Quand les questions bioéthiques de début et de fin de vie

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Quand les questions bioéthiques
de début et de fin de vie
interrogent la vie religieuse
Rueil-Malmaison, 28 janvier 2012
Introduction
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Définition de la bioéthique :
La bioéthique s’intéresse à la mise en œuvre des soins du malade ainsi qu’aux
recherches et aux techniques biomédicales impliquant l’utilisation des éléments du
corps humain.
Elle cherche à répondre le mieux possible aux questions soulevées par le progrès
scientifique et technique, au regard des valeurs de notre société pour le respect de la
dignité humaine du début à la fin de l’existence.
A partir des questionnements bioéthiques devraient naître des lois justes, au sens où
ces lois préservent la dignité de la personne humaine en toute situation, et notamment
dans celles où la personne apparaît le plus vulnérable. Mais les lois et les institutions
tiennent-elles promesse ?
-
Problématique :
Il s’agit donc de nous exercer à un regard critique à partir de notre place en société en
tant que religieux et religieuses. La vie religieuse, comme mode de vie croyant, a-telle quelque chose à dire sur les grandes questions de bioéthique ? Quelle société se
dessine, par rapport à « la justice du Royaume » ? Que devient la personne humaine
aujourd'hui, créée « à l’image et à la ressemblance de Dieu » ? D’un autre côté, ces
questionnements ont-ils quelque chose à nous dire sur notre manière d’être au monde
aujourd’hui en tant que consacré(e)s ?
-
Présentation :
Nous aborderons ces interrogations à travers cinq thèmes de bioéthique choisis : 1/ le
diagnostic prénatal, 2/ la recherche sur les cellules souches, 3/ l’assistance médicale à
la procréation, 4/ l’autonomie décisionnelle du patient, et 5/ la demande de mort en fin
de vie.
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1. Diagnostic Pré Natal
- Qu’est-ce que le DPN ?
La loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 dit que « le diagnostic prénatal s’entend des
pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une
affection d’une particulière gravité.» Art. 23
Mais qu’appelle-t-on une « affection d’une particulière gravité » ? La loi ne précise pas.
- Comment se fait le DPN ?
On retient trois types de techniques pour identifier une anomalie chez le fœtus
- Des échographies chez la femme enceinte. Cet examen d’imagerie permet d’explorer
la morphologie du fœtus.
- Des prélèvements de liquide amniotique (amniocentèse), de cellules placentaires
(biopsie de trophoblaste), ou de sang fœtal (ponction de sang fœtal) pour faire des
études biologiques (recherches génétiques en particulier).
- Des prélèvements de sang maternel permettront probablement dans le futur
d’identifier des anomalies fœtales avec une moindre agressivité.
Le DPN permet de détecter en pratique, surtout par l’échographie et l’amniocentèse, de
nombreuses pathologies :
- atrophie d’un membre
- grave lésion neurocérébrale : anencéphalie, spina bifida
- handicap mental sévère : trisomie 21
- maladie gravement invalidante : myopathie, mucoviscidose
Le bien de l’enfant à naître justifie amplement l’usage de l’échographie qui peut permettre des
traitements voire une intervention chirurgicale précoce. De même, une prise de sang maternel
peut déboucher sur des examens plus précis de l’enfant. Ainsi, la toxoplasmose détectée dans
le sang maternel peut entraîner une cécité chez l’enfant à naître, voire sa mort. Il est important
de détecter cette infection le plus tôt possible et de la traiter par voie médicamenteuse.
Le DPN a donc toute sa légitimité.
- Cependant, il convient de distinguer les examens de diagnostic proprement dit des
examens de dépistage.
Diagnostiquer, c’est affirmer la présence d’une anomalie. Dépister, c’est repérer un risque
d’anomalie dans une population donnée.
Le dépistage de la trisomie 21 est un exemple paradigmatique du glissement en France du
DPN au dépistage
Le DPN de la trisomie 21 avait essentiellement pour but, à ses débuts, de rassurer des couples
qui avaient déjà donné naissance à un enfant trisomique. Puis un glissement s’est opéré : on
est passé d’un diagnostic de T21 dans les populations à risque à un dépistage systématique
chez toutes les femmes enceintes.
