LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 26 l N° 892 l DÉCEMBRE 2012
L’interrogatoire est une étape cruciale.
DOSSIER
Par Pascal Cathébras,
Aurélie Roblès,
Delphine Vergnon,
Héloïse Gindre,
Emmanuelle Weber,
Émilie Chalayer,
service de médecine
interne, CHU-hôpital Nord,
42055 Saint-Etienne.
pascal.cathebras@
chu-st-etienne.fr
867
«Docteur, j’ai mal partout » est une plainte
banale, qui cache une grande comple -
xité, car elle est souvent consécutive à
plusieurs facteurs intriqués. Se pose tout d’abord
la question de la définition même de la douleur
diffuse. Dans les critères de la fibromyalgie propo-
sés par l’American College of Rheumatology (ACR),1
est considérée comme diffuse et chronique une
algie persistant plus de 3 mois et localisée du côté
gauche et du côté droit du corps, au-dessus et en
dessous de la taille, avec douleur squelettique
axiale. Avec cette définition, la prévalence des algies
diffuses chroniques est évaluée à 10 % dans la popu-
lation générale, plus élevée chez la femme que chez
l’homme, l’incidence augmentant avec l’âge dans
les 2 sexes jusqu’à 70 ans. Des facteurs favorisants
tels que le bas niveau socio-économique, les antécé-
dents dépressifs ou encore des facteurs mécaniques
(mouvements répétitifs, traumatisme déclenchant)
ont été identifiés.2
Ces critères diagnostiques sont cependant insuffi-
sants pour appréhender correctement ces dou-
leurs et surtout les multiples pathologies dont elles
peuvent être le symptôme. Il faut un interrogatoire
et un examen clinique rigoureux, le plus souvent
assortis d’examens biologiques orientés, pour
poser le diagnostic, ou simplement identifier des
facteurs prédisposants ou d’entretien.
INTERROGATOIRE, TEMPS CAPITAL
La plainte de douleur diffuse ne doit pas être
acceptée sans critique. Que veut dire pour le
patient « avoir mal partout » ? Il faut lui faire décrire
la douleur avec ses propres mots.
Essayer d’identifier le tissu qui fait mal est une
tâche difficile : plutôt les os, les jointures, les ten-
dons, les muscles, les tissus sous-cutanés ? On par-
lera souvent, faute de mieux, de douleur musculo -
squelettique ou d’arthromyalgies. Est-ce vraiment
partout ? Faire dessiner un schéma est une bonne
façon d’évaluer les choses. Est-ce vraiment tout le
temps ? Le patient peut-il identifier des facteurs
d’amélioration (antalgiques, anti-inflammatoires,
repos, effort physique doux, relaxation, physiothé-
rapie, etc.) ?
On note de principe :
– les antécédents familiaux et personnels (rhuma-
tologiques, endocriniens, infectieux et psychia-
triques : troubles anxieux ou de l’humeur) ;
ALGIES DIFFUSES : QUE FAIRE ?
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Interrogatoire,
temps capital
868
Examen : aussi
fouillé que possible
869
Bilan : éviter
la surenchère
870
Douleurs
rhumatologiques
871
Douleurs
musculaires
Douleurs
neurologiques
Origine
endocrinienne
872
Syndromes
somatiques
fonctionnels
Origine
psychiatrique
Conduite à tenir
SOMMAIRE
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE
868 Algies diffuses : que faire ?
DOSSIER
LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 26 l N° 892 l DÉCEMBRE 2012
– les traitements en cours, à la recherche de médi-
caments pouvant provoquer des myopathies,
voire un lupus, mais aussi d’abus d’antalgiques,
responsables d’hyperalgésie ;
l’environnement et le contexte : profession,
voyages et événements de vie récents, contact
avec des animaux, addictions, etc.
