Organisation de la prise en charge des accidents vasculaires

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Éditorial
Organisation de la prise
en charge des accidents
vasculaires cérébraux
en Suisse romande
Dr EMMANUEL CARRERA, Prs LORENZ HIRT, ROMAN SZTAJZEL, PATRIK MICHEL,
ANDREAS KLEINSCHMIDT et RENAUD DU PASQUIER
Articles publiés
sous la direction de
EMMANUEL
CARRERA
Médecin adjoint
agrégé
Département
des neurosciences
cliniques
HUG, Genève
RENAUD
DU PASQUIER
Chef du Service
de neurologie
Département
des neurosciences
cliniques
CHUV, Lausanne
ANDREAS
KLEINSCHMIDT
Chef du Service
de neurologie
Département
des neurosciences
cliniques
HUG, Genève
Le patient présentant un accident vasculaire
charge de tous les patients souffrant d’AVC
cérébral (AVC) n’est assurément plus le
en Suisse. Deux types de structures sont prévus pour les accueillir : les « Stroke Centers »
­parent pauvre de la médecine actuelle et de
(centres cérébrovasculaires, CCV) et les
la neurologie en particulier. Si l’importance
« Stroke Units » (Unités cérébrovasculaires,
de la problématique neurovasculaire n’a été
UCV) (figure 1). Le terme « Stroke Unit »
­reconnue que récemment, ceci peut s’expliquer par le peu de r­éponses thérapeutiques
fait référence à des structures organisationnelles hospitalières qui comprennent des
précédemment disponibles. Deux données
soins intermédiaires et des lits aigus spé­
sont utiles à rappeler ici et parlent d’ellescialisés. Les « Strokes Units » ne se limitent
mêmes : plus de 20 000 AVC surviennent en
­cependant pas à ces lits aigus. Pour être certiSuisse chaque année et l’AVC reste la première cause de handicap acquis dans notre
fiées, elles doivent répondre à des critères
pays. Sous l’égide de la Société cérébrovascustricts pour ce qui a trait au personnel, aux
laire suisse et de la « Swiss Federation of
itinéraires cliniques ainsi qu’à la formation.
Clinical Neuro-Societies », une
­
Un suivi après l’hospitalisation
nouvelle ­organisation se met en
est garanti dans le cadre de
offrir
place au niveau national avec le
consultations ambulatoires et un
à chaque
but ambitieux, mais réaliste,
registre de qualité (Swiss Stroke
personne
d’offrir à chaque personne vicRegistry) permet la documentavictime d’un
time d’un AVC les meilleurs soins
tion des patients. En Suisse roAVC les
mande, de tels dispositifs sont
que son état nécessite. Nous
meilleurs soins
disponibles à Sion, Neuchâtel,
vous présentons ici les fondeque son état
ments de cette organisation afin
Fribourg, Bienne et Nyon, mais
nécessite
d’optimiser la collaboration entre
leur nombre est clairement insuffisant à l’heure actuelle pour
les secteurs hospitalier et extrahospitalier pour ­
permettre une meilleure
prendre en charge tous les patients. De nouvelles « Stroke Units » sont prévues ou peu­vent
prévention, traiter au mieux les patients victimes d’AVC et les accompagner lorsqu’un
être discutées dans divers hôpitaux comme
handicap persiste.
Rennaz et Yverdon-les-Bains par exemple. Le
« Stroke Center » inclut une « Stroke Unit »
Sur le plan politique tout d’abord, la question
comme décrite ci-dessus, mais également la
de l’AVC est maintenant reconnue au niveau
possibilité d’un accès r­apide aux plateaux
fédéral. La problématique cérébrovasculaire
techniques neurochirurgical et neuroradiologique. On pense ici à la r­ ecanalisation endofait dorénavant partie de la Médecine hautement spécialisée (MHS) par décision de la
vasculaire notamment. Les HUG et le CHUV
Direction des directeurs cantonaux de la ­santé
sont les deux hôpitaux suisses romands
(CDS) permettant une tarification hospitalière
comptant en leur sein un « Stroke Center »
spécifique. L’information à la population est
certifié. Des liens étroits sont nécessaires
transmise à l’aide de différents vecteurs, allant
entre « Stroke Units » et « Stroke Centers »
de la diffusion de spots télévisuels sous
pour les cas les plus ­complexes. A cet égard,
l’égide de la Fondation suisse de cardiologie à
une « Filière thrombolyse et thrombectomie
l’organisation de la Journée mondiale de
AVC » performante a été développée au CHUV
l’AVC qui se déroule chaque a­ nnée le 29 nodepuis plus de 10 ans afin de prendre en
vembre dans plusieurs villes, dont Genève.
