Epigénétique, cancer et environnement | Cancer et environnement

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Epigénétique et environnement
Messages clés
Le terme épigénétique désigne les processus moléculaires permettant de moduler l'expression des
gènes, mais qui ne sont pas fondés sur des changements dans la séquence de l'ADN .
Les altérations des modifications épigénétiques sont associées à de nombreuses pathologies
(diabètes, obésité, retard mental...) et ont été particulièrement mises en évidence dans les
cancers. Les modifications de la méthylation de l'ADN se produident sur les cytosines appartenant
aux groupements CG (cytosines­guanine) ou dinucléotides CpG (déoxycytidine phosphate
déoxyguanosine).
Les modifications épigénétiques sont dynamiques et réversibles. Cette instabilité est sous
l'influence de l'environnement mais aussi du temps et du vieillissement. Néanmoins les mécanismes
par lequel l'exposition environnementale dérégule l'épigénome ne sont pas complétement
élucidés.
Le lien entre épigénétique et cancer provient de dérégulations épigénétiques. Ces modifications
épigénétiques (acétylation des histones et méthylation de l'ADN) participent à la tumorogenèse
par l'inactiviation des gènes suppresseurs de tumeur. Les modifications épigénétiques sont réversibles, aussi de nouvelles approches thérapeutiques
s'ouvrent avec l'utilisation d'inhibiteurs spécifiques des méthyltransférases de l'ADN (DNMT) et des
histones­désacétylases (HDAC).
Généralités sur l'épigénétique
Mécanismes d'action épigénétiques
Méthylation de l'ADN
Modifications épigénétiques et effets transgénérationnels
Epigénétiques et facteurs environnementaux / Mode de vie
Alimentation
Perturbateurs endocriniens
Tabac
Mécanismes épigénétiques et cancer
Evolutions récentes
Généralités sur l'épigénétique
Le terme épigénétique désigne les processus moléculaires permettant de moduler l’expression des gènes,
mais qui ne sont pas fondés sur des changements dans la séquence de l’ADN (Bird, 2007 ; Gabory, 2011 ;
Bourc’his, 2010). De façon vulgarisée, le génome est souvent comparé à la partie « hardware » d'un
ordinateur, alors que l'épigénome fait partie de la composante « software » qui contrôle les opérations. Le domaine de recherche de l’épigénome est depuis une dizaine d’année en pleine expansion. En effet, les
connaissances sur les mécanismes de la structure de la chromatine et de l’expression des gènes ont révélé le
rôle important des modifications épigénétiques. Au cours du développement, la mise en place du programme
épigénétique est particulièrement importante et sa stabilité essentielle pour le maintien des fonctions de
chaque type cellulaire. Les altérations des modifications épigénétiques sont associées à de nombreuses
pathologies (diabètes, obésité, retard mental, …) et ont été particulièrement mises en évidence dans les
cancers. (Feinberg, 2004).
Mécanismes d’actions épigénétiques
Les marques épigénétiques sont portés par l’ADN, la plus connue est la méthylation de la cytosine dans les
dinucléotides CpG (déoxycytidine phosphate déoxyguanosine) mais aussi les modifications (acétylation,
méthylation, phosphorylation…) de la chromatine au niveau des histones. Ces deux mécanismes peuvent
agir ensemble ou de façon indépendante (Sadoni, 1999).
Des réactions enzymatiques assurent la reproductibilité de ces changements épigénétiques lors de la
réplication de l'ADN. Par exemple elles peuvent provoquer la méthylation de séquences régulatrices d’ADN ou
une dés­acétylation des histones qui vont empêcher la cellule d’utiliser le gène correspondant, on parle alors
de gêne « silencieux ». (Richards, 2006).
Méthylation de l’ADN
Les modifications de la méthylation de l'ADN se produisent sur les cytosines appartenant aux groupements
CG (cytosine–guanine) ou dinucléotides CpG (déoxycytidine phosphate déoxyguanosine). Les dinucléotides
CpG sont répartis dans le génome de façon non uniforme. Ces séquences sont sous représentées dans le
génome, à l’exception de courtes régions, appelées îlots CpG, ces régions, particulièrement riches en CpG,
sont observées au niveau du promoteur et/ou du premier exon de plus de la moitié des gènes. Plus le niveau
de méthylation des îlots CpG présents dans les régions régulatrices d'un gène donné est élevé plus faible sera
le taux de transcriptions de ce gène. Les profils de méthylation sont mis en place très tôt au cours du
développement. Les modifications du degré de méthylation de cytosines et les modifications de la chromatine
représentent des phases de régulation majeures pendant le développement (Wolffe, 1999).
