L`éthique professionnelle : une vision économique et managériale

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Rotary International - Concours National 2011- 2012
Promotion de l’éthique professionnelle
L’éthique professionnelle : une vision économique et
managériale globale. Vers un modèle « économico-éthique » ?
SKEMA Business School – Campus Sophia Antipolis
Pauline Quinebeche
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L’éthique professionnelle : une vision économique et managériale globale. Vers un
modèle « économico-éthique » ?
Angle d’approche
Face aux crises financières, économiques, environnementales et sociales, nos
sociétés et ses acteurs doivent faire face à des contraintes nécessitant de repenser le
modèle économique, le rôle de l’entreprise dans la société. Cela implique des
questions éthiques puisque pour certains, le contexte actuel est la résultante de
comportements déviants. De ce fait, l’éthique professionnelle est sans contexte l’un
des enjeux majeurs de ce début de XXIème siècle. Ce concept est très vaste et suscite
de nombreuses questions.
Etant donné mon goût pour l’économie et le management, ma démarche consiste à
penser l’éthique professionnelle dans une situation globale en insistant sur la vision
économique et sur les comportements managériaux. Mon objectif est alors de
participer aux débats en donnant quelques pistes de réflexion sans prétendre avoir
raison: là n’est pas la question…
Etudiante en école de commerce (spécialisée en économie), je vais être amenée à
évoluer très prochainement dans le monde professionnel et démontrer des qualités
exemplaires (honnêteté, responsabilité…) indispensables afin de participer - à mon
niveau - à la performance de l’organisation et à la pérennité de la société.
Comment moraliser le capitalisme et mettre en pratique une éthique des affaires?
Quelles réglementations appliquées ? Vers un mouvement global de moralisation de la
vie économique ?
Résumé
Le développement durable (DD), la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE),
l’Entreprenariat social et solidaire (ESS), l’Investissement Socialement Responsable
(ISR), le commerce équitable, la micro finance… sont des concepts liés à l’éthique
professionnelle et sont de plus en plus en vogue dans l’actualité. Pourtant, les
scandales financiers, politico-financiers, le nombre de suicides dans les
entreprises…n’ont pas cessé d’augmenter depuis dix ans.
Il existe donc une conscience d’apporter une nouvelle vision de l’entreprise, du modèle
économique actuel et plus largement de la société. Toutefois, comment mettre en
pratique une éthique dans les entreprises afin d’éviter de nouvelles dérives et d’être
viable et performant sur le long terme ?
La première partie portera sur le concept même de l’éthique professionnelle. Ensuite,
l’accent sera mis sur les dispositifs mis en place par les parties prenantes face aux
dérives « politico-économico-financiers » permanents. Enfin, je m’interrogerai sur la
voie à adopter pour aller vers un capitalisme plus éthique, plus responsable et accepté
par tous.
Bibliographie indicative
Ouvrages
Barthélémy, A et Stiline, R. (Avril 2011). Entreprenariat Social : Innover au service de
l’intérêt général. Vuibert
Sue, R. (Septembre 2011). Sommes-nous vraiment prêts à changer ? LLL
Steinier, P. (Octobre 2022). Les rémunérations obscènes. Zones, Editions La
Découverte.
Articles académiques
Takei, H. (February 2011). Strategic Frameworks of Ethic Management in MNEs:
Theoretical Discussions and Model Development. Journal of Management Research.
Slaughter, K. (March 2011). Lessons for the future. China Economic Review.
Sites Internet
www.lemonde.fr
www.alternatives-economiques.fr
www.novethic.fr
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Un concept ambitieux pour s’imposer à grande échelle : vers une éthique
collective ?
