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Nouvelles approches micro-économiques de la santé
Présentation générale
par Claude Le Pen, Cyrille Piatecki et Lise Rochaix
Asymétries d’information et incertitude en santé : les apports de la théorie des contrats
par Lise Rochaix
Le caractère imparfait, voire asymétrique, de l’information dont dispose le patient conduit à remettre en cause l’utilisation du modèle
néoclassique standard et à appliquer les modèles micro-économiques de type Principal - Agent. L’objet de cet article est de dresser un bilan
des applications récentes au secteur de la santé de la théorie des contrats. Si cette dernière offre une grille de lecture pertinente, elle est
toutefois demeurée peu opérationnelle, essentiellement en raison de la fragmentation des décisions sur le marché des soins. Il convient donc
de s’interroger sur la portée et les limites de ce type d’approche. Cette démarche apparaît d’autant plus importante que de nouvelles familles
de modèles théoriques, de type multi-principaux, multi-agents ou avec tiers offrent aujourd’hui des perspectives rénovées d’application au
champ de la santé.
L’hypothèse de demande induite : un bilan économique
par Lise Rochaix et Stéphane Jacobzone
En économie de la santé, l’hypothèse de demande induite conduit à transformer la perception de la demande de soins. Celle-ci ne refléterait
pas seulement les choix en termes d’utilité du patient, mais pourrait aussi être déterminée par les motivations implicites du médecin. Cette
hypothèse très discutée a fait l’objet de multiples études empiriques. Nous montrons ici que les controverses dépendent pour partie de la
formulation exacte de l’hypothèse. Une analyse fouillée des travaux disponibles quant à l’ampleur de la demande induite conduit à une
appréciation nuancée. Au niveau empirique, le débat académique semble en partie clos et n’est pas définitivement tranché, compte tenu des
limites des outils. Néanmoins, un tel bilan souligne l’importance des incitations auxquelles sont exposés les médecins dans leur pratique.
Ceci n’est pas sans incidence quant à la réflexion en termes de mécanismes de rémunération des offreurs et peut éclairer certains choix de
politique économique.
Théorie de l’utilité et mesure des états de santé, le débat QALYs-HYEs
par Claude Le Pen
Un débat vigoureux a récemment opposé dans le champ de la théorie de l’évaluation économique, deux méthodes de valorisation des états
de santé, les “ Quality Adjusted Life Years” (QALYs) et les “Healthy Years Equivalent” (HYEs). Pour un état de santé donné, les QALYsse
définissent comme la somme des années de vie offerte dans ces états de santé, chacune étant pondérée par un coefficient, compris entre 0 et
1, reflétant l’utilité de sa “qualité”. La valeur 0 est affecté à la pire qualité;1àlameilleure. Cet indicateur, dont la simplicité et le caractère
intuitif a assuré le succès, pose néanmoins un sérieux problème théorique. Il est en effet possible de montrer que les préférences d’un agent
qui préfèrerait systématiquement l’état A à l’état B si et seulement si le nombre de QALYs de A est supérieur à celui de B, doivent être
soumises à des hypothèses telles que la vraisemblance d’un tel profil psychologique est douteuse. Certains auteurs ont proposé une mesure
alternative, les HYEs, qui ont l’avantage de donner une mesure intégrée des préférences sur le couple qualité-quantité de vie et de ne pas
nécessiter de spécification précise de la fonction d’utilité. Plus général sur un plan théorique, ce concept s’avère en pratique impossible à
utiliser. Les méthodes imaginées par ces promoteurs s’avèrent en effet nécessiter les mêmes hypothèses que celles des QALYs. Ainsi,
dispose-t-on à la fois d’un concept facile à mesurer mais sans grande portée théorique et d’un concept plus riche théoriquement, mais
décevant en pratique. Au-delà des aspects techniques, ce débat a ainsi l’intérêt de révéler la portée et les limites du recours à la théorie
économique pour représenter les états de santé.
