-t-elle sur le plan du temps, du personnel de différents types ainsi que de
l’équipement et des fournitures qui y sont associés?
Les auteurs font valoir qu’une planification reposant sur l’hypothèse que l’épidémiologie et la productivité
sont « fixes » alors qu’elles ne le sont manifestement pas faussera l’estimation des besoins. De surcroît,
comme ils le font remarquer, tant les modèles que les tendances au chapitre de l’épidémiologie et de la
productivité découlent de la conjoncture sociale, culturelle, économique et politique. Il serait difficile de
surestimer cet élément, mais il est tout aussi difficile de quantifier ces facteurs dans le calcul des besoins
(c’est sans doute la raison pour laquelle des gens intelligents au sein d’équipes plus ou moins bien
pourvues en ressources n’y sont pas parvenus pendant des dizaines d’années de planification des RHS).
Pourtant le serpent n’est pas loin dans l’éden planifié par Birch et ses collaborateurs, qui en parlent en
passant, mais ne l’étouffent pas, pas plus qu’ils ne le poursuivent. Sa présence est patente dans leur analyse
des prévisions de Shipman et ses collaborateurs sur les besoins en pédiatrie aux États-Unis (2004).
Selon cette étude, le nombre d’enfants par pédiatre aura diminué du tiers d’ici 2020. Pour maintenir
leur charge moyenne de travail (et leurs revenus), les pédiatres devront :
(…) offrir d’autres services aux enfants qu’ils soignent actuellement, élargir leur pratique aux jeunes
adultes ou chercher à s’approprier une plus grande part de la clientèle infantile des médecins non
pédiatres (Shipman et coll., 2004, p. 441) (…).
Comme Birch et ses collaborateurs le font valoir, aucune considération n’est donnée à la pertinence de
ces changements intervenus dans les profils d’exercice de la profession sur le plan de la santé des patients
ainsi servis. Les enfants (et adultes) américains s’en porteraient peut-être mieux si les établissements
de formation produisaient moins de pédiatres? Mais cela ne semble pas être envisageable.
Tomblin Murphy et ses collaborateurs (2006) reconnaissent le même processus explicitement :
Si les besoins moyens par personne diminuent au fil du temps, le nombre de fournisseurs dépassera
tout simplement les besoins si les normes de service restent les mêmes (...) la quantité de services
augmente indépendamment des changements dans les besoins. En outre, cette tendance est exacerbée
si la productivité des fournisseurs (moyenne des services par fournisseur ETP) croît également. Il
s’ensuit traditionnellement que les services par personne s’amplifient pour que la charge de travail des
fournisseurs soit maintenue. Cet accroissement de l’utilisation sert ensuite à mesurer la demande au
moment de planifier de nouveau les RHS (p. 2).
6
Pour éviter toute confusion, veuillez noter que ces auteurs utilisent en général le sigle PRHS pour désigner la planification et non la
productivité des ressources humaines dans le domaine de la santé.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
31
Un nombre accru de fournisseurs peut avoir exactement le même effet qu’une baisse des besoins
moyens par personne.
Les « normes de soins », élément clé, approprié et important du cadre élaboré par Birch et ses
collaborateurs, sont non seulement variables, mais également endogènes. Elles s’adaptent à l’offre
existante de personnel parce que les travailleurs et travailleuses de la santé ont suffisamment de
souplesse pour faire ce qu’ils jugent nécessaire ou approprié. Bien entendu, c’est précisément là
l’interprétation donnée par ceux qui étudient les travaux sur les variations cliniques à propos de la
corrélation entre la capacité régionale et les profils d’utilisation régionaux (voir la citation de Fisher
(2007) ci-dessus).
Cette façon de voir n’est pas nouvelle; Evans et Wolfson (1978) ont décrit le processus comme « un
déplacement de la cible pour faire mouche ». (Voir aussi à cet égard Evans, 1974). Un médecin d’une
autre époque avait fait remarquer que les maladies dans une collectivité doivent être suffisamment
nombreuses pour assurer de l’emploi aux médecins qui y résident.
