RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE 2014
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les pays industrialisés ; leur affaiblissement est devenu une source de défi ance
à l’égard des décisions du G8. Pourquoi continuer à conduire les négociations
multilatérales dans les termes et sur les ordres du jour élaborés par des pays
qui ont fait preuve d’incapacité manifeste à endiguer les excès de la libéra-
lisation financière ? Pourquoi la représentation des économies émergentes
dans les institutions de Bretton Woods est-elle restée la même depuis 1944 ?
La crise, surtout, a eu des conséquences majeures sur le plan idéologique : elle
rend caduques les leçons des ministres des fi nances des pays riches sur la déré-
glementation fi nancière et le retrait de l’État ; elle met en avant l’expérience
des pays qui ont, apparemment, mieux réussi à surfer sur les vagues de la mon-
dialisation.
Il fallait donc mettre en place une structure plus représentative de l’économie
mondiale actuelle. Mais le G20 a-t-il apporté la solution ? Il a été créé en 1999
comme structure de concertation des ministres des fi nances et des gouverneurs
des banques centrales pour établir un mécanisme informel de dialogue entre
les pays les plus importants. Il comprend, outre les pays du G7 et les BRIC, les
pays suivants : Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Corée du
Sud, Indonésie, Mexique, Turquie et Union européenne. Face à l’effondrement
de l’économie mondiale qui a suivi la faillite de Lehman Brothers, il s’est réuni
une première fois au niveau des chefs d’État et de gouvernement en 2008,
lors du sommet exceptionnel de Washington. Il a fait ses preuves à Londres
en avril 2009 en s’engageant à augmenter de 1 000 Md$ les ressources du
FMI et de la Banque mondiale1. Il a été désigné comme la nouvelle instance
de coordination de l’économie mondiale à Pittsburgh, en septembre 2009,
a entériné le principe d’une liste noire des paradis fi scaux et a préconisé à
chaque pays membre d’introduire la réglementation de Bâle III dans son droit
national.
Une fois la tempête passée, la capacité du G20 de coordonner leurs politiques
économiques, fi scales ainsi que monétaires pour retrouver enfi n le chemin de
la croissance apparaît diminuée. La simple annonce faite en mai 2013 par la
Federal Reserve (Fed) américaine de réduire le rythme d’injection de liquidités
dans l’économie a déclenché une fuite de capitaux dans les pays émergents,
les obligeant à relever les taux d’intérêt pour freiner la chute de leur monnaie.
Au G20 de Saint-Pétersbourg en septembre 2013, l’Afrique du Sud, le Brésil
et l’Inde rejoints par l’Indonésie et la Turquie ont protesté contre les dégâts
provoqués chez eux par les pays industrialisés. Dans une interview en
janvier 2014, le gouverneur de la banque centrale indienne a de nouveau
soulevé la nécessité de trouver les moyens pour faire face de façon systémique
aux effets de contagion monétaire.
En parallèle, les BRIC ont montré des ambitions croissantes. Leurs dirigeants
se sont réunis une première fois en Russie en 2009, au Brésil en 2010, en
Chine en 2011 et en Inde en 2012. Cette institutionnalisation est impor-
tante, surtout du point de vue symbolique (Stuenkel, 2014). Les décla-