Cancer de prostate : faut-il dépister ? faut-il traiter ? P. Rischmann – B. Malavaud – M. Soulié Services d’Urologie – CHU Rangueil L’objectif d’un programme de dépistage est de faire diminuer la proportion de sujets décédés d’une maladie sur une période donnée dans la population générale. Le dépistage permet de détecter la maladie à un stade plus précoce et d’en accroître ainsi les chances de guérison. Le dépistage correspond à la phase de prévention secondaire d’une maladie. On distingue différents types de dépistage : - Le dépistage individuel ou détection précoce individuelle, réalisé sur l’initiative du médecin généraliste ou à la demande d’un patient dûment informé. - Le dépistage ciblé, limité aux populations à risque : tranche d’âge, facteurs ethniques, contexte de la maladie familiale ou héréditaire. - Le dépistage organisé ou de masse qui est une action de santé publique orientée vers la population générale apparemment saine et asymptômatique. Un cadre stricte fondé sur des critères précis nécessaires à sa réalisation (sécurité, acceptabilité des tests, validité et coût). Il existe des critères de validité d’un dépistage de masse qui ont été édictés par l’OMS en 1994 et qui définissent les caractéristiques d’une maladie pouvant relever d’un programme de dépistage. Pour le cancer de la prostate, la réponse à ces différents critères est généralement, mais non strictement, affirmative : - La fréquence de la pathologie : le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme après 50 ans avec plus de 40 000 nouveaux cas chaque année et une augmentation de l’incidence en rapport avec la démographie. - La gravité de la maladie : le cancer de la prostate est la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme, 11 % des décès par cancer c’est-à-dire environ 10 000 décès chaque année en France. - L’existence d’un traitement curatif efficace : les études suédoises ont montré la supériorité de la prostatectomie totale par rapport à l’abstention thérapeutique avec des différences de 25 % et plus au-delà de 15 ans. - L’existence d’un test de dépistage efficace : le dosage sanguin du PSA total a une sensibilité de 60 à 80 %, une spécificité élevée, en fonction de son taux. - La biopsie de prostate a une sensibilité de 96 % et une spécificité de 100 %. Elle n’est pas complètement anodine avec un taux de complication infectieuse de l’ordre de 1 à 2 %. - Le dépistage permet de découvrir la maladie à un stade précoce : près de 80 % des cancers sont diagnostiqués à un stade T1c ou T2a, stades où la maladie est curable dans plus de 80 % des cas. En l’absence de dépistage organisé seulement 60 % des cancers seraient diagnostiqués au même stade. - En l’absence de traitement, le cancer progresse et entrainerait le décès pour ¾ des patients atteints avant 65 ans. - Il existe un consensus thérapeutique pour le cancer de la prostate et des recommandations, françaises et internationales. - Le coût du dépistage n’est pas prohibitif. Il devrait même générer des économies évitant la prise en charge et les traitements lourds de la maladie métastatique ou de fin de vie. Pourtant, le dépistage du cancer de la prostate reste un sujet de contreverse en raison de l’absence de preuve forte d’un bénéfice sur la réduction de la mortalité. C’est surtout le risque de sur-traitement avec exposition des conséquences délétère sur la qualité de vie urinaire et sexuelle des patients qui sont mises en exergue par les tutelles. De même, des arguments médico-économiques sont mis en avant comme les paramètres coût/bénéfice et coût/efficacité réelle. Cependant, dès lors que les études prospectives en cours auront démontré l’impact sur la mortalité d’une politique de dépistage, il sera difficile d’y opposer des arguments d’ordre médico-économique. Déjà, dans tous les pays occidentaux (USA, Canada, Autriche, France, …) qui ont adopté une politique de dépistage individuel par le PSA, on constate au moins une stabilité et au mieux une régression de la mortalité spécifique par cancer de prostate. Faut-il traiter tout cancer de prostate dépisté ? C’est actuellement la question la plus importante qui pose celle d’un possible sur traitement étant donné la petite taille des cancers dépistés et la lente évolution de ce cancer. C’est la raison pour laquelle le dépistage est limité à 75 ans, âge au-delà duquel l’espérance naturelle de vie devient inférieure à 10 ans. Avant 65 ans, tout cancer découvert devrait faire l’objet d’un traitement à visée curative car le risque de décès spécifique est supérieur à 50 %. Entre 65 et 75 ans, la question de la morbidité compétitive peut être posée mais aussi celle des choix du patient en terme de qualité de vie. En effet, le traitement radical du cancer de la prostate entraîne parfois des troubles urinaires (de 5 à 20 % en fonction de la gravité) et souvent des troubles sexuels (de 20 à 100 %, en fonction de l’âge et de l’activité sexuelle antérieure). C’est dans cette population que des protocoles de surveillance active ont été proposés et semblent le plus intéressant, basés sur la surveillance du PSA et la réalisation de biopsies itératives. Ces protocoles ne sont réservés actuellement qu’aux lésions monofocales inférieures à 2 mm sur les biopsies. L’avènement de nouvelles méthodes thérapeutiques telles que les Ultrasons Focalisés de Haute Intensité (HIFU-Ablatherm®) pourraient renforcer cette attitude conservatrice dans cette tranche d’âge, dès lors que le suivi à long terme des patients déjà traités confirmera la qualité des résultats carcinologiques obtenus. La lente évolution du cancer de la prostate devrait permettre de mieux impliquer un patient dûment informé dans les choix thérapeutiques le concernant, en fonction de ses souhaits en terme de qualité de vie.