Les exercices de planification qui tirent les « normes de soins » des pratiques courantes finiront par ne
rien donner. Lomas, Barer et leurs collaborateurs (1985), de même que Lomas, Stoddart et les leurs
(1985), ont parlé de « faire des projections de la planification ». Ayant cependant parfaitement défini ce
problème fondamental dans leur cadre de planification et dans celui des autres, Birch et ses collaborateurs
traitent apparemment les normes de soins comme si elles étaient tout aussi objectives et exogènes que,
mettons, la démographie.
COMPLÉMENTS, SUBSTITUTS, ÉQUIPES : ENRICHISSEMENT DES
SERVICES, OUI, AMÉLIORATION DE LA PRODUCTIVITÉ, NON
En dehors des hôpitaux, beaucoup d’études ont été faites sur le personnel infirmier et les autres travailleurs
et travailleuses de la santé qui jouent des rôles cliniques élargis (ceux qu’on appelle génériquement les
professionnels de la santé de niveau intermédiaire ou PSNI) qui se substituent aux » professionnels de
pointe » comme les médecins ou les dentistes. La possibilité de substitution ne signifie pas pour autant
que les PSNI améliorent la PRHS. Selon la logique générale, cependant, ces personnes représentent une
quantité de « capital humain » plus petite que le professionnel de pointe ayant fait beaucoup d’études.
La formation coûte cher, tant directement que sous la forme du « coût de substitution » du temps que
les stagiaires doivent passer en dehors du marché du travail. Si un personnel moins formé peut effectuer
les mêmes tâches suivant des normes de qualité équivalentes (mesurées par les résultats), cela signifie
que le personnel de niveau supérieur est « surcapitalisé ».
Demander au personnel moins capitalisé de fournir les services qu’il est tout aussi capable d’offrir
représente un engagement moindre de ressources (une nette amélioration de la PRHS) à condition que
le personnel de substitution soit aussi performant, en termes de production à l’heure, que les professionnels
de pointe et qu’il ne requière pas d’intrants complémentaires comme des heures de supervision coûteuses.
Cependant, si ce personnel travaille dans des milieux différents et, surtout, s’il est rémunéré autrement
(salaire au lieu d’honoraires à l’acte, par exemple), il se peut fort bien qu’on trouve des différences de
production par unité de temps.
Ces études sur les PSNI ont été effectuées en deux vagues, la première remontant au début des années
1970 et la seconde se situant dans les dix dernières années. Au cours de ces deux périodes, la perception
généralisée d’une pénurie de médecins (plutôt qu’un souci de la productivité en soi) a alimenté un
mouvement vers le remplacement des médecins de famille par des infirmières et infirmiers possédait
une formation clinique poussée. Malgré un certain nombre d’essais concluants, cependant, les initiatives
des années 1970 ont échoué et les raisons de leur insuccès permettent de douter sérieusement que des
projets semblables soient entrepris aujourd’hui.
32
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Les documents produits dans les années 1970 sont abondants; en 1981, Jane Record a publié un petit
volume entier sur les nombreuses études montrant que divers types de PSNI pouvaient effectuer une
grande partie des tâches assumées par les médecins de famille. Les conclusions tirées de ces travaux
étaient claires :
(…) les nouveaux professionnels de la santé (NPS) semblent offrir un fort pourcentage de services
de première ligne à un niveau de qualité et de productivité élevé. De plus, l’écart entre le taux de
substitution médecin/NPS et le rapport de coûts NPS/médecin semble suffisamment large pour
obtenir des économies de coûts lorsque les NPS sont bien utilisés (Record et coll., 1980, p. 470).
Au Canada, il y a même eu un essai comparatif aléatoire, l’étude de Burlington sur les soins réalisés
par des infirmières praticiennes, qui a montré les résultats comparables obtenus par ce personnel
intermédiaire (Spitzer et coll., 1973; Spitzer, 1978). L’augmentation du nombre de médecins a cependant
balayé ces possibilités et, en 1984, Walter Spitzer a rédigé une élégie sur « la mort lente d’une bonne
idée ». Que s’est-il produit?
