Stratégies de partage et diffusion de données publiques

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Netcom
Réseaux, communication et territoires
27-1/2 | 2013
Les données environnementales en libre accès
Stratégies de partage et diffusion de données
publiques environnementales
Cas d’étude en Amazonie française et brésilienne
Sandra Nicolle et Maya Leroy
Éditeur
Netcom Association
Édition électronique
URL : http://netcom.revues.org/1265
DOI : 10.4000/netcom.1265
ISSN : 2431-210X
Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2013
Pagination : 60-87
ISSN : 0987-6014
Référence électronique
Sandra Nicolle et Maya Leroy, « Stratégies de partage et diffusion de données publiques
environnementales », Netcom [En ligne], 27-1/2 | 2013, mis en ligne le 11 juin 2014, consulté le 02
octobre 2016. URL : http://netcom.revues.org/1265 ; DOI : 10.4000/netcom.1265
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Networks and Communication Studies,
NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2
pp. 60-87
STRATÉGIES DE PARTAGE ET DIFFUSION
DE DONNÉES PUBLIQUES ENVIRONNEMENTALES :
CAS D’ÉTUDE EN AMAZONIE FRANÇAISE ET BRÉSILIENNE
NICOLLE SANDRA1, LEROY MAYA2
Résumé - Cet article se propose d’analyser les stratégies mises en œuvre en France et au
Brésil vis-à-vis de la production et de la diffusion de données de suivi de pressions anthropiques sur les
écosystèmes amazoniens, à savoir les impacts de l’orpaillage en Guyane française et du développement
agricole au Brésil. On montre qu’indépendamment de la législation en vigueur, les stratégies mises en
œuvre par les États sont très différentes et que cela influe de façon déterminante sur les
positionnements et revendications de la société civile vis-à-vis de ces données. Au cours de la dernière
décennie, le Brésil tend vers une ouverture croissante de l’accès aux données concernant la déforestation,
poussé à la transparence par la contre-expertise d’ONG nationales et par la pression internationale.
En Guyane, on constate au contraire un mouvement de fermeture des données concernant le suivi des
impacts de l’orpaillage, lié à une implication croissante des services d’État en charge de la sécurité
nationale dans le processus de suivi.
Mots-clés – Données libres, stratégie environnementale, Amazonie, Brésil, Guyane
Abstract - In this article, we analyse and compare the strategies implemented by France
and Brazil regarding the production and distribution of monitoring data concerning the impact of
human activities in an Amazonian context: gold mining impacts in French Guiana, and agricultural
development impacts in Brazil. We show that independently of the legislation, the strategies
implemented by each of the two countries are very different, with consequences on the positioning and
demands of civil society toward these data. Over the course of the last decade, the Brazilian
government showed a tendency towards the opening access to deforestation monitoring data, under the
pressure for transparency coming from national NGOs and from the international level. On the
Doctorante en sciences de gestion (option environnement), AgroParisTech, école doctorale
de l’Université Antilles-Guyane, OHM Oyapock (UPR 3456 CNRS-Guyane, UMR Ecofog,
EA 4557 MRM), [email protected]
2 Enseignant-Chercheur en sciences de gestion, AgroParisTech, EA 4557 MRM, F- 34000
Montpellier, France, [email protected]
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contrary, in French Guiana, there is a reduction of information distribution concerning gold mining
impacts, linked to an increased involvement of national security state services in the monitoring
process.
Key words - Open data, environmental strategy, Amazonia, Brazil, French Guiana
Resumo - Neste artigo, analisamos as estratégias implementadas pelo Brasil e a
França em relação á produção e divulgação de dados ambientais de monitoramento de pressões
antrópicas no contexto amazônico. Estudamos o monitoramento da garimpagem na Guiana francesa
e o monitoramento do desmatamento no Brasil. Mostramos que independentemente da legislação, as
estratégias dos governos são muito diferentes e que tem uma influência sobre o posicionamento e as
reivindicações da sociedade civil em relação aos dados considerados. Nas ultimas décadas, o governo
brasileiro abriu o acesso livre aos dados de monitoramento do desmatamento, influenciado pela pressão
de ONG’s nacionais pedindo transparência, e também pela pressão internacional. Na Guiana
francesa, ocorreu pelo contrario um movimento de bloqueio de acesso aos dados sobre a garimpagem,
vinculado com a crescente implicação dos serviços governamentais tratando da segurança nacional no
processo de monitoramento.
francesa
Palavras-chave - Dados livres, estratégia ambiental, Amazônia, Brasil, Guiana
INTRODUCTION
Le Brésil et la France ont tous deux une part importante de leur territoire en
forêt amazonienne : l’Amazonie légale brésilienne a une superficie de 5 217 423 km2
(soit environ 60 % de son territoire et 40 % concernés par le biome amazonien) et la
Guyane française est la plus grande région de France, avec une superficie de 83 846
km2 (soit environ 12 % du territoire si l’on intègre la superficie des départements
d’outre-mer) Ces deux pays font face à la pression internationale au regard de leur
capacité à préserver les écosystèmes amazoniens : le Brésil est considéré comme
principal responsable d’un patrimoine mondial inestimable qu’il convient de préserver
(Léna, 1999), et la France, en tant que pays européen, annonce la mise en œuvre d’une
gestion environnementale modèle de la forêt tropicale sur son territoire (Groupe
national sur les forêts tropicales, 2012).
Pourtant, les pressions sur ces écosystèmes sont extrêmement fortes. Au
Brésil, la pression principale est liée à la conversion massive de la forêt tropicale en
terres agricoles (Fearnside, 2008). Environ 71 millions d’hectares de la couverture
initiale de forêt amazonienne ont été détruits (données INPE 2011), causant une forte
perte de biodiversité via la destruction totale des habitats forestiers. En Guyane
française, la pression principale sur la forêt tropicale est liée aux activités d’extraction
aurifère, l’orpaillage (WWF, 2008; Charles-Dominique, 2005). Si une filière
d’extraction aurifère légale est encadrée par le code minier depuis 1998 et soumise à
certaines contraintes environnementales, une large part des impacts proviennent d’une
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filière illégale ayant des conséquences graves sur les écosystèmes (destruction des
ripisylves, destruction du lit mineur des cours d’eau, augmentation importante de la
turbidité, pollution au mercure) mais également au niveau social (climat d’insécurité,
trafics de drogue et d’armes, prostitution,…). Ces activités d’orpaillage illégal sont
alimentées par des flux de migratoires irréguliers essentiellement en provenance du
Brésil. Au Brésil comme en France, les gouvernements annoncent une prise en charge
de ces problèmes, également dénoncés par les acteurs de la société civile.
Pour suivre les impacts de ces activités sur la forêt, des dispositifs de suivi
satellitaire ont été mis en place par les autorités publiques dans les deux pays : au
Brésil, l’Institut national de recherches spatiales (INPE) suit régulièrement les
avancées de la déforestation depuis les années 1980 ; en Guyane, l’Office national des
forêts (ONF) a commencé à produire des suivis de la déforestation et de la turbidité
des cours d’eau liées à l’orpaillage depuis la fin des années 1990.
Ces données sont également importantes pour la société civile puisqu’elles
permettent d’une part de suivre l’évolution de l’état des écosystèmes amazoniens et
d’autre part d’avoir un regard sur l’efficacité des actions entreprises par les pouvoirs
publics face à ces dégradations. En outre, elles répondent à des enjeux juridiques
croissants concernant l’obligation de mise à disposition et de diffusion des données
environnementales (et a fortiori publiques) pour l’ensemble de la population
(traduction législative de la convention d’Aarhus en France, et loi n° 10 650 de 2003
au Brésil).
Considérant que la mise en lisibilité des impacts anthropiques sur un
territoire et ses écosystèmes est primordiale pour une prise en charge efficace des
enjeux environnementaux et qu’elle nécessite l’existence et la mise à disposition de
données concrètes de suivi de la qualité des écosystèmes, nous nous positionnons ici
dans une logique d’évaluation de l’action publique menée en faveur de
l’environnement, basée sur l’analyse des choix stratégiques réalisés par les acteurs
publics français et brésiliens pour la production et la diffusion de données
environnementales (Mermet et al., 2010).
Notre étude vise en particulier à analyser de façon comparée les stratégies de
production et de diffusion de données issues des suivis satellitaires réalisés par le
Brésil et la France (en Guyane) sur les thématiques de conversion agricole et
d’orpaillage en forêt amazonienne et leurs conséquences sur les stratégies des autres
acteurs intéressés par les données d’expertise produites sur l’état des écosystèmes
amazonien, principalement des organisations non gouvernementales d’environnement
(ONGE).
