182 Recensions : Éthique, travail social et action communautaire
Interactions Vol. 8, no 1, printemps 2004
sociale. Un dernier chapitre présente et collige les outils légaux fondamentaux de
l’éthique sociale, soit les Chartres des droits et libertés, le code de déontologie
des travailleurs sociaux du Québec, quelques normes de pratique, un formulaire
de consentement éclairé pour la participation à une activité de recherche, etc.
Sur le fond, ce livre rappelle plusieurs principes constitutifs de l’éthique et de
la déontologie, mais avec une insistance toute particulière, et pour nous
opportune, sur deux d’entre eux. D’une part, l’éthique est une démarche dialo-
gique de solution de problèmes qui prend toute sa puissance et sa pertinence
par-delà ce qui est prescrit par les textes. Ce distinguo importe puisqu’il cons-
titue l’éthique non pas comme une morale à suivre mais comme un travail à
faire. D’autre part, cette perspective de l’éthique de la discussion implique un
rapport à l’ « Autre » (sinon, c’est le monologue et l’imposition moraliste), un
« Autre » qui se caractérise pour l’auteur par son inscription et sa participation
ontologique à divers collectifs. Ainsi, si le livre valorise le pluralisme axiologique,
il ne se butte pas au relativisme moral fondant tout jugement sur un choix
individuel. L’éthique implique l’ « Autre », dans toutes ses inscriptions sociales.
Ce livre, dédié au travail social, se caractérise donc par une volonté de ne pas se
limiter à une éthique purement formelle, de l’ordre de la démarche in abstracto.
C’est le praticien qui, au cours de son travail sur une situation problème,
permet la pleine réalisation de l’éthique sociale. En fait, l’auteur trame son
ouvrage d’un système de valeurs qu’il considère (ou espère) commun aux
travailleurs du champ de l’intervention sociale. S’il est vrai que ce système de
valeur est constitutif, depuis une quarantaine d’années, de l’identité profes-
sionnelle du groupe professionnel en question, aujourd’hui, comme hier, il ne
fait cependant pas selon nous l’unanimité. Néanmoins, la perspective choisie
par Henri Lamoureux, son penchant, sa couleur, loin d’être une tare, posent en
filigrane deux questions fondamentales à l’éthique elle-même. D’abord, l’éthi-
que de l’intervention sociale peut-elle se limiter à un processus formel, où les
principes opérationnels se substitueraient aux principes axiologiques et à
l’étude des effets réels sur le monde d’une démarche éthique? Puis quels sont
les risques pour l’intervention sociale d’un relativisme total postulant une
équivalence de valeur à tout principe et son contraire? Si nous convenons que
l’intervention sociale est intrusion (plus ou moins d’autorité) dans la vie
d’autrui, elle apparaîtra illégitime si elle n’est pas fondée d’une convention
partagée. En ce sens, Henri Lamoureux invite les intervenants sociaux et les
intervenantes sociales à prendre position en faveur d’un humanisme solidariste
pour légitimer l’action du groupe professionnel en tant que tel.
Le lecteur provenant d’autres disciplines ou celui autodidacte, formé à la
faveur de ses expériences de travail dans le secteur communautaire, trouvera