Aujourd'hui, un test est obligatoirement proposé par le médecin à toute femme enceinte pour
dépister, non une trisomie 21, mais une probabilité augmentée que l’enfant soit porteur d’une
trisomie 21. L’analyse de sang, qui s’appelle le dosage des marqueurs sériques, est couplée à
une échographie sur laquelle on va rechercher une clarté nucale. Le résultat est donné en
risque : si, au vu des ces examens, le risque pour le fœtus d’être porteur de l’anomalie est
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supérieur ou égal à 1 sur 250, on propose une amniocentèse pour établir un caryotype.
L’amniocentèse consiste à prélever du liquide amniotique grâce à une aiguille introduite à
travers l’abdomen de la mère. Ce n’est pas un geste anodin puisqu’il peut provoquer une
fausse couche dans un cas sur 100.
Les limites de ces tests de dépistage sont réelles:
- Ce n’est pas un diagnostic mais un calcul statistique de risque. Il entraîne la pratique
d’une amniocentèse avec risque de fausse couche, alors que dans 98% des cas, le
caryotype du fœtus est normal.
- Ce calcul statistique est anxiogène pour la femme enceinte quand le risque est élevé
(alors que l’enfant sera normal).
- Il n’y a pas de geste thérapeutique possible : la trisomie 21 ne peut se guérir.
Ce genre de test débouche donc sur deux attitudes :
- Soit se préparer à accueillir un enfant trisomique.
- Soit décider une IMG, interruption de grossesse pratiquée pour un motif médical.
L’avortement est le choix de 90% des couples concernés par un diagnostic prénatal de
trisomie 21.
- En conclusion : attention à la dérive eugéniste
Derrière DPN, on peut entendre : tri, sélection… Il faut donc être attentif à la capacité de la
société à accepter des enfants handicapés. Moins la société est accueillante, plus l’exigence
d’une normalité sera revendiquée.
Certains pensent que l’on peut appliquer le principe de précaution à la naissance d’un enfant
(ne prendre aucun risque d’écart par rapport à ce qui est considéré comme la norme ou
l’idéal : l’enfant « zéro défaut ») Mais que penser d’une société qui ne supporte plus le doute
ou le divers ?
ALTERNATIVES : encourager la recherche sur les maladies concernées plutôt que
l’éradication des malades.
Annexe 1
La France au risque de l’eugénisme
Le Monde, 03/02/07 Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique.
Propos recueillis par Michel Alberganti et Jean-Yves Nau.
« Il me paraît hautement préoccupant que l’on passe d’un dépistage généralisé à une forme
d’éradication sociale.
Le cas des trisomies 21 et 18 en sont un exemple paradigmatique. Tout s’est passé comme si,
à un moment donné, la science avait cédé à la société le droit d’établir que la venue au monde
de certains enfants était devenue collectivement non souhaitée, non souhaitable. Et les parents
qui désireraient la naissance de ces enfants doivent, outre la souffrance associée à ce
handicap, s’exposer au regard de la communauté et à une forme de cruauté sociale née du fait
qu’ils n’ont pas accepté la proposition faite par la science et entérinée par la loi.
En France la généralisation du dépistage est, certes, fondée sur la notion de proposition, mais
dans la pratique il est, de fait, devenu quasi obligatoire. Le dépistage de la trisomie concerne
désormais en France, gratuitement, la quasi-totalité des grossesses. Osons le dire : la France
construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l’eugénisme. »
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2. Recherche sur cellules souches
Grâce aux progrès de la médecine, dans un pays développé comme la France, la longévité
augmente, et, avec elle, des maladies dites dégénératives liées au vieillissement cellulaire. Un
exemple typique est la maladie d’Alzheimer, entraînant des handicaps importants, tant
intellectuels que physiques. Les recherches sur les cellules souches et embryonnaires tentent
de traiter ces maladies en remplaçant les cellules abîmées – c’est ce qu’on peut appeler une
thérapie cellulaire ou « médecine régénératrice » (Pierre d’Ornellas, « Bioéthique – Propos
pour un dialogue », Lethielleux, Paris, 2009).