1. CADRAGES THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIE
Le travail mobilise principalement deux grilles d’analyse. L’analyse
stratégique de la gestion environnementale (ASGE) proposée par Mermet et al. (2005)
nous permet d’observer et d’évaluer les politiques publiques mises en œuvre au regard
d’objectifs environnementaux. On s’intéresse en particulier ici à comprendre comment
les acteurs annonçant une prise en charge des questions environnementales
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s’organisent autour de la question de la production et de la diffusion des données de
suivi des écosystèmes pour une plus grande efficacité environnementale.
Nous avons, de façon complémentaire, mobilisé partiellement une grille de
lecture proposée par Chignard (2012b), qui permet, elle, de comparer plus
spécifiquement les stratégies mises en œuvre par les acteurs en ce qui concerne la
diffusion et l’ouverture des données.
1.1. Une évaluation stratégique de la place des données dans l’action
publique en environnement
Mermet et al. (2010) proposent, en s’appuyant sur l’analyse stratégique pour
la gestion environnementale (Mermet et al., 2005), un cadre d’analyse pour l’évaluation
des politiques environnementales et des dispositifs de gestion qu’elles contribuent à
mettre en œuvre. La base de la réflexion est qu’il est nécessaire d’évaluer les politiques
annonçant une visée environnementale au regard d’objectifs clairs en termes de
résultats sur les écosystèmes. Il s’agit donc de reconstruire une analyse de situation de
gestion à partir d’une préoccupation environnementale clairement exprimée. Cela
implique d’une part de traduire les engagements politiques en objectifs concrets, et
d’autre part d’identifier les indicateurs qui permettent de suivre ces objectifs. Ces
indicateurs doivent être les plus pertinents possibles en se basant sur les données les
plus simples à produire pour avoir l’information nécessaire pour agir (Leroy, 2006;
Leroy et Mermet, 2012). Dans notre cas les objectifs environnementaux sont de
stopper la conversion massive de la forêt amazonienne pour l’Amazonie brésilienne,
et d’éradiquer l’activité d’orpaillage illégal en Guyane française. Actuellement, les
données et indicateurs mobilisés par les services publics sont principalement basés sur
l’analyse d’images satellites (Landsat et C-bers au Brésil ; Spot en Guyane).
La suite de l’analyse proposée par l’ASGE consiste à comprendre les jeux
d’acteurs influant sur l’état de l’écosystème au regard des objectifs environnementaux
retenus, en analysant d’une part le rôle des acteurs impliqués dans les processus
technico-économiques et sociopolitiques qui produisent les dommages, et d’autre part
le rôle des acteurs de changement qui développent une stratégie en faveur de la
préservation des écosystèmes.
En Amazonie brésilienne, ce cadre d’analyse a déjà été mobilisé par
Taravella (2008; 2010; Taravella et Arnauld de Sartre, 2012) pour faire un diagnostic
approfondi des processus de déforestation en Amazonie orientale et pour comprendre
les stratégies qui ont permis de limiter les dommages sur ce front pionnier en Terra do
Meio. Dans notre cas, nous proposons de nous focaliser uniquement sur la façon dont
les données produites sur les écosystèmes pour suivre l’évolution de leur dégradation
sont partagées et diffusées, en les considérant comme une ressource spécifique et
stratégique pour les acteurs d’environnement, nécessaire à l’action et à l’évaluation.
Notre analyse se concentrera sur les données publiques produites dans la prise en
charge de la déforestation liée au développement agricole et de l’orpaillage, et sur
l’influence de leur diffusion sur les stratégies des acteurs qui se mobilisent sur ces
questions.
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En effet, les engagements politiques annonçant une lutte contre la
déforestation en Amazonie sont nombreux et il est donc nécessaire d’avoir des
données permettant de suivre et quantifier l’évolution du couvert forestier.
Néanmoins, les impacts des activités humaines sur la forêt amazonienne sont
difficilement évaluables compte tenu de son immensité, de la faible densité de
population, des difficultés d’accès à la plupart des espaces. L’imagerie aérienne est
ainsi un outil particulièrement adapté pour produire de l’information dans ce contexte
(Demaze, 2002) et son utilisation en termes de moyens de contrôle des dynamiques
humaines s’est largement répandue. Les données cartographiques issues de
l’interprétation des images satellites sont donc particulièrement utiles pour le suivi des
dynamiques environnementales (Guéneau et Jacobée, 2005; Taravella, 2008). Dès lors
que ces données permettent effectivement d’évaluer les dynamiques de déforestation,
leur production devient un enjeu important et une ressource pour les acteurs agissant
en faveur de l’environnement. Dans le cas des acteurs publics en charge de ces
questions, produire soi-même les données d’évaluation de l’activité de lutte contre la
déforestation implique d’être juge et partie. Pour que ces données aient une valeur et
puissent être jugées, une transparence sur la méthodologie et une communication au
public des résultats sont nécessaires. Mais la diffusion des données, bien qu’elle soit
une obligation législative, peut s’avérer délicate, pour peu qu’elle ne montre pas
d’amélioration sensible de la situation.
La comparaison entre la France et le Brésil est ainsi particulièrement
intéressante car elle permet de mettre en évidence la façon dont les stratégies
divergentes des acteurs publics en lien à ces questions influencent la structuration des
jeux d’acteurs et leurs marges de manœuvre pour la prise en charge des questions
environnementales.
1.2. Enjeux stratégiques en lien à la production et à la diffusion de
données
Avant d’entrer dans l’analyse fine des cas d’étude, reprenons un certain
nombre d’éléments d’analyse stratégique d’une part sur les raisons qui font que la
maîtrise et le contrôle de la production et de la diffusion des données
environnementales peuvent être une source de pouvoir importante, et d’autre part sur
les motivations qui peuvent néanmoins pousser à diffuser ces données.
Le pouvoir qu’un acteur tire d’une compétence spécifique est d’autant plus
élevé que cette capacité est difficilement substituable (Friedberg, 1993, p. 134). Cela
peut être lié aux capacités scientifiques et techniques nécessaires pour produire
l’information et aux coûts qu’elles représentent. Le processus de création et de clôture
des controverses est étudié en détail par Latour (1989) dans le cas du processus de
production scientifique. Il montre que plus l’information est étayée et repose sur des
modes de production complexes, plus elle est difficile et coûteuse à contredire. Il
l’exprime ainsi : « Si nous approfondissons la discussion et atteignons la frontière ou les faits sont
fabriqués, les instruments deviennent visibles et avec eux le coût de la poursuite de la discussion s’élève
d’autant. Il apparaît que la critique coûte cher. » (Ibid., p. 169). Si aucun autre acteur n’est en
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mesure de produire une donnée contradictoire, la donnée produite est ainsi l’unique
source d’information. Dans nos deux cas d’étude, on pourra donc s’interroger sur le
degré de technicité et les moyens mobilisés par les acteurs publics pour produire des
données de suivi de la déforestation par images satellite. On pourra ensuite observer
dans quelle mesure et sous quelles conditions certains acteurs, comme des ONG
environnementales spécialisées, peuvent se donner comme mission d’ouvrir les
« boites noires », c’est à dire les faits établis considérés comme réutilisables, en
analysant de près leurs modes de production ou en les reconstruisant elles-mêmes (en
construisant leur propre « laboratoire »), pour être en mesure de rouvrir la controverse
si nécessaire ou pour pouvoir confirmer et appuyer les données officiellement
produites.
Au vu du coût que cela représente, il n’est pas toujours possible ni
souhaitable de produire des données parallèles, mais maintenir une controverse
possible, et donc une critique, implique d’avoir accès à la fois aux résultats produits et
aux processus de construction des données. Un moyen radical de bloquer la
controverse est alors de ne pas diffuser les données. Une source de pouvoir
supplémentaire est la maîtrise des informations par le blocage ou la limitation de la
capacité des autres acteurs à la mettre en doute, que ce soit sur le processus de
création ou sur les résultats eux-mêmes. C’est justement le phénomène que la
convention d’Aarhus tend à limiter en recommandant une transparence maximale sur
les données environnementales.
Mais choisir de diffuser ses données peut, au-delà de la simple obligation
législative, constituer également un positionnement stratégique. Chignard (2012)
propose une typologie de ces logiques de diffusion de données, selon qu’elles
répondent à des enjeux de transparence, de participation, et à des stratégies offensives
(mettre en avant ses pratiques) ou défensives (se justifier de ses actions). À ce stade,
nous ne nous intéresserons pas à la question de la réutilisation des données, nous
n’avons donc pas repris ici les stratégies en lien à la participation.
