remboursement des dépenses de contracep-
tion. Cette obligation, pour ce type particulier
de dépenses, serait directement transférée aux
compagnies privées d’assurance médicale,
dégageant ainsi les associations caritatives
confessionnelles, les hôpitaux ou les écoles
religieuses de toute responsabilité en la
matière (9). Mais le mal était fait ; la contro-
verse servait à nourrir le récit négatif des
adversaires du Président Obama : il n’était, à
leurs yeux, qu’un « laïqc, méprisant à l’égard
des croyants (10) » et, pis encore, il avait
« déclaré la guerre contre l’Église catho-
lique (11) ».
Le discours de Kennedy avait cessé d’être
un modèle d’indifférence à la question
religieuse. Kennedy, l’apôtre de la séparation
de l’Église et de l’État, avait, d’après Rick
Santorum, « jeté sa foi sous l’autobus », et
cela lui avait donné « l’envie de vomir (12)»!
Moins excessif que Santorum, mais souscri-
vant aux mêmes principes conservateurs, Mitt
Romney n’a jamais caché son opposition à
une stricte séparation de l’Église et de l’État.
Comme tous les candidats à l’élection prési-
dentielle appartenant à une minorité
religieuse, Mitt Romney se livra au début de
la campagne de 2008 à l’exercice obligatoire
d’un discours sur la religion, pompeusement
intitulé « La Foi en Amérique » – discours
prononcé dans les locaux de la Bibliothèque
présidentielle de George H. W. Bush à
College Station au Texas. Paraphrasant
Kennedy, Romney expliqua d’abord qu’il
n’était pas un candidat mormon à la prési-
dence, mais un républicain qui, par ailleurs,
se trouvait appartenir à l’Église des Saints des
Derniers Jours (13). Tout en proclamant son
attachement au principe constitutionnel de la
séparation de l’Église et de l’État, Mitt
Romney s’empressa de dire tout le contraire
avec aplomb et la volonté de doubler sur leur
droite ses concurrents évangéliques : « Je
crois, disait-il, que Jésus-Christ est le Fils de
Dieu et le Sauveur de l’humanité (14). » Mais
surtout il précisait qu’il n’était pas question
pour lui de considérer la religion comme une
« simple affaire privée qui n’a pas sa place
dans l’espace public ». Il était souhaitable,
pour défendre la liberté politique du pays, de
préserver toutes les références à Dieu déjà
gravées sur la monnaie ou inscrites dans le
serment d’allégeance au drapeau. Il fallait
aussi parler de Dieu « dans les cours d’his-
toire » des écoles publiques et placer des
« crèches et des ménorahs » dans les lieux
publics lors des fêtes de fin d’année. Il fallait
enfin nommer des juges qui « respectent la
fondation religieuse » de la Constitution des
États-Unis. « En aucun cas, ajoutait Romney,
je ne tenterai de séparer [le peuple américain]
du Dieu qui nous donna la liberté, ni de son
héritage chrétien. » L’Amérique se devait de
répondre à un double défi : la menace repré-
sentée par l’« islam radical et violent » et le
danger tout aussi grave du laïcisme, c’est-à-
dire de ces personnes qui « cherchent à établir
une nouvelle religion en Amérique : la
religion de la laïcité (secularism) (15) ». Qui
sont ces « personnes » trop attachées au
principe de laïcité et à la séparation de
l’Église et de l’État ? Les démocrates, bien
sûr, et Obama en particulier, récemment
accusé de transformer les États-Unis en une
« nation moins chrétienne (16) ».
Avec de tels propos, Mitt Romney croyait
satisfaire aux attentes de la droite religieuse
américaine, tout en évitant d’exposer le détail
de la doctrine mormone, jugée trop ésoté-
rique sinon même bizarre par l’électeur
moyen. Le mot « mormon » n’était mentionné
LES IDÉES ET LES LIVRES
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(9) Voir Dana Goldstein, « Obama birth control compromise
defuses religion issue », The Daily Beast, 10 février 2012, et Andrew
Sullivan, « The right chokes on Obama’s pill », Sunday Times
(Londres), 19 février 2012. La plus grande association d’hôpitaux
catholiques, la Catholic Health Association, dirigée par une
religieuse, Sister Carol Keehan, approuvait le compromis proposé
par Obama. Mais la Conférence des évêques catholiques des États-
Unis maintenait son opposition et plusieurs organisations catho-
liques ont décidé de poursuivre en justice l’Administration fédérale
pour violation du libre exercice de la religion.
(10) Melinda Henneberger, « Obama ruling requires catholic
institutions to violate church teachings » (Blog : « She The
People »), Washington Post, 2 février 2012. Et pourtant une majorité
d’Américains (56 %) et de catholiques américains (57 %) ne
pensent pas que la liberté religieuse soit aujourd’hui menacée par
la décision de l’Administration Obama sur la contraception. Voir
Kirsten Powers, « Majority don’t see loss of liberty in Obama
contraception rules », The Daily Beast, 16 mars 2012.
(11) Newt Gingrich, cité par M. Henneberger, ibid.
(12) Felicia Sonmez, « Santorum says he “almost threw up” after
reading JFK speech on separation of Church and State », Washing-
ton Post, 26 février 2012.
(13) M. Romney, « Faith in America », 6 décembre 2007,
www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=16969 460>. Sur le
mormonisme en général, on lira avec profit Richard Lyman
Bushman, Mormonism. A Very Short Introduction, New York, Oxford
University Press, 2008, Rodney Stark, The Rise of Mormonism, New
York, Columbia University Press, 2005 et, plus récemment, Samuel
M. Brown, In Heaven as it is on Earth : Joseph Smith and the Early
Mormon Conquest of Death, New York, Oxford University Press,
2012.
(14) « Faith in America », ibid.
(15) Ibid.
(16) Romney, cité par Jodi Kantor, « Romney’s faith. Silent but
deep », New York Times, 19 mai 2012.
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