On s’intéresse aux autres symptômes généraux :
une altération vraie de l’état général avec amai-
grissement est un signe d’alerte. L’asthénie très
fréquente doit être bien distinguée d’une fatigabi-
lité musculaire isolée, fort indice de pathologie
organique, surtout neurologique.3On recherche
d’autres stigmates fonctionnels souvent associés à
la fibromyalgie (sommeil non réparateur, intestin
irritable, céphalées de tension, cystalgies, troubles
de mémoire et de concentration, syndrome des
jambes sans repos, etc.).
On évalue la souffrance psychique : parfois mani-
feste, voire au premier plan, parfois cachée, ne se
manifestant qu’après des questions orientées. Mais
on se gardera d’y relier trop vite les symptômes, en
laissant entendre à ce stade que la douleur pour-
rait être « dans la tête ». Tout au long de l’entretien,
il faut éviter d’opposer les aspects psychologiques
et somatiques du problème, car ils sont étroitement
interdépendants.
On s’enquiert des caractéristiques de la douleur :
mode de début et d’évolution, périodicité, caractère
aigu ou chronique (plus de 3 mois), topographie
(schéma), et surtout type : inflammatoire, méca-
nique, ou neuropathique. Pour identifier ce dernier,
le questionnaire DN4 est une aide utile (encadré 1).4
On fait préciser l’effet des antalgiques et des anti-
inflammatoires, les facteurs aggravant ou soula-
geant, le retentissement social, scolaire ou profes-
sionnel, et l’impact psychologique (anxiété et
thymie). La cotation de l’intensité sur une échelle
type EVA, si elle est devenue un rituel à l’hôpital,
n’a pas beaucoup d’intérêt à ce stade. Devant une
douleur chronique et rebelle, on peut s’aider de la
grille d’évaluation du patient douloureux chro-
nique proposée par l’Anaes en 1999 (encadré 2).5
Un temps de l’entretien doit être consacré à
l’étude du vécu, des représentations et des craintes
du malade. Quelle est pour lui la cause la plus
probable de ses douleurs ? Quelles maladies
redoute-t-il ? A-t-il envisagé une fibromyalgie,
après avoir reçu des avis de proches, consulté
Internet, ou rencontré des praticiens de thérapies
alternatives ? Le diagnostic de fibromyalgie est en
effet souvent un autodiagnostic, que le patient
avoue avec réticence, craignant le scepticisme des
médecins. Quels ont été ses contacts préalables
avec le système de soins ? A-t-il le sentiment d’avoir
ou non été pris au sérieux par les soignants ? La
principale question posée est-elle celle d’un diag-
nostic ou d’un soulagement ?
EXAMEN : AUSSI FOUILLÉ
QUE POSSIBLE
Il doit réunir les éléments qui permettront de
classer la douleur en fonction de son origine :
– neurologique : douleur d’allure neuropathique
(brûlures, picotements, fourmillements, dé -
charges électriques), examen complet avec ROT
(vifs, abolis), recherche du signe de Babinski, de
troubles sensitifs (allodynie, hypo-esthésie,
signe de Lhermitte), d’une rigidité spastique ou
plastique, d’un déficit moteur avec testing mus-
culaire, topographie des douleurs (radiculaire,
tronculaire, etc.) ;
articulaire/rhumatologique : arthrites ou syno-
vites, enthésopathies, raideur rachidienne (dis-
tance main-sol, indice de Schöber), ampliation
thoracique, mobilité articulaire, déformations
articulaires réductibles ou non, etc. On recherche
aussi les signes accompagnateurs des spondyl -
arthropathies (maladies inflammatoires de l’in-
testin, psoriasis, urétrite, conjonctivite) et des
connectivites (syndrome sec, Raynaud, livedo,
rash malaire, alopécie, sérites) ;
musculaire : fatigabilité, intolérance à l’effort,
crampes, diminution de la force motrice surtout
proximale (signe du tabouret), amyotrophie. On
recherche les signes cutanés de dermatomyosite
(érythème des paupières, papules de Gottron) ;
– osseuse : douleurs souvent diffuses, profondes
et lancinantes, reproduites à la palpation et à la
percussion osseuse ;
– vasculaire : absence de pouls périphériques, syn-
drome de Raynaud, claudication intermittente
La douleur présente-t-elle une ou
plusieurs des caractéristiques suivantes ?