- Que sont les cellules souches ?
Les cellules souches sont des cellules très jeunes dont on distingue trois types :
-
-
Les cellules souches adultes, qui sont différenciées en type d’organe (sang, peau par
exemple).
Les cellules souches pluripotentes, qui sont des cellules souches adultes mais qui ont
subi une modification pour les rendre indifférenciées et donner donc différents types
de tissus.
Les cellules souches embryonnaires, provenant des embryons et qui sont
indifférenciées et donc également aptes à produire différents tissus. Ces embryons
pourraient être produits par génie génétique. C’est ce qu’on appelle le « clonage », car
de fait, les embryons produits et le sujet à traiter ont les mêmes gènes. L’intérêt des
cellules indifférenciées est qu’elles pourraient remplacer les cellules de plusieurs
organes, voire n’importe quel organe.
Alors que la thérapie cellulaire à partir des cellules souches adultes a déjà quelques
applications (maladies sanguines, greffe de peau), il n’y a pas pour le moment de possibilités
réelles de traitement avec des cellules souches pluripotentes ou embryonnaires car le risque de
provoquer des cancers est grand.
- Problématique du statut de l’embryon :
Il y a une première problématique concernant la recherche sur les cellules embryonnaires qui
affecte l’intégrité de l’embryon: les prélèvements de cellules pour recherche entraînent sa
destruction. Si on considère, à l’instar de l’Eglise, que l’embryon dès sa conception est un être
humain, une telle attitude non seulement serait :
- une transgression de l’interdit de meurtre,
- mais serait également une atteinte de la dignité humaine, l’embryon n’étant plus
considéré comme une personne mais comme un objet.
- Problématique du rapport au traitement hautement technique :
La question de l’embryon ne se pose pas lorsqu’il s’agit de cellules souches adultes, et on peut
se réjouir des recherches à partir de telles cellules qui peuvent apporter un progrès dans le
traitement des maladies. Mais on peut s’interroger sur le rapport que l’on peut avoir par
rapport à ces éventuels traitements de pointe :
- tous ne pourront y avoir accès, à cause du coût ;
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compte tenu des besoins que nécessitent certaines maladies dégénératives aujourd’hui,
il est bon de chercher à guérir, mais il ne faut pas non plus oublier tout
l’accompagnement médico-social nécessaire (institutions, personnel, formation) –
c'est-à-dire l’aspect relationnel du soin.
Le questionnement éthique serait ici alors de l’ordre de la justice et de la justesse de la place
de la technologie dans le soin médical.
-
Annexe 2
« Certains hommes de science, privés de tout repère éthique, risquent de ne plus avoir comme
centres d’intérêt la personne et l’ensemble de sa vie. De plus, certains d’entre eux, conscients
des potentialités intérieures au progrès technologique, semblent céder, plus qu’à la logique du
marché, à la tentation d’un pouvoir démiurgique sur la nature et sur l’être humain lui-même. »
In Jean-Paul II, Encyclique Fides et ratio, n° 46.
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3. Assistance Médicale à la Procréation
- Qu’est-ce que l’AMP ?
« L’assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques
permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle, ainsi
que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus
naturel » Art. L2141-1 du Code de la Santé Publique
L’AMP vise donc à remédier à l’infertilité de l’un des deux membres d’un couple
hétérosexuel par une technique en dehors du processus naturel. Aujourd'hui, 2,4% des enfants
sont issus de l’AMP en France.
- L’AMP recouvre plusieurs techniques : l’insémination artificielle et la FIV
- L’insémination artificielle intra-utérine
 avec les spermatozoïdes du conjoint (IAC)
 ou d’un tiers « donneur » (IAD)
- La fécondation in vitro et transfert d’embryon (FIVETE)
 avec transfert d’embryons « frais » ou après congélation, avec ou sans donneur de
gamètes extérieur au couple.
 La fécondation in vitro avec ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection : cette technique
permet l’introduction sous le contrôle du microscope d’un seul spermatozoïde dans
l’ovocyte mais… cette technique pourrait être cause d’infertilité chez le garçon ainsi
conçu ?)


