
868 Algies diffuses : que faire ?
DOSSIER
LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 26 l N° 892 l DÉCEMBRE 2012
– les traitements en cours, à la recherche de médi-
caments pouvant provoquer des myopathies,
voire un lupus, mais aussi d’abus d’antalgiques,
responsables d’hyperalgésie ;
– l’environnement et le contexte : profession,
voyages et événements de vie récents, contact
avec des animaux, addictions, etc.
On s’intéresse aux autres symptômes généraux :
une altération vraie de l’état général avec amai-
grissement est un signe d’alerte. L’asthénie très
fréquente doit être bien distinguée d’une fatigabi-
lité musculaire isolée, fort indice de pathologie
organique, surtout neurologique.3On recherche
d’autres stigmates fonctionnels souvent associés à
la fibromyalgie (sommeil non réparateur, intestin
irritable, céphalées de tension, cystalgies, troubles
de mémoire et de concentration, syndrome des
jambes sans repos, etc.).
On évalue la souffrance psychique : parfois mani-
feste, voire au premier plan, parfois cachée, ne se
manifestant qu’après des questions orientées. Mais
on se gardera d’y relier trop vite les symptômes, en
laissant entendre à ce stade que la douleur pour-
rait être « dans la tête ». Tout au long de l’entretien,
il faut éviter d’opposer les aspects psychologiques
et somatiques du problème, car ils sont étroitement
interdépendants.
On s’enquiert des caractéristiques de la douleur :
mode de début et d’évolution, périodicité, caractère
aigu ou chronique (plus de 3 mois), topographie
(schéma), et surtout type : inflammatoire, méca-
nique, ou neuropathique. Pour identifier ce dernier,
le questionnaire DN4 est une aide utile (encadré 1).4
On fait préciser l’effet des antalgiques et des anti-
inflammatoires, les facteurs aggravant ou soula-
geant, le retentissement social, scolaire ou profes-
sionnel, et l’impact psychologique (anxiété et
thymie). La cotation de l’intensité sur une échelle
type EVA, si elle est devenue un rituel à l’hôpital,
n’a pas beaucoup d’intérêt à ce stade. Devant une
douleur chronique et rebelle, on peut s’aider de la
grille d’évaluation du patient douloureux chro-
nique proposée par l’Anaes en 1999 (encadré 2).5
Un temps de l’entretien doit être consacré à
l’étude du vécu, des représentations et des craintes
du malade. Quelle est pour lui la cause la plus
probable de ses douleurs ? Quelles maladies
redoute-t-il ? A-t-il envisagé une fibromyalgie,
après avoir reçu des avis de proches, consulté
Internet, ou rencontré des praticiens de thérapies
alternatives ? Le diagnostic de fibromyalgie est en
effet souvent un autodiagnostic, que le patient
avoue avec réticence, craignant le scepticisme des
médecins. Quels ont été ses contacts préalables
avec le système de soins ? A-t-il le sentiment d’avoir
ou non été pris au sérieux par les soignants ? La
principale question posée est-elle celle d’un diag-
nostic ou d’un soulagement ?
EXAMEN : AUSSI FOUILLÉ
QUE POSSIBLE
Il doit réunir les éléments qui permettront de
classer la douleur en fonction de son origine :
– neurologique : douleur d’allure neuropathique
(brûlures, picotements, fourmillements, dé -
charges électriques), examen complet avec ROT
(vifs, abolis), recherche du signe de Babinski, de
troubles sensitifs (allodynie, hypo-esthésie,
signe de Lhermitte), d’une rigidité spastique ou
plastique, d’un déficit moteur avec testing mus-
culaire, topographie des douleurs (radiculaire,
tronculaire, etc.) ;
– articulaire/rhumatologique : arthrites ou syno-
vites, enthésopathies, raideur rachidienne (dis-
tance main-sol, indice de Schöber), ampliation
thoracique, mobilité articulaire, déformations
articulaires réductibles ou non, etc. On recherche
aussi les signes accompagnateurs des spondyl -
arthropathies (maladies inflammatoires de l’in-
testin, psoriasis, urétrite, conjonctivite) et des
connectivites (syndrome sec, Raynaud, livedo,
rash malaire, alopécie, sérites) ;
– musculaire : fatigabilité, intolérance à l’effort,
crampes, diminution de la force motrice surtout
proximale (signe du tabouret), amyotrophie. On
recherche les signes cutanés de dermatomyosite
(érythème des paupières, papules de Gottron) ;
– osseuse : douleurs souvent diffuses, profondes
et lancinantes, reproduites à la palpation et à la
percussion osseuse ;
– vasculaire : absence de pouls périphériques, syn-
drome de Raynaud, claudication intermittente
➜ La douleur présente-t-elle une ou
plusieurs des caractéristiques suivantes ?
– brûlure
– sensation de froid douloureux
– décharges électriques
➜ La douleur est-elle associée à un
ou plusieurs des symptômes suivants
dans la même région ?
– fourmillements
– picotements
– engourdissements
– démangeaisons
➜ La douleur est-elle localisée dans un
territoire où l’examen met en évidence ?
– une hypo-esthésie au tact
– une hypo-esthésie à la piqûre
➜ La douleur est-elle provoquée ou
augmentée par :
– le frottement ?
Oui = 1 point ; non = 0 point ; forte probabilité
de douleur neuropathique si score ≥ 4/10.
1. Questionnaire DN4
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