– brûlure
– sensation de froid douloureux
– décharges électriques
La douleur est-elle associée à un
ou plusieurs des symptômes suivants
dans la même région ?
– fourmillements
– picotements
– engourdissements
– démangeaisons
La douleur est-elle localisée dans un
territoire où l’examen met en évidence ?
– une hypo-esthésie au tact
– une hypo-esthésie à la piqûre
La douleur est-elle provoquée ou
augmentée par :
– le frottement ?
Oui = 1 point ; non = 0 point ; forte probabilité
de douleur neuropathique si score ≥ 4/10.
1. Questionnaire DN4
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE
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LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 26 l N° 892 l DÉCEMBRE 2012
douloureuse, lésions ischémiques distales, souffle
cardiaque ou des gros troncs, etc.
La recherche des points sensibles fibromyalgiques
n’a pas un intérêt majeur. Ces douleurs provoquées
témoignent d’une allodynie à la pression peu spé-
cifique.
Lexamen doit toujours être complet pour ne
manquer aucun signe associé pouvant orienter
vers une étiologie. On traque un éventuel syndrome
tumoral (hépato-splénomégalie, adénopathies),
des signes d’hypothyroïdie (frilosité, prise de poids,
bradycardie, constipation, myxœdème), des mani-
festations cutanéomuqueuses (pâleur, ictère, dépi-
lation, éruptions cutanées, phanères cassants…).
On en profite également pour voir si les signes
cliniques sont reproductibles, s’ils sont majorés
lors de l’examen formel, ou encore accessibles à la
suggestion.
BILAN : ÉVITER LA SURENCHÈRE
Quelques examens complémentaires sont
presque toujours nécessaires. Toutefois, leur renta-
bilité est souvent médiocre. En revanche, le risque
d’incidentalomes biologiques ou d’imagerie est
important, et croît rapidement en fonction du
nombre d’examens demandés. Le mieux est d’anti-
ciper la possible découverte d’anomalies sans lien
avec la plainte, et d’éviter de prescrire un bilan
dont le résultat aurait de fortes chances d’être
ambigu ou non pertinent (par exemple une sérolo-
gie de la maladie de Lyme).6Il faut les prescrire,
guidé par l’anamnèse et l’évaluation clinique
attentive7mais aussi par les craintes ou les hypo-
thèses spécifiques du patient, qu’il faut éliciter.
Ainsi, ils auront, en cas de négativité, un réel effet
de réassurance que n’ont pas des examens non
orientés.6
En première intention (encadré 3), ils visent à
détecter des signes d’alarme imposant la poursuite
des investigations (syndrome inflammatoire, ano-
malies de la formule sanguine, pic monoclonal à
l’électrophorèse, insuffisance rénale, hypercalcémie,
dysthyroïdie, élévation marquée des enzymes mus-
culaires). Ils peuvent inclure la recherche de mar-
queurs immunologiques de rhumatisme inflamma-
toire si un tel diagnostic paraît possible (arthralgies
de rythme inflammatoire ou arthrites) : facteur
rhumatoïde (FR), anticorps antipeptides citrullinés
(anti-CCP) et anticorps antinucléaires (ACAN).