Autrefois, on introduisait de nombreux embryons pour favoriser les chances de
grossesse, mais cette conduite a entrainé un risque de multiparité dangereux.
Aujourd'hui, on tend à limiter les embryons introduits à deux seulement. Les autres
embryons issus de la FIV restent au congélateur : embryons surnuméraires
Pourquoi féconder plus d’embryons qu’on en implante? parce que le prélèvement des
ovocytes chez la femme n’est pas simple (cela suppose une hyperstimulation
ovarienne qui n’est pas agréable à supporter) : tant qu’à faire, il vaut mieux prélever
plusieurs ovocytes. Or, on ne sait pas conserver des ovocytes : il faut les féconder
immédiatement et congeler les embryons.
En 2006, 93% des enfants nés par AMP l’étaient suite à une technique intra conjugale
(gamètes du couple). Efficacité globale moyenne de l’AMP : 17,5%
- Quelles sont les conditions d’accès à l’AMP selon la loi :
- Conditions médicales :
 infertilité pathologique du couple médicalement diagnostiquée
 risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité à l’enfant ou à l’autre
membre du couple (VIH, virus hépatite B et C).
- Conditions sociales :
 un couple hétérosexuel, stable dont les deux membres sont vivants et consentants
 les gamètes provenant d’au moins un des membres du couple.
- Les grandes questions que pose l’AMP
- Instrumentalisation du don de la vie. C’est toute la question du respect de l’embryon
humain et de son identité. Qui est-il ? Une personne potentielle ? Une potentialité de
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personne ? Ce qui est sûr, c’est que l’embryon est engagé dans un processus continu et
graduel. Définir un seuil dans l’humanité serait illusoire.
-
Les embryons surnuméraires que suppose toute tentative d’AMP. Certains ne seront
jamais transférés car de qualité insuffisante ou par abandon du « projet parental ».Ils
peuvent être utilisés à des fins de recherche, ou seront éliminés.
-
La réduction embryonnaire : c’est le fait d’interrompre la vie d’un (ou de plusieurs) des
embryons qui a été implantés avec succès dans l’utérus de la femme suite à une AMP. La
finalité est d’éviter les risques d’une grossesse multiple.
- En conclusion, la revendication du « droit à l’enfant » ignore quelquefois le « droit de
l’enfant ».
Les gamètes (c'est-à-dire les spermatozoïdes et les ovocytes) sont devenus des produits
échangeables, vendables dans certains pays, congelables. La question culturelle de la filiation
s’en trouve bouleversée avec le risque de distorsion des liens familiaux qui peut remettre en
cause les notions de maternité et de paternité.
ALTERNATIVES :
- promotion des recherches et investissements consacrés à la prévention de la stérilité
- faciliter la procédure d’adoption
Annexe 3
-
Histoire d’un couple des années 2000
Désir de grossesse mais… stérilité
Engagement dans une procédure d’Assistance Médicale à la Procréation
Implantation de 3 embryons, avec succès… les 3 se développent
Décision de « réduction embryonnaire » : restent 2 embryons
Diagnostic prénatal de trisomie 21 chez un des 2 jumeaux qui restent
Décision d’IMG sur l’embryon trisomique
Naissance d’un enfant prématuré
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4. Autonomie du malade
Le principe d’autonomie du malade lui reconnaît le droit de prendre part aux décisions
médicales le concernant. La question d’autonomie se pose dans deux domaines en particulier :
celui du consentement ou refus de soin et celui de l’information.
- Le consentement au soin :
En ce qui concerne le consentement ou le refus de soin, la législation française stipule :
- « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement
libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
- Lorsqu’il y a impossibilité pour le malade d’exprimer sa volonté, il y a obligation pour
les soignants de s’en informer via « la personne de confiance [prévue à l’article L. 1111-6]
ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de
la personne » et de décider en collégialité.
 Ce qu’est la personne de confiance : désignée par le malade, « l'avis de cette
dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à
l'exclusion des directives anticipées, dans les décisions d'investigation,
d'intervention ou de traitement prises par le médecin. »
 Ce que sont les directives anticipées : « Ces directives anticipées indiquent les
souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la
limitation ou l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. »
 La collégialité implique la consultation d’un ou de plusieurs médecins extérieurs
au service. Cela a pour objectif d’apporter une évaluation plus distanciée des
situations.