L’indicateur QALYs à la lumière de la théorie de l’utilité espérée multi-attribut explicitement décomposée
par Catherine Buron, Catherine Le Galès et Anne-Marie Fericelli
Depuis plusieurs années, certains micro-économistes de la santé ont proposé d’intégrer dans la démarche du calcul économique, le calcul
d’un nombre d’années de vie ajusté par la qualité (QALYs). Cet article a pour objectif de procéder, dans une première partie, à une revue
critique des modélisations QALYs existantes, à la lumière de la théorie de l’utilité multi-attribut (TUM) de Keeney et Raiffa. Dans une
seconde partie, les conditions d’une modélisation du QALY par cette théorie sont explicitées et les différentes hypothèses (indépendance en
termes d’utilité, d’utilité mutuelle et d’utilité additive) sont présentées puis discutées. Si cette revue souligne l’insuffisance de preuves quant
à la validité empirique des hypothèses nécessaires à une modélisation QALYs cohérente avec la TUM, en revanche, elle éclaire l’intérêt de la
TUM pour modéliser des fonctions d’utilité pour des états de santé chroniques.
Résumés
1997-3/4
Numéro 129-130
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Une approche hédonique de la formation des prix des médicaments remboursables
par Stéphane Jacobzone, Edouard Martin, Vincent Perrin et Julien Werle
Une modélisation hédonique permet de formaliser le processus de formation des prix dans le cas du médicament remboursable. Les
données utilisées couvrent 24 % du marché français sur la période 1980-1993, permettent de décrire les propriétés physio-chimiques des
produits, et ont été appariées avec des données issues d’enquêtes auprès des entreprises. Elles couvrent deux classes thérapeutiques
(anti-ulcéreux et pansements gastro-intestinaux, anti-hypertenseurs).
La moitié, voire les deux tiers, de la variance des prix en coupe peut être expliquée par les caractéristiques chimiques et pharmacologiques
des produits ainsi que par le conditionnement. L’estimation sur données de panel permet d’obtenir des indices de prix hédoniques en
séparant les effets de renouvellement de produits de ceux de déformation du marché. Ces indices ajustés par la Qualité évoluent plus
rapidement que les indices statistiques officiels, de l’ordre de 20 %. La dynamique des prix est également lié au caractère du produit,
innovant ou non. Ce biais, original au niveau international, serait lié aux possibilités de substitutions stratégiques entre produits, au bénéfice
de produis plus récents et plus coûteux.
Comparaison des différentes mesures d’efficacité technique : une application aux centres hospitaliers français
par Hervé Leleu et Benoît Dervaux
L’engouement pour les techniques non paramétriques d’estimation de frontières de production dans le domaine hospitalier tient à leur
capacité a prendre en compte les spécificités de ce secteur. Ces travaux recourent pratiquement tous à la méthodologie Data Envelopment
Analysis (DEA) sous diverses hypothèses de rendements à l’échelle. Dans cet article, après avoir étudié les propriétés théoriques des
différentes mesures d efficacité nous procédons à l’évaluation de l’efficacité productive de 137 hôpitaux publics français. Nous analysons
l’impact du choix de la mesure d’efficacité sur la distribution des scores et sur les résultats des modèles explicatifs de la performance des
hôpitaux. Nous constatons que le choix de la mesure modifie la distribution des scores d’efficacité mais affecte peu le classement des
établissements au regard de leur performance relative.
Mesure de l’équité des modes de financement et de distribution des soins de santé :
aspects méthodologiques avec illustration sur l’Irlande
par Brian Nolan
Cet article présente les difficultés méthodologiques rencontrées dans la mesure de l’équité du financement et de la distribution des soins de
santé. Certaines de ces difficultés sont communes à d’autres domaines de l’économie mais plus complexes demeurent spécifiques, comme
celui de trouver une mesure convenable des besoins médicaux. Il est aussi difficile d’établir un lien univoque entre résultats
macro-économiques et comportements micro-économiques de production et consommation. Encore plus complexe est le fait que
l’évaluation des besoins devrait faire référence à la capacité des patients de bénéficier des soins plutôt qu’à l’importance de la maladie, et à
la reparution dans la population de ces améliorations d’état de santé plutôt qu’à l’utilisation des soins médicaux. En effet, beaucoup des
soins médicaux proposés actuellement ne sauraient réduire les inégalités de santé, quand bien même ils seraient ciblés sur les catégories
socio-économiques les plus favorisées.