DOSSIER
Ancienneté de la douleur
Mode de début
Circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident
de travail)
Description de la douleur initiale
Modalités de prise en charge immédiate
Événements de vie concomitants
Diagnostic initial, explications données
Retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil,
incapacités fonctionnelle et professionnelle)
Profil évolutif du syndrome douloureux
Comment s’est installé l’état douloureux persistant à partir
de la douleur initiale
Profil évolutif (douleur permanente, récurrente, intermittente)
Degré du retentissement (anxiété, dépression, troubles du
sommeil, incapacités fonctionnelle et professionnelle)
Traitements effectués et actuels
Traitements médicamenteux et non médicamenteux
antérieurs, actuels
Modes d’administration des médicaments, doses, durées
Effets bénéfiques partiels, effets indésirables, raisons
d’abandon
Attitudes vis-à-vis des traitements
Antécédents et pathologies associées
Familiaux
Personnels (médicaux, obstétricaux, chirurgicaux et
psychiatriques) et leur évolutivité
Expériences douloureuses antérieures
Description de la douleur actuelle
Topographie
Type de sensation (brûlure, décharge électrique)
Intensité
Retentissement (anxiété, dépression, troubles du sommeil,
incapacités fonctionnelle et professionnelle)
Facteurs d’aggravation et de soulagement de la douleur
Contextes familial, psychosocial, médicolégal
et incidences
Situation familiale
Situation sociale
Statut professionnel et satisfaction au travail
Indemnisations perçues, attendues ; implications
financières
Procédures
Facteurs cognitifs
Représentation de la maladie (peur d’une maladie
évolutive)
Interprétation des avis médicaux
Facteurs comportementaux
Attitude vis-à-vis de la maladie (passivité)
Modalités de prise des médicaments
Observance des prescriptions
Analyse de la demande
Attentes du patient (faisabilité, reformulation)
Objectifs partagés entre le patient et le médecin
2. Grille d’entretien semi-structuré avec le patient douloureux chronique
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870 Algies diffuses : que faire ?
DOSSIER
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Mais, en l’absence de contexte évocateur, la décou-
verte d’ACAN à taux faible ou modeste inquiète
inutilement.8Un dosage systématique de ferritine
peut aussi se discuter à ce stade : recherche d’une
carence martiale chez la femme contribuant à l’as-
thénie, et d’une hémochromatose chez l’homme.
Les examens de seconde intention ne sont pres-
crits qu’orientés par l’anamnèse, l’examen clinique
ou les premiers résultats biologiques (encadré 4).
DOULEURS RHUMATOLOGIQUES
Elles peuvent être en rapport avec des pathologies
dégénératives, inflammatoires ou auto-immunes.
Elles sont aiguës (poussée d’arthrite microcristal-
line), subaiguës (rhumatisme inflammatoire débu-
tant, pseudo-polyarthrite rhizomélique [PPR]), ou
chroniques (arthrose).
Rhumatismes inflammatoires
Les spondylarthropathies regroupent la spondyl -
arthrite ankylosante, le rhumatisme psoriasique,
les arthrites réactionnelles, les arthrites associées
aux entéropathies inflammatoires, et les spondyl -
arthropathies indifférenciées. Ces atteintes inflam-
matoires touchent essentiellement le rachis, les
sacro-iliaques et les enthèses. Elles s’expriment
plus rarement sous la forme d’oligo-arthrites. Il
existe souvent (mais pas toujours) un syndrome
inflammatoire biologique. La présence de l’anti-
gène HLA B27 augmente la probabilité du diagnos-
tic (son absence ne permet pas de le récuser).
La polyarthrite rhumatoïde est évoquée typique-
ment chez la femme d’âge moyen, atteinte de syno-
vites périphériques bilatérales. Son diagnostic est
urgent (encadré 5).9, 10
Un rhumatisme inflammatoire peut révéler une
maladie auto-immune systémique comme le lupus
systémique, la sclérodermie, un Gougerot-Sjögren
(dans lequel le syndrome sec est habituellement
au premier plan). L’inflammation biologique peut
manquer ; en revanche, il existe souvent une
hypergammaglobulinémie qui augmente la vitesse
de sédimentation.
Plus rarement, il peut s’agir d’une vascularite.
Dans ce cas, la douleur a le plus souvent une com-
posante musculaire. S’y associe presque toujours
un syndrome inflammatoire marqué : maladie de
Horton avec PPR (polymyalgie rhumatismale),
panartérite noueuse (PAN), vascularites dites
« à ANCA » (granulomatose avec polyangéite ou
maladie de Wegener, micropolyangéite, syndrome
de Churg et Strauss).
