Projet de révision de la Loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) : Suppression de la propharmacie : les pharmaciens, un patrimoine helvétique protégé ?! Dans le cadre de la révision de la loi sur les produits thérapeutiques, le Conseil fédéral envisage la suppression de la propharmacie (remise des médicaments par les médecins). Une absurdité, puisque cette mesure n’apporterait strictement aucune amélioration à la sécurité des médicaments, objet de la révision. La suppression de la propharmacie ne ferait que privilégier les pharmaciens au détriment des médecins de famille, menacerait la sécurité de l’approvisionnement en soins et péjorerait le bon développement des réseaux de soins intégrés. En l’état, l’association des Médecins de famille Suisse ne peut pas soutenir ce projet de révision. Il est toutefois évident que l’association des Médecins de famille Suisse défend une grande partie des mesures proposées dans le projet mis en consultation. On pense notamment à la promotion et encouragement de nouveaux produits médicamenteux en pédiatrie efficaces, ou encore la simplification des procédures d’homologation. Les médecins de famille considérés comme suspects ? Le projet de suppression de la propharmacie est inacceptable. Selon le Conseil fédéral, les médecins ne seraient plus autorisés à remettre les médicaments qu’ils ont prescrits. Cette compétence incomberait uniquement aux pharmaciens. Cette mesure non seulement privilégie de façon unilatérale les pharma- ciens, mais contredit l’esprit même de la loi puisque cela n’amènerait aucune amélioration en matière de sécurité des médicaments. Une telle disposition n’a donc pas sa place dans la LPTh ! Le projet du Conseil fédéral ne fait que jeter l’opprobre sur les médecins de famille, suspectés de maximiser leurs gains par la remise de médicaments, mettant ainsi en péril la santé de leurs patients et donc également la sécurité des médicaments. De telles allégations sont tout simplement indéfendables ! Approvisionnement en soins menacé L’introduction de la convention tarifaire TARMED avait exigé la neutralité des coûts. La propharmacie a d’emblée fait partie intégrante du revenu des médecins exerçant dans les cantons – alémaniques - concernés. Par conséquent, les tarifs des prestations médicales dans ces cantons sont en règle générale nettement inférieurs à ceux des cantons qui n’autorisent pas la propharmacie. La prohibition de cette dernière induirait donc une inégalité de traitement nécessitant obligatoirement une renégociation de tarifs médicaux, sous peine de menacer la sécurité de l’approvisionnement en soins de la population dans les 17 cantons alémaniques concernés. Frein au développement des réseaux de soins intégrés Le projet du Conseil fédéral menace le développement des réseaux de soins intégrés (managed care). La propharmacie est une pratique courante et établie en Suisse alémanique, région dans laquelle les réseaux de soins intégrés sont en plein essor et au sein desquels les médecins de famille jouent un rôle central. Cette pratique est d’importance significative dans les modèles de réseaux de soins intégrés. Elle favorise la remise directe de médicaments génériques, induisant des économies d’échelle qui profitent directement aux réseaux de soins – et donc également aux patients ainsi qu’aux assureurs, non pas à un intermédiaire supplémentaire (pharmacien). Les pharmaciens, un patrimoine helvétique protégé ?! Le projet de révision prévoit la suppression de la propharmacie, au nom du principe louable de la clarification des compétences entre les professionnels qui prescrivent les médicaments et ceux qui les remettent. On regrette dès lors que le même projet bafoue ce principe de clarification, puisqu‘il vise à étendre la compétence des pharmaciens en matière de remise des médicaments soumis à ordonnance. Dans ce contexte, on peut se demander si l’objectif de la révision est réellement d’améliorer la sécurité des médicaments, ou alors d’améliorer la position des pharmaciens dans le système actuel. Prenons pour exemple le principe du double contrôle (principe des « quatre yeux », argument utilisé de façon unilatérale pour justifier la suppression de la propharmacie. Autre exemple : l’autorisation exceptionnelle de la propharmacie si l’officine publique la plus proche ne peut être atteinte par les transports publics en un laps de temps approprié. La logique du projet de révision est à sens unique : soit la propharmacie est une menace pour la sécurité des médicaments ainsi que pour le principe du double contrôle, soit elle n’en est pas ! L’association Médecins de famille Suisse soutient les démarches visant à renforcer la complémentarité entre médecins et pharmaciens, et non la suppléance des premiers par les seconds ! Interdiction des avantages matériels L’association Médecins de famille Suisse salue les mesures visant à améliorer la transparence en ce qui concerne les avantages matériels susceptibles d’influencer la prescription, la remise ou l’administration des médicaments. Nous saluons en particulier le fait que les avantages sous forme de rabais de quantité (possibles dans les réseaux de soins intégrés) soient admissibles. Toutefois, nous ne saisissons pas en quoi la prohibition des avantages matériels devrait se limiter aux médicaments soumis à ordonnance. Il est important de signaler que les médicaments non soumis à ordonnance, de par leur potentiel d’interaction, peuvent également présenter un risque. Le risque en serait d’autant accru par les dispositions du projet de révision visant à promouvoir l’automédication : assouplissement de la barrière entre les médicaments soumis à ordonnance et ceux qui ne sont pas soumis à ordonnance. Nous prétendons, d’une part, qu’une influence via des avantages matériels est indépendante de la catégorie de médicaments ou du canal de diffusion. D’autre part, nous prétendons que l’argument avancé du « principal-agent problem » (asymétrie de l’information entre la personne qui remet le médicament et le patient) est valable également dans la relation entre le pharmacien et son client, toutes catégories de médicaments confondues. Un projet de révision indéfendable en l’état L’association Médecins de famille ne peut soutenir ledit projet de révision : il est vexatoire, car il suppute que les médecins de famille placent leurs propres intérêts au-dessus de ceux de leurs patients; il menace l’approvisionnement en soins dans 17 cantons alémaniques sans prévoir, en parallèle, une adaptation des tarifs médicaux; il menace de freiner le développement des réseaux de soins intégrés (managed care) dans lesquels les médecins de famille et le principe de la propharmacie jouent un rôle central, et, finalement, parce qu’il privilégie avant tout les pharmaciens dans leur rôle d’intermédiaires. Nous invitons donc le Conseil fédéral à tenir compte des points développés ci-dessus, de renoncer à la suppression de la propharmacie et, last but not least, d’appliquer le principe de la prohibition des avantages matériels également aux médicaments non soumis à ordonnance.