Les intervalles de temps systoliques en réanimation Systolic

NOTE PHYSIOLOGIQUE
Les intervalles de temps systoliques en réanimation
Systolic-time intervals in intensive care
K. Bendjelid
Division des soins intensifs adultes, hôpitaux universitaires de Genève CH-1211, rue Micheli du Crest, 14 Genève, Suisse
Disponible sur internet le 13 mars 2007
MOTS CLÉS
Phases ;
Périodes ;
Cycle ;
Systole ;
Hémodynamique
Résumé Le monitorage hémodynamique et cardiovasculaire est indispensable pour la prise en
charge dun patient de soins intensifs. Diverses techniques de mesures de pressions, de surfa-
ces, de volumes et de débits sont utilisées en réanimation. Les intervalles de temps systoli-
ques, largement utilisés en cardiologie il y a une trentaine dannées, pourraient avoir une
place dans la prise en charge dun patient présentant une instabilité hémodynamique. La pré-
sente revue tente de proposer certains indices, pour lévaluation de la fonction cardiocircula-
toire en réanimation.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
droits réservés.
KEYWORDS
Phases;
Periods;
Cycle;
Systole;
Hemodynamics
Abstract Hemodynamic and cardiovascular monitoring is essential for the management of cri-
tically ill patients. Various techniques of pressure surface, area, volume and flow measure-
ments are used in intensive care. Systolic time intervals were widely used in cardiology
30 years ago and could be usefull in managing patients with hemodynamic instability. The pre-
sent review tries to propose indices to estimate cardio-circulatory function in intensive care.
© 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous
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Introduction
La dysfonction contractile ventriculaire résulte en une dimi-
nution de la force générée par le myocarde, une baisse du
volume déjection systolique du ventricule gauche et une
variation de la durée des différentes phases de la contraction
[1]. Il y a une trentaine dannées, la détermination des inter-
valles de temps systoliques était souvent utilisée par les car-
diologues pour le suivi des cardiopathies ischémiques, des
maladies valvulaires, des cardiomyopathies hypertrophiques,
de la maladie hypertensive et de certains effets pharmaco-
logiques sur le myocarde [16]. Cette méthode permettait
dévaluer la fonction ventriculaire gauche moyennant des
méthodes non sanglantes utilisant lenregistrement phono-
cardiograhique (+ carotidogramme) [7],léchocardiographie
doppler ou bien le doppler œsophagien [8],combiné
lECG. Les intervalles de temps systoliques les plus utilisés
étaient : la période de prééjection (PEP), le temps déjec-
tion ventriculaire gauche (LVET) et le rapport PEP/LVET [1].
Depuis une vingtaine dannées, ces différentes durées et
phases de la systole ventriculaire ont été utilisées dans le
cadre dun monitorage hémodynamique non invasif en réani-
mation en utilisant un doppler œsophagien ou bien limpé-
dancemétrie [812].
Réanimation 16 (2007) 120123
Adresse e-mail : [email protected] (K. Bendjelid).
1624-0693/$ - see front matter © 2007 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2007.02.007
available at www.sciencedirect.com
journal homepage: http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Les intervalles de temps systoliques
La période de prééjection (PEP)
La PEP est définie par lintervalle de temps séparant la
dépolarisation ventriculaire (début du QRS sur lECG) du
début de léjection ventriculaire gauche (ouverture de la
valve aortique) [1]. Cette durée de temps dépend de la pré-
charge, de la postcharge et de la contractilité [13].La
valeur normale chez ladulte est de 106 ± 7 ms [14].Il
nexiste pas de consensus entre les diverses études publiées
concernant la dépendance de cette durée vis-à-vis de la
fréquence cardiaque [1315].
Le temps déjection ventriculaire gauche (LVET)
Le LVET est défini par lintervalle de temps systolique
durant lequel le ventricule gauche éjecte du sang dans
laorte (ouverturefermeture de la valve aortique) [13].La
phonocardiographie sert à situer le moment de la fermeture
de la valve aortique qui correspond à la composante aor-
tique du second bruit. Cette durée de temps dépend princi-
palement du volume déjection systolique [16]. La valeur
normale chez ladulte est de 292 ± 18 ms [14]. Cette valeur
est inversement corrélée à la fréquence cardiaque, en
accord avec le fait que le volume déjection systolique
diminue lorsque la fréquence cardiaque augmente [16].
Le rapport PEP/LVET
Le rapport PEP/LVET est un indice fiable de la fonction
contractile cardiaque [13]. En effet, lapparition dune dys-
fonction cardiaque augmente la valeur de la PEP et diminue
la durée de LVET [13]. De ce fait le rapport PEP/LVET aug-
mente en cas dune baisse de la contractilité. La valeur
normale chez ladulte est de 0,37 ± 0,03 [14]. Diverses étu-
des ont retrouvé une corrélation entre ce rapport et les dif-
férents indices évaluant la performance ventriculaire gau-
che [36,1722]. Néanmoins, la diminution du LVET faisant
suite à une dysfonction ventriculaire gauche peut paraître
illogique [13]. En effet, durant léjection, la vitesse de
contraction est diminuée lors de la présence dune insuffi-
sance cardiaque. Cette situation devrait prolonger le LVET.