Les arthrites microcristallines (goutte et surtout
chondrocalcinose) peuvent être en cause.
Chez le sujet jeune, on évoque une maladie de Still
devant des polyarthralgies inflammatoires accom-
pagnées de fièvre élevée d’allure septique : il faut
rechercher un rash cutané, l’hyperferritinémie
majeure est un bon indice diagnostique.
Rhumatismes non inflammatoires
Ce sont la maladie arthrosique, l’ostéomalacie par
carence profonde en vitamine D (douleurs osseuses,
hypocalcémie, augmentation des phosphatases
alcalines et de la parathormone), les syndromes
douloureux régionaux multiples, à évoquer si les
douleurs diffuses prédominent dans certaines
régions du corps, par exemple les épaules (tendino-
pathies de coiffe), le coude (épicondylite), la hanche
(bursite trochantérienne), et les syndromes d’hyper-
mobilité articulaire (maladie d’Elhers-Danlos).
4. Examens de 2eintention (liste indicative)
Sérologies : virales (par ex., VIH, VHB, VHC, parvovirus B19, EBV, CMV),
bactériennes (syphilis, borréliose de Lyme, brucellose) et parasitaires
(toxoplasmose, trichinose)
Uricémie, vitamine D, parathormone
Cortisolémie
Électrophorèse des protéines urinaires
Anticorps antinucléaires, facteur rhumatoïde, anticorps anti-CCP, anti-
corps antithyropéroxydase, anticorps anticytoplasme des polynucléaires
neutrophiles (ANCA), enzyme de conversion de l’angiotensine
Recherche de l’antigène HLA B27
Radios osseuses (mains, pieds, squelette axial, os longs, crâne)
Échographie ou IRM articulaire
Scintigraphie osseuse
Myélogramme
Électromyogramme, biopsie musculaire, épreuve d’effort musculaire,
IRM musculaire
Ponction d’une arthrite
Test de Schirmer (syndrome sec), biopsie des glandes salivaires accessoires
Biopsie d’artère temporale
3. Examens de 1re intention
Numération formule et plaquettes
Protéine C-réactive
Créatininémie, glycémie, kaliémie
Calcémie, phosphorémie
Transaminases, phosphatases alcalines
Électrophorèse des protéines sériques
Créatine kinases (CPK)
TSH
Bandelette urinaire ou protéinurie
sur échantillon
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Certaines affections rhumatologiques partagent
des caractéristiques cliniques avec la fibromyalgie.
Le diagnostic différentiel est difficile, d’autant que
la fibromyalgie peut coexister avec elles. On consi-
dère ainsi qu’un syndrome fibromyalgique coexiste
avec 25 % des PR, 30 % des lupus systémiques et 50 %
des syndromes de Gougerot-Sjögren primaires.11, 12
La recherche d’ACAN ne suffit pas au diagnostic
d’une connectivite car ils sont présents chez 10 à
15 % des fibromyalgiques. Le diagnostic sera
redressé devant l’existence d’atteinte d’organes
spécifiques, tels que la peau, le rein et le système
nerveux central. La coexistence d’une fibromyalgie
pose surtout le problème de l’évaluation de l’acti-
vité de la maladie auto-immune. En effet, les scores
d’activité tels que le DAS 28 (pour la polyarthrite
rhumatoïde) sont surévalués chez un patient fibro-
myalgique et peuvent conduire à surtraiter la mala-
die inflammatoire.
DOULEURS MUSCULAIRES
Des myosites inflammatoires (polymyosite/der-
matomyosite) sont à évoquer devant des myalgies
diffuses. Aiguës ou subaiguës, elles sont caractéri-
sées par une faiblesse musculaire, avec parfois
dysphagie, signes cutanés et élévation des CPK. Il
faut se méfier d’une origine paranéoplasique.
