L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i on Troubles de voisinage Locataire victime n° 76 Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Cour de cassation (1ère ch.), Arrêt du 10 janvier 1974 Le propriétaire d’un fonds qui, sans commettre un fait fautif, rompt l’équilibre établit entre les propriétés voisines et impose à l’occupant de l’une de ces propriétés, tel le locataire de ce bien, un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, notamment en effectuant des travaux sur son fonds, doit à cet occupant une compensation rétablissant l’équilibre des droits de jouissance (Pas. 1974, I, p. 489). Arrêt du 10 janvier 1974 (…) La Cour; Vu l'arrêt attaqué, rendu le 15 mai 1972 par la cour d'appel de Bruxelles ; En ce qui concerne les deuxième et troisième défenderesses : Attendu que, aucune instance n'ayant été régulièrement liée entre le demandeur et les deuxième et troisième défenderesses devant le juge du fond et aucune condamnation n'ayant été prononcée à leur profit contre le demandeur, le pourvoi est irrecevable; Que la mise en cause de ces défenderesses vaut toutefois, en l'espèce, appel en déclaration d'arrêt commun; En ce qui concerne la première défenderesse : Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 5i3, 544, 1709, 1726 du Code civil, 11 et 97 de la Constitution, en ce que, après avoir constaté que le demandeur a conclu à l'irrecevabilité de l'action mue contre lui sur la base de 1'article 544 du Code civil, parce que la dame Castel, aux droits de laquelle se trouve la première défenderesse, n'était pas propriétaire mais locataire de l'immeuble soumis aux troubles de Voisinage prétendus et que, d'après lui, seul le propriétaire est recevable à se prévaloir de cette disposition légale, l'arrêt a reçu l'action n° 30.467 en tant qu'elle était mue par la première défenderesse, dirigée contre le demandeur et fondée sur l'article 544 du Code civil, fut condamné provisionnellement le demandeur à payer à titre de dommages-intérêts à la défenderesse 190.000 francs, a ensuite désigné, avant faire droit pour le surplus, un expert comptable ayant pour mission, notamment, de chiffrer par mois, de fin mai 1961 à juin 1962, le bénéfice net et les pertes éventuelles de l'exploitation commerciale de la dame Castel, et condamné le demandeur à supporter les huit dixièmes des dépens de première instance et d'appel exposés jusqu'ici par toutes les parties en cause devant les juges du fond et en a décidé ainsi aux motifs qu'un locataire, tout comme un usufruitier, est titulaire d'un démembrement du droit de propriété, que, dans la mesure où le trouble de voisinage porte atteinte à leur droit de jouissance, le locataire ou l'usufruitier sont des voisins et qu'on ne voit pas sur quelle base on pourrait les empêcher d'agir, à l'instar du propriétaire, contre un autre voisin, dans les limites des droits qu'ils tiennent soit de leur contrat soit de la loi, qu'étant donné l'ampleur et la durée des troubles de voisinage qu'a dû. subir la dame Castel, ceux-ci ont été excessifs, et que c'est donc à juste titre que, même en l'absence de toute faute commise par les entrepreneurs ou par lui-même .l'Etat, maître de l'ouvrage, serait tenu de lui payer une indemnité de nature à réparer son préjudice ; alors qu'un locataire n'est, comme tel, pas titulaire d'un démembrement du droit de propriété et que, lorsqu'il subit un trouble de jouissance à la suite de l'exercice non fautif par un propriétaire voisin de son droit de propriété, il ne peut disposer d'un recours contre ce propriétaire sur la base de l'article 544 du Code civil, le recours pour troubles excessifs du voisinage, fondé sur l'article 544 du Code civil, supposant une rupture d'équilibre entre deux droits de propriété; L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i on Troubles de voisinage Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be Locataire victime n° 76 qu'un locataire, qui n'a aucun droit réel sur l'immeuble qu'il occupe mais un droit personnel de jouissance, est étranger à une rupture d'équilibre affectant le droit de propriété de son bailleur et que l'application de l'article 544 du Code civil permet seulement de compenser l'excès de dommage subi par le propriétaire du fonds troublé, dommage auquel ne s'identifie pas le préjudice éprouvé par un locataire troublé dans son droit de jouissance ; Sur le second moyen, pris de la violation de l'article 97 de la Constitution, Attendu qu'en tant qu'il est fondé sur l'article 97 de la Constitution, le moyen est irrecevable faute d'indiquer en quoi cette disposition a été violée; sans avoir égard au moyen de défense opposé par les conclusions du demandeur et aux termes duquel le demandeur faisait valoir « qu'il paraît résulter des éléments de la cause que Paulette Castel-Dechamps ne peut se prévaloir de la qualité de locataire puisque sa prétendue bai1leresse, Depinchart, qui elle-même tenait l'immeuble en location, n'était pas autorisée à souslouer», et a ainsi implicitement écarté ledit moyen de défense sans en motiver le rejet ; Attendu que l'article 544 du code civil vise les restrictions au droit de propriété commandées par les nécessités du voisinage; Que la rupture d'équilibre provoquée par un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage peut exister entre le droit du propriétaire et celui du locataire de biens voisins; Que, si ces droits sont l'un un droit réel et l'autre un droit personnel, ils portent néanmoins sur le même objet puisque le locataire détient en vertu du bail un des attributs du droit de propriété : la jouissance du bien; Que, dans la mesure où le trouble de voisinage porte atteinte à cet élément du droit de propriété, le locataire qui est un voisin peut agir contre le propriétaire qui est un autre voisin, en payement d'une compensation rétablissant l'équilibre des droits de jouissance; Qu'il s'ensuit que l'arrêt a pu, sans violer les dispositions légales indiquées au moyen, décider que le demandeur était tenu, ù titre de propriétaire, d'indemniser la première défenderesse dame Depinchart, qui est aux droits de la locataire du bien voisin; Que le moyen ne peut être accueilli; en ce que l'arrêt a fait droit partiellement sur les actions exercées par la première défenderesse en qualité de cessionnaire des droits de la dame Castel contre le demandeur et fondées tant sur les articles 1382 et suivants du Code civil que sur l'article 544 du même code, Attendu que le juge n'était pas tenu de répondre à une défense exprimée en termes dubitatifs; Que le moyen ne peut être accueilli; Et attendu que le rejet du pourvoi rend sans intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun; Par ces motifs, Rejette le pourvoi et l'appel en déclaration d'arrêt commun; Condamne le demandeur aux dépens. Du 10 janvier 1974. – 1ère ch. - Prés. M. Perricl1on, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Ligot. -