En se basant sur des études de cas de stratégies d’entreprises, Chignard a
ainsi identifié les 5 stratégies décrites en Figure 1.
Figure 1 : Stratégies autour de la diffusion libre des données (adapté de Chignard 2012 b)
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Stratégie
Rendre des
comptes
Datawashing
Répondre
à un enjeu
de
gouvernance
Préparer
au changement
Compenser la
qualité de
service par
l’information
Description
Certaines activités sont soumises à la pression publique et/ou au droit
de regard exercé par un régulateur de marché. L’obligation de rendre des
comptes fait alors partie des déclencheurs d’une démarche de partage et
de diffusion des données
Similaire à l’éco-blanchiment (greenwashing), le datawashing consiste à
publier des jeux de données (présentant souvent peu d’intérêt pour les
réutilisateurs) afin de se donner une image de transparence.
L’objectif est d’anticiper la demande de transparence en publiant des
données sur le fonctionnement de son activité ou de ses missions,
fournir à toutes les parties prenantes les mêmes éléments de
compréhension et d’action.
Diffuser des données peut aussi aider à préparer au changement, à poser
les bases d’un diagnostic commun. Cette stratégie peut être le miroir du
"datawashing", […] donc on restera critique quand on la verra à l’œuvre.
Pour les activités de services, le fait même de fournir une information
sur la qualité du service tend à améliorer sa perception par les usagers.
Tableau 1 : Description des stratégies identifiées par Chignard (2012 b)
Nous montrerons donc comment ces stratégies se déploient, dans le cas des
suivis de la déforestation, en Guyane et au Brésil. Mais avant de présenter ces
résultats, précisons la méthodologie de recherche mise en œuvre.
1.3. Méthodologie
L’approche de recherche que nous avons choisie est, comme nous l’avons
déjà souligné, comparative et s’appuie sur une étude de cas. La mise en place
comparée des systèmes de suivi des impacts sur les écosystèmes amazoniens, par la
France et le Brésil, implique un travail contextualisé sur les situations de gestion et les
dispositifs mis en œuvre, exigeant une présence sur le terrain, mais aussi une approche
processuelle qui permette d’examiner les différentes étapes qui ont conduit à la
construction de ces dispositifs. Du point de vue de la méthode (cf. Leroy, 2010, p.
299), la description du processus de mise en gestion et du dispositif lui-même, repose :
d’une part sur l’analyse documentaire, basée en majorité sur une
littérature grise abondante, produite principalement par les organismes impliqués dans
le dispositif. Il s’agit donc d’une production assez hétérogène à laquelle se livrent les
acteurs tout au long du processus de mise en gestion (sous des formats multiples, y
compris internet, des bases de données, etc.), mais aussi des documents auxquels ils
font référence pour justifier de leurs actions (production scientifique, expertises, etc.),
d’autre part sur un travail sociologique basé sur des entretiens
qualitatifs auprès des acteurs concernés, qui permet à la fois de comprendre les
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stratégies mises en œuvre par les organismes, et leurs évolutions en faisant appel à la
mémoire des acteurs interrogés.
Ces différentes données sont ensuite triangulées. La majeure partie des
interlocuteurs est constituée d’acteurs publics, car ce sont essentiellement les
administrations publiques, dans les deux pays, qui produisent les données écologiques
de suivi. Mais les ONG d’environnement sont également impliquées, essentiellement
au Brésil. En France, les entretiens ont eu lieu à Paris et Cayenne, au Brésil à Macapá,
Belém et Manaus. Leur durée était en moyenne de deux heures. Un équilibre a été
recherché entre les deux pays : au total 21 entretiens ont été menés principalement en
2010 et 2011, 11 en France et le reste au Brésil. En France, ils ont été réalisés auprès
des services déconcentrés de l’État concernés par la question, ainsi que des services
techniques des ministères de l’environnement, de l’agriculture et de l’outre-mer, et des
organisations non gouvernementales (une locale et une nationale. Au Brésil, les
entretiens ont été menés, auprès du directeur du centre INPE de Belém et de
différents services d’environnement fédéraux et fédérés de Macapá (État d’Amapá),
ainsi qu’auprès d’ONG d’environnement (5 entretiens, soit la moitié). Ils visaient à
comprendre (i) l’historique de la mise en place des suivis satellitaires utilisés, (ii) les
caractéristiques techniques de ces suivis et leurs limites, (iii) leur utilisation actuelle et
les routines de production de données, (iv) le cadre et les modalités de diffusion (ou
de restriction d’accès) de ces données, (vi) les enjeux stratégiques liés à leur diffusion
et les positionnements face aux autres acteurs concernés. Selon les acteurs rencontrés
et leur place dans le système, certains des axes de la grille d’entretien étaient plus
poussés que d’autres.
Nous allons maintenant présenter nos résultats. Dans un premier temps
nous exposerons en quoi consistent les suivis mis en œuvre et par qui ils sont portés,
pour nous concentrer ensuite sur les stratégies liées à leur diffusion et les
positionnements stratégiques qu’elles impliquent chez les autres acteurs
d’environnement.
2. LA CONSTRUCTION DE COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES
POUR LE SUIVI DES PRESSIONS ANTHROPIQUES
La mise en place d’un suivi spécifique pour un problème d’environnement
donné implique nécessairement qu’un acteur ait une bonne raison de s’en saisir. Au
Brésil, la pression face à la déforestation de l’Amazonie est principalement venue des
arènes internationales. Dans le premier bilan du programme de suivi, il est d’ailleurs
stipulé que «la raison principale de la création du projet vient de la grande préoccupation dont fait
preuve la communauté au niveau international et national, sur la situation réelle de la déforestation en
forêt amazonienne » (INPE, 1989, p. 5). En Guyane, s’il existe aujourd’hui quelques
suivis de la déforestation liée à l’agriculture, cela n’a jamais été considéré comme une
pression majeure par les pouvoirs publics qui l’ont au contraire encouragée. En
revanche l’orpaillage non contrôlé a été considéré comme une menace sévère à partir
des années 1990. Il est à l’origine de conflits importants dans le cadre de la mission
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pour la création du Parc national de Guyane, qui se cristallisent notamment au travers
de la problématique du mercure et de ses conséquences sur la santé des Amérindiens
(Ranoux, 2007).
2.1. Le suivi de l’orpaillage en Guyane française
Face à la recrudescence du phénomène de l’orpaillage dans les années 1990
et dans une optique de contrôle du territoire sous sa gestion, l’Office national des
forêts de Guyane (ONF) met en place une unité opérationnelle directement en charge
du suivi des activités minières et de leurs impacts, l’Unité spécialisée nature ». Ils
produisent des données GPS de suivi des activités illégales via des survols héliportés
du territoire. D’autres administrations telles que la Direction de l’agriculture et de la
forêt (DAF), la Direction de l’industrie, de la recherche et de l’environnement
(DRIRE) ou encore les forces armées produisent à ce moment également de
l’information, et les actions sont menées en partenariat, mais les données et les
systèmes de suivi sont disparates et difficilement mobilisables (Coppel et al., 2008).
Acteurs
Suivis
DRIRE
Brigade Nature ONF
Armée
Suivi des exploitations légales.
Localisation des sites lors des missions en forêt. Pas de
mandat d’intervention.
Gendarmerie
Enquêtes et interventions : destruction du matériel et
reconduction des clandestins à la frontière.
DAF
Suivi de la qualité de l’eau
Brigade Nature de l’ONF Relevés systématiques des positions GPS des sites clandestins
survolés.
Tableau 2 : Les acteurs publics producteurs de données sur l’orpaillage en 2008
Face à cette situation et au vu de travaux menés en Guyane par le CIRAD
sur le suivi des impacts de l’agriculture sur le couvert forestier par analyse satellite, la
région Guyane et l’IRD lui commandent en 2004 une étude de faisabilité du suivi de
l’orpaillage par des méthodes similaires 3 . L’étude produite met au point une
méthodologie utilisable avec des images Landsat ou Spot et prévoit d’ores et déjà la
faisabilité d’un observatoire via l’acquisition quotidienne d’images Spot liées à
l’installation prochaine à Cayenne de la station de réception Seas4 (Gond et Brognoli,
2005).
Les travaux initiaux du CIRAD concernant l’automatisation de la détection des changements
d’utilisation des sols n’ont en revanche jamais été réellement reconnus et mis en œuvre
localement, malgré des lacunes dans le domaine (comm. pers. V. Gond).
4 La station Seas est une station de réception d’images satellites Spot implantée au centre IRD
de Cayenne depuis 2005.