Modifications épigénétiques et effets
transgénérationnels
Les mécanismes épigénétiques permettent à l’individu de transmettre certains caractères acquis à sa
descendance. Lors des premières phases du développement de l’embryon après la fécondation, ces
modifications sont caractérisées par la déméthylation presque complète du génome, suivie avant
l’implantation, d’une reméthylation «des gènes « zygotiques ». Cette déméthylation a pour rôle d’effacer le «
marquage épigénétique » provenant des cellules parentales et permettre un nouveau profil d’expression
génique spécifique de l’œuf. Mais parce que ces « effaçages » ne sont pas complets, un effet
transgénérationnel peut avoir lieu. Chez l’homme ces mécanismes ne sont pas encore clairement élucidés.
En revanche, chez l’animal des données expérimentales montrent que certaines modifications épigénétiques
peuvent être transmises via la lignée germinale mâle ou femelle sur au moins trois générations ce qui prouve
bien une transmission transgénérationnelle. (Skinner, 2010).
Epigénétique et facteurs environnementaux /
mode de vie
Les modifications épigénétiques sont dynamiques et réversibles. Cette instabilité est sous l’influence de
l’environnement mais aussi du temps et du vieillissement. Néanmoins les mécanismes par lequel l'exposition
environnementale dérégule l’épigénome ne sont pas complètement élucidés.
Alimentation
L’alimentation, par sa quantité et par sa qualité, est susceptible de modifier les molécules nécessaires au
fonctionnement de la « machinerie » épigénétique. En effet l’alimentation fournit certains produits (en
particulier les métabolites nécessaires à la synthèse des donneurs de groupements méthyles) nécessaires à la
méthylation de l’ADN, par exemple le folate. Chez l’homme des modifications épigénétiques liées à un déficit ou à un excès de nutriments pendant le
développement embryonnaire, fœtal et/ou néonatal ont été identifiés. Une étude d’individus exposés
pendant leur vie in utero à la famine hollandaise de 1945 (aujourd’hui âgés de 66 ans) a mis en évidence
certaines variations épigénétiques par rapport à des individus témoins (Tobi, 2009). Une autre étude
épidémiologique suédoise a montré que le risque de développer des complications cardiovasculaires ou un
diabète de type 2 est partiellement déterminé par l'alimentation des parents et grands­parents lors de leur
préadolescence (Siebel, 2010).
Perturbateurs endocriniens
Les perturbateurs endocriniens de l'environnement sont des produits chimiques synthétiques qui ressemblent
à des hormones naturelles et ils sont connus pour causer des perturbations épigénétiques. Ces perturbateurs
endocriniens peuvent modifier le profil de méthylation de l’ADN ainsi que l’expression de certains gènes dont
les gènes soumis à empreinte particulièrement sensibles à ces effets environnementaux de par leur
fonctionnalité haploïde et leur reprogrammation épigénétique. (Kang, 2011)
Le bisphénol A a fait l’objet de nombreux débats sur ces propriétés perturbatrices endocriniennes au cours
du développement, période où la machinerie épigénétique est très active. En 2010, l’Ineris préconise de
considérer les femmes enceintes et allaitantes, les fœtus, et les nouveau­nés et jeunes enfants comme des
populations potentiellement sensibles vis­à­vis du BPA. En France l’interdiction de l’utilisation du bisphénol A
dans les contenants alimentaires est effective depuis le 1er janvier 2013 pour les produits destinés aux
enfants de moins de 3 ans.
