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« Le rôle des archétypes est fondamental dans ce projet, riche du bagage
paradigmatique qui le sous-tend. Les archétypes permettent aux gens de s’y retrouver,
d’être touchés. J’ai besoin de voir la tête des musiciens et des comédiens avant de
composer, afin de voir l’archétype qu’ils portent, qu’ils peuvent porter. J’aime aussi
jouer avec les archétypes théâtraux (scènes références) et musicaux (grands
classiques).
Dans le spectacle de rue, ce qui importe aussi, c’est que les gens soient réunis par la
joie de participer. Le public est prêt à s’amuser. Je n’aurai pas d’autres prétentions en
apparence que d’amuser et de toucher les gens. Plus cet amusement sera
démocratique, mieux ce sera. Mais cet amusement doit mener vers quelque chose
d’indicible. Il faut que le spectacle laisse des traces dans la mémoire affective des
spectateurs.
Pour la distribution instrumentale, je prends comme référence le petit orchestre que
Stravinsky a utilisé pour L’histoire du soldat ou mieux encore, celui utilisé dans Le
Renard. Six musiciens peuvent "remplacer" un orchestre symphonique. Le camion sera
aussi une gigantesque boîte à musique, ainsi qu’un instrument de percussion, équipé
de moult gadgets sonores et musicaux : sirène, klaxon, etc.
A-Ronne de Luciano Bério et Les récitations de Georges Aperghis constituent deux
autres références. En effet, il va de soi que les clowns interpréteront également une
partition pour voix, gestes et bruits, composée à partir de quelques phonèmes (pom/pier
par exemple). La langue de L’Opéra pompier exploitera le champ sémantique des
pompiers, mais privilégiant les richesses sonores des mots plutôt que le sens concret.
En somme, c’est simple. On regarde le spectacle. On s’amuse. On ne voit pas les
personnages. On quitte la salle avec une trace de ce qui s’est passé. Ça reste. Pour un
moment. La catharsis a eu lieu. On obtient un résultat sans comprendre comment ni
pourquoi on l’a obtenu… »
Victor Kissine
Les intentions d’écriture
« L’écriture de L’Opéra pompier s’est révélée être un exercice autant particulier que
passionnant. Car non seulement cette écriture respecte les lois de la rédaction d’un
livret, du moins dans sa structure codifiée, mais, par ailleurs, elle tente de s’en
affranchir en dépassant les règles de l’opéra dit traditionnel.
Il y a quelque chose de délicieusement impertinent à faire descendre l’opéra dans la
rue. Tout au long de mon travail, j’ai savouré ce moment en m’imposant, néanmoins, de
ne jamais tomber dans une écriture cynique.
Pour ma part, jamais il ne m’a été donné de travailler sur une entreprise si imprévisible.
Aucun projet jusqu’ici n’a rassemblé autant de variables, ni autant de volonté de
bouleverser des codes et d’unir des genres, non pas dans un esprit destructeur ou