Dans les années 1960, comme on s’attendait à une pénurie de plus en plus grave de médecins, le nombre
de places dans les facultés de médecine a considérablement augmenté. Cette perception reposait cependant
largement sur des projections démographiques erronées. La fin soudaine du baby boom au milieu des
années 1960, peu avant que les facultés de médecine accroissent leur capacité, a entraîné pendant
vingt ans une multiplication imprévue du nombre de médecins au Canada (et des coûts qui y sont associés)
par rapport à la population. Cette augmentation dans les années 1970 et 1980 a rapidement supprimé
tout intérêt envers le personnel infirmier praticien, et l’idée de recourir à celui‑ci est restée au fond des
tiroirs pendant une vingtaine d’années.
En 1990, le ratio médecins-population au Canada a enfin plafonné et la combinaison d’une population
croissante et vieillissante avec un bassin stable mais vieillissant également de médecins (par personne)
et un nombre invariable de places dans les facultés de médecine laissent de nouveau entrevoir une pénurie
de médecins à l’avenir. Dans ce contexte, il aurait fort bien pu y avoir remplacement des médecins par
des PSNI (Stoddart et Barer, 1992; Barer et Stoddart, 1999).
Les auteurs d’un rapport publié récemment par la Collaboration Cochrane (Laurant et coll., 2004)
parviennent à des conclusions confirmant les anciens travaux de recherche :
Selon ces conclusions, des infirmières et infirmiers bien formés peuvent offrir des services d’aussi
bonne qualité que les médecins de première ligne et obtenir d’aussi bons résultats pour la santé
des patients. (…) La substitution des premiers aux seconds peut réduire la charge de travail de ces
derniers. Cependant, cet avantage ne sera pas réalisé dans les faits si les médecins continuent
d’offrir les types de soins qui ont été transférés aux infirmières et infirmiers. (…) Remplacer les
premiers par les seconds peut réduire les coûts directs des services. Les économies de coûts dépendent
cependant largement de l’écart salarial entre membres du personnel infirmier et médecins. (...) En
outre, les économies que permet la différence de salaire entres les uns et les autres pourraient être
annulées par le fait que les consultations durent plus longtemps et les rappels de patients sont plus
nombreux lorsque c’est le personnel infirmier qui agit (…) (p. 9).
Là encore, toute possibilité de substitution a été devancée par une augmentation soutenue et considérable
du nombre de places dans les facultés de médecine, dont les diplômés entrent tout juste maintenant
sur le marché du travail. Entre 1997-1998 et 2008-2009, le nombre d’étudiants en première année dans
les facultés de médecine au Canada a augmenté de 68 p. 100, passant de 1 577 (point le plus bas depuis
1970-1971) à 2 653 (AFMC, 2008). Pendant cette même période, la population a crû de 11,2 p. 100.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
33
En raison des longues périodes de formation et de résidence, cette augmentation commence tout juste
à se faire sentir dans le milieu médical, si bien que l’argument de la « pénurie » risque de persister
pendant quelques années encore, tout comme cela a été la cas au début des années 1970. Mais les dés
ont déjà été jetés et le nombre de médecins par personne au Canada, qui était stable depuis vingt ans,
recommence à augmenter, la nouvelle période d’expansion pouvant durer des décennies. Les effets
d’une telle situation sur la productivité dans ce secteur ne sont pas positifs7.
Comme la pratique clinique aux cotés des médecins (ou en concurrence avec eux?) lui était résolument
fermée, le personnel infirmier s’est tourné vers un autre concept pour élargir son rôle. Plutôt que
d’enlever des tâches aux médecins, et de réduire ainsi le nombre de médecins nécessaires, il a choisi
de trouver son propre créneau et sa propre clientèle. Ses membres devront peut-être faire équipe avec
des médecins et d’autres professionnels, mais ils fourniront une gamme différente de services. Cette
réaction compréhensible à l’exclusion des possibilités de substitution permet d’apporter un « complément »
de services qui ne menace pas les plates-bandes professionnelles (ou les revenus) des médecins. Il se
pourrait fort bien que la pratique en équipe puisse être renforcée, en particulier en ce qui concerne les
soins donnés aux personnes âgées de santé fragile et atteintes de maladies chroniques, mais à peu près
rien ne permet de croire que cette formule améliorerait la PRHS.
Maynard (2006) réaffirme ce même point lorsqu’il évoque la situation au Royaume‑Uni et aux États‑Unis.
Quels que soient leur potentiel et leurs capacités, les PSNI ne remplacent pas les médecins dans les faits.
