Bull. Soc. math. France,
126, 1998, p. 483–506.
CONNEXIT´
EAB
´
ELIENNE DES VARI´
ET´
ES
K¨
AHL´
ERIENNES COMPACTES
PAR Fr´
ed´
eric CAMPANA (*)
R´
ESUM´
E.—On´etablit des crit`eres g´eom´etriques pour que le groupe fondamental
d’une vari´et´ek¨ahl´erienne compacte Xsoit fini ou virtuellement ab´elien, nilpotent ou
esoluble. Les d´emonstrations reposent sur la compacit´edelavari´et´edeChowdeX,
et la SHM sur la compl´etion de Malˇcev du groupe fondamental. On donne des versions
relatives, qui fournissent de nouvelles fibrations bim´eromorphes de X.
ABSTRACT.—ABELIAN CONNECTEDNESS OF COMPACT K¨
AHLER MANIFOLDS.—
We show geometric criteria for the fundamental group of a compact K¨ahler manifold X
to be either finite or virtually abelian, nilpotent or solvable. The proofs rest on
compactness properties of the Chow Scheme and MHS on the Malˇcev completion of
the fundamental group. Relative versions are given, which lead to new bimeromorphic
fibrations for X.
0. INTRODUCTION
Soient Xune vari´et´ek¨aherienne compacte et connexe, et gune classe
de groupes (par exemple : ab´eliens, nilpotents, ou esolubles). On dira
que Xest g-connexe si deux points g´en´eriques de Xsont contenus
dans un sous-ensemble analytique compact et connexe ZXtel que
l’image π1(
Zi)Xdans π1(X)deπ1(
Zi) appartienne `ag,o`u
Ziest la
normalisation de Zi, une composante irr´eductible arbitraire de Z.
Il est naturel de se demander sous quelles hypoth`eses sur gil est encore
vrai que π1(X) est dans g.Observons que, si l’on supprime l’hypoth`ese
que Xest K¨ahler, il existe des contre-exemples `a une telle assertion :
(*) Texte re¸cu le 18 avril 1997, evis´e le 7 novembre 1997 et le 4 mars 1998, accept´ele
13 mai 1998.
F. CAMPANA,Universit´e Nancy 1, D´epartement de Math´ematiques, B.P. 239, 54506
Vandœuvre-l`es-Nancy CEDEX. Email : [email protected]nancy.fr.
Classification AMS : 14C 05, 14C 30, 14C 10, 14 E 20, 32C 18, 32 C25, 32 S 35, 32J 27.
Mots ces : groupe fondamental, vari´et´ek¨ahl´erienne compacte, vari´et´e projective
complexe, structures de Hodge mixtes, groupes ab´eliens, groupes nilpotents, groupes
esolubles.
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pour toute classe g,mˆeme r´eduite au groupe trivial, il existe Xcomplexe
compacte et g-connexe avec π1(X), de pr´esentation finie arbitraire (voir
la remarque 3.3.2).
Lorsque gest la classe des groupes finis, il a ´et´etabli dans [C5] que
cette propri´et´eestvraie.Cer´esultat permet d’´etablir, par exemple, la
simple-connexit´edesvari´et´es rationnellement connexes.
On l’´etablit ici en g´en´eral (pour Xnormal et une hypoth`ese plus faible
que la k¨ahl´erianit´e) lorsque gest stable (d´efinition 3.0). Cette propri´et´e
est satisfaite si gest la classe des groupes moyennables, ou virtuellement
esolubles, ou virtuellement polycycliques. Les arguments sont bas´es sur
des versions relatives de [C4] et des r´esultats de [C1] et [C3].
La classe
Abdes groupes virtuellement ab´eliens n’est pas stable
(car non pr´eserv´ee par extensions). Le r´esultat mentionn´e ci-dessus four-
nit donc seulement : π1(X) est virtuellement polycyclique si Xest
Ab-
connexe. On montre au §4quenfaitπ1(X) est virtuellement ab´elien dans
ce cas. La d´emonstration utilise de mani`ere essentielle divers r´esultats de
th´eorie de Hodge (existence d’une structure de Hodge mixte fonctorielle
sur la compl´etion nilpotente de π1(X) (voir [H]) et nilpotence virtuelle
des groupes de ahler polycycliques (voir [A-N])).
Ce r´esultat r´esout (affirmativement) une conjecture ´enonc´ee dans [O-Z],
et qui a en fait motiv´elepr´esent travail : π1(X) est-il virtuellement ab´elien
si Xest  toriquement connexe  (i.e.lesZici-dessus sont des images de
tores complexes).