Une analyse micro-économétrique de la consommation de tabac basée sur l’enquête UK Health and Lifestyle
par Andrew M. Jones
Cet article propose un ensemble d’analyses micro-économétriques relatives à divers aspects de la consommation de tabac en utilisant les
données de l’enquête UKHeaIth and Lifestyle (HALS1). Ce faisant, cette analyse illustre comment le choix d’une modélisation statistique
appropriée est influencé par les caractéristiques de l’enquête, la définition et la mesure des variables. Cet article reproduit les résultats d’un
modèle de survie paramétrique expliquant l’âge auquel un individu commence à fumer et le nombre d’années pendant lesquelles il a fumé.
Nous indiquons les résultats de modèles Probit univariés et bivariés expliquant les tentatives et réussites dans l’arrêt de la consommation de
tabac ainsi que les résultats de modèles Tobit généralisés expliquant le nombre de cigarettes fumées.
Recours aux soins des adultes et mode de gestion du risque
par Georges Menahem
Cet article montre en quoi la prise en compte des attitudes des individus à l’égard du risque peut améliorer le modèle de “demande de santé”.
Faire l’hypothèse que les individus se différencient selon le niveau de risque qu’ils sont prêts à accepter globalement coduit à une analyse
cohérente de l’ état de santé, de la demande de soins médicaux et des “investissements” de prévention. Des régressions logistiques portant
sur un échantillon de 13 150 adultes représentatif de la population française montrent qu’un tel niveau “de risque programmé” est corrélé à
la morbidité déclarée ainsi qu’a la morbidité objective en termes de consommations médicales. En sens inverse il apparaît corrélé
négativement avec le fait d’avoir effectué des visites à but préventif.
Âge, temps et normes : une analyse de la prescription pharmaceutique
par Pierre-Jean Lancry et Valérie Paris
La mise en place de politiques cohérentes de régulation des dépenses de santé nécessite la définition de variables de commande susceptibles
de modifier es comportements des différents acteurs (patients, producteurs de biens et services médicaux, assurance maladie et tutelle). Au
sein de la consommation médicale ambulatoire, le médicament joue un rôle très important. Premier poste de dépenses associé
essentiellement a l’activité des médecins généralistes, il a été, depuis très longtemps, l’objet de mesures spécifiques Dans ce travail, nous
nous intéressons aux principaux déterminants de la prescription pharmaceutique. Nous présentons une analyse économétrique à partir de
données sur l’offre et la pratique professionnelle (âge, sexe, activité, lieu de formation, lieu d’exercice etc.) sur la demande (âge sexe, taux
de mortalité, etc.) et sur les conditions de marché (densité médicale, activité moyenne dans la commune secteur conventionnel, etc.).
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Systèmes mixtes d’assurance maladie, équité, gestion du risque et maîtrise des coûts
par Stéphane Jacobzone
Cet article étudie le caractère mixte des systèmes d’assurance maladie, en recensant notamment les divers arguments plaidant en faveur de
l’intervention publique. Ceci concerne les principes redistributifs et les dysfonctionnement potentiels des mécanismes d’assurance. On
montre l’intérêt de modèles de choix collectifs pour comprendre la nature des équilibres réalisés. Ceci permettra d’aborder les difficultés
liées à la gestion des incitations dans les systèmes d’assurance maladie. Parmi les facteurs contribuant à l’évolution de la dépense, le rôle des
interactions entre assureurs/payeurs et offreurs de soins semble déterminant, en particulier le rythme et le type d’innovation technologique
privilégiée par les remboursements. Une réflexion sur les modes d’organisation montre l’intérêt de formes intégrées pour la prise en charge,
éventuellement couplées avec un développement de paiements forfaitaires pour les offreurs.