Mais devant la perspective de la mort et de la souffrance, de l’angoisse qu’elles peuvent
entraîner, cette autonomie peut-elle s’exercer et dans quelle mesure ? Comment le soignant
peut-il en tenir compte ?
L’attention à l’autonomie de décision du malade serait davantage une attention aux
conditions d’exercice de cette autonomie.
- Un premier élément à considérer est que cette liberté s’exerce en relation avec
d’autres libertés : celle des soignants, celle des proches.
- Cela suppose donc un cadre propice à une telle relation, à savoir du temps pour le
dialogue et le soulagement des symptômes pour les rendre possibles.
- Cette relation va permettre l’expression et l’interaction des différentes
subjectivités pour discerner les motivations profondes du malade : les subjectivités
des soignants selon leurs différentes perspectives ; les subjectivités des proches qui
font partie du monde relationnel du malade ; et surtout la subjectivité du malade, par
rapport à ses désirs et sa compréhension de sa maladie.
- Information du malade :
L’information du malade au sujet de sa maladie est ainsi liée à son autonomie décisionnelle.
Mais la question de l’information est délicate, surtout si elle porte sur un diagnostic ou
pronostic grave :
- Elle risque de causer un traumatisme psychologique important. De plus cela
n’efface pas pour autant l’asymétrie dans la relation entre soignant et malade dans la
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-
-
mesure où ce dernier est en situation vulnérable par sa maladie et qu’il revient au
médecin de poser la décision d’un soin.
L’information du malade, et donc son autonomie décisionnelle, doivent être comprises
au regard du principe de bienfaisance en matière de soin : ne pas nuire.
Ce qui fait la vérité dans la relation du malade avec ses proches et les soignants, c’est
moins la communication à tout prix d’une vérité objective, que l’authenticité d’une
relation d’accompagnement et de soutien par le soignant et les proches à travers des
paroles et des gestes, en vue d’une participation du malade aux choix qui le
concernent.
Au sein d’une relation asymétrique entre soignant et soigné, un partenariat est donc
possible.
Annexe 4
Des demandes paradoxales
Les demandes des patients en phase palliative sont diverses. Parfois clairement explicites –
tout savoir pour pouvoir organiser sa fin de vie ou, à l’inverse, ne pas savoir –elles ont le plus
souvent déroutantes pour les équipes parce que paradoxales.
Mademoiselle V, 28 ans, atteinte d’un cancer métastatique, a constamment exprimé depuis le
début de sa maladie son souhait d’être informée de l’évolution de celle-ci. A plusieurs
reprises, elle a dit son projet de se suicider en cas de déchéance physique ou de troubles des
fonctions supérieures. Alors que sa maladie s’aggrave et que les doses d’antalgiques majeurs
sont en augmentation régulière, son médecin référent essaie de l’informer ; il est déconcerté
par la demande de la patiente : « Je veux que vous me disiez tout comme vous l’avez toujours
fait, pour pouvoir me battre et guérir. »
Le caractère paradoxal d’une telle demande se comprend comme une tentative pour contenir
l’angoisse de mort. Celle-ci peut se révéler extrêmement déstructurante pour la personne,
l’empêchant de mobiliser les ressources nécessaires pour élaborer des choix. » In Pascale
Vinant, Soins palliatifs, quelle autonomie pour le patient ?, Revue Laennec vol. 1/2006, p. 41.
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5. La fin de vie
Depuis les années 1975, les immenses progrès thérapeutiques ont fait reculer la date de la
mort et mourir est devenu une affaire de la médecine. Et quand la médecine ne peut plus rien,
elle peut encore accélérer le processus terminal : c’est la question récurrente de l’euthanasie.
- Euthanasie ?