3
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
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À la suite de cette étude et en s’inspirant de la méthodologie, l’ONF Guyane
décide de solliciter le CIRAD pour bénéficier d’un transfert de compétences et publier
conjointement une synthèse des données disponibles, complétées d’analyses
satellitaires, sur l’évolution des impacts de l’orpaillage entre 1990 et 2006 : le bilan
patrimonial (ONF, 2006). Il met notamment en évidence deux types d’impacts
principaux : d’une part les linéaires des cours d’eau impactés, c’est à dire présentant
une forte turbidité, conséquence de l’extraction alluvionnaire (destruction des lits
mineurs) et d’autre part les surfaces déforestées liées à la destruction des ripisylves.
Cette production de cartes a permis de « faire prendre conscience aux acteurs politiques de
l’étendue des dégâts causés à l’environnement » et de « réfléchir de façon pertinente sur les outils
complémentaires pour améliorer la gouvernance territoriale » (Gond, 2009).
« Fort de ses compétences environnementales et de l’expertise en géomatique développée à
l’occasion du « bilan patrimonial de l’activité minière », l’ONF se positionne désormais comme un
acteur majeur de la mise en place d’un Observatoire de l’Activité Minière en Guyane » (Joubert et
al., 2008), qui vise à regrouper et coordonner en continu l’ensemble des données
produites par les acteurs concernés par la lutte contre l’activité minière illégale (voir
encadré 1). Il serait notamment alimenté en continu par des images satellite traitées
rapidement par l’ONF, indiquant les zones d’activité de l’orpaillage illégal, et facilitant
la lutte pour la gendarmerie et l’armée. En effet, la lutte contre l’orpaillage illégal, qui
représente plusieurs milliers de personnes en provenance des pays voisins, devient
progressivement un enjeu important en termes de sécurité nationale.
Soutenu par la préfecture, l’ONF coordonne dès lors le montage du projet,
tant pour la recherche de financements que pour l’architecture du serveur FTP qui
permet un partage des données limité à un groupe d’acteurs restreint.
L’ONF s’est donc constitué une compétence technique à la fois dans le suivi des
impacts et dans la structuration des interactions entre les partenaires du projet. Le
projet n’a cependant pu être mis en œuvre que lorsque les acteurs force de proposition
(CIRAD, ONF) ont traduit les enjeux techniques et environnementaux en enjeux
sécuritaires et de préservation de la souveraineté nationale auprès de la préfecture, de
la gendarmerie et des forces armées. S’agissant d’une mise en commun des données
d’une grande partie des services déconcentrés de l’État, et au vu des enjeux
sécuritaires, c’est la préfecture qui est alors devenue pilote du dispositif.
70
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
Figure 2 : Synthèse cartographique produite en 2006 sur l’évolution des impacts de l’activité
minière (ONF, 2006). En Rouge figurent les surfaces impactées par l’orpaillage (zones déforestées) et
en jaune, les linéaires aval des cours d’eau potentiellement impactés.
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Encadré 1 : l’observatoire de l’activité minière - OAM (adapté de Nicolle, 2010)
Le principe de fonctionnement de l’observatoire est simple : un serveur FTP sécurisé5 installé à
la préfecture permet de centraliser les données sur l’orpaillage illégal, produites par les
différents organismes concernés de Guyane. Chacun de ces organismes a un système
d’information géographique configuré pour que tous les fichiers diffusés soient compatibles
entre eux et lisibles par tous.
Les acteurs concernés sont représentés en figure
3 ci-contre. Leur participation à l’observatoire est
de 5000 € par an. Chaque partenaire est lié à la
préfecture par une charte. Les droits d’accès à
l’information sont définis pour chaque donnée
produite, par le producteur. Le principe est donc
une mise en commun d’informations, avec
l’apport régulier de flux actualisés permettant les
opérations de lutte contre l’orpaillage illégal.
Ainsi, grâce au traitement d’images satellites
récupérées à la station Seas, et confirmées par
des
missions
de
terrain
héliportées
(gendarmerie/ONF), les localisations de sites
d’orpaillage illégaux sont transmises en près de 4
jours sur la plate-forme et peuvent être utilisées
pour les interventions armées sur les sites.
Il s’agit du premier degré de confidentialité, lié à
Figure 3 : Les acteurs de l'observatoire de
l’aspect opérationnel rassemblant forces de
l'activité minière de Guyane
l’ordre, préfecture et ONF (cercle intérieur).
C’est seulement dans un second temps, une fois les opérations armées réalisées que les autres
acteurs (cercle externe) ont accès aux données. Le BRGM est uniquement fournisseur et ne
prélève rien. Pour observer le bon fonctionnement de cet observatoire, un modérateur du
serveur est affecté à mi-temps à la préfecture : il gère les droits d’accès et apporte son
assistance face aux problèmes informatiques ou procéduraux rencontrés par les acteurs. Un
outil de gestion installé sur le serveur permet de suivre l’utilisation qui en est faite par les
différents acteurs et détecter d’éventuels dysfonctionnements qui ne seraient pas signalés
(baisse de l’utilisation,…). En parallèle, une animation du réseau est menée par l’ONF
(formation, assistance), ainsi qu’un soutien opérationnel (réalisation occasionnelle de cartes
opérationnelles en aide aux forces de l’ordre...). Ce système qui, au bout de deux ans de rodage,
fonctionne plutôt bien aux dires des acteurs rencontrés, présente encore aujourd’hui des limites
importantes (entretien ONF 2011) : par exemple le turn-over des personnels (tous les 3 mois
pour les militaires) concernés implique des efforts conséquents de maintenance des capacités
de fonctionnement du système (formation, réinitialisation des codes d’accès...) et nécessite une
présence en continu.
C'est-à-dire un espace sécurisé disponible sur internet sur lequel un nombre donné
d’organisations ou d’individus identifiés nominalement peuvent déposer et télécharger des
fichiers. La sécurisation rend le site inaccessible à la société civile.
5
72
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
Les mêmes traitements d’images, complétés par des missions héliportées,
permettent ainsi de remplir deux objectifs principaux : ils constituent un système
d’alerte à destination des forces de l’ordre (principalement via le suivi de la turbidité)
et à plus long terme (annuel) ils permettent d’avoir une évaluation environnementale
de l’évolution des impacts liés à l’orpaillage en Guyane (turbidité et déforestation).
Si c’est l’objectif environnemental qui a été à l’origine des méthodologies
développées par des organismes de recherche (CIRAD, IRD) et techniques (ONF), ce
sont les enjeux sécuritaires qui ont été déterminants pour la mise en place du dispositif
de suivi. Cet observatoire profitant de l’apport quotidien des images Spot, devient un
outil opérationnel de la lutte contre l’orpaillage illégal permettant de fournir des
informations stratégiques pour les actions des forces armées.
Ainsi le choix d’un groupe restreint de partenaires impliqués dans la lutte
contre l’orpaillage illégal, le pilotage de l’observatoire par la préfecture et l’aspect
stratégique que prend l’outil redistribue les cartes au regard de l’utilisation qui peut
être faite des données. Avec les enjeux liés à la lutte armée, les services d’État ont
verrouillé l’accès à l’information, qui n’est diffusée qu’au niveau du gouvernement
central (Ministères de l’environnement, de l’agriculture, de l’outre-mer, direction
générale ONF). L’ONF n’a donc plus à ce stade de prise sur la diffusion de
l’information qu’il produit, même s’il reste un acteur incontournable du dispositif au
regard des compétences et moyens humains mobilisés pour réaliser le suivi.
1996
2001
Création de l’unité spécialisée nature à l’ONF
Début des travaux en détection satellitaire automatisée de la déforestation –
Valéry Gond (CIRAD)
2002-2004 Mise en place de la station de réception d’images satellite SPOT – Station SEAS
à l’IRD
2004
L’IRD et la Région Guyane commandent une étude de faisabilité de suivis
satellites de l’orpaillage au CIRAD
2005
Convention entre le CIRAD et l’ONF pour opérationnaliser la méthode
2006
Publication du bilan patrimonial
2008
Mise en place de l’observatoire de l’activité minière, piloté par la préfecture
Figure 3 : Synthèse chronologique de la mise en place du suivi des activités d’orpaillage
Tant en Guyane qu’en France métropolitaine, il existe des instituts de
recherche ayant accès aux images satellites et disposant des compétences pour réaliser
des contre-expertises, notamment à l’IRD. Néanmoins ces instituts sont généralement
peu intéressés par l’aspect de veille environnementale et de routinisation des suivis,
dès lors que l’innovation technique n’est plus l’enjeu majeur. En dehors de l’État,
l’importance des suivis est plutôt portée par les associations environnementales de
Guyane. Ces dernières sont de petites organisations, beaucoup moins fortes et
structurées que les ONG au Brésil. Globalement, les questions environnementales de
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
73
Guyane sont relativement peu relayées par la population locale 6 , et quelque peu
marginales au regard des préoccupations des acteurs métropolitains.