Chez l’animal, les données montrent que l'exposition précoce à des doses physiologiques de BPA perturbe
l'expression et la méthylation des gènes via des modifications épigénétiques chez l’embryon et un
développement anormal du placenta murin. (Susiarjo M, 2013). Chez le rat, le BPA altère la stéroïdogenèse ce
qui peut conduire à un dysfonctionnement testiculaire (D'Cruz SC, 2012)
D’autres perturbateurs endocriniens présents dans une large gamme d’insecticides, fongicides et herbicides
(trichlorfone, vinclozoline, atrazine respectivement) ont des effets connus sur le système reproductif femelle
et mâle après exposition in utero. L’étude de leurs effets épigénétiques est limitée à certaines séquences
cibles, choisies pour leur implication dans le développement de l’appareil génital. Une étude récente des profils
de méthylation établis sur le sperme d’individus sur 3 générations après exposition in utero à la vinclozoline
reporte quelques anomalies de méthylation (Guerrero­Bosagna, 2010). Des effets anti­androgéniques sur la
génération directement exposée au vinclozoline in utero ont été reportés, avec une altération des organes
génitaux externes, mais pas d’effet sur la spermatogenèse. (Matsuura, 2005).
En 2009, Bromer et al ont montré qu’une exposition in utero chez la souris à l’agent prooestrogénique :
diéthylstilboestrol induit après une diminution de l’expression et une légère hyperméthylation du gène Hx10a,
en association avec une expression accrue des DNMT (DNA methyltransferase) (Bromer, 2009). Cette
hyperméthylation pourrait participer au développement de tumeurs épithéliales de l’utérus observées chez les
souris femelles exposées.
Tabac
L'exposition au tabac affecte l'épigénome et cela peut augmenter le risque de maladies et de cancers. Dans
une étude suédoise récente (Besingi, 2013), les chercheurs ont examiné la façon dont les gènes sont modifiés
chez les fumeurs et ont identifié un grand nombre de gènes touchés par ces modifications liées au tabac,
mais uniquement lorsque le tabac est fumé. Cela suggère des modifications épigénétiques probablement
indépendantes des composés du tabac mais associées aux produits de la combustion du tabac. En 2013 une étude sur la méthylation de sang de cordon de 1062 nouveau­nés (cohorte MoBa : The
Norwegian Mother and Child Cohort Study) dont la mère a fumé pendant la grossesse a été effectué par
l’équipe de Joubert et al. Les résultats ont mis en évidence une association entre les niveaux de cotinine
maternelle et la méthylation de 473 844 sites CpG mesurés sur les échantillons sanguins (Joubert, 2013).
Mécanismes épigénétiques et cancer
Le lien entre épigénétique et cancer provient de dérégulations épigénétiques. Ces modifications épigénétiques
(acétylation des histones et méthylation de l’ADN) participent à la tumorogenèse par l’inactivation des gènes
suppresseurs de tumeur.
La liste des gènes suppresseurs de tumeurs inactivés via des modifications épigénétiques s’allonge
régulièrement au fil des études de plus en plus nombreuses. Les gènes suppresseurs de tumeurs les plus
souvent inactivés par des modifications épigénétiques sont représentés dans le tableau suivant, ainsi que les
principaux types de cancers associés à ces inactivations.
Gènes
Cycle
cellulaire
Inactivation des
gènes par
modifications
épigénétiques
Rôles biologiques
Types de cancers
associés
Inhibition de la
transcription
+
P16 INK4A
Inhibiteur des CDK 4 et 6
+
Leucémie,
lymphome,cancers de
la peau et du poumon
P15 INK4B
Inhibiteur des CDK 4 et 6
+
Leucémie, lymphome
Transcription de gènes
(cycle et apoptose) et
réparation de l’ADN
+
Cancers du poumon, de
la prostate
BRCA
Régulation de la
transcription et réparation
de l'ADN
+
Cancers du sein et de
l’ovaire
hMLH1
Réparation de l'ADN
+
Cancers gastrique, du
côlon et de l’ovaire
Rb
Maintien de
l’intégrité du
génome
P53
Réponse aux
facteurs de croissance
PTEN
ER
Rétinoblastome, gliome,
cancer du côlon
Inhibition de la voie de la
PI3­K
+
Glioblastome, cancers
gastrique, du sein et de
la thyroïde
Contrôle de la prolifération
+
Cancers du sein et de
la prostate
Tableau réalisé d’après MEDECINE/SCIENCES 2005 ; 21 : 405­11 : "Modifications épigénétiques et cancer"
Sophie Deltour, Valérie Chopin, Dominique Leprince
Evolutions récentes
Contrairement aux causes génétiques du cancer affectant la séquence de l’ADN qui sont irréversibles, les
modifications épigénétiques sont réversibles. Aussi de nouvelles approches thérapeutiques s’ouvrent avec
l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques des méthyltransférases de l’ADN (DNMT) ou des histone­désacétylases
(HDAC).