Enfin, une notion proche de la stabilit´ea´et´e introduite aussi dans [K1],
et un r´esultat similaire `a 3.3 obtenu (pour Xprojective) sous l’hypoth`ese
que π1(
Zi)g(au lieu de π1(
Zi)Xg, ici). Dans les applications, la
diff´erence entre ces deux hypoth`eses est souvent essentielle (voir la remar-
que 3.3.0).
Pour conclure, observons que les esultats pr´ec´edents admettent, plus
en´eralement, des versions relatives et s’appliquent aussi `a la classe des
groupes virtuellement nilpotents (3.3, 6.2 et 6.3), et que Xpeut ˆetre
suppos´ee seulement normale (6.4).
Expliquons bri`evement le principe de la d´emonstration : les m´ethodes
habituelles (§1) d’utilisation de Chow(X)etlaconsid´eration de la Γ-
eduction (voir [C3], ou [K1] pour le cas projectif) au d´ebut du §3r´e-
duisent `etablir le fait suivant : si f:XYest un morphisme surjectif
et connexe, avec Xcompacte et ahler et ZXanalytique irr´educ-
tible compact (passant par un point g´en´erique de X), alors π1(
V)Xg
si π1(
Z)Xget si π1(F)Xg,o`uFest une fibre g´en´erique de fet
V:= f1f(Z).Sigest stable par extensions, c’est un r´esultat ´el´e-
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mentaire utilisant la suite exacte d’homotopie (3.4). Lorsque g=
Ab,on
montre d’abord `a l’aide du cas o`ugest la classe des groupes virtuelle-
ment polycycliques, puis `a l’aide de [A-N], que π1(X) est virtuellement
nilpotent. On conclut alors (5.2.1) en montrant que π1(F)Xadmet un
sous-groupe d’indice fini contenu dans le centre de π1(X). Ce dernier r´e-
sultat, d’int´erˆet ind´ependant, repose sur la construction (voir [H]) d’une
structure de Hodge mixte fonctorielle sur les groupes de Malˇcev de π1(X)
et π1(F).
Notons enfin que la emonstration des r´esultats principaux (3.3.1, 4.1,
6.1, 6.2 et 6.3) n’utilise des §§ 1.1 et 1.2 que (1.2.6).
Les r´esultats du pr´esent travail ont ´et´e annonc´es dans [C6].
Je voudrais remercier les referees dont les remarques ont permis
d’am´eliorer consid´erablement la lisibilit´edupr´esent travail.
Note rajout´ee sur ´epreuves : on trouvera dans [C7] une extension au cas
des groupes nilpotents de classe m2, de 4.1, ainsi qu’une discussion plus
etaill´ee des cas relatif et normal. Voir 5.2.3 et 6.5 pour plus de d´etails.
Dans [C8], on compare les cas nilpotent et r´esoluble de rang fini.
1. S-CONNEXIT´
E
On g´en´eralise ici un r´esultat obtenu dans [C2] concernant les quotients
parlarelationd´equivalence engendr´ee par une famille analytique de
cycles compacts.
1.0. D´efinitions, conventions.
1.0.0. — La lettre Xesignera un espace analytique compact normal
et irr´eductible ; Chow(X)d´esignera sa vari´et´e de Chow (encore appel´ee
son espace des cycles).
On supposera que les composantes irr´eductibles de Chow(X)sont
compactes dans toute la suite; cette condition est satisfaite si Xest dans
la classe Cde Fujiki (i.e. s’il existe f:
XXholomorphe surjective
avec
Xlisse et k¨ahl´erienne compacte).
Si Sest un sous-ensemble analytique ferm´edeChow(X), on notera :
(Zs)sSla famille universelle de cycles de Xparam´etr´ee par S
(appel´ee famille S);
GS:= (s, x)|xZsX×Sson graphe d’incidence, muni des
projections naturelles pS:GSS(qui est propre) et qS:GSX(qui
est propre pr´ecis´ement si Sest compact) ;
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qS(GS):=
sS
Zs=XSle support de S; c’est une eunion d´enom-
brable de sous-ensembles analytiques compacts de X.
1.0.1.Une quasi-fibration f:XYest une application m´eromorphe
surjective telle qu’existent des ouverts de Zariski denses YYet
XXtels que fX:XYest holomorphe propre `a fibres
connexes. On supposera Ynormal.
L’application m´eromorphe  fibre  ϕ:YChow(X) qui associe `ay
en´erique dans Yla fibre r´eduite de fau-dessus de ya alors pour image
une composante irr´eductible ˜
fde Chow(X), et ϕ:Y˜
fest bim´ero-
morphe (voir [C1]). (Un exemple typique d’application m´eromorphe qui
n’est pas une quasi-fibration est la projection lin´eaire λ:PnPmpour
0<m<n.)