2.2. Le suivi de la déforestation par les institutions publiques au Brésil.
Le Brésil a commencé à réaliser des suivis de l’Amazonie dès les années
1970. Les premières grandes campagnes de collecte d’images aériennes, couplées à de
la technologie radar avaient pour but principal la mise en valeur de l’espace
amazonien, c’est à dire son exploitation économique (Pereira et de Menezes, 2007;
Tricart, 1975). Une première carte de la déforestation est produite à cette époque.
Mais dans les années 1980, la pression internationale a conduit à mettre en
place des dispositifs de suivi régulier de la déforestation. “ Un astronaute qui était en orbite
a pris une photo d’un incendie immense au Rondônia. Ça faisait un panache qui cachait presque tout
l’État du Rondônia. C’était quelque chose de tellement grand que ça a causé une très grande pression
internationale, comme quoi le Brésil était en train de dévaster toute l’Amazonie et qu’il n’y avait
aucun contrôle là dessus. Et des chiffres sortaient, que la moitié de l’Amazonie était dévastée ou un
dixième ou un cinquième, une confusion, une confusion de nombres. Alors on a de nouveau demandé
à l’INPE d’actualiser la carte.” (Entretien INPE).
À partir de 1988, l’INPE (Institut national de recherches spatiales) produit
alors un suivi annuel des taux de déforestation en Amazonie brésilienne : c’est le
programme PRODES (projet d’estimation de la déforestation en Amazonie). Les
calculs étaient réalisés manuellement sur des images satellites mais, selon Câmara et al.
(2006) aucun document écrit ne retrace précisément la méthodologie alors adoptée. Le
premier rapport de PRODES est produit comme contre-expertise des estimations
étrangères des taux de déforestation de l’Amazonie (Fearnside, 1990). Il se base sur les
données actualisées ainsi que sur des données produites par des projets antérieurs, afin
de faire une rétrospective de la déforestation depuis 1975, par États, et de démontrer
que les estimations internationales des taux de déforestation de l’Amazonie sont
largement surestimées (INPE, 1989). À travers le projet PRODES, le Brésil met ainsi
en place « une politique de souveraineté informationnelle » (Gautreau, 2012).
À partir de 2002, le projet PRODES digital est lancé pour mettre en place
une nouvelle méthodologie basée sur la photo-interprétation d’images satellites
Landsat (complétées par d’autres satellites depuis 2005). Ces images d’une résolution
de 30 m permettent de détecter les zones déforestées à partir de 6,25 ha. Elles sont
gratuites et accessibles à tout individu. L’INPE réalise les analyses de déforestation et
les diffuse annuellement. En revanche, les images Spot utilisées en Guyane, certes de
Récemment, le collectif « les hurleurs de Guyane », portant sur la scène publique la question
de
l’orpaillage
illégal,
semble
néanmoins
prendre
de
l’ampleur.
Voir
http://www.guyaweb.com/les-hurleurs-disent-non-a-l’indifference/, consulté en novembre
2013.
6
74
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
plus haute définition, ne sont gratuites que pour un nombre d’acteurs limité, et
uniquement dans le cadre de projets spécifiques7 bénéficiant à la Guyane.
Mais si le PRODES permettait de produire des bilans a posteriori, il était
insuffisant pour permettre une réaction des services de police environnementale
(Entretien INPE). Alors, en 2004, le système DETER (Détection de la déforestation
en temps réel) est lancé et permet de réaliser un suivi bimensuel de la déforestation sur
des images produites par les satellites C-bers. Bien que moins précis (limite de
détection à 25 ha), il permet de constituer un système d’alerte régulier pour le repérage
des grosses zones de déforestation. Les alertes sont transférées aux services
opérationnels de l’environnement (IBAMA, ICMBio, secrétariats de l’environnement
des États fédérés)8 qui peuvent orienter leurs missions de contrôle en fonction des
informations reçues.
En raison de l’ennuagement important de l’Amazonie sur une grande
période de l’année, les données de PRODES sont produites sur des images
correspondant aux mois les moins ennuagés dans les régions où la pression de
déforestation est la plus forte (les meilleures images autour du mois d’août sont
sélectionnées). Dans les cas où le temps manque pour finir la digitalisation des zones
déforestées, l’INPE se concentre sur les espaces les plus impactés l’année précédente
(Câmara et al., 2006).
La précision du suivi est faible par rapport à celle du suivi de l’orpaillage
réalisé sur les images Spot en Guyane française (résolution de 5 m). Mais elles sont à la
mesure des processus dommageables qui déterminent la gestion effective de ce
territoire. En effet, compte tenu des pressions immenses en termes de superficie de
forêt convertie sur les fronts pionniers amazoniens, les images Landsat ont une
résolution suffisante face à l’ampleur du problème combattu sur les fronts pionniers.
Dans l’État brésilien d’Amapá, frontalier de la Guyane, par contre, la pression de
déforestation est moindre. De plus, c’est une zone plus ennuagée et dont la période
d’ennuagement maximal est décalée de quelques mois par rapport au reste de
l’Amazonie brésilienne. Dans ces conditions, avec des zones déforestées beaucoup
plus petites, ce suivi n’est pas suffisamment précis pour fournir des données fiables
(taux sous-estimés de déforestation). Une expertise complémentaire est donc
directement menée au niveau des autorités environnementales d’Amapá (Amapá SEMA, 2011). Le service télédétection du Secrétariat de l’environnement réalise des
suivis similaires à ceux du PRODES, mais en se basant sur des images du mois de
Septembre qui correspond aux mois les moins ennuagés dans cette région. À l’échelle
de l’Amazonie, l’INPE a ainsi constitué un système opérationnel reconnu au niveau
international pour le suivi de la déforestation amazonienne. Nous verrons dans la
partie suivante que l’accès libre aux images satellites ainsi que la libre diffusion des
Voir
conditions
d’accès
aux
données
sur
https://www.seasguyane.org/seasguyane/index.htm.
8 L’IBAMA est l’institut brésilien de l’environnement au niveau fédéral, et l’ICMBio (Institut
Chico Mendes de la biodiversité) est l’administration en charge de la gestion des espaces
protégés fédéraux.
7
75
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
résultats de l’INPE permet au public et aux ONG de s’en saisir et de produire euxmêmes aussi des données sur la déforestation.
Finalement, tant en Guyane pour la question de l’orpaillage, qu’au Brésil
pour la conversion en terres agricoles, les pouvoirs publics ont été capables de
développer des compétences spécifiques et évolutives, basées sur des technologies
adaptées au milieu amazonien, permettant de suivre l’évolution des impacts sur les
écosystèmes. Dans les deux cas, cela s’est fait notamment en réponse à une pression
externe : pression internationale dans le cas du Brésil, pression locale via la
médiatisation du problème de l’orpaillage dans le cas de la Guyane. Ces compétences
sont mises au service des organes institutionnels de lutte contre les dégradations
environnementales (IBAMA au Brésil, force de l’ordre en Guyane) via la création d’un
système d’alertes satellitaires.
Les méthodologies de production des données utilisées sont décrites
précisément dans la littérature scientifique. Elles sont également reconnues comme
pertinentes par les ONG d’environnement tant en Guyane qu’au Brésil. Elles
permettent de produire, outre un outil opérationnel d’action de lutte, une évaluation
continue de l’état des écosystèmes et donc de l’efficacité des politiques
environnementales mises en place.
Mais dans les deux cas, l’État produit lui-même les données d’évaluation de
son activité de lutte contre les pressions environnementales, devenant ainsi juge et
partie. Nous avons précédemment souligné qu’une grande transparence, tant sur la
méthode que sur les résultats, permet la réalisation d’une éventuelle contre-expertise,
ce qui est alors particulièrement important pour conférer aux données une validité
externe.
Analysons donc maintenant les modalités de diffusion des données
environnementales dans les deux cas.
3.
STRATÉGIES
DE
ENVIRONNEMENTALES
DIFFUSION
DES
DONNÉES
La partie précédente a montré le rôle prépondérant des institutions
publiques dans la production de l’information sur la déforestation, que ce soit au
Brésil ou en Guyane française. Ces données sont des données sensibles9 pour les États
car elles rendent compte des résultats des actions de luttes qu’ils entreprennent pour
remplir leurs engagements. Susceptibles d’être jugés sur la base des informations qu’ils
produisent, la diffusion des données peut ainsi s’avérer délicate et devient un enjeu
important. Dans le même temps, il s’agit bien du type de données concernées par
l’accès du public aux informations environnementales mentionnées par la convention
Pris au sens large (données dont la diffusion est jugée délicate), et non au sens juridique du
terme.