Revenons brièvement sur le terme même d’éthique. Etant donné ma démarche
« globale », je m’attarderai peu sur le sujet d’autant plus que le terme est très bien
défini dans les ouvrages et travaux des concours précédents. De multiples finitions
et approches
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existent. Toutefois, je choisis de considérer l’éthique d’une manière très
générale afin de tenter d’appréhender ce vaste domaine. Selon le directeur éthique de
L’Oréal
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, « l'éthique continue là où les règles s’arrêtent ». L’éthique professionnelle - en
étant présente à tous les niveaux dans l’entreprise : gestion de projets, RH, achat-
production-logistique, finance, marketing - envisage les enjeux et l’ampleur de notre
responsabilité de décideur vis-à-vis de l’entreprise, du personnel, de l’environnement
local, et plus largement de la société dans son ensemble. Il s’agit donc de « bien
agir » dans une situation donnée et d’offrir des repères aux comportements.
Cependant, il faut souligner que l’éthique est une notion abstraite, or nous vivons dans
un monde concret. De ce fait, nous avons besoin de mettre en pratique ce concept et
ceux qui lui sont associés…Je pense notamment au développement durable, à la
RSE…
Avant toute réflexion, soulignons les évolutions majeures liées à l’éthique
professionnelle. La naissance du mouvement actuel de l’éthique des affaires remonte à
la publication, aux Etats-Unis de « The social responsibility of the business man »
(Bowen, 1953). Les années 1960 sont marquées par un débat relatif aux devoirs
sociaux des entreprises. Pour certains, la seule responsabilité sociale des entreprises
est d’accroître ses profits (Freedman, 1970) alors que pour d’autres, performance
sociale et responsabilité seraient liées (Sethi, 1975). Peter Druker, gourou du
management ou encore Octave Gélinier
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ont également participé à la moralisation des
affaires. La Responsabilité Sociale des Entreprise (RSE) est en marche et s’appuie sur
les dimensions économiques, légales, éthiques et justes (Caroll, 1979). Ces
précurseurs de l’éthique des affaires nous montrent déjà les comportements à adopter
dans une organisation donnée.
Puis tout s’accélère avec la mondialisation, la création de réseaux de
production élargis à l’échelle globale, la montée de l’économie numérique (Internet,
Web 2.0, réseaux sociaux…). Face à cette interconnexion croissante, les
consommateurs découvrent des processus d’injustice sociale aux quatre coins du
monde comme le travail des enfants, les « sweatshops »
4
, les problèmes
environnementaux, les scandales politiques, les excès de la finance...
Le mode de management a également évolué depuis les années 1970. Devant
les défis environnementaux et sociaux, le concept basé sur les « shareholders » ou
actionnaires laisse place à la notion plus ouverte de « stakeholders » ou parties
prenantes. La pression des salariés, fournisseurs, législateur, consommateurs et ONG
oblige de plus en plus les entreprises à respecter leurs engagements et à intégrer les
préoccupations économiques, sociales et environnementales à leur stratégie afin de
«répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre ceux des
générations futures ». Le développement durable, terme introduit en 1987 dans le
rapport Brundtland, est devenu la « starlette » des années 2000 et est aujourd’hui
largement diffusé dans les multinationales avec le plus souvent une direction éthique,
déontologique, développement durable ou encore RSE (Sanofi, Technip,
1
Approche latine les valeurs orientent les actions et les comportements des entreprises versus approche anglo-
saxonne où l’intérêt des actionnaires est de mise.
2
Emmanuel Lulin, http://www.loreal.fr/_fr/_fr/html/groupe/interview-avec-le-directeur-de-l-ethique.aspx
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Gélinier a introduit l’éthique dans un de ses livres, publié en 1965, dans lequel il fait référence à la « morale des
dirigeants d’entreprise ».
4
Ateliers dans lesquels le personnel est exploité.
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Groupama…). Cependant, il reste encore du chemin à parcourir pour que cette notion
devienne la star de la prochaine décennie
5
Jadis le questionnement éthique était limité autour du rôle de l’entreprise dans
la société et reposait sur une éthique individuelle. Aujourd’hui il touche toutes les
parties prenantes, les fonctions de gestion et c’est bien l’éthique collective avec ses
codes et chartes qui est au cœur des études.