L’euthanasie, selon l’étymologie et ses premiers usages, signifiait de façon très large, l’art de
bien mourir. Ce n’est que depuis environ un siècle que son emploi s’est focalisé sur l’acte de
donner la mort. L’euthanasie est comprise aujourd'hui comme :
« L’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre
un terme à une situation jugée insupportable ». CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique
2000)
Les positions face à la demande de mort sont diverses dans la société française:
L’Eglise catholique : pose l’interdit absolu de l’euthanasie (fondé sur l’interdit biblique du
meurtre et sur le caractère sacré du corps)
Pour l’ADMD : association pour le droit de mourir dans la dignité = l’agonie est indigne de
l’humanité. L’ADMD promeut l’euthanasie
Le CCNE : dans son avis 63 en 2000, a rappelé l’importance des soins palliatifs et ouvert la
porte en des cas rares à « l’exception d’euthanasie ». Cela a suscité beaucoup de
commentaires.
Loi Léonetti du 22 avril 2005 : une étape capitale dans le refus de l’obstination déraisonnable.
En effet, elle affirme que:
 L’acharnement thérapeutique est illégal
 Le malade a le droit de refuser un traitement, quel qu’il soit
 Le médecin doit tout mettre en œuvre pour soulager la douleur
 Chacun peut exprimer par avance ses souhaits pour organiser ses derniers moments
(personne de confiance, directives anticipées)
 Enfin, elle maintient l’interdit fondamental de donner délibérément la mort
- Les pratiques euthanasiques en Europe
- L’euthanasie est légalisée aux Pays-Bas et en Belgique.
- L’Allemagne est franchement hostile.
- Le Conseil de l’Europe n’a pas franchi le pas.
- En Suisse : l’assistance médicale au suicide n’est pas poursuivie pénalement si elle
n’est pas effectuée pour des motifs égoïstes.
Cependant, il semble que la demande de mort surgisse surtout dans deux situations : quand la
personne en fin de vie souffre et qu’elle se sent isolée. Les soins palliatifs, d’origine
anglosaxonne, répondent à ce besoin d’accompagnement des personnes en fin de vie.
- Que sont les soins palliatifs ?
Les malades arrivés à un stade avancé d’une maladie incurable peuvent bénéficier d’une
thérapeutique qui leur permettra d’obtenir une stabilisation ou un soulagement de leur
pathologie sans pouvoir bénéficier toutefois d’une guérison. L’objectif est donc de contrôler
au mieux les différents symptômes présents : douleurs, vomissements, essoufflement,
confusion mentale, etc…
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" Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte
d'une maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs
physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance
psychologique, sociale et spirituelle…. Les soins palliatifs et l'accompagnement considèrent
le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel… Ils se refusent à
provoquer intentionnellement la mort… » SFAP (Société Française d’Accompagnement et de
soins Palliatifs) - 1996
La notion de total pain est au cœur de la prise en charge, c'est-à-dire de douleur totale : il faut
prendre en compte en effet :
o la douleur physique : douleur cancéreuse, douleur du membre fantôme chez les
amputés
o mais aussi la souffrance psychologique : dépression et sentiment d’impuissance,
o la souffrance sociale : perte de la position sociale, perte du rôle familial
o et spirituelle : perte du sens de la vie, réévaluation des croyances religieuses
Pour assurer cette prise en charge globale, il faut une équipe interdisciplinaire : médecin,
infirmières, aides-soignants, kinés, psychologues, assistantes sociales, psychomotriciens qui
travaillent ensemble et en partenariat avec le malade et ses proches.
La relation fait ainsi partie intégrante du soin et contribue à sa qualité.
ALTERNATIVES à la demande de mort: développer la culture palliative de façon à ce
qu’elle diffuse par capillarité dans l’ensemble de la médecine et tisse de nouveaux types de
relations entre soignants et soignés.
Annexe 5
« Les dernières années nous ont fait assister à un développement prodigieux des
connaissances médicales et des institutions sanitaires. Nous en sommes tous les bénéficiaires.
