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Un concept ambitieux pour s’imposer à grande échelle : vers une éthique
collective ?
Revenons brièvement sur le terme même d’éthique. Etant donné ma démarche
« globale », je m’attarderai peu sur le sujet d’autant plus que le terme est très bien
défini dans les ouvrages et travaux des concours précédents. De multiples définitions
et approches
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existent. Toutefois, je choisis de considérer l’éthique d’une manière très
générale afin de tenter d’appréhender ce vaste domaine. Selon le directeur éthique de
L’Oréal
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, « l'éthique continue là où les règles s’arrêtent ». L’éthique professionnelle - en
étant présente à tous les niveaux dans l’entreprise : gestion de projets, RH, achat-
production-logistique, finance, marketing - envisage les enjeux et l’ampleur de notre
responsabilité de décideur vis-à-vis de l’entreprise, du personnel, de l’environnement
local, et plus largement de la société dans son ensemble. Il s’agit donc de « bien
agir » dans une situation donnée et d’offrir des repères aux comportements.
Cependant, il faut souligner que l’éthique est une notion abstraite, or nous vivons dans
un monde concret. De ce fait, nous avons besoin de mettre en pratique ce concept et
ceux qui lui sont associés…Je pense notamment au développement durable, à la
RSE…
Avant toute réflexion, soulignons les évolutions majeures liées à l’éthique
professionnelle. La naissance du mouvement actuel de l’éthique des affaires remonte à
la publication, aux Etats-Unis de « The social responsibility of the business man »
(Bowen, 1953). Les années 1960 sont marquées par un débat relatif aux devoirs
sociaux des entreprises. Pour certains, la seule responsabilité sociale des entreprises
est d’accroître ses profits (Freedman, 1970) alors que pour d’autres, performance
sociale et responsabilité seraient liées (Sethi, 1975). Peter Druker, gourou du
management ou encore Octave Gélinier
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ont également participé à la moralisation des
affaires. La Responsabilité Sociale des Entreprise (RSE) est en marche et s’appuie sur
les dimensions économiques, légales, éthiques et justes (Caroll, 1979). Ces
précurseurs de l’éthique des affaires nous montrent déjà les comportements à adopter
dans une organisation donnée.
Puis tout s’accélère avec la mondialisation, la création de réseaux de
production élargis à l’échelle globale, la montée de l’économie numérique (Internet,
Web 2.0, réseaux sociaux…). Face à cette interconnexion croissante, les
consommateurs découvrent des processus d’injustice sociale aux quatre coins du
monde comme le travail des enfants, les « sweatshops »
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, les problèmes
environnementaux, les scandales politiques, les excès de la finance...
Le mode de management a également évolué depuis les années 1970. Devant
les défis environnementaux et sociaux, le concept basé sur les « shareholders » ou
actionnaires laisse place à la notion plus ouverte de « stakeholders » ou parties
prenantes. La pression des salariés, fournisseurs, législateur, consommateurs et ONG
oblige de plus en plus les entreprises à respecter leurs engagements et à intégrer les
préoccupations économiques, sociales et environnementales à leur stratégie afin de
«répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des
générations futures ». Le développement durable, terme introduit en 1987 dans le
rapport Brundtland, est devenu la « starlette » des années 2000 et est aujourd’hui
largement diffusé dans les multinationales avec le plus souvent une direction éthique,
déontologique, développement durable ou encore RSE (Sanofi, Technip,
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Approche latine où les valeurs orientent les actions et les comportements des entreprises versus approche anglo-
saxonne où l’intérêt des actionnaires est de mise.
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Emmanuel Lulin, http://www.loreal.fr/_fr/_fr/html/groupe/interview-avec-le-directeur-de-l-ethique.aspx
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Gélinier a introduit l’éthique dans un de ses livres, publié en 1965, dans lequel il fait référence à la « morale des
dirigeants d’entreprise ».
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Ateliers dans lesquels le personnel est exploité.