Ceux-ci ne sont pas au chômage. Au contraire, l’accroissement du nombre et des domaines d’activité
des PSNI entraînent un « enrichissement des services » (expression polie pour désigner la hausse des
coûts) qui pourrait ou non améliorer les résultats, mais qui, presque à coup sûr, représente une diminution
de la productivité. L’amélioration de celle-ci signifie faire plus avec moins; or, le modèle dominant dans
les systèmes de santé a toujours été d’en faire plus avec plus.
L’exception à cette règle pourrait être une véritable pénurie de médecins, où la multiplication des PSNI
et l’élargissement de leur rôle pourraient constituer une solution de rechange à l’accroissement du
nombre de places dans les facultés de médecine, celui-ci ayant néanmoins, au Canada comme ailleurs,
anéanti cette possibilité.
Un glissement latéral très semblable de l’activité des PSNI est particulièrement patent dans le domaine
de la médecine dentaire, où il est établi que le processus n’est pas le résultat du système de paiement
public. Au début des années 1970, une pénurie apparente de dentistes a mené à une série d’expériences
faisant intervenir des PSNI. À plusieurs endroits, des hygiénistes dentaires ont été formés pour élargir
leur rôle et effectuer une grande partie du travail du dentiste généraliste. Toutefois, le programme dentaire
pour enfants lancé en Saskatchewan en 1974 a montré que, du moins pour ce groupe de la population,
les détenteurs d’un diplôme d’études secondaires ayant une formation de 20 mois pouvaient effectuer
le même travail que les dentistes praticiens et selon des normes de qualité équivalentes (mesurées dans
le cadre d’essais à l’insu). Ces infirmières dentaires (ou thérapeutes dentaires dans les Territoiresdu-Nord-Ouest) pouvaient fournir des services courants à l’ensemble des enfants de la province. Ils
n’avaient pas à perfectionner leurs compétences et il n’était pas nécessaire de les payer plus.
Ce programme au succès retentissant a été supprimé au début des années 1980 par un gouvernement
nouvellement élu qui a cédé aux pressions politiques exercées par les dentistes. Ailleurs en Amérique
du Nord, la profession a réussi à éliminer toute nouvelle expérience de substitution, ce qui a des
conséquences évidentes pour la PRHS, mais le voile du silence demeure opaque.
7
On pourrait sans doute faire valoir qu’on aura besoin de tous ces nouveaux médecins, et même d’autres encore, si ces professionnels
continuent de réduire leur charge de travail moyenne. Comme nous l’avons dit plus haut, cependant, la baisse notée des heures de travail
ne s’accompagne pas d’une diminution des services offerts par médecin, du moins selon la facturation ou les diverses formes de
remboursement. De plus, cet argument ne tient pas compte de l’effet possible de l’effondrement économique de 2008 sur les décisions
d’ordre professionnel prises par les médecins.
34
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
Au lieu de remplacer les dentistes par du personnel moins coûteux, ce qui pourrait avoir de sérieuses
retombées sur le revenu des premiers, la prestation des services d’hygiène dentaire traditionnels au
Canada s’est élargie :
Le marché de l’offre de services d’hygiène dentaire au Canada génère chaque année des revenus de
l’ordre de plusieurs milliards de dollars. Nous savons que la prestation de ces services produit l’essentiel
des revenus dans un cabinet dentaire et amène des revenus largement supérieurs à leurs coûts pour le
dentiste (Scott, S., 2005, 2006).
Des exigences réglementaires obligent les hygiénistes à travailler dans des cabinets dentaires, ce qui a
permis aux dentistes de s’approprier une part des revenus générés par eux bien supérieure aux frais
engagés pour leur fournir locaux, matériel et services administratifs. Au Canada, le Bureau de la
concurrence s’emploie, avec les hygiénistes dentaires eux-mêmes, à faire modifier la loi provinciale
pour permettre à ceux-ci l’exercice « autonome » (c’est-à-dire indépendant) de leur profession. Il prévoit
(espère) favoriser ainsi une concurrence accrue entre hygiénistes et une baisse des prix pour les patients.
On ignore cependant si la productivité s’en trouvera améliorée.