L’IRM et la biopsie musculaires sont d’un grand
apport diagnostique, avec la recherche de certains
anticorps antinucléaires solubles (profil myosite).
D’autres myosites peuvent survenir au cours des
connectivites, de la sarcoïdose, et d’infections
virales. La myosite à inclusions est un diagnostic
fait par la biopsie musculaire.
Les myopathies métaboliques (glycogénoses, lipi-
doses, déficits de la chaîne respiratoire mitochon-
driale) sont suspectées dans un contexte familial
parfois évocateur, devant des myalgies accompa-
gnées d’un syndrome d’intolérance musculaire à
l’effort (accès douloureux récidivants survenant
au cours ou au décours immédiat de l’effort, avec
parfois rhabdomyolyse aiguë).
En pratique, devant des myalgies diffuses, il faut
surtout penser à une origine iatrogène. De nom-
breux médicaments peuvent être incriminés : en
premier lieu les hypolipémiants dont les statines.13
Les facteurs de risque de myotoxicité sont l’hypo-
albuminémie, l’hypothyroïdie, l’insuffisance rénale,
les posologies élevées, et l’association d’hypoli -
pémiants. Des médicaments comme les fluoro -
quinolones peuvent également être responsables
de douleurs tendineuses.
DOULEURS NEUROLOGIQUES
Les neuropathies périphériques sont à évoquer
d’abord : liées à l’alcool, au diabète, par carence
vitaminique, secondaires à l’amylose, médicamen-
teuses, ou paranéoplasiques.
Parmi les causes centrales, citons la sclérose en
plaques, les myélopathies cervicales, et le syn-
drome neuro-anémique par carence en vitamine
B12 (possible en l’absence d’anémie de Biermer).
Certaines pathologies strictement motrices en
principe peuvent s’accompagner de douleurs,
comme la maladie de Parkinson, la sclérose latérale
amyotrophique (crampes), et même la myasthénie.
ORIGINE ENDOCRINIENNE
L’hypothyroïdie doit être évoquée de principe
devant des douleurs diffuses non spécifiques, avec
intolérance à l’effort, asthénie et frilosité. Les
enzymes musculaires sont souvent élevées et le
dosage de TSH fait le diagnostic.
L’hyperparathyroïdie primaire, souvent asympto-
matique, peut aussi induire une asthénie, et des
douleurs diffuses d’origine osseuse ou articulaire
(chondrocalcinose). Calcémie et parathormone
font le diagnostic.
L’hémochromatose génétique peut se révéler par
des algies non systématisées et des douleurs des
articulations métacarpophalangiennes (signe de
la « poignée de main douloureuse »).
DOSSIER
5. Critères 2010 de la polyarthrite rhumatoïde 14
Devant un patient ayant au moins une synovite sans diagnostic
formel, un score supérieur ou égal à 6/10 (addition des items A, B, C, D)
est considéré comme affirmant le diagnostic de PR.
A. Atteinte articulaire
1 grosse articulation* 0
2-10 grosses articulations 1
1-3 petites articulations** (avec ou sans atteinte de grosses articulations) 2
4-10 petites articulations (avec ou sans atteinte de grosses articulations) 3
> 10 articulations (dont au moins une petite articulation) 5
B. Sérologie
Absence de FR et d’Ac anti-CCP 0
FR ou Ac anti-CCP faiblement positifs*** 2
FR ou Ac anti-CCP fortement positifs**** 3
C. Syndrome inflammatoire
VS et CRP normales 0
VS ou CRP élevée 1
D. Durée des symptômes
< 6 semaines 0
≥ 6 semaines 1
* Épaule, coude, hanche, genou, cheville.
** Métacarpophalangienne, interphalangiennes proximales, métatarsophalangienne,
poignets.
*** De la limite supérieure du laboratoire à 3 fois cette valeur.
**** Plus de 3 fois la limite supérieure du laboratoire.
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