On identifiera deux quasi-fibrations ayant la mˆeme famille de fibres
(vue dans Chow(X)).
1.0.2. — Si Yest un espace analytique irr´eductible, on dira que yY
est un point g´en´eral de Ys’il appartient `a une intersection d´enombrable
d’ouverts de Zariski denses (d´ependant du contexte) de Y.
Si f:X→ Yest une quasi-fibration, sa fibre g´en´erale est celle au-
dessus d’un point g´en´eral yde Y, appartenant `aY(notation de 1.0.1).
1.0.3. — Soient Sun sous-ensemble analytique compact irr´eductible de
Chow(X)et(Zs)sSla famille S.OnditqueSest admissible si Zsest
irr´eductible r´eduit pour sen´erique dans S.OnditqueSest couvrante
si Sest admissible et si son support XSest ´egal `aX(ceci signifie que X
est recouvert par les Zs). Soient f:XYune quasi-fibration et Sune
famille admissible. On dira que Sest f-couvrante si f(XS)=Y(i.e.sile
support de Srencontre chaque fibre de f).
1.0.4. — Soit Sun sous-ensemble analytique ferm´edeChow(X).
Par l’hypoth`ese 1.0.0, Sest r´eunion (d´enombrable) de ses composantes
irr´eductibles (Si)iI, qui sont compactes. On dira que Sest admissible si
chacune des Siest admissible.
Si aest un ´el´ement de X,onnoteraS(a)laS-enveloppe de a(ou encore
la S-composante connexe de a), d´efinie par
S(a):=bX|∃N1,σ=(s1,...,s
N)SN
tels que Zσ:= Zs1+···+ZsN
est connexe et contient aet b.
(Un σ=(s1,...,s
N)telqueZσest connexe est appel´e une S-chaˆıne.
On dit que aet bpeuvent ˆetre joints par une S-chaˆıne s’ils sont contenus
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dans une S-chaˆıne. L’ensemble S(a) est donc l’ensemble des bqui peuvent
ˆetre joints `aapar une S-chaˆıne.)
Il est facile de voir (cf.[C2])quelesS(a)forment(siXS=X) une
partition de Xen classes d’´equivalence pour la relation d’´equivalence
 aet bpeuvent ˆetre joints par une S-chaˆıne  .
On dira que Xest S-connexe si on a S(a)=Xpour un (donc pour
tout) aX.
1.0.5. — Soient fi:XYi(i=1,2) des quasi-fibrations et une famille
couvrante SChow(X). On notera
Sf1si f1(Zs)estunpointysde Y1
(i.e.siZsest contenue dans une fibre de f)poursen´erique dans S.On
notera
f2f1
si la fibre g´en´erique de f2est contenue dans une fibre de f1(i.e. s’il existe
g:Y2Y1telle que f1=gf2).
1.1. S-quotients.
Les r´esultats des §§ 1.1 et 1.2 (`a l’exception de 1.2.0, 1.2.1 et 1.2.2) ne
sont pas directement n´ecessaires pour ´etablir les r´esultats principaux de
ce travail ; ils sont utilis´es pour ´etablir 1.2.6.
Rappelons le :
TH´
EOR`
EME 1.1.1 (voir [C2]). — Soient Xcomme en 1.0.0, et S
Chow(X)une famille couvrante. Il existe une (unique)quasi-fibration
fS:XX(S)telle que pour uen´eral dans X(S), la fibre Xu:= f1
S(u)
au-dessus de uco¨ıncide avec la S-enveloppe S(a)pour tout adans Xu.
L’objectif de 1.1 est simplement d’´etendre l’´enonc´e 1.1.1 au cas o`uS
est admissible.
D´
EFINITION 1.1.2. — Soient Xcomme en 1.0.0etSChow(X), avec S
analytique ferm´e admissible. On dit que la quasi-fibration fS:XX(S)
est le S-quotient de Xsi elle poss`ede la propri´et´enonc´ee dans le th´eo-
r`eme 1.1.1 ci-dessus (propri´et´equid´etermine fS).
D´
EFINITION 1.1.3. — Soit Xcomme en 1.0.0 ; soient f:XYune
quasi-fibration et SChow(X) une famille admissible avec Sirr´eductible
et f-couvrante. On note Sfla famille admissible couvrante dont le membre
en´erique est Zf
s:= f1f(Zs)pour sen´erique dans S.OndiraqueSf
est la famille couvrante engendr´ee par fet S.
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