Journal Identification = ABC Article Identification = 0816 Date: May 18, 2013 Time: 9:41 am
Ann Biol Clin, vol. 71, n◦3, mai-juin 2013 347
Abcès cérébral à Nocardia cyriacigeorgica
Le traitement antibiotique a alors été changé pour
800 mg de sulfaméthoxazole, 160 mg de triméthoprime
et 400 mg de rifampicine pour une durée initiale de
6 mois. L’identification moléculaire a été réalisée par
séquenc¸age partiel d’un fragment de 441 pb du gène
hsp65 préalablement amplifié par un jeu d’amorce composé
de TB11 et TB12 [1]. Cette séquence a été compa-
rée avec des séquences connues des gènes hsp65-groEL2
dans la base de données Bibi par Blast révélant 99,5 %
d’homologie avec Nocardia cyriacigeorgica (AY756522).
L’Observatoire franc¸ais des nocardioses (OFN) a confirmé
notre identification moléculaire par séquenc¸age de l’ARN
16S préalablement amplifié par un jeu d’amorce Noc1 et
Noc 2 [1], ainsi que le gène hsp65 préalablement amplifié
par le jeu d’amorces TB11 et TB12. Après une brève amé-
lioration clinique, l’état général de la patiente s’est dégradé.
La présence d’une pancytopénie a nécessité une diminution
des doses de cotrimoxazole. La patiente a ensuite refusé de
prendre son traitement puis a présenté des signes dépressifs.
Elle est décédée 3 mois plus tard.
Le point de vue du clinicien
Soixante pour cent des patients présentant une nocar-
diose sont immunodéprimés (par exemple traitement par
corticostéroïdes ou cytotoxiques, transplantation d’organe,
tumeurs malignes, lupus érythémateux disséminé, diabète)
[3, 4].
Les manifestations pulmonaires sont présentes dans 85 %
des cas et les localisations extrapulmonaires, après dis-
sémination hématogène, s’observent dans 45 % des cas.
Les abcès cérébraux à Nocardia spp. [5] ne représentent
que1à2%desabcès cérébraux, mais sont responsables
d’une mortalité élevée. Les signes cliniques sont le plus
souvent aspécifiques. L’imagerie peut être évocatrice de
divers diagnostics comme un gliome, une tumeur primi-
tive ou secondaire, une sclérose en plaques ou un accident
vasculaire cérébral. Ces particularités expliquent en grande
partie le délai souvent élevé avant mise en évidence de
l’agent infectieux responsable, ainsi que la prescription
d’antibiothérapies inadéquates.
Ces derniers éléments expliquent le retard diagnostique
chez cette patiente compte tenu de son âge ainsi que des
signes cliniques et radiologiques non spécifiques. Le trai-
tement initial recommandé est le cotrimoxazole par voie
intraveineuse. En cas de contre-indication au traitement,
l’utilisation de l’imipénème ou du céfotaxime est envisa-
geable en association avec l’amikacine. Après un traitement
intraveineux, un relais par voie orale par cotrimoxazole doit
être mis en place pendant une durée d’au moins 6 mois. La
minocycline et la ciprofloxacine peuvent être des alterna-
tives [4].
Le point de vue du biologiste
Le genre Nocardia comprend plus de 70 espèces. Ce
sont des bacilles à coloration de Gram positive, aéro-
bies stricts, filamenteux, minces et branchés. Ces bactéries
ubiquitaires peuvent être trouvées dans le monde entier
comme saprophytes de l’eau douce ou salée, du sol, des
matières végétales et animales en décomposition. La plu-
part des infections à Nocardia sont acquises par inhalation
de spores ou de fragments mycéliens aéroportés provenant
de source environnementale, plus rarement par trauma-
tisme suivi d’une contamination environnementale de la
plaie. Dans le cas de cette patiente, en dépit des lésions
pulmonaires, ni le liquide broncho-alvéolaire, ni la fibro-
scopie bronchique n’ont permis de mettre en évidence une
Nocardia spp. Dans la plupart des cas, les espèces respon-
sables appartiennent au complexe Nocardia asteroïdes :
N. abscessus, N. cyriacigeorgica, N. farcinica, N. nova
[2].
La culture des Nocardia spp. requiert plusieurs jours avant
l’apparition des colonies. Ces bactéries sont non exigeantes.
Les colonies prennent un aspect cérébriforme de couleur
variable. Après quelques jours, elles présentent un aspect
de « barbe-à-papa », observable à la loupe binoculaire, dû
aux hyphes aériens. L’inspection macroscopique initiale de
l’échantillon détermine la présence ou non de granulations
souvent présentes lors de nocardioses.
Les méthodes d’identifications conventionnelles phénoty-
piques sont fastidieuses, chronophages et le plus souvent
non contributives. Il est donc indispensable que le clini-
cien précise la suspicion de Nocardia au laboratoire car
les méthodes moléculaires sont bien plus rapides et pré-
cises. Le séquenc¸age du gène hsp65 et de l’ARN 16S
apparaissent comme des méthodes fiables et reconnues
dans l’identification des espèces de Nocardia [1]. Nocardia
cyriacigeorgica représente 12 % des espèces de Nocardia
isolées en clinique humaine en France (OFN).
Une antibiothérapie adaptée par voie intraveineuse et la
durée de cette antibiothérapie sont vitales dans ce type
d’infection. En raison du mauvais pronostic, l’évaluation
de la résistance aux antibiotiques est essentielle [3]. À ce
jour, aucun référentiel n’a émis de recommandation quant
à l’évaluation de la susceptibilité aux antibiotiques des
Nocardia spp. En dépit de la lenteur de la culture, la tech-
nique de dilution sur gélose est la plus fréquemment utilisée.
La culture, observée à 24-48 h, se fait à 37 ◦Cavecun
inoculum de 106UFC/mL.
Conclusion
Ce cas de nocardiose cérébrale montre la difficulté du
diagnostic et du suivi de cette maladie. Le manque de
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