9
76
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
d’Aarhus. Nous allons voir maintenant que les stratégies des deux États sont très
différentes concernant la diffusion de leurs données. Cela implique en réaction un
positionnement et des stratégies spécifiques des ONG environnementales pour qui
ces informations sont particulièrement importantes.
3.1. La diffusion des données concernant l’orpaillage illégal en Guyane
française.
Le principal outil de communication de l’Observatoire de l’activité minière
(OAM) est un rapport avec un support cartographique présentant les impacts de
l’orpaillage (cours d’eau impactés et surfaces déforestées). Il est diffusé annuellement
auprès des ministères financeurs (Agriculture, Développement durable, Outre-mer,
Défense), et auprès de quelques autres organisations au niveau national (ONF, Bureau
français de l’Union internationale pour la conservation de la nature par exemple).
Toute demande externe à ces organisations nécessite une autorisation spécifique du
préfet. Après 2006 (publication du bilan patrimonial par l’ONF), aucun de ces
rapports n’a été communiqué officiellement à la société civile en Guyane française et
ce malgré des demandes répétées des ONG, dont notamment le WWF Guyane et
Guyane Nature Environnement.
Pourtant, certains des acteurs impliqués dans l’OAM (Parc amazonien de
Guyane, DEAL - « Service environnement », ONF moyennant certaines conditions)
ainsi que la plupart des représentants des ministères interrogés (Développement
durable, Outre-mer, Agriculture) ne voient pas d’inconvénient à la diffusion de ces
informations, moyennant l’attente d’un laps de temps suffisant pour ne pas léser
l’intérêt stratégique lié à l’intervention armée. Mais la préfecture, la DEAL – « Service
des mines » et la gendarmerie font partie des opposants locaux à la diffusion de
l’information.
Les raisons les plus fréquemment invoquées au cours des entretiens sont : (i)
la sensibilité10 des données au regard des actions de police, (ii) la volonté d’éviter de
donner des éléments susceptibles de guider les choix des clandestins en terme de
zones prospectées, (iii) la peur de la déformation médiatique et d’une déstabilisation
accrue du rôle de l’État en Guyane, (iv) la peur d’une démotivation des forces de
police au regard de résultats non probants.
Pourtant, ne pas communiquer ces informations, même sous une forme qui
pourrait être moins précise que celle utilisée pour l’intervention de terrain, et dans un
laps de temps suffisant pour en atténuer la portée stratégique, revient à priver la
société civile, et donc l’ensemble des citoyens, de tout moyen de porter un regard
externe sur les atteintes à leur environnement. Au vu de la technicité des compétences
mobilisées, l’État a acquis un pouvoir important par la maîtrise de l’information. Ne
Les données sur l’orpaillage ne sont pas des données sensibles au sens juridique du terme,
mais une partie des acteurs guyanais estime que leur diffusion, même ultérieure aux
interventions, serait préjudiciable à l’efficacité des actions de police menées.
10
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
77
pas diffuser les données permet de se soustraire à la critique puisque aucune autre
partie intéressée ne se donne les moyens de refaire ce travail déjà réalisé ou de
produire les contre-expertises. D’autant que contrairement au Brésil, les données
satellites sont difficiles à obtenir et doivent dans la plupart des cas être achetées à un
prix élevé4.
Le Parc amazonien de Guyane – Parc national – a, lui, une stratégie à part. Il
fait partie intégrante de l’observatoire de l’activité minière et les mêmes conventions le
lient à la préfecture, mais il prend des libertés concernant la communication des
données sur son territoire d’intervention. En effet, l’orpaillage est pour le parc un des
facteurs bloquant son intégration sur le territoire. Il est donc essentiel pour lui de
pouvoir communiquer sur l’évolution du contrôle de l’activité aurifère. « Le parc prend
le droit de diffuser cette information. Ce sont nos sujets environnementaux. […] Dans nos missions
on considère qu'on a le droit, c'est notre responsabilité, on a une mission de préservation de
l'environnement, de suivi des patrimoines naturels, de connaissance des territoires. Ne pas
communiquer là dessus, ne pas livrer ces éléments d'information là ce serait hypocrite et contre
productif par rapport à nos missions. » (Entretien PAG 2012). De part leur contribution
financière aux missions et la construction de leur propre dispositif logistique (survols,
suivis de qualité de l’eau), ils s’estiment légitimes à diffuser cette information11 depuis
fin 2011 pour faire pression sur le dispositif Harpie (opérations armées) et prioriser la
lutte contre l’orpaillage sur les territoires du parc par rapport au reste de la Guyane.
Un autre acteur important est le bureau Guyane du WWF France. Depuis
l’arrêt de la communication sur les données d’orpaillage, ils font des demandes
régulières à la préfecture pour avoir accès aux informations environnementales en
question. « C’est une chose pour laquelle on se bat parce qu’on pense que la question de l’orpaillage
illégal est une question très complexe à première vue, et même à deuxième vue complètement sans
solution. Donc on pense que c’est très important que la société civile soit impliquée là dedans et au
moins ait entre les mains des éléments pour savoir si l’activité est en augmentation ou en diminution.
Aujourd’hui on n’a aucun moyen de le faire. » (Entretien WWF Guyane, 2012). En réponse,
ils tentent donc de produire des analyses parallèles. Cela passe par la production de
cartes, de communiqués de presse, la réalisation de missions de terrain pour saisir
l’atmosphère locale dans les villages impactés par l’orpaillage.
En 2010, ils ont produit une cartographie sur les impacts de l’orpaillage à
l’échelle du plateau des Guyanes (WWF, 2010) dont la réalisation a paradoxalement
été confiée à l’ONF. Cette première étude ne mobilise pas de données plus récentes
que celles déjà communiquées en 2006, mais les replace dans le contexte régional et en
fait un outil de communication important. Plus récemment, le WWF a publié une
étude, dont la réalisation a été confiée à un bureau d’étude local, visant à « estimer la
part de l'orpaillage illégal dans les impacts liés aux activités d'extraction aurifère, en recoupant les
données de déforestation avec les titres miniers et en considérant comme illégal tout ce qui ne peut pas
raisonnablement être considéré comme potentiellement légal » (WWF 2013). L’étude est basée sur
des données de 2008. Ce rapport couvre deux objectifs principaux : d’une part
Sous la forme de cartes des surfaces impactées et des linéaires de cours d’eau touchés au sein
du territoire concerné par le par cet en bordure immédiate .
11
78
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
montrer qu’il est nécessaire de produire des analyses claires sur les contributions des
activités légales et illégales vis-à-vis des pollutions, tout en identifiant les zones où les
limites entre ces deux activités sont difficiles à établir du moins géographiquement ;
d’autre part, cela permet de mettre en exergue l’intérêt d’avoir des données officielles
plus récentes pour réaliser l’étude car « l’orpaillage illégal est un phénomène extrêmement
plastique et capable de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte (notamment répressif), les
conclusions d’une telle étude sont forcément fragiles du fait du caractère ancien des seules données
rendues disponibles ». Cette étude s’avère également intéressante d’un point de vue
méthodologique car les méthodes de calcul utilisées sont différentes et
complémentaires de celles mobilisées par les services d’État (WWF Guyane, 2013).
Le bureau national de WWF France assure le relais et la diffusion plus large de cette
information pour faire écho aux demandes locales, à savoir principalement la mise en
place d’un observatoire en open data des activités illégales en Guyane française (WWF
France, 2013).
On a donc ici une confrontation de logiques sur la question de la diffusion de
données. L’État détient une expertise et des moyens supérieurs à ceux du WWF pour
l’établissement des suivis réguliers des dynamiques de dégradation des écosystèmes
mais ne diffuse pas l’information. Pour limiter ce monopole, le WWF produit des
informations, en se basant sur d’anciennes données de l’ONF, qui sont moins
pertinentes car décalées dans le temps mais qui ont pour but de montrer des
problèmes et d’alimenter un débat qui autrement ne pourrait avoir lieu.
En Guyane, les images satellites Spot ont été choisies en raison de leur
caractéristiques techniques et de leur disponibilité accrue via la station Seas, mais
n’étant pas libres d’accès pour tous les utilisateurs potentiels, et les ressources
humaines compétentes et intéressées à la question étant peu nombreuses, globalement
la possibilité de construire un dispositif parallèle ou une contre-expertise est limitée.
Aujourd’hui ce n’est donc pas la méthodologie utilisée pour la production de données
qui est mise en cause par la société civile, mais bien la diffusion des données existantes
3.2. La politique de diffusion des données au Brésil concernant la
déforestation.