La tendance à favoriser la surcapitalisation (capital humain excédentaire) n’est pas l’apanage des
professionnels de pointe comme les médecins et les dentistes. Le potentiel de PRHS du personnel
intermédiaire se trouve menacé du fait que les universités et les organismes professionnels exercent
des pressions pour relever leurs exigences en matière de formation à un point tel que leurs diplômés
peuvent finir par coûter aussi cher que les médecins, en particulier s’ils ont une « longévité profes­
sionnelle » inférieure ou moins d’années de travail à temps plein par diplômé. Les sages-femmes ou les
« prolongements du médecin » aux diverses étiquettes ont-ils besoin d’un diplôme couronnant quatre
années d’études en sciences infirmières avant d’obtenir une formation dans leur domaine respectif?
Quand les facultés assurent qu’une plus grande quantité de leur produit (soit plus de formation) est
nécessaire, ce peut être une stratégie de marketing efficace, mais cela ne repose sur aucune donnée
probante fondée sur les résultats.
Les dossiers documentaires aident à comprendre plusieurs points importants au sujet de la PRHS et de
la substitution de personnel. Premièrement, les travaux de recherche effectués montrent clairement que
cette substitution permettrait d’améliorer de beaucoup la productivité, toutes choses étant par ailleurs
égales. Deuxièmement, les autres choses ne sont jamais égales. Cette amélioration de la productivité
menace le marché des professions « surcapitalisées » et se heurtera donc à une certaine hostilité ainsi
qu’à une résistance politique et organisationnelle jusqu’à présent fructueuse. Troisièmement, les
organismes professionnels et de formation eux-mêmes peuvent compromettre l’amélioration de la
PRHS dans la mesure où ils pourraient anéantir les gains de productivité potentiels en renforçant les
besoins en matière de formation et en rendant le personnel suppléant inutilement coûteux. En insistant
obstinément sur les résultats (cette formation complémentaire est-elle nécessaire, pour faire quoi, à la
lumière de quelles données?), on peut facilement se perdre dans la phraséologie du « plus, c’est mieux ».
Et quatrièmement, pour vérifier les gains potentiels sur le plan de la PRHS, il faut vouloir et pouvoir
mesurer les résultats et non seulement les extrants.
SYNTHÈSE DES DONNÉES PROBANTES SUR LA PRHS – LEÇONS À RETENIR
La perception actuelle d’une pénurie de médecins a ramené sur le tapis la question des prolongements
du médecin, qui est vue comme un moyen non pas d’améliorer la PRHS, mais simplement de maintenir
ou d’accroître la production face à une pénurie réelle ou imminente de médecins. De vieilles questions,
apparemment réglées, sont remises sur le tapis. Une étude sur la pratique infirmière avancée réalisée
au Canada sous la direction d’Alba DiCenso a établi on ne peut plus clairement l’élément qui est peut-être
le plus important de cet exercice documentaire.
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
35
Bien qu’ils se soient limités au Canada (surtout) et aux études canadiennes sur un secteur relativement
restreint (quoique particulièrement intéressant) des services de santé, les auteurs ont trouvé plus de
500 articles. Il aura fallu une année à une équipe de neuf personnes pour lire, analyser et classer
systématiquement par catégories tous ces documents. Même si leur rapport constituera une mise à jour
précieuse sur la recherche menée dans ce domaine limité, il ne serait sûrement pas réaliste d’entreprendre
une analyse aussi générale et approfondie de tous les travaux portant, directement ou indirectement,
sur la PRHS.
S’il a fallu neuf personnes pour analyser 500 articles en un an, en lire 12 000 à peu près (et nous ne
prétendons pas que ce chiffre approximatif représente l’ensemble des travaux sur le sujet) exigerait 24
fois plus de temps (216 années-personne). Cela ne se fera pas, et ne devrait d’ailleurs pas se faire, car
la « qualité moyenne du minerai » qu’une recherche approfondie a permis de trouver ne vaut tout
simplement ni cet effort monumental, ni les coûts qui y sont associés. Ce serait une utilisation très peu
productive du temps de chercheurs spécialistes des services de santé. Comme nous l’avons signalé dès
le début, les questions portant sur la PRHS doivent être précises et bien ciblées pour que les réponses
soient réalistes. Voilà une première leçon.
La deuxième leçon, c’est qu’à peu près toutes les études portant sur la PRHS s’intéressent aux extrants
interventions ou services et non aux avantages pour la santé que ceux‑ci pourraient ou non procurer.