charge les patients complexes des hôpitaux
environnants. Un réseau comparable a été
L’organisation hospitalière a été complètetissé aux HUG avec les hôpitaux de France
ment repensée pour standardiser la prise en
voisine notamment.
www.revmed.ch
26 avril 2017
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REVUE MÉDICALE SUISSE
Le dialogue entre la médecine ambulatoire et
ces nouvelles structures hospitalières devra
fig 1
être clairement développé ces prochaines
­années. Le rôle des médecins installés internistes et généralistes est tout d’abord crucial
pour prévenir un premier événement cérébrovasculaire. Ceci est fait par l’optimisation
des facteurs de risque et la sensibilisation de
la population aux symptômes de l’AIT et
AVC. De même, et dès la sortie du système
hospitalier, la surveillance étroite du patient,
de son adhérence thérapeutique et de ses
­facteurs de risque se doit d’être poursuivie.
C’est en effet durant les premières semaines
(Site : neurovasc.ch:www.neurovasc.ch/portrait/stroke-centeraprès l’AVC que les récidives sont les plus
stroke-units/).
nombreuses. Dans la pratique, nous nous
­efforçons de revoir tous les patients 3 mois
A la tête des « Stroke Units » et « Stroke Cenaprès l’événement. Ceci pour évaluer l’évo­
ters », on trouve un médecin neurologue FMH,
lution clinique et déterminer au mieux
spécialisé en maladies cérébrovasculaires aux
­l’étiologie de l’AVC sur la base des différents
compétences clinico-scientifiques reconnues.
examens effectués en ambulatoire (échocardiographie, R-test). Nous nous positionnons
Le domaine des AVC n’a pas échappé au problème de territorialité et de sphères d’inégalement sur des problèmes pratiques,
fluence. Au-delà des querelles locales, il s’agit
concernant par exemple la conduite automobile ou la capacité de travail.
probablement d’une question liée
Pour les cas les plus invalidants,
à la nature de la pathologie, intéC’est durant
ressant certes le cerveau en preune prise en charge ambulatoire
les premières
mier lieu, mais pouvant être liée à
par les services de neuroréédusemaines après
cation peut être offerte. Nous
une cause cardiaque ou nécessil’AVC que les
tant une prise en charge internisinsistons ici sur le rôle primorrécidives sont
tique complexe. Aujourd’hui, ce
dial des neurologues installés
les plus
problème est clairement dépassé
qui peuvent assurer le suivi à
nombreuses
par la reconnaissance de la comlong terme et répondre à vos
plexité de la problématique céréquestions de nature « cérébrobrovasculaire. Celle-ci nécessite de facto une
vasculaire ». Pour discuter des cas complexes
prise en charge multidisciplinaire afin que le
(foramen ovale permédable, sténoses artérielles précérébrales, par exemple), des colpatient puisse bénéficier de toutes les compétences disponibles. A titre d’exemple, les
loques spécialisés multidisciplinaires » sont à
patients arrivant au CHUV et aux HUG sont
votre disposition. Votre présence en tant que
pris en charge en phase aiguë conjointement
médecin traitant est la bienvenue.
par les médecins neurologues et urgentistes
La série d’articles que vous trouverez dans ce
avec l’appui de nos collègues internistes et
numéro a pour but de faire le point sur dif­
intensivistes pour les cas les plus complexes.
férentes stratégies thérapeutiques présenDe par ses connaissances approfondies du
tées lors d’un récent colloque de neurologie
cerveau et de son fonctionnement, le neurologue demeure toutefois le « chef d’orchestre »
CHUV-HUG. Face au défi que représente
d’une telle ­organisation. Dans la même opl’AVC aujourd’hui, nous espérons que celles-ci,
tique, une c­ollaboration optimale entre les
dans le contexte de la stratégie globale que
différents professionnels du domaine est
nous vous avons présentée, permettront de
également requise sur le terrain. On pense
limiter l’impact dévastateur de l’AVC sur le
notamment aux relations entre médecins,
patient et son entourage.
neuropsychologues, logopédistes, physiothérapeutes, ergothérapeutes et infirmières.
Répartition actuelle des
« Stroke Centers » (bleu)
et « Stroke Units » (rouge)
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