Mais ce progrès a son revers : l’homme d’aujourd’hui est beaucoup moins familier
qu’autrefois de la maladie et de la mort ; il est donc décontenancé et ne sait plus
comment se comporter en face de celui qui meurt. La plupart des hôpitaux, orientés vers
la recherche de la guérison, sont devenus inadaptés à la situation de celui pour qui les
remèdes ont perdu toute efficacité. Sans renoncer en quoi que ce soit aux bienfaits apportés
par la médecine moderne, il est temps de retrouver des attitudes de simple humanité et de
chercher des réponses adéquates aux besoins et aux demandes de ceux dont la vie va
vers son achèvement. »
Patrick Verspieren, « Sur la pente de l’euthanasie », Études, Tome 360, janvier 1984.
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Conclusion
-
Aux interrogations de départ sur le modèle de société et le devenir de la personne,
nous pouvons à présent esquisser quelques bribes de réponse.
-
A travers les vœux qui démasquent l’illusion de la toute puissance, l’illusion du désir
immédiatement assouvi, l’illusion de la connaissance qui nous rendrait auto suffisant,
la vie religieuse promeut une certaine vision de la personne humaine, qu’on pourrait
qualifier d’anthropologie de la vulnérabilité. Par la vie fraternelle qu’elle met en
œuvre, elle encourage une vie d’interdépendance heureuse où chacun a sa place.
-
Dans les lieux, en début comme en fin de vie, où la question est posée de façon
récurrente : « cette vie vaut-elle le coup d’être vécue ? », la vie religieuse réaffirme la
dignité comme intrinsèque à toute vie humaine, aussi abîmée soit-elle. La
promotion de la vie, depuis ses balbutiements jusqu’à son crépuscule, n’est pas
éloignée de ce qu’on appelait en d’autres temps « l’option préférentielle pour les
pauvres ».
-
« Cette vie vaut-elle le coup d’être vécue ? » La question est posée parfois pour le
fœtus atteint d’une malformation ou pour le mourant qui présente une altération de ses
fonctions supérieures. Une approche relativiste de l’existence proposera comme
critère le concept de « qualité de vie » pour répondre à cette question. Une perspective
personnaliste s’appuiera sur la notion de « dignité » inhérente à toute vie humaine.
-
Une autre question se cache derrière cette interrogation, qui nous est posée par tout
humain en situation de vulnérabilité : « Pour vous, qui suis-je ? » Il est probable que la
vie religieuse puisse proposer une réponse existentielle à cette interrogation.
Anne CHAPELL, sscj
Clément NGUYEN, sj
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Annexe 6
Remontées du Forum « Open Space » des jeunes religieux(ses)
CHANCE ?
RISQUE ?
QUELLE PAROLE
DE LA VIE
RELIGIEUSE ?
- Se préparer à l’accueil de
l’enfant handicapé
- Risque d’eugénisme
- Impuissance ressentie
devant des parents qui
attendent un enfant
handicapé
- Proposition d’un rapport
à la vie qui n’est pas de
l’ordre d’une maîtrise
Recherche sur
cellules souches
- Il existe de vraies pistes
thérapeutiques
- Non respect des
embryons sur lesquels
sont prélevés des cellules
souches
- Interrogation sur la
valeur de la vie
Assistance
médicale à la
procréation
- Possibilité de
« déblocage » d’une
stérilité psychologique au
sein d’un couple
- Attention à la technicité
galopante !
- Atteinte à la dignité du
couple et de l’enfant
- Respect de la vie comme
don de Dieu
Diagnostic
prénatal
Autonomie du
malade
- Eclairer la conscience du
patient sur sa maladie et
les thérapeutiques
possibles
- Isolement de la relation
médecin-malade qui ne
tiendrait pas compte de
l’environnement du
patient
- Non-compréhension du
vocabulaire médical
(langage technique)
Fin de vie
- Les soins palliatifs
comme proposition
d’accompagnement de fin
de vie
- Risque de légalisation
de l’euthanasie dans ce
domaine
- Accompagnement plus
technique que relationnel
- Temporalité (prendre le
temps) qui permet l’accès
à l’autonomie
- Richesse de la diversité
des points de vue
(interdisciplinarité)
- Et quelle autonomie dans
la vie religieuse ?
(Recherche d’une attitude
qui ne soit ni
individualisme ni
dépendance)
- Complexité de
l’accompagnement de la
fin de vie dans les
communautés
- Témoigner du sens de la
vie et de la place de la
mort au cœur de
l’existence
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