De façon générale, on s’accorde à reconnaître en principe que ce sont les résultats pour la santé, et non
les extrants, qui devraient orienter les services de santé, mais les ouvrages sur la PRHS en parlent peu,
exception faite de ceux qui portent sur les variations cliniques; cependant, on semble reconnaître très
peu les répercussions que ces analyses ont sur la PRHS, si tant est qu’on les reconnaisse. Il existe un
écart conceptuel et empirique énorme entre la prise de conscience croissante de l’ampleur et de
l’importance des variations cliniques et les études sur la PRHS « traditionnelles » largement centrées
sur la production d’interventions et de services.
La troisième leçon, c’est que peu de décideurs clés dans le secteur des services de santé veulent
améliorer la PRHS. Au contraire, ils luttent contre ces améliorations avec énergie et y résistent avec
succès. Il ne faudrait pas s’en étonner : l’amélioration de la productivité est souhaitée à l’échelon de
l’économie, où elle sous-tend la hausse du niveau de vie moyen. Pour les particuliers, elle signifie
cependant qu’il faut modifier les modèles d’exercice habituels et en faire plus avec moins, ce qui
compromettrait gravement emplois et revenus. Dans n’importe quel système de santé, toutes les mesures
d’encouragement offertes aux personnes et aux organismes qui sont payés pour fournir des soins
visent à en faire plus avec plus : plus d’extrants et donc amélioration implicite des résultats. L’amélioration
de la productivité se heurte à l’impasse politique classique des avantages diffus et des coûts concentrés.
C’est pourquoi la documentation présente 40 ans de données accumulées sur les gains de productivité
que pourrait procurer la substitution d’un personnel moins formé sur le plan clinique à des professionnels
qui le sont plus et… 40 ans de frustration totale. De nouvelles activités et de nouveaux types de personnel
sont ajoutés comme intrants complémentaires (enrichissement des services) mais ils n’en remplacent
pas d’autres, surtout pas les professionnels qui coûtent cher.
C’est aussi la raison pour laquelle les principales améliorations apportées à la PRHS dans le secteur
hospitalier à l’époque des compressions budgétaires des années 1990 au Canada ont été critiquées avec
autant de force (et d’efficacité) et n’ont jamais été reconnues comme les améliorations de productivité
évidentes qu’elles étaient. Lorsque la durée des séjours à l’hôpital diminue et que les interventions qui
autrefois nécessitaient une nuit à l’hôpital sont faites au contraire dans la journée et donnent des résultats
équivalents, voire meilleurs, on peut parler d’amélioration sensible de la PRHS. Le fait que les travaux
de recherche ont documenté ces améliorations potentielles vingt ans avant la crise financière, mais que
très peu a été fait avant que celle‑ci n’éclate ne fait que confirmer ce que nous disons. Au sein des
systèmes de santé, de puissants incitatifs découragent une amélioration de la PRHS.
36
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
VERS UNE SOLUTION?
Alors que la rigidité et la résistance au changement caractérisent les systèmes de santé (partout et pas
seulement au Canada), il importe de reconnaître que de nombreux « puits de lumière » existent et que
des particuliers et des établissements novateurs ont trouvé de meilleurs moyens de fournir les services.
C’est, après tout, à cause de ces pionniers que nous pouvons affirmer en toute confiance que la chirurgie
ambulatoire était connue pour être sans danger, efficace et rentable vingt ans avant qu’elle ne soit
popularisée dans les années 1990. Ainsi, de façon générale, l’amélioration de la PRHS passe par la
reconnaissance d’innovations qui améliorent la productivité et l’adoption de celles‑ci à l’échelle du
système. Reconnaître les innovations n’est pas difficile; Priest et ses collaborateurs (2007), par exemple,
présentent une série de cas où la productivité locale s’est améliorée. En généraliser l’application est,
hélas, beaucoup moins facile.
Le protocole d’Ottawa concernant l’évaluation des blessures à la cheville (Ottawa Ankle Rules) en est
un exemple modèle. Une équipe ingénieuse a trouvé un bon moyen d’établir un diagnostic en salle
d’urgence sans radiographie d’office pour les blessures à la cheville et en a prouvé l’efficacité. Univer­
sellement applaudie, la technique a été appliquée à d’autres blessures. C’est précisément ce genre
d’innovation en matière de PRHS que la FCRSS et d’autres organismes de financement devraient
essayer de découvrir et de promouvoir.