Au Brésil, on l’a vu, les données concernant la déforestation sont également
des données extrêmement sensibles pour l’État. Ces données sont produites depuis
1988, et elles sont rendues publiques depuis 2003. Le Brésil, pourtant au centre de
l’attention mondiale concernant l’évolution de la déforestation amazonienne, a ainsi
fait le choix de s’exposer à la critique, en rendant publiques les données qui peuvent
lui être préjudiciables. Cette transition est mise en avant par Câmara et al., (2006, p.3)
pour les aspects de gouvernance qu’ils impliquent : « Il faut se souvenir que l’INPE n’a
commencé à diffuser les cartes numériques qui décrivent la déforestation qu’à partir de 2003. Jusque
là, cette information était restrictive et non accessible, y compris pour les autres organes
gouvernementaux, ce qui a eu de graves conséquences puisque cela a beaucoup réduit la capacité du
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
79
gouvernement et de la société à lutter contre la déforestation. 12 » L’analyse ici est bien que la
diffusion de l’information permet d’augmenter l’efficacité du gouvernement et de la
société pour lutter ensemble. On est dans une rupture totale de vision et de stratégie
au regard du cas français, qui voit les autorités publiques (services techniques,
préfecture) comme étant en charge pour la société du problème à gérer, et qui craint
une diffusion directe de l’information à la société civile.
En outre, rappelons que contrairement aux images Spot, les images Landsat
ou C-bers utilisées pour les suivis annuels ou bimensuels sont totalement libres
d’accès, ce qui laisse, au Brésil, une grande liberté à la société civile pour produire et
vérifier l’information. Si l’on reprend les termes de Latour, fabriquer un « antilaboratoire », c’est à dire se donner les moyens de produire une information
scientifique en répétant ou modifiant le protocole n’est dans ce cas pas très coûteux : il
suffit d’être en mesure de mobiliser les compétences techniques nécessaires.
Au Brésil, la récupération et le traitement des données par d’autres acteurs
sont considérés comme quelque chose de positif, qui non seulement permet une
participation importante de la société civile aux suivis de la déforestation, mais qui par
là-même améliore la qualité de l’information satellite traitée. “C’est criant, j’ai commencé à
travailler dans la télédétection il y a 20 ans, en 1991, et quand tu vois combien la communauté
scientifique produit aujourd’hui de technologie et à quel point la société l’utilise. [...] Mais cette
démocratisation des données, elle permet que tout le monde s’empare de cette information, alors c’est un
investissement qui pour la société n’a pas de prix. » (Entretien INPE)
Pour aller plus loin encore, l’INPE fait de la transparence de ses données
une ligne de conduite garantissant la liberté vis-à-vis de l’État et souhaite en faire un
enseignement à l’extérieur du Brésil. Le directeur de l’INPE à Belém précise qu’il
insiste auprès des techniciens qu’il forme en Afrique : “ Vous devez avoir de la
transparence, c’est la transparence qui va garantir votre efficacité. Je sais que ça va être difficile, votre
gouvernement ne voudra pas toujours être transparent, mais la transparence va vous protéger, parce
que le jour où votre gouvernement voudra en finir avec votre projet, si le projet est transparent, il ne
pourra pas l’arrêter parce que toute la communauté va protester. Maintenant si ton projet est fermé
[sans communication vers l’extérieur], il l’arrête quand il veut.” (Entretien INPE)
C’est cette stratégie de récupération et de traitement propre des données
scientifiques pour lutter contre la destruction de l’Amazonie, que développe l’ONG
environnementale brésilienne, IMAZON13. Elle produit mensuellement des données
comparables à celles du dispositif d’alerte DETER, en se basant sur les images du
même satellite, et en utilisant une autre méthodologie de traitement d’images.
Contrairement au WWF Guyane, sa plus-value n’est pas dans la création d’une
méthode innovante pour analyser des données déjà produites, mais dans la reprise du
processus de traitement des images dès le début via une méthodologie qui lui est
propre. Ses résultats sont disponibles en ligne et l’IMAZON met également en place
un système d’alertes ouvert à tous, qui permet à n’importe qui d’être informé par
téléphone ou par mail des nouvelles zones déforestées. L’IMAZON se positionne
12
13
Traduction des auteures
http://www.imazon.org.br
80
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
donc tout à la fois en soutien et en contrôle de l’information publiée par les
organismes nationaux (cf. Encadré 2). Voici un extrait d’un entretien 14 réalisé par
Afonso Capelas Jr. de National Géographic Brésil auprès de Carlos Souza, chercheur à
l’IMAZON.
Encadré 2
“Quel est le rôle de l’IMAZON dans le contrôle de la forêt ?
L’ONG se donne pour fonction de compléter les informations officielles de
l’INPE, qui est un organe gouvernemental. Le SAD (système d’alerte de la déforestation) a été
créé pour permettre la détection de la déforestation et augmenter la transparence des
informations officielles. En effet, avoir deux systèmes de suivi est une bonne chose parce qu’il
s’établit une pression salutaire sur le gouvernement pour qu’il n’arrête pas de publier ses
informations à la société. En plus de ça, cela force les institutions à améliorer en permanence
leurs systèmes. Pour autant, ensemble, l’INPE et l’IMAZON avancent dans le but de suivre
l’intervention humaine sur la forêt et d’en produire des rapports actualisés chaque mois.
Le Brésil est-il le seul pays à détenir cette technologie ?
Non, la technologie existe dans plusieurs pays et on a nous-même importé
beaucoup de choses. Ce qui différencie le Brésil c’est l’utilisation de cette technologie sous
forme opérationnelle. [...] Un autre aspect positif est que le Brésil est exemplaire pour la
transparence des données de déforestation et la mise à disposition des images et logiciels pour
le traitement des données satellites, sous l’impulsion de l’INPE. Il est ainsi un modèle pour les
autres pays. Les informations que l’INPE gère sont extrêmement importantes pour la
discussion avec toute la société et pour rendre des comptes, là, à l’étranger, sur la façon dont
on traite l’Amazonie.”
S’il y a bien une notion de pression sur l’État, elle n’est pas vue comme
négative, mais comme une garantie de la qualité des informations et méthodologies
communiquées, comme une forme de coopération et de co-construction pour un
objectif qui sera mieux rempli à plusieurs, et comme une façon de maintenir en place
les systèmes publics de suivi. L’INPE lui-même produit des analyses comparatives des
résultats obtenus par les deux méthodes (Escada et al., 2011) - certes pour prouver la
supériorité de sa méthode sur celle de l’IMAZON - mais s’obligeant par là même à
avoir un regard critique sur les résultats et méthodologies employées. En parallèle, la
confirmation des résultats de l’INPE par l’IMAZON constitue au niveau national et
international une forte garantie de la fiabilité des résultats. Au bilan, l’IMAZON luimême reconnaît l’excellence de la transparence des données de déforestation
produites par l’INPE, tout en se réservant les moyens d’émettre des critiques,
notamment au regard de l’explicitation des méthodologies employées pour fournir les
données15.
14 http://planetasustentavel.abril.com.br/noticia/ambiente/tecnologia-contra-desmatamento-
647212.shtml
15 Journal « Estado de São Paulo » : http://www.jornaldaciencia.org.br/Detalhe.jsp?id=54075,
consulté en février 2013.
NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013
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DISCUSSION
Un premier constat est qu’au delà de l’obligation législative de mise à
disposition des données, les stratégies concrètement mises en œuvre par les différents
acteurs publics sont très différentes, et qu’elles vont avoir des effets déterminants sur
les stratégies déployées par les ONG d’environnement qui s’adaptent au
comportement des services étatiques. Ces derniers restent dans tous les cas les
principaux producteurs de l’information, mais il est plus facile de monter une contreexpertise dans le cas brésilien que dans le cas français.
En effet, en Guyane les services d’État ont un pouvoir central lié à leur
haute compétence technique formée en alliance avec la recherche et peu partagée,
ainsi qu’une maîtrise presque totale des flux d’information. Au Brésil la mise à
disposition des données et l’accès facilité aux moyens de les reproduire assurent une
transparence accrue et une forte légitimité aux données. En Guyane, ce n’est pas tant
la qualité des données produites qui est remise en cause, mais bien la possibilité de
discuter les résultats et de contribuer à la réflexion sur la lutte contre le problème de
l’orpaillage illégal.
Nous proposons de replacer sur le graphe proposé par Chignard (2012b) les
différentes logiques de diffusion de l’information rencontrées dans ces deux cas
(Figure 4).