Cependant, lors dune dysfonction contractile, lamplitude
du raccourcissement de la fibre cardiaque est diminuée
aussi, ce qui participe à une diminution de la valeur LVET
[13]. De plus, LVET étant un temps lié au volume déjection
systolique, une diminution de ce dernier suite à la dysfonc-
tion cardiaque doit impérativement avoir le même effet sur
LVET [13].
Les intervalles de temps systoliques
en réanimation
Le temps déjection ventriculaire gauche (LVET)
La mesure semi-invasive (doppler œsophagien) de la vitesse
découlement du sang dans laorte thoracique ascendante
ou descendante permet une mesure précise du débit car-
diaque [23]. Les principes techniques de la mesure du
débit cardiaque par effet Doppler consistent en lobtention
dun signal Doppler continu ou tous les écoulements ren-
contrés par le faisceau ultrasonore se trouvent alignés sur
le trajet étudié. Cette technique permet aussi dobtenir la
PEP et le LVET moyennant lenregistrement simultané de
lélectrocardiogramme [9]. De nombreuses équipes ont
objectivé que la mesure du LVET indexé à la fréquence car-
diaque (LVETI) était un indice statique de la précharge ven-
triculaire gauche chez des patients anesthésiés au bloc opé-
ratoire ou en réanimation [8,10,11]. Néanmoins, cette
mesure nest pas utilisée en pratique clinique, sujet à de
nombreux débats et rares sont les études récentes sur ce
sujet [2426].
La période de prééjection (PEP)
Du fait que la majorité des patients des soins intensifs sont
porteurs de cathéter artériel, Bendjelid et al. ont proposé
de mesurer la PEP moyennant lenregistrement simultané
de courbe de pression artérielle sanglante et lélectrocar-
diogramme (Fig. 1)[27]. La PEP a été définie comme le
temps séparant londe Q ou R sur lECG et le début de mon-
tée en pression artérielle mesuré classiquement au niveau
radial [27]. Du fait que ces auteurs se soient intéressés à la
variation (dynamique) de ce temps au cours dun cycle ven-
tilatoire par pression positive, la valeur absolue de PEP
mesurée avait peu dimportance (onde Q ou R sur lECG)
du moment que les deux mesures au cours du cycle de ven-
tilation étaient acquises de façon identique [27].
En effet, les variations cycliques des volumes déjection
systolique secondaires à la ventilation mécanique sont les
déterminants de ce quon appelle communément les pré-
Figure 1 Technique de mesure de la période de prééjection (PEP) moyennant le défilement simultané de lélectrocardio-
gramme et de londe de pression artérielle sanglante. Lintervalle est mesuré depuis le début de la dépolarisation électrique du
ventricule (onde Q) jusquau début de la montée en pression de londe artérielle.
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dicteurs (indices) dynamiques (en opposition avec indices
statiques mesurés en fin dexpiration) de la réponse au
remplissage vasculaire (augmentation ou non du débit car-
diaque au-dessus de 15 %) [28]. Ces indices dynamiques se
traduisent par une variation ventilatoire de la pression
artérielle systolique, de la pression pulsée systémique, du
volume déjection systolique, et des vélocités doppler
trans-aortiques [29]. Toutes ces mesures nous renseignent
sur la « précharge-dépendance » des ventricules avec une
utilité clinique pour quantifier les effets hémodynamiques
dune expansion volémique [29].
Bien que le temps PEP soit aussi dépendant de la
contractilité et de la postcharge, la valeur de cet intervalle
de temps diminue toujours avec laugmentation de la pré-
charge [1,30]. Wallace et al. ont démontré que laugmenta-
tion du volume déjection systolique diminue la valeur de
PEP [31]. De plus, plusieurs études réalisées chez lhomme
ont démontré que la diminution du temps PEP après un
remplissage vasculaire était associée à une augmentation
du volume déjection systolique [3234]. De façon intéres-
sante, Brundin et al. ont démontré que la ventilation à
pression positive augmente la valeur de lintervalle PEP en
diminuant le retour veineux et donc le volume déjection
systolique [35]. Bendjelid et al. ont utilisé la variation res-
piratoire du temps PEP (mesuré moyennant lECG et un
cathéter artériel radial) pour estimer la réponse au remplis-
sage vasculaire chez les patients profondément sédatés et
sous ventilation mécanique par pression positive après une
chirurgie cardiaque [27]. Ils ont objectivé que le temps PEP
au cours de linsufflation était plus court que ce même
temps au cours de lexpiration chez les patients hypovolé-
miques. Le raisonnement physiologique était de dire que la
variation de la valeur PEP entre linsufflation et lexpiration
du respirateur ne pouvait être expliquée que par la varia-
tion du retour veineux [36] et du volume déjection systo-
lique. Moyennant ces deux mesures, ils ont calculé la diffé-
rence quils ont indexée à la moyenne pour lestimer en
pourcentage (ΔPEP en %) [27]. Chez huit patients qui ont
bénéficié dun remplissage vasculaire le ΔPEP avant rem-
plissage était significativement corrélé à la variation du
volume déjection systolique après infusion de volume
(r
2
= 0,57, p= 0,03) [27]. Dans cette étude lindice ΔPEP
était moins bien corrélé à la variation du volume déjection
systolique après administration de volume que ne létait la
variation ventilatoire de la pression pulsée. Cependant, il
faut intégrer que dans cette étude lacquisition et lenre-
gistrement des différentes données étaient faits avec une
fréquence de 100 hertz soit une résolution de mesure de
10 ms.