La réglementation hospitalière : tarification par pathologie ou achat de soins ?
par Michel Mougeot, Florence Naegelen
De nombreux pays ont mis en place des mécanismes incitatifs pour maîtriser des dépenses de santé. La tarification par pathologie repose sur
une logique de concurrence par comparaison. Les quasi-marchés dans lesquels un acheteur de soins met en concurrence des offreurs
reposent sur une logique d’enchère. Cet article compare les performances de ces deux modes d’organisation dans un contexte
d’anti-sélection et de risque moral lorsque la quantité est fixe et la qualité observée. Les conditions de mise en œuvre des deux mécanismes
sont analysées lorsqu’elles sont identiques. Il est montré que l’achat de soins par un appel d’offres avec clauses incitatives conduit à une
amélioration du bien être collectif et à une baisse du coût des soins.
L’équité dans le modèle de “concurrence organisée” pour la régulation d’un système de santé
par Maryse Gadreau et Claude Schneider-Bunner
La logique distributive des systèmes de santé européens (contribution selon les moyens, utilisation selon les besoins) est significative de
l’importance accordée au principe d’égalité d’accès aux soins. Pourtant, des réformes introduisant la concurrence suscitent l’intérêt en
Europe et ont été expérimentées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Dans quelle mesure l’objectif d’équité reste-t-il atteint ? Cet article se
propose d’évaluer, à l’aide d’une typologie des théories de la justice en trois pôles -égalitariste, libéral, rawlsien- le modèle de “concurrence
organisée” et ses expérimentations européennes. La conception de l’équité sous-jacente est ambiguë : les trois dimensions sont présentes,
témoignant des hésitations de la politique d’équité et reflétant le pluralisme des principes au nom desquels les acteurs des systèmes de santé
agissent.
Décisions de recours au système de soins dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes :
un modèle de choix discret dynamique
par Agnès Gramain
Cet article présente un modèle de choix discret formalisant les recours aux services d’aide professionnels (aides à domicile et
établissements d’hébergement pour personnes âgées) dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Les données utilisées
proviennent d’une enquête réalisée en 1993 et 1996 dans le sud de la France auprès de 155 aidants de personnes âgées dépendantes. Les
résultats indiquent que les choix de prise en charge sont bien guidés par des arbitrages temporels et budgétaires. Ils montrent aussi que le
vieillissement des individus et l’accroissement de leur dépendance ne s’accompagne pas systématiquement d’une augmentation des
recours aux services professionnels. L’analyse des trajectoires de prise en charge souligne la forte inertie des recours, et suggère que la
stabilité des prises en charge à domicile ne dépend pas seulement du type de professionnels impliqués ou des caractéristiques médicales de
la personne aidée mais plutôt de profils de caractéristiques incluant aussi bien l’état de santé de la personne aidée que la configuration d’aide
profane et professionnelle et la situation socio-économique de la personne aidée et de son aidant.
Expliquer la croissance des dépenses de santé : le rôle du niveau de vie et du progrès technique
par Yannick L’Horty, Alain Quinet et Frédéric Rupprecht
Afin d’expliquer la progression des dépenses de santé en France sur longue période, on procède en premier lieu à un survol des études
empiriques existantes en traitant plus particulièrement deux questions : la santé est-elle un bien supérieur ? Dans quelle mesure des facteurs
d’offre et en particulier le progrès technique médical, contribuent-il à l’accroissement des dépenses de soins ? Dans un deuxième temps, on
estime une fonction de dépenses de santé sur séries temporelles en France entre 1970 et 1995. Les dépenses de santé apparaissent très
sensibles à l’évolution du niveau de vie, mesuré par le PIB par tête qui expliquerait près des deux cinquièmes de leur progression.
L’élasticité prix des dépenses de santé en France s’avère également assez élevée même lorsque l’on prend en compte la prise en charge de
ces dépenses par le système de protection sociale. Le progrès technique médical exerce également une influence significative. Les
conditions démographiques et le vieillissement de la population n’auraient eu qu’une influence marginale.
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