En Guyane nous sommes dans un cas « limite » pour utiliser cette grille
d’analyse, puisque les services de l’État n’ont en majorité pas de volonté de diffuser les
données. Leur système de gouvernance, qu’il serait plus juste de qualifier de
gouvernement, s’appuie sur les principes de gestion de l’État français qui met la
préfecture en responsabilité au centre du dispositif. La logique d’une
« gouvernance partagée » pour gérer les problèmes d’environnement n’est pas un
enjeu ici, bien moins que ce qui est vécu comme prioritaire : la sécurité du territoire.
Les services de l’État ne sont donc pas offensifs sur ce point, ils sont même
particulièrement défensifs.
S’il faut rendre des comptes au sein du système de gestion des données, c’est
d’abord à la hiérarchie au sein des services de l’Etat qui porte l’intérêt général, mais
pas à la société civile. Cette logique est d’autant plus défendable aux yeux des services
publics que le dispositif est moins un dispositif de gestion de l’environnement qu’un
dispositif de gestion de la sécurité du territoire, même s’il cherche à afficher les deux
objectifs comme complémentaires. Il y a fondamentalement, et le processus de
partage de l’information le rend lisible, un déplacement de l’objectif de gestion et des
enjeux à relever.
Le Parc amazonien de Guyane, compte tenu de son statut d’espace protégé
et ses finalités environnementales affichées, mais n’ayant pas le contrôle de la lutte
contre l’orpaillage sur son territoire, a besoin, lui, de rendre des comptes aux habitants
du territoire et à la société civile pour alerter et pousser à un effort croissant de lutte
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contre l’orpaillage. L’offensive se fait ainsi en ouvrant la gouvernance, contre la
stratégie générale des services de l’État.
a) Guyane
b) Brésil
Figure 4 : Les stratégies des acteurs face à la diffusion de l’information, (a) en Guyane,
(b) au Brésil. Les cercles de couleur permettent d’associer à un acteur une ou plusieurs stratégies. Les
flèches indiquent ce vers quoi tendent ces stratégies.
Le WWF se positionne, lui, dans une stratégie offensive, en produisant des
données qu’il diffuse (bien qu’il sache qu’elles sont moins à jour et donc de moins
bonne qualité) il tente d’augmenter la transparence en compensant la qualité du
service par l’information, mais également en préparant au changement de la situation
actuelle vers une gouvernance plus large de la question, dans une situation
pratiquement conflictuelle avec les organismes publics qui eux sont dans une culture
du secret et de la faible diffusion de l’information, si ce n’est sa rétention. Une
stratégie plus frontale encore pourrait être la poursuite au tribunal administratif de la
préfecture au nom de la convention d’Aarhus, mais d’autres négociations et processus
en cours ne rendent pas forcément cette stratégie aujourd’hui souhaitable pour le
WWF qui se place plutôt dans une posture constructive de coopération possible. C’est
d’autant plus important, que dans le cadre de la Guyane française, les acteurs
travaillant sur les questions environnementales sont peu nombreux et sont donc
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amenés régulièrement à travailler conjointement sur des dossiers différents, ce qui
rend difficile les oppositions frontales. Ainsi, le Parc amazonien de Guyane et le WWF
constituent des acteurs majeurs pour pousser les services de l’État au changement
dans leur stratégie de diffusion et de partage de l’information.
Au Brésil, le schéma peut paraître à première vue classique, à savoir un État
qui produit des données pour se justifier face à la communauté internationale et face à
des ONG qui font de la transparence un mode offensif pour préserver la qualité des
données. Mais en fait, notre recherche montre que l’État est aujourd’hui dans une
stratégie d’ouverture très importante sur cette question, et qu’il s’appuie au contraire
sur une reconnaissance mutuelle de l’utilité respective et de la complémentarité des
données produites non seulement par lui mais aussi par les ONG qui s’en saisissent.
Contrairement à la Guyane, la stratégie ici conjointe est dans l’ouverture à la
participation, via une large mise à disposition des données qui améliore globalement
l’expertise.
L’action des ONG, beaucoup plus nombreuses qu’en Guyane et plus
puissantes en termes de compétences et d’expertise mobilisable, maintient une
pression sur le gouvernement brésilien. Elles se positionnent donc également dans une
stratégie offensive de transparence, axée sur une gouvernance accrue. Mais cette
pression n’est pas vécue comme contradictoire à une co-construction,
ONG/organismes gouvernementaux, du travail à mettre en œuvre pour lutter contre
la déforestation.
CONCLUSION
À ce stade de la recherche, une des questions reste encore importante à
traiter, à savoir les raisons d’une telle différence de positionnement entre la France et
le Brésil. Nos entretiens, nous donnent actuellement quelques pistes, essentiellement
politiques et historiques, qu’il s’agira d’étayer dans la suite des travaux.
Un représentant de l’INPE interprétait le mouvement de mise à disposition
des données au Brésil, comme étant très lié à l’arrivée du gouvernement de « Lula »
(2003) et tout spécifiquement celle de l’INPE comme une réponse à la sortie définitive
de tout risque de retour de la dictature. En effet, beaucoup de Brésiliens sont encore
très marqués par cet épisode de leur histoire, et, particulièrement dans les milieux
scientifiques, mettent des moyens en œuvre pour limiter au maximum la concentration
des données entre les seules mains des pouvoirs publics. Par ailleurs les ONG
d’environnement sont nombreuses, structurées, présentes depuis longtemps sur le
territoire. Elles ont structuré leurs alliances non seulement pour la mise à l’agenda des
questions d’environnement, mais aussi pour la mise en œuvre des politiques
d’environnement, d’abord entre elles, puis, en particulier depuis l’arrivée de Lula au
pouvoir, avec le gouvernement. C’est tout particulièrement vrai dans le cas amazonien,
ou ces alliances permettent aussi de compenser un manque d’expertise au sein des
services publics.
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Pour ce qui touche à la France, il est intéressant de constater qu’initialement
pilotée uniquement par l’ONF et soutenue par le ministère de l’environnement,
l’initiative de suivi des impacts de l’orpaillage était publique et avait même vocation à
attirer l’attention sur ce problème environnemental. Les acteurs d’environnement, peu
nombreux en termes d’ONG mais importants en termes d’expertise au sein des
services spécialisés de l’Etat, sont d’ailleurs souvent plutôt proactifs dans ces
dynamiques de diffusion des données. En Guyane, c’est d’ailleurs aujourd’hui sur les
thématiques dépendant des anciennes directions de l’environnement que la mise à
disposition de l’information est la plus avancée. En revanche, la création de
l’observatoire de l’activité minière implique des corps d’État dont la culture est plus
tournée vers le secret industriel et le secret militaire que vers l’ouverture à tous de
l’information. C’est illustré par les réactions de l’un des acteurs interrogés vis-à-vis des
données qu’il aurait pu transmettre à l’observatoire « Quand c’est chez moi, je maîtrise mon
réseau informatique et je maîtrise la confidentialité. Quand je transmets ailleurs, je ne maîtrise plus
rien d’accord ? Point. ». La logique défendue ici ne pointe pas du tout vers les avantages
possibles de la diffusion publique des données environnementales. La logique initiale a
ainsi été bouleversée par l’aspect opérationnel et la mise en concurrence d’autres
logiques, en particulier sécuritaires ou liées à la peur que la diffusion des données
n’aggrave le phénomène. Un interlocuteur de l’ONF disait ainsi qu’à chaque réunion
élargie des acteurs de l’observatoire la question de la diffusion des données était
reposée, sans que la situation ne se débloque, et ce depuis 2008.
Si le type d’images satellite utilisées et leur coût ne favorisent pas, en outre
l’élaboration d’une contre-expertise, il faut souligner que peu d’acteurs sont en
demande de justification vis-à-vis de la lutte contre l’orpaillage, ce qui n’incite pas
l’État à la publication des résultats, contrairement à la pression qui s’est exercé au
Brésil dans les années 1980 face à la déforestation amazonienne. Néanmoins, des
ouvertures progressives aux données se font, via l’action du WWF et du côté des
acteurs publics d’environnement tel que le Parc amazonien de Guyane. Ce genre de
dynamique se retrouve, pour les données environnementales de façon plus générale au
niveau des services déconcentrés en charge de l’environnement via l’établissement
d’une plateforme de téléchargement (qui ne concerne bien sûr pas les données sur
l’orpaillage). Le mouvement d’ouverture au public n’en est cependant qu’à ses
balbutiements par rapport à la dynamique brésilienne, et est très peu ancré dans la
culture des métiers de l’industrie ou de la défense, qui dans le cas de l’orpaillage, sont
en interaction directe avec les questions environnementales.
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