Face aux dérives, la nécessité de dispositifs: vers une éthique formalisée
« efficace et efficiente » ?
La révolte de l’opinion publique est grande face aux multiples scandales.
L’insuffisance des systèmes de contrôle de gouvernance financière, les délits d’initiés,
les profits détournés à des fins personnels, les « golden parachutes », les retraites
chapeaux attribuées à certains dirigeants alors qu’ils avaient conduit leur entreprise à
la ruine et les rémunérations excessives liées aux affaires Forgeard (EADS), Zacharias
(Vinci), Bernard (Carrefour), Messier (Vivendi Universal)… sont des sujets polémiques.
L’affaire Madoff, les prises de risques immenses pris par certains traders
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sont encore
dans les esprits. Plus récemment, les « Madoff » de Touraine, du Boulonnais ou
encore les malversations financières touchant la famille royale d’Espagne ont fait la
Une des journaux. Ajoutons les récentes crises de grandes sociétés telles que
Wordcom, Xerox, Enron, Parmalat ou encore bien d’autres cas demeurant « cachés ».
Ces faits posent un problème de justice sociale, d’efficacité économique et laissent
entrevoir une faiblesse dans le fonctionnement des grandes firmes internationales.
Ainsi, la corruption, en englobant toutes les pratiques « inéthiques », est chaque jour
présente dans la presse. Dans ce cas, responsabilisation et raison seraient-il les
« maîtres mots » de ce début de XXI siècle ? Les Etats en sont conscients à l’image de
Nicolas Sarkozy : le capitalisme doit être refondé « sur une éthique, celle de l’effort et
celle du travail » tout en décrétant la « moralisation du capitalisme financier »
7
. Aux
Etats-Unis, l’administration Obama a annoncé un programme pour développer les
entreprises sociales. Au Royaume-Uni, David Cameron, avec sa politique « Big
Society », donne l'exemple du quartier de Balsall Heath, à Liverpool, des groupes
de citoyens organisent des patrouilles depuis 1994 pour sécuriser leurs rues.
Depuis les années 1990, des référentiels, codes de conduite, et moyens se
sont multipliés : la Global Reporting Initiative (1997) pour encourager un reporting de
développement durable ; le Global Compact (2000), le Business Ethics Index (2004)
pour mesurer les perceptions des consommateurs sur les comportements éthiques
dans les entreprises… D’un point de vue réglementaire, la loi Sarbanes-Oxley
8
a été
mise en place en 2002 à la suite du scandale d’Enron. En France, la loi sur les
Nouvelles Régulations Economiques (NRE) adoptée en 2001 oblige les grandes
entreprises à publier dans leur rapport annuel des informations relatives à leur gestion
sociale et environnementale. Outre ces multiples références, l’une des avancées les
plus significatives est certainement la mise en place de l’ISO 26000 en 2010, première
norme internationale fondatrice du Développement Durable et de la Responsabilité
Sociale des Organisation au plan éthique. Ce processus a duré cinq ans et a été
constitué par plus d'une centaine de pays impliquant l'ensemble des parties prenantes.
Elle est la synthèse de tout ce qui se fait aujourd'hui et constitue une ligne directrice.
5
Alors que les entreprises de moins de 250 salariés représentent 98 % des entreprises en France et en Europe, elles
sont encore peu impliquées dans cette démarche. Une étude menée par la commission européenne sur 7 600 PME
affirme que seulement 50 % d’entre elles sont impliquées dans des pratiques socialement responsables (Avril 2009).
Néanmoins, cette tendance évolue positivement.
6
L’exemple de deux traders qui ont fait perdre respectivement cinq milliards et deux milliards d’euros à la Société
Générale et à UBS.
7
Discours de Toulon en septembre 2008.
8
En vertu de cette loi, le concept de système d’alerte ou « whistleblowing » - outil de révélation de pratiques
condamnables et nuisibles pour l’entreprise - s’est développé dans les entreprises.
