promouvoir leur savoir-faire, ce qui est sûrement le but recherché.
Les ressources génétiques en danger
Plusieurs raisons concourent à l?appauvrissement des ressources génétiques en matière de variétés cultivées. Le bilan est grave,
d?après un rapport de la FAO en 1996, 75 à 90 % de la diversité génétique mondiale a été érodée. Dix ans plus tard, qu?en reste-t-il?
Pendant plusieurs millénaires, chaque communauté paysanne a développé un immense panel de variétés de plantes cultivées
adaptées à son terroir, à son système agraire, à des conditions pédoclimatiques, des résistances aux maladies, des besoins alimentaires,
culturels. Cela a été possible grâce à une grande variabilité génétique, les plantes s?adaptant au fil du temps aux influences extérieures.
A la fin du XIXème siècle, début du XX ème
, une filière semences spécifique commence à se développer, à se sectoriser. L?apparition des «hybrides» et leur soi-disant meilleur
rendement va s?imposer avec les intrants (pesticides, engrais de synthèse, etc.) qui leur sont nécessaires.
Une formidable machine de désinformation va se mettre en branle pour persuader les paysans, jardiniers, arboriculteurs, vignerons
qu?ils ne peuvent se passer des semences produites par des «professionnels» (comme si eux-mêmes ne l?étaient pas) qui savent
mieux qu?eux ce qu?est une bonne semence. En à peu près 100 ans, ce qui se faisait depuis plus de 10.000 ans par chacun est devenu
l?apanage de quelques grosses boîtes regroupées à la fin des années 1980 au sein d?une poignée de multinationales. Cela n?a pas pu
se faire sans une organisation méthodique. Les écoles agricoles, les journaux, les scientifiques, tous vont participer au «jeu» du
progrès. Progrès avec un grand P, car qui ne veut pas y participer est taxé de passéisme, de «crétinisme» (le terme est employé très
crûment dans certaines revues du début du XX ème
siècle) destiné à disparaître de toute façon car le Progrès est inéluctable. La sémantique s?en mêle avec une récupération des termes
mêmes utilisés qui vont changer de sens et parfois désigneront le contraire de ce qu?ils veulent dire comme par exemple
«une variété»
qui désigne maintenant un ensemble de plantes identiques. Un arsenal législatif accompagne cette désinformation qui va s?implanter
sous le couvert de la sécurité du consommateur. En France, le catalogue des plantes cultivées voit le jour en 1922 pour le blé, puis se
généralise peu à peu à toutes les espèces. Le GNIS, interprofession de la semence est créé en 1941 sous le gouvernement de Vichy,
suivi du CTPS chargés des critères d?inscription. A la naissance de l?INRA (Institut National de Recherche Agronomique) en 1946, le
chef du département «génétique et amélioration des plantes»
expose ce qui constituera le cadre cognitif et normatif de la recherche en génétique et amélioration des plantes pendant un quart de
siècle. Il voyait en la lignée pure «la forme la plus parfaite de la variété» . Pour lui,
«l?avantage de la variété stable (lignée pure) est la possibilité de fixer théoriquement une fois pour toutes les réactions au
milieu, aux techniques culturales et par voie de conséquence, d?en obtenir le rendement maximum»
. Ainsi la sélection a été complètement déconnectée du champ du paysan pour s?enfermer dans les stations expérimentales puis
dans les laboratoires en s?orientant vers les variétés fixées avec pour dogme le tout homogène et stable.
La sélection et l?expérimentation des variétés ont alors lieu dans des micro-parcelles des stations de recherche complètement
homogénéisées par les engrais, les pesticides, l?irrigation, les serres. Les plantes sont mises sous perfusion et sont sélectionnées sur
leurs capacités à produire en quantité dans des milieux homogènes. Les plantes à multiplication végétative (pomme de terre, ail, etc.)
sont sélectionnées in vitro dans des laboratoires aseptisés. Le modèle agricole orienté vers une production de masse développe
l?utilisation des engrais et de pesticides. Les variétés nouvellement créées doivent valoriser et rentabiliser les intrants. Les techniques
de sélection s?orientent de plus en plus vers les biotechnologies. Les investissements de la recherche en innovations variétales devant
être rentabilisés, les marchés se créent et la propriété intellectuelle garantit le retour sur investissement. En 1961, le droit de
propriété intellectuelle s?adapte aux semences avec la convention de l?UPOV (Union de la Protection Végétale. Spécifiquement
conçu pour promouvoir l?agriculture industrielle dans les pays développés, le système UPOV octroie des droits sur l?obtention végétale
(DOV) à des variétés qui répondent à des critères précis, dont l?uniformité génétique. Ces droits protègent les obtenteurs et leurs
intérêts commerciaux. La convention de l?UPOV établit des règles d?octroi des droits de monopole sur les résultats de l?amélioration
des plantes. Deux actes distincts sont en vigueur dans les Etats Membres: acte de 1978 et de 1991.
L?acte de 1978 en vigueur en France donne aux sélectionneurs un droit exclusif sur l?usage commercial (multiplication et vente) des
variétés végétales. Ce droit est limité par deux clauses: la première stipule que les sélectionneurs peuvent utiliser librement, pour
leurs propres travaux de recherche, les variétés protégées par l?UPOV. La seconde donne une dérogation aux agriculteurs pour la
réutilisation des semences sous certaines conditions (dite «privilège» de l?agriculteur).
Lors de la révision de la convention en 1991, ces deux exemptions ont été réduites. L?acte de 1991 étend le droit des obtenteurs de la
variété au produit récolté par l?agriculteur (dorénavant, chaque année l?agriculteur doit racheter les semences, il ne peut plus utiliser
ses propres semences sauf s?il paye une rétribution dite «équitable» à l?obtenteur). Aujourd?hui, tout pays souhaitant adhérer à l?UPOV
est obligé de signer l?acte de 1991 en vigueur dans l?Union Européenne.
L?autre système dit «de protection»existant dans le monde est celui des brevets. Tous les Etats membres de l?OMC (Organisation
Mondiale du Commerce) à travers l?ADPIC (Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce) ont l?obligation de
se doter d?un système de protection de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales et ont la possibilité de choisir entre le Droit
d?Obtention Végétale (ou un système équivalent efficace), le droit de brevet ou une combinaison des deux.