Une synthèse des données issues de la recherche ne vaut que dans les cas où il existe suffisamment de
données de grande qualité à résumer. Pour ce qui est de la PRHS, nous avons fait valoir que la quasitotalité de la recherche sur les services de santé est utile, directement ou (plus couramment) indirectement.
La question de la suffisance des données probantes ne se pose donc pas. Nous avons également fait
remarquer que cette vaste documentation est principalement constituée, au mieux, de « minerai pauvre »
d’où ressortent quelques pépites. Des études directes ont été menées sur la PRHS, mais à quelques
exceptions près, elles utilisent des numérateurs d’extrants et non de résultats. Elles sont donc d’une
valeur limitée pour les raisons que nous avons longuement énoncées dans le présent rapport. Sont plus
utiles les études « indirectes » (c’est-à-dire celles qui ne sont pas expressément axées sur la PRHS, mais
où les résultats sont d’une pertinence directe). Nous avons dans l’ensemble présenté (dans notre rapport)
une synthèse de la partie de ces travaux ayant un lien avec la PRHS.
Nous pensons que la FCRSS et ses partenaires devraient financer deux types de travaux. Premièrement,
ils devraient demander des histoires d’amélioration réussie de la PRHS, en précisant bien que celles qui
les intéressent sont celles où les extrants par unité d’intrant ont augmenté et où d’autres données probantes
ont permis de constater un effet positif (ou au pire neutre) sur les résultats dans le domaine de la santé.
L’augmentation de la productivité pourrait se manifester soit par un accroissement des extrants et une
amélioration perceptible correspondante des résultats dans le domaine de la santé sans multiplication
des intrants, soit par une réduction des intrants accompagnée d’une hausse, ou à tout le moins d’un
maintien, des résultats dans le domaine de la santé. Les situations où l’augmentation des extrants découle
de celle des intrants et où il n’existe pas de données probantes sur les résultats ne les intéressent pas.
Il faudrait demander à ceux qui rapporteront ces cas de mettre l’accent sur la situation de l’établissement
ou les autres circonstances qui ont permis ces gains de productivité, autrement dit de parler des facteurs
de succès. La force de ces histoires pourrait être renforcée par une analyse, le cas échéant, de la mesure
dans laquelle ces innovations fructueuses ont été reprises par d’autres praticiens ou établissements et
de la manière dont cela dénotait la présence ou l’absence des facteurs de succès pertinents. L’exercice
aurait pour but à la fois de constituer une collection d’innovations améliorant la productivité qui ont
donné des résultats concrets et de trouver entre celles-ci des facteurs de succès communs afin de contribuer
à la généralisation des gains de productivité locaux.
Deuxièmement, la FCRSS devrait demander des études primaires sur la PRHS qui s’intéresse à l’incidence,
sur les résultats pour les patients, des changements apportés à la manière dont les ressources humaines
LA PRODUCTIVITÉ DES RESSOURCES HUMAINES DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ :
DÉFINITION, MESURE, IMPORTANCE DE LA MESURE ET PUBLIC CIBLE
37
sont déployées. Les travaux que nous visons ici pourraient inclure l’évaluation d’initiatives pilotes ou
de changements sur le plan de l’organisation ou du financement ou à d’autres égards là où il est possible
d’examiner l’utilisation des intrants (y compris les RHS) en parallèle avec les extrants et les résultats
dans le domaine de la santé qui en découlent. Pour ce faire, des approches recourant soit à la série
chronologique, soit à l’essai de politiques pourraient être utilisées.
L’occasion serait ainsi donnée aux organismes de financement de la recherche de se tourner vers l’avenir
et non vers le passé, de devenir des agents du changement, de faciliter un changement d’éclairage, amenant
les chercheurs à se pencher sur les améliorations de la productivité qui intéressent les Canadiens plutôt
sur la productivité telle qu’elle est mesurée traditionnellement.
38
FONDATION CANADIENNE DE LA RECHERCHE SUR LES SERVICES DE SANTÉ
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