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Mais elle est encore timidement appliquée puisqu’il s’agit d’une norme volontaire et
non certifiable. Elle n'oblige pas l'entreprise à une atteinte de résultats, seulement à
une amélioration perpétuelle et continue. Pour le moment, il s’agit d’une simple
référence, on peut imaginer qu'elle prendra de l'autorité au fil des années et les bonnes
pratiques seront peut-être d'application générale dans les premières années de la
décennie 2020…
Quoi qu’il en soit, les entreprises ont commencé à saisir ce que recouvrait
l'expression « développement durable ». En 2007, la RSE est devenue une initiative
stratégique pour STMicroelectronics : « Plus de 95 % de nos salariés ont été formés à
la RSE et tous nos managers ont participé à des programmes spécifiques sur
l’éthique » selon son Président et CEO, Carlo Bozzoti. « PPR Home » a pour objectif
de publier un compte de résultat environnemental
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à horizon 2015 pour l'ensemble de
ses seize marques. Le Crédit Agricole a annoncé en janvier 2012 un don d'un million
d'euros aux Restos du Cœur pour soutenir les besoins des plus démunis. Allons-nous
vers une dynamique de « capitalisme philanthropique » ? L'Américain Bill Gates a ainsi
décidé de consacrer 95 % de sa fortune à la lutte contre les maladies et
l'analphabétisme dans les Pays du Sud. Autre philanthrope de l’histoire américaine
Warren Buffett
10
. Néanmoins, attention à ne pas confondre « business ethics » et
éthique du business et développer ainsi des mesures superficielles et partielles en
faisant du « greenwashing »
11
. Quoi qu’on en dise, de plus en plus de dirigeants
adhèrent au Cercle Éthique des Affaires
12
et/ou au mouvement ETHIC
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. Très
récemment, « l’Académie de l’Éthique » a été fondée pour influencer les
comportements futurs et pour proposer aux acteurs du monde moderne quelques «
repères » éthiques.
Ainsi, le dirigeant, en général, doit montrer un comportement irréprochable
d’exemplarité, condition sine qua non pour mettre en place une « stratégie éthique »
(Lane, 1991).
Repenser l’économie et le management : vers l’éthique professionnelle du
futur ?
Je vais à présent mener une réflexion autour de deux axes : l’économie et le
management. Ces deux champs pourraient favoriser un « capitalisme responsable et
raisonnable » à travers une éthique reconnue et acceptée.
Ne serait-il pas légitime de « repenser » le modèle économique en replaçant l’humain
au cœur de l’entreprise ?
Le capitalisme du XXe siècle est mort et celui du XXIe siècle pas encore
inventé (Guido Palazzo
14
). Ainsi, dans quelle direction aller ? Comme le disait
l’économiste et philosophe Jean Bodin, « il n’ait de richesses que d’hommes ».
L’homme est donc l’un des piliers fondateurs du système économique. Le salarié n’est
plus un employé au sens premier du terme mais un acteur actif, à dimension humaine,
de l’entreprise. La question de l’éthique d’entreprise peut être interprétée comme une
volonté de « donner un visage humain à la mondialisation » dira Kofi Annan
15
. Notons
alors que les économies occidentales sont entrées dans la transition vers l’économie
de la connaissance
16
et outre le secteur primaire, secondaire, tertiaire si cher à Jean
9
Objectif annoncé en mai 2011.
10
Warren Buffet a annoncé en 2006 son intention de donner quelque 37 milliards de dollars à des organisations
caritatives.
11
Verdir son image par la parole plus que par des mesures concrètes.
12
http://cercle-ethique.net
13
http://www.ethic.fr
14
Professeur en éthique des affaires à HEC/UNIL (Université de Lausanne).
15
Secrétaire général de l’ONU
16
Cap fixé lors du Conseil européen à Lisbonne en mars 2000.
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