Le Point sur Fomépizole
Dossier 2000, XXI, 2
INTRODUCTION
Au début du XXème siècle, l’éthylène glycol était considéré
comme très peu toxique, à l’instar du propylène glycol et de
la glycérine, et fut même utilisé comme substitut de la gly-
cérine dans les produits pharmaceutiques.
Sa toxicité est maintenant bien connue. Il est prouvé que
son ingestion, même en faible quantité (DL : 100 ml ou 1,4
ml/kg) (38), peut conduire à une issue fatale ou laisser des
séquelles.
Tout hôpital est susceptible de recevoir un patient intoxiqué
par l’éthylène glycol, d’autant que ce produit entre dans la
composition de nombreux produits domestiques.
Le fomépizole ou 4-méthylpyrazole est utilisé en France
depuis 1981. C’est un antidote de l’éthylène glycol.
Une solution injectable de sulfate de fomépizole, fabriquée
depuis plusieurs années en tant que préparation hospitalière
par la Pharmacie Centrale des Hôpitaux de l’Assistance
Publique-Hôpitaux de Paris, a obtenu une autorisation de
mise sur le marché en mai 1999, sous le nom de Fomépizole
AP-HP, avec comme seule indication “ traitement de l’in-
toxication aiguë par l’éthylène glycol ”.
INTOXICATION AIGUË PAR
L'ÉTHYLÈNE GLYCOL
L'intoxication aiguë par l'éthylène glycol est une intoxica-
tion rare, potentiellement mortelle.
Son incidence globale exacte n'est pas connue.
Selon une étude française, la fréquence des intoxications
par l'éthylène glycol a été de 1991 à 1994 de 35 cas pour 5,4
millions d’habitants (27.
Circonstances des intoxications (16, 38)
L’éthylène glycol est un liquide incolore, sirupeux, de
saveur douceâtre (2), légèrement alcoolique et sucrée (21).
Il entre dans la composition de nombreux produits :
- à usage domestique : antigels, liquides pour frein, liquides
de refroidissement pour moteur de voiture, produits ména-
gers (liquides de lavage des vitres et des pare-brises), sol-
vant de pesticides ;
- ou à usage industriel : liquides hydrauliques, liquides
d’échanges thermiques, agent de synthèse dans l’industrie
chimique et la fabrication d’explosifs ou de condensateurs
électrolytiques, agent de déshydratation, agent humectant et
plastifiant, liquide de réfrigération.
Les intoxications aiguës surviennent presque toujours après
ingestion. Elles peuvent être d'origine volontaire (tentatives
de suicides ; recherche d’un état d’ébriété) ou accidentelle :
- par confusion avec une boisson (déconditionnement) : la
saveur sucrée de l’éthylène glycol, qui persiste après dilu-
tion, lui a valu d’être souvent confondu avec une boisson
sucrée par les enfants, les adultes ou les animaux domes-
tiques. L’ajout de substances amères aux liquides de refroi-
dissement ou antigels à base d’éthylène glycol dans le but
de diminuer la fréquence des intoxications accidentelles, est
obligatoire depuis 1995 (décret n° 95-326 du 20/03/1995).
- par méconnaissance du risque : ingestion de l’ “eau ” d’un
chauffage central, d’un circuit d’eau chaude ou d’un radia-
teur de voiture.
Le risque d’intoxication par voie respiratoire est quasiment
nul car l’éthylène glycol est très peu volatil.
Les vapeurs du produit chauffé sont irritantes. Les temps
d’exposition sont généralement trop courts pour permettre
une absorption importante. L'absorption par voie pulmonai-
re ou cutanée est faible (15).
Toxicocinétique de l’éthylène glycol
Après ingestion orale, l’éthylène glycol est rapidement et
totalement absorbé dans l’estomac et dans tout le tractus
intestinal (38).
Le Tmax est atteint en 1 à 2 heure(s).
L’éthylène glycol diffuse rapidement dans l’eau de l’orga-
nisme. Son volume de distribution est de 0,4 à 0,9 l/kg (15).
La biotransformation de l’éthylène glycol se fait essentiel-
lement dans le foie (4) (cf schéma 1).
L’élimination se fait majoritairement par filtration gloméru-
laire rénale (19) et par voie pulmonaire (16).
Environ 18 à 37 % de la dose absorbée sont excrétés sous
forme inchangée, le reste étant éliminé sous forme métabo-
lisée (16).
Les demi-vies apparentes d'élimination - calculées selon
une équation d’une cinétique de premier ordre par différents
auteurs chez des cas isolés de sujets intoxiqués - varient
entre 3 heures (46) et 8,4 heures (35).
Physiopathologie
La toxicité de l’éthylène glycol est principalement liée aux
effets toxiques de ses métabolites oxydatifs d’origine hépa-
tique : glycolaldéhyde, acide glycolique, acide glyoxylique
en partie transformé en acide oxalique à l’origine de cris-
taux d’oxalate de calcium.
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