La décitabine (5­Aza­désoxycytidine) et la Vidaza (5­azacytidine) sont également utilisées pour le traitement
des myélopysplasies.
En clinique, les résultats obtenus avec les agents déméthylants de l’ADN et les inhibiteurs d’histone
déacétylases ont ouvert la voie au développement de nouveaux composés thérapeutiques : les « épidrogues
». La 5­azacytidine, la 5­aza­2’­désoxycytidine et leurs analogues sont des inhibiteurs des DNMT, qu’elles
piègent en s’intégrant dans l’ADN à la place de résidus cytosine. La réexpression de gènes suppresseurs de
tumeur éteints par l’hyperméthylation est alors possible. Plusieurs dérivés modifiés sont en cours d’essais
cliniques afin de diminuer la cytotoxicité de ces composés et augmenter leur stabilité en solution aqueuse. La
thérapie épigénétique pourraient permettre de restaurer l’expression de multiples gènes hyperméthylés au
sein d’un même type de cancer. Auteurs : Unité Cancer et environnement
Remerciements aux étudiants en Master Cancer et Environnement : Abdallah Myriam, Belfeki Sofiane, Imbach
Jéromine, Lapouge Marjorie pour leur collaboration.
Relecteurs : Dr Robert DANTE, DR1 UMR INSERM 1052 – CNRS 5286 / CRCL
Dr Ghantous AKRAM CIRC Section of Mechanisms of Carcinogenesis
Nos fiches sur ce thème
Bisphénol A
Cancer et Alimentation
Perturbateurs endocriniens
Tabac
Pour aller plus loin
Etudes et publications scientifiques
Bird A, 2007 : Perceptions of epigenetics.
Bourc’his. D, 2010 : Fundamentals of epigenetics.
D'Cruz SC, 2012 : Bisphenol A impairs insulin signaling and glucose homeostasis and decreases steroi
Feinberg AP, 2004 : The history of cancer epigenetics.
Gabory.A, 2011 : Developmental programming and epigenetics
Greenberg ES, 2014 Epigenetic biomarkers in skin cancer
Guerrero­Bosagna, 2010 : Epigenetic transgenerational actions of vinclozolin on promoter regions of
Herceg Z, 2013 : Towards incorporating epigenetic mechanisms into carcinogen identification and eval
Joubert, 2012 : 450K epigenome­wide scan identifies differential DNA methylation in newborns related
Kaati G, 2006 : Outcomes of comprehensive lifestyle modification in inpatient setting
Kang 2011 : Effects of endocrine disruptors on imprinted gene expression in the mouse embryo.
Panayiotidis MI, 2014 : Cancer epigenetics as biomarkers of clinical significance
Richards, 2006 : Inherited epigenetic variation­­revisiting soft inheritance
S Kreth, 2014 : Epigenetics in human gliomas
Sadoni N, 1999 : Nuclear organization of mammalian genomes. Polar chromosome territories build up fu
Skinner, M.K., 2010 : Epigenetic transgenerational actions of environmental factors in disease etiol
Susiarjo M, 2013 : Bisphenol a exposure disrupts genomic imprinting in the mouse
Tobi, 2009 : DNA methylation differences after exposure to prenatal famine are common and timing­ an
Vandermeers F, 2008. Implication des modifications épigénétique dans les cancers : développemnt de n
Wild CP, 2012 : The exposome: from concept to utility
Wild CP, 2013 : Measuring the exposome: a powerful basis for evaluating environmental exposures and
Wolffe AP, 1999. Epigenetics : Regulation through repression.
Informations des publics
Présentation de Déborah Bourc'his, Institut Curie : Epigénétique et environnement
Dossiers et autres ressources
Cohorte MoBa : Norwegian Mother and Child Cohort Study (MoBa)
Mise à jour le 21 avr. 2016
Copyright 2016 ­ Centre Léon­Bérard
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