À ce jour, rares sont les indices non invasifs permettant
de quantifier les précharges ventriculaires droite ou gauche
et/ou de prédire la réponse hémodynamique lors dun rem-
plissage vasculaire. En effet, en dehors de léchocardiogra-
phie, peu de techniques ont été développées aujourdhui.
Intégrant loutil des intervalles de temps systoliques, Feis-
sel et al. ont proposé de mesurer le ΔPEP par un autre
moyen [37]. En effet, au moyen de la courbe de pléthysmo-
graphie et de lenregistrement électrocardiographique, cet
intervalle de temps systolique a été mesuré et sa variation
ventilatoire en pourcentage estimée chez des patients sep-
tiques et en ventilation mécanique [37]. Dans cette étude
récente, les auteurs ont montré quun ΔPEP, mesuré à
laide dune courbe de pléthysmographie, supérieure à
4 %, était capable de prédire la réponse positive au remplis-
sage vasculaire avec une sensibilité de 100 % et une spécifi-
cité de 67 % [37]. Dans cette étude lacquisition et lenre-
gistrement des différentes données étaient faits avec une
fréquence de 500 hertz soit une résolution de mesure de
2ms[37].
Les intervalles de temps systoliques du ventricule
droit
Lévaluation de la fonction ventriculaire droite reste un
challenge en réanimation du fait quen dehors de léchocar-
diographie trans-thoracique et trans-œsophagienne, il
nexiste pas dautres moyens diagnostiques au lit du
patient. En conséquence, certains auteurs ont proposé
lutilisation des intervalles de temps systoliques du ventri-
cule droit pour évaluer la fonction systolique du cœur droit
[38]. Her et al. ont utilisé lenregistrement simultané de
lélectrocardiogramme, du phonocardiogramme et de la
courbe de pression artérielle pulmonaire (cathéter artériel
pulmonaire) pour mesurer la PEP du ventricule droit (PEP
VD
)
et le temps déjection ventriculaire droit (RVET) [39].La
phonocardiographie a permis de situer la fermeture de la
valve pulmonaire qui correspond à la composante pulmo-
naire du second bruit [39]. Cette équipe a démontré que
chez les patients insuffisants respiratoires ventilés mécani-
quement, le rapport PEP
VD
/RVET était un très bon reflet de
la fonction ventriculaire droite comme objectivé par la très
bonne corrélation (r
2
= 0,67, p< 0,001) entre ce rapport et
la pente délastance télésystolique du ventricule droit
(courbe pressionvolume) [39]. De façon identique et utili-
sant seulement lenregistrement simultané de lélectrocar-
diogramme et de la courbe de pression artérielle pulmo-
naire (cathéter artériel pulmonaire) pour mesurer la PEP
du ventricule droit (PEP
VD
) et le temps déjection ventricu-
laire droit (RVET), Guerrero et al. ont démontré que le rap-
port PEP
VD
/RVET était un très bon reflet de la fonction ven-
triculaire droite comme objectivé par la très bonne
corrélation (r
2
= 0,90, p< 0,001) entre ce rapport et la frac-
tion déjection du ventricule droit mesuré par thermodilu-
tion [38].
Conclusion
La mesure des intervalles de temps systoliques est une
méthode non invasive permettant de quantifier la fonction
contractile cardiaque ainsi que létat de remplissage du
cœur chez des patients profondément sédatés et sous ven-
tilation par pression positive. En réanimation, cette tech-
nique possède des avantages certains, car elle ne nécessite
quun enregistrement ECG et une courbe de pression arté-
rielle sanglante de bonne qualité ou un doppler œsopha-
gien.
Le rapport ΔPEP
VD
/RVET semble être très intéressant car
àlopposé de léchocardiographie, il reflète la contractilité
du ventricule droit indépendamment des conditions de
charge [39]. Cette technique basée sur la mesure des
durées des différentes phases composant la systole ventri-
K. Bendjelid122
culaire droite ou gauche pourrait devenir dans le futur un
outil utile pour le monitorage hémodynamique en réanima-
tion.
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